Cowboy Bebop Original Soundtrack - Yōko Kanno & The Seatbelts

Par Pouiny
Notes de l’auteur : Opening - Tank!
https://youtu.be/NRI_8PUXx2A

Ending - The Real Folk Blues
https://youtu.be/eyI635o2pmk

Original soundtrack - Spokey Dokey (harmonica par Ryuichiro Senoo)
https://youtu.be/MduJjbcLSqE

J’avais 18 ans. Je m’envolais pour la Belgique, retrouver ce garçon avec lequel j’étais en relation à distance depuis deux ans. Ce n’était plus mon premier envol, depuis le temps : je connaissais bien les embarquements, le passage des valises dans le portique, l’avion pas cher que je prenais chaque fois. Par sécurité, j’attendais patiemment sans bouger jusqu’au décollage. Je regardais par le hublot le sol s’éloigner et les champs se dessiner vu d’en haut. Alors, après un instant d’observation, je prenais l’ordinateur portable rangé dans mon sac et je l’ouvrais, cherchant dans son disque dur de quoi m’occuper. Et cette fois-ci, la question ne se posa pas longtemps. Un ami qui savait que j’allais partir avait mis en cachette dans mes fichiers l’intégralité de la série Cowboy Bebop. N’ayant rien de mieux à faire, j’avais donc lancé le premier épisode sans rien en connaître. Cette décision forma en moi un des souvenirs les plus étranges de ma vie.

 

Le générique d’ouverture fut une immense claque. Je ne me serai jamais attendu à un tel style venant d’une création japonaise. Entre le jazz aux impacts simulant des coups de feu et au genre noir haché par la couleur, jouant avec l’ombre, j’avais la sensation d’être face à une série purement américaine. Je n’avais jamais rien vu de pareil auparavant. La musique me donnait l’impression d’être un agent secret dans un avion, ouvrant son ordinateur pour mettre à jour ses missions. Du côté du hublot, l’avion perçait les nuages. L’œuvre se mélangeait à la réalité.

 

Après un générique aussi intense, je m’attendais à un récit bourré d’action. Il n’en était rien. Très vite se diffusait sur mon écran des paysages très proche de la terre, dans un calme complet alors que de l’harmonica résonnait dans mes oreilles. Tout était très paisible. Même les scènes d’action, soutenue par le free jazz, respiraient la détente. L’histoire était à l’image de son héros : tranquille, espiègle, décomplexée, habile. Cowboy Bebop est une œuvre magistrale. Mais elle ne serait rien sans sa bande originale, qui m’a marqué au-delà du possible.

 

Parfois, je me contentais d’écouter en regardant l’avion voler par le hublot. La musique jazz spatiale me donnait l’impression de me trouver, moi aussi, dans le Bebop. Je m’installais dans le siège et durant les instants où les personnages ne disaient rien, j’augmentais le son pour m’imprégner davantage de son atmosphère. Le mélange entre le style musical et les images futuristes était incroyablement bien réalisé. Cela créait un monde unique en son genre, un monde que je n’avais plus envie de quitter, pour rien au monde. Mes conditions de visionnages et l’ambiance m’avaient happé avec tant de puissance que désormais, je regardais l’heure en espérant que jamais l’avion ne s’arrête. La nuit tombait, les lumières jaunes et sales de l’avion s’allumaient ; l’univers devint encore plus instable. Aux sons de l’harmonica, l’avion s’était envolé dans l’espace. Cowboy Bebop était devenu tangible autour de moi. La musique l’avait transformé en vaisseau, et moi en chasseur de prime.

 

Peut-être que s’il avait volé un peu plus longtemps, j’aurais pu me poser sur Mars. Mais malheureusement, l’avion atterrit au milieu d’un épisode que je dus arrêter avec déception. Les applaudissements lorsque l’appareil s’immobilisa au sol me laissèrent un sentiment froid : la musique m’avait quitté. Tout me semblait alors monstrueusement silencieux. Pourquoi n’y avait-il pas de joueur de saxophone, dans cet avion ?

 

Pour une raison que j’ignore encore, je n’ai pas parlé de ce qui s’est passé pour moi dans ce trajet à ce garçon quand je le retrouvai. Peut-être voulais-je garder ceci pour moi, incapable de transmettre l’intensité de ce que j’avais vécu. Mais il me fallut donc une semaine de pause avant de continuer et finir la série, de nouveau dans les airs. Cette fois-ci, je l’avais lancée dès le départ de l’avion, dans une impatience fébrile. Elle prenait ainsi une tout autre dimension une fois assis à côté d’un hublot. À nouveau le soir tombait, et la nuit s’installait dans Cowboy Bebop. Le silence de fin me figea d’effroi, alors que loin de moi les hôtesses prévenaient de l’atterrissage imminent. Plus jamais je n’entendrai cet harmonica.

 

C’était mon dernier trajet en avion pour un long moment. Ce garçon m’avait quitté, je n’avais plus personne pour qui voyager. Je suis resté sur le plancher des vaches, silencieusement. Mais quand j’avais besoin de m’envoler, il me suffisait de lancer un épisode, au hasard, de Cowboy Bebop. Parfois, je ne regardais même pas l’écran. Je laissais tourner les musiques, du générique d’ouverture à celui de fin dont je fredonnais le chant. Une ambiance riche pour des émotions complexes. Au son de la musique, et à la vision des paysages défilant lentement sur mon écran, je trouvai à chaque fois un éclat différent, une raison supplémentaire d’aimer profondément la série. S’était ajouté à mes visionnages un espoir que je n’avais pas auparavant. L’espoir qu’un jour, peut-être, je revolerai à nouveau.

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