L’avait-on guidée chez le capo ? Un vaste salon se dévoila aux yeux de Flavia, meublé spartiatement, mais avec goût, de meubles bas dans toutes les nuances d’acajou et d’ébène. C’était un intérieur terriblement masculin, pensa Flavia, aucune femme n’y avait apposé sa marque.
Un grand comptoir au plateau de marbre barrait le fond de la pièce, le capo était en train d’y déposer sa veste.
« Veux-tu boire quelque chose ? » lui demanda-t-il en se servant lui-même un fond de whisky.
Flavia lui fit un signe affirmatif de la tête. La gorge serrée, elle redoutait de ne rien pouvoir avaler, mais elle avait cruellement besoin du courage qu’un peu d’alcool pourrait lui procurer.
Malaspina remplit un second verre et vint s’asseoir à l’autre bout du canapé, en déposant au passage le verre devant la jeune fille.
Flavia s’en saisit, le but d’un coup, et faillit s’étrangler dans une quinte de toux, car elle ne s’attendait pas à ce que le breuvage soit si fort.
Le rire de l’homme s’éleva.
— Doucement, doucement, il faut faire honneur à ce whisky, c’est une grande cuvée…
Puis, reprenant un apparence sérieuse, il interrogea Flavia.
— Pourquoi crois-tu que tu es là ?
— … Parce que vous voulez me tuer, aventura-t-elle, affranchie par l’ivresse qui montait.
L’homme fut repris du même ricanement railleur.
— Je ne t’aurais pas amenée chez moi pour te tuer, tu serais actuellement au fond d’un ravin si j’avais voulu te faire assassiner.
Le cœur de Flavia fut agité de palpitations à cette mention, et elle pâlit.
— Une serveuse comme toi sait à quoi s’attendre si elle se rend chez un client, n’est-ce pas ?
Malgré son trouble, Flavia saisit l’allusion, et leva les yeux d’étonnement sur son interlocuteur, sur le visage duquel flottait un léger sourire.
— Je n’accompagne jamais les clients chez eux, ni personne d’ailleurs, rétorqua-telle d’une voix étouffée.
— Tu veux me faire croire ça alors que tu m’as aguiché toute la soirée ? répliqua-t-il d’un ton moqueur.
— A aucun moment, je n’ai voulu…commença-t-elle
— Si tu n’as pas essayé d’attirer mon attention, dois-je considérer que tu m’as insulté ?
— Non, je vous assure, ce n’était pas ça non plus, seulement, j’étais très troublée…
— Et qu’est-ce qui t’as tant troublé ? rétorqua-t-il, l’air amusé.
— Vous… enfin… vous tous…Je n’avais jamais vu de… balbutia-t-elle
— Tu sais donc qui nous sommes, et ce que cela peut t’en coûter de nous manquer de respect ?
— Je n’aurais jamais osé, qui que vous soyez, vous êtes des clients…J’ai vraiment cru que vous étiez…
— Une femme, donc ? Est-ce que j’ai l’air d’une femme ? Regarde-moi bien, ordonna-t-il en s’approchant d’elle, presque jusqu’à ce que leurs genoux se touchent. Va-t-il donc falloir que je te prouve que je ne suis pas une femme ? ajouta-il, plantant son regard dans le sien.
Elle allait protester mais ce n’était une question rhétorique, et il la renversa sur le divan.
— Mais d’abord, je vais m’assurer que tu es bien une femme toi-même reprit-il en sortant un couteau automatique dont il actionna la lame d’un geste familier. Ne t’inquiète pas, je ne te ferai pas mal, bien au contraire…, la rassura-t-il, voyant l’affolement gagner Flavia.
Mais, tout en disant cela, il fit glisser la lame dans le cou de la jeune femme, jusqu’à la naissance du décolleté et fit lentement sauter tous les boutons de la chemise, libérant graduellement la poitrine toujours recouverte d’un chaste soutien-gorge de coton blanc.
Flavia frissonnait sous la froidure de la lame, toujours incertaine que le malfrat ne l’utiliserait pas d’une autre façon, plus cruelle.
Mais une autre émotion se faisait jour dans son corps et la submergeait peu à peu.
Elle était fascinée par l’homme qui la dominait, aussi fascinant et vénéneux que le comte de Beuzeval de son roman favori. Elle découvrait du même coup la réalité du désir, car elle subissait son charme puissant, et peut-être la désirait-il lui aussi, lui qui avait dû posséder une multitude de femmes…Pendant que Malaspina promenait le plat de la lame sur son corps, elle détaillait sa beauté, ses yeux de saphir brûlants qui semblaient scintiller dans la pénombre, sa peau mate, sa bouche sensuelle déformée par un sourire narquois et ses cheveux lustrés d’un noir de jais, les muscles de son torse imberbe bandés sous la chemise grande ouverte…
Le rictus s’accentua encore en découvrant les sous-vêtements presque enfantins de Flavia.
— Tout se contredit chez toi, tes hésitations, ton audace, ton regard provocant et ces dessous…qui datent au moins de ton adolescence…persifla-t-il en cernant la joue de Flavia de sa main, une main douce mais ferme…
— Quel est ton nom d’ailleurs ?
— Je m’appelle Flavia , déclara-t-elle, soutenant le regard scrutateur.
— Flavia… et ton nom de famille ? insista-t-il.
La chaleur qui se répandait dans tout son être enhardit Flavia à lui répondre effrontément, pour protéger son identité.
— A quoi vous servirait-il de savoir mon nom, pour ce que vous voulez de moi ?
— Tu as raison, Flavia, ça ne me sera d’aucune utilité, rétorqua-t-il en relevant sa jupe d’un coup sec et en écartant une cuisse du genou pour se positionner devant elle.
Ce faisant, il descendit le bras dans le dos de la jeune fille, et la relevant, détacha d’un geste habile les fermetures du soutien-gorge, qu’il fit glisser en même temps que sa chemise, dénudant tout le haut du corps.
Prise d’un frisson de pudeur comme si un courant froid l’avait effleurée, Flavia ramena ses mains sur sa poitrine, mouvement que Malaspina arrêta sèchement.
— Encore des signaux contradictoires, veux-tu que je te prenne ou non? grogna-t-il, irrité.
Flavia s’excusa d’une voix faible.
— Je n’aime pas mon corps …
Elle s’allongea, les bras le long du corps, rejetant sa tête en arrière, espérant et redoutant la suite tout à la fois.
Elle se mordit les lèvres en imaginant l’homme détailler ce corps dont elle avait honte, si longiligne, sans formes voluptueuses, à la poitrine si menue, mais elle sentit bientôt un souffle chaud dans son cou, où des lèvres douces se posèrent, tandis qu’une main se saisissait de sa nuque. Ces lèvres se dirigèrent vers sa poitrine, où une langue effleura un mamelon qui se dressa instantanément, puis l’autre, suscitant la même réaction.
« Tu es très belle, pourtant… et très sensible …» assura l’homme entre deux baisers.
Flavia percevait à peine sa voix, la tête embrumée par le désir, toute aux sensations nouvelles qui la possédaient entièrement.
« Je brûle de savoir si tu es aussi sensible… en bas » susurra-t-il en se relevant légèrement.
Une main brutale se saisit alors de la culotte et du collant qui la recouvrait et les arracha sans ménagement, éveillant violemment Flavia de son rêve voluptueux.
« Mais tu es toute humide, là, tu es déjà prête, n’est-ce pas ? » constata l’homme avec beaucoup de satisfaction, en passant le pouce entre les jambes ouvertes de la jeune fille.
En effet, Flavia sentit un liquide, qui s’écoulait d’elle, enrober les doigts qui s’affairaient entre ses cuisses, déclenchant une brûlure insoutenable dans son bas ventre.
Elle agrippa le coussin du canapé pour ne pas s’évanouir devant cette vague de bien-être.
C’est alors qu’un doigt s’introduisit dans son intimité, provoquant une douleur qui traversa tout son corps, tandis qu’un gémissement de souffrance lui échappait.
Le doigt fut retiré dans la seconde, et Malaspina prononça péniblement, dans un mouvement de stupéfaction : « Mais… tu es vierge ? ».
Pensant amèrement que la virginité avait de tout temps été prisée comme une merveilleuse vertu, mais qu’en ce moment, elle n’était qu’un aveu ignominieux de son délaissement, elle acquiesça d’un léger signe.
Malaspina se redressa en soupirant : « Il vaut mieux tout arrêter maintenant, tu devrais réserver cela pour un homme qui t’aime et qui te respecte… ».
Cachant son visage dans sa main, Flavia murmura, les joues empourprées : « Il n’y en a jamais eu, je ne veux pas que ma première fois soit avec un homme de mon âge qui prendra ma virginité avec maladresse et indifférence. Je préfère que ce soit avec vous, qui avez dû connaître de nombreuses femmes, vous saurez comment faire, avec délicatesse…Je n’ai jamais eu de sentiment pour un homme de chair et de sang, et je crois que cela n’arrivera jamais… Je voudrais que vous soyez ma première fois… ».
En effet, il était ce qui se rapprochait le plus du héros de ses rêves, même si ce héros était un vilain en l’occurrence, fort, viril, et si captivant.
Il la considéra un moment en silence, puis la souleva, et passa avec elle dans la pièce située de l’autre côté du long couloir qui desservait le salon.
Il poussa une porte d’un coup d’épaule et entra dans une chambre spacieuse, essentiellement meublée d’un grand lit à l’édredon de satin couleur rouille et aux draps et coussins d’un blanc éclatant.
Deux chevets et une commode ornés de lampes de designers complétaient cette décoration minimaliste.
Malaspina déposa une Flavia mourante sur le lit, se déshabilla sans un mot, puis s’étendit sur le flanc le long de la jeune fille.
D’une main roide, il contraignit Flavia à le regarder, et elle put admirer le beau visage, sévère, qui la dévisageait gravement : « Soit, je vais prendre ta virginité, je n’aime pas trop ça, mais comme tu me supplies… Cependant, je te préviens, n’attends rien de moi en retour, je ne fais pas l’amour, je ne donne pas d’amour, ce que je recherche, c’est uniquement la satisfaction physique. Aujourd’hui, je vais essayer d’être doux car c’est ta première fois, mais sache que je n’apprécie que les relations brutales, car je suis moi-même brutal, et j’aime la violence, même dans le sexe ».
Sur ces paroles, il retira à Flavia sa jupe et ce qu’il restait de ses collants et de sa culotte, et reprit sa position près d’elle.
Flavia referma les yeux pour oublier le mépris qu’il venait de manifester à son égard, et elle sentit de nouveau le ballet des mains et des lèvres sur sa poitrine.
Les mains pétrissaient sa peau nue et la langue les suivait en décrivant des cercles humides sur les mamelons. Elle frémit en sentant les dents presser doucement ces parties si sensibles.
Les mains se désolidarisèrent des lèvres et entamèrent le chemin du sud pour revenir se lover entre les cuisses de Flavia, qu’elle entrouvrit d’instinct.
La pulpe des doigts vint effleurer l’ouverture de Flavia, comme pour constater son excitation, qui atteignait des sommets en ce moment.
« Je vais te pénétrer maintenant » prévint l’homme « Tu vas avoir mal un instant, puis cette douleur s’atténuera et j’espère que je pourrai te donner du plaisir », ajouta-t-il.
Sur ces mots, il vint se placer au-dessus de Flavia : « Écarte bien les jambes » lui intima-t-il en empoignant une cuisse.
D’une main, il saisit son membre dressé, turgescent, que Flavia n’ aperçut qu’à ce moment.
Elle écarquilla les yeux d’incompréhension, car il était si énorme qu’elle ne pourrait sûrement pas le prendre en elle entièrement.
Il le positionna à l’entrée humide de l’orifice de la jeune fille.
« Chut… » la rassura-t-il en caressant sa hanche. Mais ce geste n’avait pour but que de détourner son attention du coup de rein vigoureux qu’il asséna et qui déchira subitement l’hymen, arrachant un sanglot douloureux à Flavia.
Malaspina posa ses lèvres à la base du cou de la jeune fille, en une imperceptible caresse, et ce faisant, il pressa progressivement jusqu’à peser de tout son poids entre ses cuisses pour insérer petit à petit toute sa verge en Flavia.
« Tu es si étroite que je pourrais jouir tout de suite si je ne me retenais pas… » chuchota-t-il à son oreille, respirant lourdement.
Flavia ne répondit pas, suffoquée par l’ampleur du membre qui l’écartelait.
« Je vais bouger maintenant » annonça-t-il, et un va-et-vient d’abord lent, puis plus intense, commença entre les reins de la jeune fille, qui se cambra inconsciemment pour favoriser la pénétration, car elle aspirait à sentir toujours davantage cette présence en elle.
On lui avait dit que la première fois était souvent déplaisante, en conséquence, elle ne s’attendait pas à ressentir une telle ivresse, elle était toute entière assujettie au toucher de la peau satinée qui l’enveloppait, plus rien n’existait en dehors de cela.
Les deux amants haletaient de concert, transportés par la puissance des sensations.
« Dis-moi lorsque tu jouiras » ordonna Malaspina, à bout de souffle.
La réponse ne se fit pas attendre : « Oui, je… je jouis » geignit Flavia, la tête et les reins en feu.
« … Très bien… » répliqua l’homme en pressant fortement son membre en la jeune fille.
Il s’appesantit sur Flavia en prenant soin de ne pas l’écraser sous lui et demeura un long moment ainsi, les bras passés autour du cou de la jeune fille.
Celle-ci s’était presque évanouie sous cette dernière émotion, bien que sa conscience tentât de reprendre le dessus.
Cependant, Malaspina finit par se dégager, tout doucement, et s’assit près de Flavia, pantelante.
Il l’observa silencieusement : « J’aime te voir ainsi, avec ma semence et ce sang qui coulent de ton entrejambe, j’avoue que c’est une vision très excitante… » puis lui prenant la main, reprit posément : « Viens, je vais te laver… Allons à la salle de bain »
Mais comme Flavia ne bougeait pas, il la prit dans ses bras et la porta jusque dans une grande douche à l’italienne carrelée de marbre, contre lequel il adossa la jeune fille, toujours à la limite de l’inconscience.
Il actionna le levier et l’eau s’écoula du plafond de la douche, d’abord fraîche, ce qui réveilla l’esprit embué de Flavia.
Au moment où elle ouvrit les yeux, elle aperçut Malaspina près d’elle qui surveillait le rétablissement de ses sens.
Il l’attira contre lui, se versa du savon dans le creux de la main et entreprit de la savonner entièrement sans omettre la moindre parcelle de peau, se frictionnant aussi dans la foulée.
Quand ils furent rincés par l’eau qui s’abattait sur eux en pluie, Malaspina glissa à nouveau ses doigts à l’entrée de l’orifice de Flavia et lui coula à l’oreille: « Je me demande si tu peux en supporter davantage.. De mon côté, je ne suis pas encore complètement rassasié ».
Puis il ajouta, d’un ton despotique : « Je n’ai pas envie de te ménager cette fois, j’ai accédé à ta demande, maintenant, je veux ma contrepartie ».
Il la plaqua contre le marbre froid, dos à lui, agrippa ses hanches et la pénétra sans autre forme de préparation.
Flavia fut parcourue d’un frisson désagréable, car le membre imposant forçait l’entrée, reculant quand il ne pouvait aller plus loin, pour revenir en force la seconde suivante.
Malaspina imposa une étreinte au rythme soutenu pendant un temps qui parut une éternité à la jeune fille, d’autant qu’il lui semblait que l’homme devenait de plus en plus violent envers elle.
Il lui avait saisi les cheveux et l’entraînait parfois contre son torse en ralentissant la cadence, en broyant furieusement ses seins pour la repousser aussitôt contre la paroi glacée en lui serrant la gorge.
L’esprit de Flavia avait abdiqué, perdu dans l’alternance du plaisir et de la souffrance.
Son corps entier était endolori, et quand il la lâcha enfin, elle s’effondra au sol, expirante.
Malaspina s’accroupit auprès d’elle et la contraignant à le regarder droit dans les yeux, déclara : « Maintenant tu sais quel genre d’homme je suis, tu connais mes goûts, la prochaine fois, choisis mieux tes partenaires ».
Son doigt parcourut le cou et les poignets de la jeune fille, meurtris par la poigne brutale, puis il l’enveloppa dans un drap de bain, dont le toucher doux et moelleux la réconforta.
Cependant comme elle ne tenait plus debout, il dut de nouveau la transporter jusqu’au lit.
Avant d’y être déposée, elle aperçut une auréole sanglante sur les draps blancs. Cette vision repoussante la ranima.
— Je veux rentrer, laissez-moi partir, je vous en prie…implora-t-elle en détournant les yeux.
— Tu devrais plutôt rester ici cette nuit pour récupérer un peu, ce serait d’ailleurs une faveur spéciale que je t’accorderai car je ne tolère personne à mes côtés la nuit, répliqua-t-il.
Mais elle secoua la tête en signe de refus.
— Dans ce cas, Leandro va te ramener chez toi.
Sa proposition essuya un nouveau refus.
— Je peux rentrer chez moi, seule, je n’ai pas besoin de vos sbires, rétorqua-telle avec toute la force qui lui restait.
— Je vais mettre ta stupidité sur le compte de la fatigue, femme. Tu ignores où tu te trouves actuellement, donc te laisser partir nous mettrait tous les deux en danger car cet endroit est secret mais je peux t’assurer qu’une femme seule en tenue courte comme celle que tu portes risquerait peut-être pire que la mort, rétorqua-t-il sèchement
— Vous voulez dire que quelqu’un pourrait me violenter, est-ce le pire que je risque ? Répartit-elle d’un ton désabusé.
Malaspina coupa court à la conversation.
— Ça suffit. Leandro va te ramener. Puis-je te rappeler que tu t’es jetée toute seule dans la gueule du loup ?
Sans ajouter un mot, les larmes aux yeux, Flavia partit à la recherche de ses vêtements, et se rappela amèrement que sa chemise était devenue inutilisable, elle la glissa néanmoins dans son sac, ainsi que les lambeaux de sa culotte et de son collant.
Il ne lui restait plus que son soutien-gorge et sa jupe qu’elle enfila promptement.
Que faire dans ce dénuement ? Elle ne pouvait tout de même pas rentrer dans cette tenue ? C’est alors qu’elle vit Malaspina, une serviette autour des hanches, s’approcher avec une chemise pliée sur le bras et un bout de tissu de soie.
Il recouvrit les épaules nues de Flavia de la chemise et la boutonna jusqu’au col.
Ce vêtement devait être fait d’un tissu de prix car il était très agréable au toucher, il était cependant trop grand pour Flavia, mais cela ferait l’affaire pour ce soir, pensa-t-elle.
Il noua enfin le carré de tissu en foulard autour du cou de Flavia, certainement pour dissimuler les zébrures rouges qui le marquaient.
Pourquoi faire cela ? Voulait-il dissimuler ces traces à Leandro ou lui signifiait-il qu’il fallait les cacher aux yeux de tout le temps qu’elles dureraient ? se demanda la jeune fille.
« Je veux te voir prendre ceci maintenant, car j’ai joui deux fois en toi, et je ne veux pas courir le risque de complications inutiles » lui enjoignit-il en désignant sur le comptoir un cachet accompagné d’un verre d’eau.
C’était une mesure de bon sens, mais Flavia la ressentit comme une nouvelle humiliation.
Ce n’était malheureusement pas la dernière.
— Fais-moi savoir si tu as besoin d’argent, je peux t’en envoyer en dédommagement pour…, ajouta-t-il.
Elle l’empêcha d’achever sa phrase, révoltée par la proposition.
— Je viens peut-être d’un milieu modeste, et je ne suis certes qu’une serveuse, mais je ne suis pas une putain. Adieu.
Sur ce, elle tourna les talons et se dirigea vers la porte mais Malaspina lui barra la route promptement.
— Je déteste me répéter mais il faut que tu attendes que Leandro monte te chercher. Je l’appelle, mais tu ferais mieux de t’asseoir dans l’intervalle.
Ledit Leandro finit par se montrer, et Flavia, déjà accablée, constata, dépitée, qu’il s’agissait de l’homme aux yeux gris qui l’avait déjà escortée jusque-là.
Il détourna également le regard en la découvrant épuisée et dépenaillée, mais vint lui bander les yeux.
La dernière chose qu’elle entendit fut l’ultime ordre du capo, qui précisa qu’il fallait déposer directement Flavia devant la porte d’entrée de son appartement, puis le silence se fit.
Deux bras vinrent la lever sans ménagement, et la poussèrent plus qu’elles ne la guidèrent vers la sortie.
Flavia traversa de nouveau couloirs et escaliers, titubant parfois de fatigue et heurtant murs et portes, si bien qu’une injure fusa : « Maintenant tu es saoule, puta, c’est bien ma veine… ».
Flavia ne trouva même pas la force de protester, car abattue et exténuée : « Oui, je dois mériter cela, comment inspirer le respect si je me respecte pas moi-même? » pensa-t-elle tristement, et une larme courut le long de sa joue.
Elle parvint enfin à la voiture, où son guide se défit d’elle en la jetant sur la banquette.
Restée seule à l’arrière de la voiture, elle se mit à sangloter de dégoût, mais la fatigue fut plus forte que le désarroi et elle s’assoupit rapidement.
C’est ainsi que Leandro la trouva, allongée, les vêtements en désordre et le bandeau imprégné de larmes.
Apercevant les hématomes sur les cuisses dénudées de l’endormie, il ne put s’empêcher de relever légèrement le foulard et les manches, revelant des traces semblables.
Il fronça les sourcils car il connaissait les goûts de son maître, pour lui pourvoir ses aventures d’une nuit, qu’il raccompagnait toutes chez elles après que le capo les lui ait renvoyées.
Il n’était pas sûr cette fois que la victime ait été consentante, même si cette serveuse lamentable méritait véritablement une punition pour l’offense faite le soir précédent, oui, car il l’avait ressentie comme si elle le visait directement.
Ainsi était fait le lien de loyauté absolue qui unissait Leandro à Malaspina.
Leandro comprenait très strictement cette subordination depuis que le capo lui avait manifesté sa confiance à un moment où tout le monde se détournait de lui, le soupçonnant de traîtrise.
Son souci de mener ses missions sans faille l’avait élevé au rang de bras droit de Malaspina, il était donc toujours à ses côtés et partageait tous ses secrets, qu’il gardait avec la férocité d’un cerbère.
Il étouffa donc un mouvement de désapprobation et secoua l’épaule de Flavia pour la réveiller : « Tu es arrivée, lève-toi ». Sans succès.
« Dis-moi au moins où tu habites exactement, je t’y porterai » reprit-il, agacé.
Flavia, engourdie, articula péniblement : « Au 457, 6e étage à gauche », et essaya de se redresser.
Un sifflement d’irritation perça le silence et Leandro tira la jeune fille . La soutenant par la taille, il la mena à l’endroit indiqué.
Comme Flavia ne semblait pas reprendre ses esprits, il l’adossa au mur, pesant sur elle pour elle ne puisse glisser à terre et fouilla dans le sac pour trouver les clefs.
La porte enfin ouverte, il allongea Flavia, qui ne trouva que la force de murmurer : « Pardon… et merci ». Déchargé de son fardeau, il fit du regard le tour de la pièce, où tout criait le tempérament fleur bleue de Flavia.
Piqué de curiosité, il feuilleta l’album photo qui retraçait la vie de la jeune fille depuis sa naissance, donnant l’image d’une famille heureuse et unie, de parents aimants, d’une enfant épanouie dans leurs bras, puis d’une petite fille seule à l’école, avec une amie, en tenue de danseuse, à un concours de piano, et enfin serrant fièrement un diplôme, mais toujours seule.
Il parcourut rapidement les ouvrages de la bibliothèque regroupant les fleurons de la littérature romantique tels que Walter Scott, Chateaubriand, Musset, Manzoni et quelques disques compact de Chopin, Liszt, Brahms, Theatre of Tragedy et Lacuna Coil, entre autres.
Un livre était ouvert à son chevet, laissant dépasser une esquisse du visage du héros maudit qui peuplait les rêves de Flavia.
« Qu’est-ce que tu as ramassé, Malaspina ? » songea Leandro en refermant la porte derrière lui.