Lorsque la porte de la prison d’Adam s’ouvrit à nouveau, cela faisait trois jours qu’il n’avait pas vu la lumière. Mais lorsque Amélie se jeta dans ses bras, l’obsurité qui avait envahie jusqu’à son esprit s’envola pour ne plus laisser que les battements sourds de son coeur et le bonheur simple de la sentir contre lui. Il se pencha sur ses lèvres et l’embrassa longuement.
- On m’envoie de la compagnie pour que je ne m’ennuie pas ? plaisanta-t-il. C’est attentionné de la part du roi.
- Ne dis pas n’importe quoi, gronda-t-elle en le prenant par la main. Ton innocence a été prouvée. Viens, tu es libre, mais ce n’est pas terminé pour autant.
- Tu n’as pas vraiment le droit d’être là, n’est-ce pas... supposa-t-il en la suivant.
- Non, en effet… admit-elle avec un sourire adorable. Ça fait trois jours que je suis sensée être enfermée dans mes appartements. Mais… Mon père n’a jamais été du genre à m’apprendre l’obéïssance… Viens.
Elle serra sa main dans la sienne et l’emmena à l’air libre.
- Des gardes vont bientôt venir te chercher, mais il n’y a pas une seconde à perdre, dit-elle en l’emmenant dans la salle du trône.
- Qu’est-ce qu’il se passe ?
- Tu ne m’as pas touché, tu es donc libre. Maintenant, mon père veut que tu t’en ailles. Et moi je ne veux pas. Tu as ton mot à dire…
- Bien… Et… Je peux prendre un bain avant ?
- Oh… oui, biensûr.
Elle rit et s’arrêta pour le serrer contre elle.
- Pardon. Je suis juste tellement fébrile… et inquiète.
- Ca va aller, lui assura-t-il. Je ne vais nul part sans toi. Mais là, je suis on ne peut plus sale. Tu ferais mieux de ne pas trop m’approcher.
Elle le serra dans ses bras de toutes ses forces.
- Je t’aime, même au sortir des geôles.
Il lui rendit son étreinte, tendre.
- Et toi tu es magnifique, même en princesse, dit-il un brin moqueur.
Il l’embrassa amoureusement.
- Maintenant que notre innocence est établie, tu viens me frotter de le dos qu’on y remédie ?
- Allez, file, rejoins moi quand tu seras présentable, gronda-t-elle en s’écartant de lui d’un air dégouté.
- Tu as revu de Laude ? demanda-t-il.
- Il est en chemin. Il doit arriver aujourd’hui.
Il grimaça.
- Adam !
C’était la voix de son père. Il venait à lui accompagné d’Eleanor.
- Tu es en avance, dit-il en jetant un regard entendu à la princesse avant de s’incliner devant elle. Suis moi. Il faut te rendre présentable avant ton entrevue avec le roi.
Adam hocha la tête et serra une dernière fois la main d’Amélie.
- A tout à l’heure, lui dit-il.
- À tout à l’heure.
Elle lacha sa main et regagna ses propres appartements, fébrile.
Lorsque Adam se fit annoncer auprès d’elle, il avait retrouvé son apparence noble et soignée d’aristocrate blasé et sûr de lui.
- Princesse, s’inclina-t-il.
Amélie le dévisagea avec une moue désaprobatrice.
- Il va falloir que je perde l’habitude de te recevoir avec une réplique désagréable… Mais tu me donne vraiment l’impression que tu vas m’attaquer, comme ça.
Adam leva les yeux au ciel.
- C’est fou ce qu’un bon repas, un bain et quelques vêtements peuvent faire comme effet aux femmes, fit-il cynique.
Il s’approcha tout près d’elle.
- Je t’ai manqué ? susurra-t-il.
- Oh oui, je crois bien que oui, comte de Saad. Tu fais partie de moi, tu sais ? Je ne conçois même plus la vie sans toi.
Elle le serra dans ses bras, émue mais aussi légèrement embarrassée. C’était vraiment bizarre… Adam répondit à son geste, amusée dans la sentir tendue contre lui.
- On croirait que ses derniers jours n’ont été qu’un rêve, n’est-ce pas ? souffla-t-il à son oreille. Mais ne t’en fais pas. Cette riche parure ne t’es pas destinée. Elle est pour ton père. Quand nous serons à nouveau seuls tous les deux, tu pourras me l’arracher si tu veux…
- J’ai grand hâte de faire à nouveau de toi mon naufragé, approuva-t-elle avec un frisson.
Elle s’écarta et l’observa.
- Je t’aime aussi comme ça. Il n’y a plus de raison d’avoir des regrets au sujet d’il y a deux ans.
Il hocha la tête.
- Je t’aime, dit-il en se penchant sur ses lèvres.
Elle posa une main sur sa nuque et l’embrassa tendrement en l’attirant tout contre elle. La gène se métamorphosait en excitation et elle prolongea encore et encore leur baiser en cherchant, presque par réflexe, à glisser sa main sous sa chemise.
Il s’écarta en riant.
- Il faut que je sois décent pour ton père, la gronda-t-il amusé. Allons-y.
- Oui.
Elle le prit par la main et l’entraina.
- Quoique, plaisanta-t-elle. Ce serait bien que mon père comprenne qui débauche qui dans l’histoire.
Il rit à nouveau.
- Je ne suis qu’une innocente victime, approuva-t-il.
- J’aime t’entendre rire, approuva-t-elle rêveuse. J’espère que tu retrouveras un jour ton rire d’avant, sans retenue, sans douleur.
Il lui sourit, tendre.
- Ca demande de l’entrainement… répondit-il. Je n’en ai pas eu beaucoup ces temps-ci, mais peut-être que tu voudras bien me donner des leçons.
- Je te chatouillerai tous les jours, promis.
- Je sais que tu es douée pour ça…
- Je sais que tu aimes ça.
Tandis qu’ils se rapprochaient de la salle du trône, la bonne humeur du comte s’envolait peu à peu. Là bas l’attendait le roi. Son roi. S’il lui ordonnait de renoncer à sa fille, de partir, que pouvait-il objecter ?
Amélie entra la première. Son père était sur son trône, majestueux, puissant. Cid était devant lui, et de Laude était également présent. La princesse et le comte s’inclinèrent devant le souverain avant de lui faire face, leurs doigts toujours fermement entremêlés.
- Si tu t’attends à des excuses, tu peux faire une croix dessus, commença Altaïr d’Evont en regardant le jeune homme.
- Je ne demande rien, assura Adam.
- Bien. Ce soir un bal sera donné en l’honneur de ton retour. Après quoi je vous demanderai de quitter la cour et de n’en pas revenir avant le mariage. Amélie…
Il toisa sa fille, mécontent.
- Je croyais t’avoir demandé de ne pas quitter tes appartements.
- Pardon, père, répondit-elle d’une voix douce. Voici trois jours que vous ne m’avez plus accordé votre attention, et j’en avais besoin.
- Commence par lâcher cette main à laquelle tu t’accroches. Ton fiancé, le voici, dit-il en indiquant le baron de Laude.
C’était un homme grand et mince, presque maigre, aux cheveux blonds un peu trop longs, tombant dans ses yeux trop clairs qui semblait voir plus loin que les murs de la pièce.
- Les fiançailles n’ont pas encore été scellées, remarqua-t-elle.
- Elles le seront bientôt. Le baron à fait le déplacement dans ce but. Nous étions d’accord, Amélie.
- Je ne le suis plus. Nous étions d’accord parce que j’avais perdu confiance, père. Vous vous souvenez, cet été, il y a deux ans ?
- Tu ne vas pas recommencer... soupira le roi.
- Oh que si, père. Parceque soit vous vous êtes trompé soit vous m’avez menti.
- Soit tu es trop naive pour ne pas voir ce qui saute aux yeux. Ce n’est pas parce qu’il a sauté pour te sauver que ça fait de lui un homme bien. Que ça change quelque chose au fait qu’il ait tenté de te séduire hors du protocole pour mieux te manipuler. L’as-tu oublié ?
Adam regarda son père. Il avait la vague impression qu’ils étaient de trop au milieu de cette querelle. Mais que pouvait-il dire pour que le roi change d’avis sur lui ?
- C’est là que vous vous êtes trompé. Il n’y avait pas de manipulation. Ma parole vous suffit-elle ?
- Mon roi, intervint Adam. Je vous jure que mes sentiments pour votre fille sont sincères et l’ont toujours été. Croyez nous, je vous en conjure.
Le roi les toisa de haut, visiblement contrarié.
- Quand bien même, dit-il enfin. Tu es promise au baron. Les intérêts du royaume en dépendent.
- Foutaise, ricana Cid.
Altaïr le foudroya du regard.
- Laisseras-tu tes sentiments prendre le dessus sur ton devoir ? insista le roi en regardant sa fille.
- Au delà de mes sentiments, père, je conteste une injustice. Vous ne vous seriez pas acharné sans fondement sur votre neveu nous n’en serions pas là.
Le roi sembla sur le point de s’emporter et finalement soupira d’un air las.
- Baron de Laude, dit-il en se tournant vers celui-ci. Vous êtes mon invité aussi longtemps que vous le désirerez.
Le baron qui n’avait pas réussi à placer un mot chercha à s’exprimer mais dû se contenter de s’incliner alors que le roi détournait les yeux de lui, mettant fin à son temps de parole.
- Cid, Adam, vous resterez jusqu’à demain. Ensuite, je veux que vous partiez. Amélie…
Il se leva, grave.
- Nous avons à parler tous les deux. Va m’attendre dans mon bureau.
- Merci père.
- A présent veuillez vous retirer.
Chacun s’inclina et se retira à part Cid qui se rapprocha de son frère.
- Regarde les, Altaïr, lui dit-il en indiquant leurs enfants d’un geste du menton. C’est mon fils, mais on dirait toi et Maelys, il y a vingt ans.
Le roi pinça les lèvres et dévisagea son frère, méfiant.
- Où veux tu en venir ?
- Je n’ai rien pu faire pour vous séparer à ce moment là. Crois-tu que tu pourras faire mieux que moi ?
Il sourit et s’inclina avant de prendre conger à son tour.
- Réfléchis-y.