Intermède 5
ELLE
Hâte-toi, je t’attends. À l’aube, je t’attends : les nuages qui ont suivi ta course m’ont rapporté ta détermination. Alors, à l’aube, je t’attends. À la nuit tombée, je t’attends : les arbres t’ont caché et t’ont encouragé. Ils m’ont murmuré « Il arrive. » Alors, à la nuit tombée, je t’attends. Dans la brise, je guette ton souffle. Je cherche ton image dans chaque vague de la rivière. As-tu mal ? As-tu peur ? Je prendrais ta souffrance en plus de la mienne si je le pouvais ; mais je ne peux t’atteindre. Où es-tu ? Je n’en peux plus. Je lutte pour tenir debout, mais bientôt, mes forces m’abandonneront. Jusque là, j’ai tenue par ta promesse ; j’ai enduré pour te laisser le temps d’arriver. Mais ils sont de plus en plus forts. S’ils ne peuvent briser mon esprit, mon corps lui ne résistera plus très longtemps. Déjà, leurs marques ne quittent plus. Ils essaient d’habiter mon ventre et voler notre futur ; je ne le permettrais, dussé-je en mourir. Alors, dépêche-toi, je t’attends.
Chapitre six
Ce mardi matin, avant que l’activité ne démarre, Arthur avait souhaité s’entretenir quelques minutes avec Fabrice. Il désirait être fixé sur son avenir dans l’équipe ; en effet, lorsque Fabrice était arrivé, il avait cru que le moment était venu pour lui de plier bagage. Mais face aux hésitations du jeune De Villiers, il avait espéré s’être trompé. Jusqu’à ce que ce dernier commence à se positionner comme un véritable collègue. Ses rapports avec les filles semblaient avoir évolués : il les sollicitait volontiers désormais et participait à leurs conversations. Arthur s’était alors résigné à devoir quitter l’équipe, jusqu’à ce qu’il remarque comme un malaise entre madame De Villiers et son fils. Il ne savait désormais plus quelle position adopter et désirait mettre les choses au clair. Fabrice le rassura donc : quelque soit sa décision, la collaboration d’Arthur dans la pharmacie n’était nullement menacée. Il ne précisa cependant pas ses doutes : ce qu’il avait appris sur son placement en internat menaçait de remettre en question sa décision de rester à Lagny-sur-Marne. Il doutait que ses relations avec sa mère puissent un jour s’apaiser ; il avait été prêt à se montrer plus affable avec elle, mais ce dernier aveu avait tout fait basculer. Il ne voulait pas lui donner l’impression qu’il fuyait et encore moins qu’il ne savait pas respecter une parole donnée, mais comment vivre en paix avec elle, alors qu’il pressentait que d’autres secrets bien plus sordides les séparaient encore.
Quand Sarah entra dans la pharmacie, Fabrice était occupé avec une autre cliente. Il était dix-sept heures trente passées, mais pour l’instant il n’y avait pas beaucoup de clients. Elle alla vers une des deux autres caisses libres et tendit son ordonnance à la préparatrice qui l’avait interpellée. « Laisse Noémie ; je vais m’occuper de madame. » intervint alors le pharmacien. Sarah eut un petit sourire d’excuse pour la demoiselle étonnée et patienta. La préparatrice haussa imperceptiblement et appela la personne suivante ; elle ne cherchait plus à comprendre le fonctionnement de son collègue de travail. Parfois il avait l’air de se plaire à ce qu’il faisait et d’autres fois, on aurait jurer qu’il n’aspirait qu’à être loin de là. Il lui arrivait de tenir son rôle de responsable avec beaucoup d’efficacité, mais quelques fois aussi, il s’enfermait seul dans le bureau ou la réserve, ne venant au comptoir que lorsque les files d’attente devenaient trop longues. L’équipe avait néanmoins fini par comprendre qu’il ne s’agissait aucunement d’arrogance, mais plutôt d’une décision qui n’était pas encore bien affermie. De plus, le jeune homme pouvait se montrait plaisant et les deux jeunes préparatrices étaient loin de se montrer insensibles à son charme. Mais toutes les deux se retenaient d’initier une relation plus que professionnelle avec lui, car elles ne voulaient pas se retrouver entre les deux De Villiers, dont les relations tendues mettaient toute l’équipe assez mal à l’aise. La pharmacienne en chef n’était désormais présente à la boutique que deux jours par semaine, laissant sans doute son fils prendre sa place dans l’affaire familiale, mais les fois où elle venait participer au service, les accrocs étaient plus que fréquents.
Quand Fabrice eut fini d’expliquer la posologie de son traitement à sa patiente, il se rapprocha de Sarah ; il fut contrarié de remarquer qu’elle avait pleuré, beaucoup pleuré. Il se sentit impuissant à l’aider et surtout bête de lui demander si ça allait. Sarah répondit non de la tête et il vit à quel point elle avait du mal à se maîtriser.
- Noémie, je vais emmener mon amie dans le bureau le temps qu’elle aille mieux.
Si celle-ci jugea que c’était peu approprié, elle se garda de tout commentaire. Fabrice vint derrière le comptoir chercher Sarah qui luttait contre les larmes qui se pressaient à nouveau contre ses cils, il la prit par la main et il la mena par un couloir jusqu’à un bureau. Quand ils entrèrent Arthur et Bélinda y étaient en train de discuter, mais dès qu’ils virent Sarah essayant d’étouffer un sanglot de sa main, ils leur cédèrent la place et sortirent. Fabrice la fit asseoir et sortit un instant, pour revenir avec un verre d’eau fraîche. Puis, il s’assit près d’elle et attendit qu’elle se fut calmée. Sarah s’agrippait au verre d’eau comme si elle y puisait des forces pour résister à la tempête qui l’emportait. Elle n’osait pas fixer Fabrice en face, honteuse de son état de faiblesse ; c’était la troisième fois qu’il la voyait pleurer. Mais le jeune homme était si silencieux, qu’elle lui jeta un coup d’œil et nota qu’il l’observait avec gentillesse. Cette attention la toucha au point qu’elle se remit à pleurer. Elle voulut prendre une gorgée d’eau pour détourner l’attention de ses pleurs, mais elle s’étrangla. Fabrice récupéra le verre et lui prit la main, alors qu’elle toussait en essayant de retrouver son souffle. Quand elle eût repris sa respiration, le jeune pharmacien lui demanda doucement :
- Que s’est-il passé ?
Après un long silence, elle se mit à lui raconter son après-midi.
Vers treize heures, alors que les animateurs s’occupaient des ateliers avec les enfants qui étaient restés manger à la cantine, le téléphone avait sonné : c’était l’adjoint au maire chargé des affaires scolaires et périscolaires. Il souhaitait voir Sarah de toute urgence dans son bureau l’après-midi même. La jeune femme s’était rendue très rapidement à la mairie, Ophélie l’y ayant conduit en voiture pour éviter une demi-heure, voire plus par le bus. Sarah ne savait pas du tout pour quelles raisons elle était convoquée, l’équipe municipale précédente ayant toujours était très satisfaite de son travail. Mais elle déchanta très vite une fois installée dans le bureau d’Alain Sagitra, l’élu municipal. Pendant plus d’une heure, celui-ci lui détailla les griefs que ses employeurs avaient vis à vis d’elle, griefs notés sur une double page de cahier grand format. Sylvie Chaperon, la directrice chargée des affaires jeunesse, avait alerté l’équipe municipale sur l’incompétence de Sarah au poste de directrice du centre de loisirs. Selon les dires de la responsable, Sarah aurait plus d’une fois fait preuve d’insubordination à son égard ; la gestion des fournitures ne serait pas correctement tenue, de même pour les emplois du temps des collaborateurs de la jeune directrice, ce qui occasionnerait des dépenses excessives pour la municipalité ; Sarah arriverait très souvent en retard au travail. Et, entre maintes autres accusations, elle aurait semé une mauvaise ambiance au travail et démotivé toute l’équipe.
Fabrice avait écouté la jeune femme sans l’interrompre, ne manifestant son indignation qu’en lui serrant de temps en temps la main qu’il tenait entre les siennes. Il n’était pas intervenu, même quand elle s’était remise à pleurer, car il désirait qu’elle vide son sac. En relatant son "procès", Sarah se rendit davantage compte de l’injustice des propos de Sylvie Chaperon. Une colère qu’elle savait vaine assécha alors ses larmes. Elle était abattue et elle tremblait à présent.
- Je veux rentrer chez moi ! murmura-t-elle. Je suis tellement fatiguée. Il faut que je sois en forme pour aller au travail demain.
Fabrice fronça les sourcils ; Sarah ne serait pas suffisamment remise pour aller travailler le lendemain.
- Tu ne peux pas retourner au travail dans cet état. Tu dois te reposer vraiment.
- Je vais me coucher tout de suite, ça va aller.
- Tu dois voir ton médecin d’abord. Écoute, ça fait deux mois que je te connais et ça fait autant de temps que tu ne vas pas bien. J’appelle ton médecin.
- J’ai déjà rendez-vous jeudi.
Fabrice ne l’écouta pas et pris l’ordonnance que la jeune femme avait posé sur le bureau.
- … Allô oui ? Docteur David ? Bonsoir. Ici Fabrice De Villiers de la pharmacie Fleurs des Champs ... J’ai devant moi une de vos patientes, Sarah (il jeta un coup d’œil à l’ordonnance) Siaka. ... Oui, tout à fait. … Elle n’a pas souhaité le prendre ... Je sais oui. … C’est pour cela que je vous appelle. Vu son état, jeudi me semble un peu loin. ... Oui, monsieur. … Je l’en informe. Je vous remercie.
Sarah avait écouté Fabrice et son médecin traitant discuter à son sujet comme si elle avait été absente. Elle n’avait pas la force de s’en offusquer, pour l’instant elle n’aspirait qu’au calme ; elle voulait rentrer chez elle et se mettre au lit. Mais Fabrice ne l’entendait de cette oreille. Il raccrocha et se tourna vers elle.
- Le docteur t’attend à 19 heures 15, à la fin de ses consultations.
- Je veux rentrer chez moi, répéta la jeune fille.
- Sarah, écoute moi : ça ne va pas, il faut que tu racontes tout ce que tu m’as dit à ton médecin. Les comprimés aux plantes, c’est bien en cas d’anxiété légère et passagère. Je ne suis pas docteur, mais c’est évident qu’il te faut une prise en charge médicale.
- Mais, j’étais justement venue pour prendre les anxiolytiques que le médecin m’avait prescrit le mois dernier.
Fabrice vérifia l’ordonnance qu’il tenait. En effet, il s’agissait du traitement que la jeune fille avait refusé la première fois qu’ils s’étaient rencontrés.
- Je pense quand même que tu dois aller le voir tout à l’heure. Je t’y emmène si tu veux.
Il jeta un coup d’œil à sa montre :
- Il est bientôt 18 heures. Tu vas t’allonger dans le canapé là et quand j’aurai fini, je t’y emmène en voiture, d’accord ?
Il se pencha vers elle et prit tendrement son visage entre ses deux mains. Gênée, Sarah baissa les yeux. Une ultime larme lui échappa, que Fabrice essaya délicatement de son pouce.
- Ça aller, OK ?, murmura t-il. Repose-toi !
Lorsque Fabrice revint dans la boutique, ses collègues furent surpris de le voir seul. Noémie, la première, osa se renseigner :
- Tu la connais depuis longtemps cette fille ?
- Non, pas vraiment, déclara Fabrice, très heureux de les intriguer un peu.
- Et tu la laisses comme ça dans le bureau.
- J’ai confiance en elle.
Avec une moue désapprobatrice, la jeune préparatrice s’éloigna pour aller s’occuper d’un patient.
La fin de la journée arriva bien vite et dix minutes avant la fermeture, Fabrice demanda à Arthur de bien vouloir le remplacer pour cette tâche qu’il avait sienne depuis son arrivée. Puis il alla réveiller Sarah qui s’était assoupie pour la conduire chez son médecin.
Ils n’eurent pas à attendre, car le dernier patient sortait du cabinet du docteur quand ils arrivèrent. Sarah fut invitée à entrer et Fabrice lui proposa de l’attendre. La consultation dura un certain temps : le docteur prit le temps d’écouter Sarah, qui pour la troisième fois de la journée sanglota amèrement. Lorsqu’il vérifia ses constantes, il nota que la tension de la jeune femme était anormalement élevée et ses réflexes exagérément vifs. Il lui annonça que son état de stress était préoccupant et qu’il devait nécessairement ajouter à son traitement d’anxiolytiques, des antidépresseurs. Il lui prescrit également un arrêt de travail, car elle n’était visiblement pas en état de faire face à quelque situation que ce soit. Sarah accepta la prescription sans rechigner, elle n’avait plus envie de réfléchir à quoique ce soit. Quand elle sortit du cabinet du médecin, plus d’une demi-heure après y être entrée, Fabrice était toujours là qui l’attendait.
En silence, ils firent le chemin inverse en voiture jusqu’au pied de l’immeuble de Sarah. La jeune femme était comme étourdie ; elle était à la fois ravie de ne pas avoir à affronter le lendemain ses collègues et surtout les membres de l’équipe municipale ; et en même temps, elle se sentait coupable, comme si elle désertait : elle avait mis en place plusieurs projets qu’elle aurait souhaité prendre en charge. Mais surtout, elle ne savait pas comment annoncer la situation à Antony. Il avait toujours eu du mal à admettre que son travail était important pour elle ; il ne l’avait jamais vraiment pris au sérieux. Elle avait peur de paraître faible devant lui. Fabrice lui pris la main :
- Il faut que tu te reposes maintenant. Demain, tu y verras un peu plus clair. Si tu veux, dans la matinée je te ramène les médicaments que le médecin t’a prescrits ? Donne-moi ton ordonnance.
Puis ils échangèrent leur numéro de téléphone afin qu’il puisse l’appeler quand il serait prêt à passer. Sarah le remercia et sortit de la voiture. Il attendit qu’elle disparaisse dans son immeuble avant de démarrer. En roulant vers la maison de sa mère, Fabrice analysa son après-midi : c’était assez singulier cette relation qui s’était imposée d’elle-même entre Sarah et lui. En venant dans la région, il n’avait pas envisagé se faire des amis ; il n’était là que pour quelques mois. Quant aux relations qu’il tissait avec les femmes, elles étaient toujours superficielles. Il estimait n’avoir besoin de personne, alors pourquoi quelqu’un aurait-il besoin de lui ? Les camarades qu’il avait gardés de l’époque universitaire avaient très bien compris qu’il avait besoin d’une certaine distance parfois ; s’ils l’associaient volontiers pour faire la fête, pour les choses plus sérieuses, il n’était pas celui à qui ils pensaient d’abord. Fabrice ne s’en offusquait pas. Bien au contraire, il était satisfait de ne pas avoir ce genre de responsabilité. Cela n’empêchait pas une réelle camaraderie et un partage de bons moments. Ses amis s’étaient même proposé de profiter de son hospitalité pour organiser un long week-end de tourisme en région parisienne. En se rappelant ce projet, Fabrice se demanda comment il allait amener sa mère à accepter chez elle ses trois copains et leurs compagnes. Certes la place ne manquait pas à la résidence des De Villiers, mais compte tenu du nouveau désaccord entre eux, Fabrice pouvait difficilement imposer plus que sa compagnie à Josiane. Pour leur bien-être à tous deux, il fallait qu’il essaie d’apaiser les tensions entre eux. Il décida donc, contrairement à ces derniers jours, de rentrer directement à la maison pour éviter qu’elle ne lui reproche encore de l’avoir attendu pour le souper.
***
Eugène De Villiers s’était préparé de bonne heure et attendait : à son âge, ce n’est pas souvent qu’il recevait de la visite. Fabrice lui avait assuré qu’il serait là pour dix-sept heures et la ponctualité étant une qualité chez les De Villiers, il tenait à être fin prêt pour l’accueillir. Eugène se réjouissait de cette entrevue ; cela faisait deux ans qu’il n’avait pas vu son petit-fils. D’ordinaire, à chaque fête de Noël et aussi pour l’anniversaire de son grand-père et celui de sa mère, Fabrice remontait du Sud pour deux ou trois jours en famille. Mais l’année dernière, pour ses quatre-vingt-neuf ans, le jeune homme avait prétexté un séjour à l’étranger avec un groupe d’amis. Et il n’était pas venu non plus à Noël, suite à une dispute avec sa mère, quand celle-ci était allée – comme tous les ans - lui rendre visite à Nîmes. Eugène ne savait pas les motifs de la querelle, mais Josiane avait écourté sa semaine et était revenue à Lagny au bout de trois jours. Le vieil homme devait bien avouer que la communication entre les membres de sa famille n’était pas chose aisée. Et aujourd’hui, il le regrettait. La solitude lui pesait ; l’aide à domicile qui passait deux heures du lundi au vendredi pour lui tenir compagnie et le livreur de repas du dimanche, ne pouvaient remplacer l’affection d’une fille ou d’un petit-fils. Mais leurs rapports ayant été ce qu’ils avaient été par le passé, cela semblait presque normal qu’aucun des deux ne prenne la peine de lui faire un coucou non institutionnalisé de temps à autre. La fin de sa vie approchant, il s’était résigné à la chose, mais la situation de sa fille lui causait davantage de tourment ; elle était tout aussi seule que lui. Quant à son petit-fils, il n’était toujours pas fiancé.
Eugène entendit le gravier de son allée crisser sous les pneus d’une voiture. Il se leva de son fauteuil et se dirigea vers la porte d’entrée pour accueillir son invité. Le vicomte restait alerte malgré son âge avancé, résultat de sa carrière militaire. Il se tenait presque droit et se déplaçait avec une certaine assurance pour un nonagénaire, sa canne lui servant uniquement à prendre appui en cas de station debout prolongée. Le vieil homme regarda son petit fils descendre de son Audi et venir à lui. Il lui trouva une certaine élégance et la douceur des traits de sa mère. Au même âge, Eugène arborait déjà fièrement le menton carré qu’il pointait encore souvent avec arrogance et un nez en bec d’aigle. Il avait les yeux bleus, tandis que ceux de son petit-fils étaient marron. Et Fabrice était aussi brun que lui-même avait pu être blond. Non, il ne tenait pas grand-chose de lui ; même son caractère était posé. Il avait bien sûr traversé cette phase de rébellion que tout adolescent connaît, mais Eugène devait bien admettre que les circonstances de sa vie plaidaient en sa faveur : il lui avait manqué une figure paternel, et lui, son grand-père, n’avait pas endossé le rôle comme il l’aurait dû. Il savait qu’il allait devoir rendre des comptes, et c’était sans doute aujourd’hui qu’il devrait commencer.
Fabrice monta les trois marches du perron et vint embrasser son grand-père. Sans un mot, celui-ci lui fit signe d’entrer et les deux hommes se dirigèrent vers le séjour. Eugène invita son petit-fils à s’asseoir sur le sofa tandis que lui-même prenait place dans son fauteuil attitré.
- Alors, c’est seulement maintenant que tu viens voir ton vieux grand-père ? Ta mère m’a dit que tu étais dans la région depuis deux mois déjà.
- En effet, admit Fabrice. Mais il ne trouva pas comment justifier son silence.
Eugène lui épargna la recherche d’une explication spécieuse en lui enjoignant d’aller chercher dans le réfrigérateur le plateau de mignardises que l’aide à domicile avait acheté à sa demande. Les petits fours étaient délicieux et le vieil homme, qui avait encore un bel appétit, en avala plusieurs avant de se laisser aller dans son siège et fixer son petit-fils.
- Dis-moi tout. Qu’est-ce qui te tracasse ? Pourquoi voulais-tu me voir aujourd’hui ?
Fabrice chercha une façon modérée d’aborder le sujet, mais ne trouvant pas d’issue, il se lança :
- J’ai le sentiment que ma mère et vous, n’avez cessé de me mentir.
Eugène ne cilla pas sous l’attaque, il s’était préparé à cela. Mais il n’était pas sûr que révéler toute la vérité était chose à faire ; certains secrets sont appelés à rester éternellement enfouis. De plus, beaucoup d’entre eux risquaient de ternir sa lignée et ça il s’y refusait. Il avait tenu Josiane dans l’ignorance de certains faits pour son bien ; Fabrice n’allait pas venir tout remettre en cause maintenant. Il ne lui dirait que le strict nécessaire, c’était le moins qu’il pouvait lui concéder.
- Nous avons fait ce que nous jugions bon pour toi.
- Vous pensiez vraiment que vivre loin de ma famille, c’était ce qu’il y avait de mieux pour moi ? fit Fabrice d’un ton amer. Il se rappelait sa première année dans cet établissement de Meilhan-sur-Garonne, il avait été malheureux : la plupart des garçons inscrits étaient là parce que leurs parents avaient du mal à les gérer. Il s’était senti perdu parmi ses petits caïds, lui l’enfant un peu discret. Il avait fini par se faire une place, mais il lui était resté du ressentiment envers sa mère et son grand-père.
- Ta mère était prostrée dans une sorte de dépression et tu m’avais bien fait comprendre que je n’étais pas ton père, continua de se justifier Eugène De Villiers.
- J’étais un gamin, j’avais besoin de vous…
- Pourquoi t’en plains-tu aujourd’hui ? Tu as reçu une excellente éducation dans ce lycée !
- J’étais trop jeune, s’entêta Fabrice, vous n’auriez pas dû !
- C’est ta mère qui a pris cette décision ; quoique tu aies pu croire, je n’ai jamais eu l’autorité parentale.
- Mais j’avais besoin de mes parents…
Eugène De Villiers haussa le ton :
- Tu ne crois tout de même pas que j’allais t’envoyer vivre en Bretagne chez ton incapable de père ?
Le propos du vieil homme mit un certain temps avant d’atteindre la zone de compréhension de Fabrice. Sans doute, son grand-père présentait-il tout compte fait quelques signes de sénilité. Mais ce dernier le fixait avec un air bravache, assumant la vérité qu’il venait d’asséner à son petit-fils.
- Attendez. Vous prétendez… Vous voulez dire que…
Un colossal manteau d’incompréhension s’abattit sur le jeune homme.
- Ton père n’est pas mort quand tu avais quatre ans.
- Comment ça ?
- Il est mort en 99, tu avais 13 ans.
Fabrice s’était mis debout et fixait cet inconnu qu’était soudain devenu son grand-père. Malgré la haine qu’il aurait aimé ressentir, rien ne lui vint, aucune parole blessante, aucune insulte. Eugène, las de ce regard accablé, le renvoya d’un geste de la main :
- Laisse-moi maintenant, je suis fatigué. Reviens un autre jour, je t’expliquerai.
Et Fabrice s’en alla.
***
Cela faisait une semaine qu’ils avaient échangé leur numéro de téléphone et c’était la première fois que Sarah essayait d’appeler Fabrice. Elle avait longuement hésité avant de se décider, mais l’inactivité commençait à lui peser. Les trois premiers jours, elle avait dormi. Beaucoup dormi. Elle se couchait très tôt, avant le retour d’Anthony. Lorsque celui-ci revenait du travail, il se faisait discret : il réchauffait son repas, qu’il mangeait en regardant les informations sur BFM, sa chaîne favorite. Quand il allait enfin se coucher, il avait la délicatesse de ne pas la réveiller. À neuf heures par contre, lorsqu’il se levait, Anthony poussait Sarah à en faire autant, il voulait l’empêcher de s’appesantir sur son sort, disait-il. Maintenant qu’il avait enfin réalisé qu’elle allait mal, il était plus doux avec elle, il lui parlait gentiment. Il essayait de l’occuper, mais dans un petit appartement, ce n’était pas chose facile. Alors, ils cuisinaient. Il préparait le déjeuner et le dîner pour la journée et elle l’assistait. Elle aurait pu y prendre grand plaisir, mais son état émotionnel n’était pas encore à son niveau le plus stable. Après le départ d’Anthony, vers treize heures – il travaillait de quatorze à vingt-deux heures tout le mois - Sarah retournait se coucher : les anxiolytiques la rendaient un peu somnolente et elle ne savait pas trop comment occuper sa journée. Elle n’avait plus de livre à lire, pourtant elle n’avait pas envie de sortir en chercher, il ne faisait pas beau dehors. À la télévision, il n’y avait aucun programme susceptible de l’intéresser. Elle tournait en rond, quand elle ne dormait pas ; elle avait nettoyé l’appartement de fond en comble, réorganisé tous les tiroirs…
Vers 19 heures, en sortant de son travail, Talia l’appelait pour une longue conversation. La jeune attachée de presse lui racontait toutes ses contrariétés de la journée, mais aussi ses succès professionnelles et elle essayait de faire parler Sarah également. Cependant celle-ci n’avait pas grand-chose à lui raconter. Et elle devait bien avouer qu’elle aurait volontiers réduit de moitié l’entretien. Mais son amie se faisait du souci pour elle et elle essayait de la soutenir comme elle le pouvait. Cela faisait une semaine qu’elle suivait le traitement d’antidépresseurs et d’anxiolytiques, et ses crises d’angoisse avaient sensiblement diminué. Malgré tout au bout de huit jours, ne voir d’autres personnes qu’Anthony et Talia commençait par lui peser. C’est cela qui la décida à contacter Fabrice.
Fabrice se trouvait dans la chambre qu’il occupait chez sa mère, en train de ranger ses affaires. Il n’avait qu’une valise, car lorsqu’il l’avait suivi dans son projet d’installation à Lagny, il pensait n’être là que pour trois mois. À ce moment là, il n’espérait pas que ses relations avec sa mère puissent un jour s’apaiser - comment vivre en paix avec elle, alors qu’il pressentait qu’encore bien des secrets les séparaient - mais pendant un temps, il avait été prêt à se montrer plus conciliant et essayer de créer un lien. Il lui avait donc dit, moins de deux semaines auparavant, qu’il était d’accord pour rester. Mais alors, il avait appris que son placement en internat était le fait de sa mère et non de son grand-père, comme il le croyait depuis son adolescence ; et cela avait menacé de remettre en question sa décision. Et malgré tout, il n’avait pas voulu donner à sa mère l’impression qu’il fuyait et encore moins qu’il ne savait pas respecter une parole donnée. Mais ce qu’Eugène venait de lui révéler …. ! Ce dernier aveu avait tout fait basculer. Il ne pouvait pas rester : sa famille était trop néfaste. Il se sentirait mieux s’il se tenait éloigné d’elle. Il avait presque fini tout emballer quand son téléphone sonna. Il fut tenté de ne pas répondre, mais il connaissait assez Eugène De Villiers pour savoir que ce n’était sûrement pas lui qui appelait. Il fut surpris de constater qu’il s’agissait de Sarah : elle n’avait pas donné de nouvelles depuis une semaine.
- Allô…
- Bonjour Fabrice.
- Comment vas-tu ?
Sarah chercha comment décrire sa semaine de façon positive, sans trouver de réponse satisfaisante.
- Je me sens un peu mieux, commença-t-elle en essayant d’être convaincante.
- Mais ?
- Mais, je m’ennuie.
Fabrice s’assit sur le lit et réfléchit. Il n’avait pas pris de nouvelles de la jeune fille depuis le jour où il l’avait conduite chez son médecin, il n’avait voulu se montrer envahissant. Puis ses problèmes personnels l’avaient accaparé. Il se sentait un peu concerné par son état et il voulait être sûr qu’elle irait mieux. Avant de partir, il devait la revoir. Il jeta un coup d’œil à sa montre : quinze heures vingt.
- Tu veux qu’on aille prend un verre en ville ?
- Oui, pourquoi pas, accepta Sarah.
- Je viens te chercher. Je serai là dans un peu moins d’une demi-heure.
Quand Fabrice arriva devant chez elle, Sarah l’attendait. Elle portait autour du cou le foulard qu’il lui avait offert et cela fit plaisir au jeune homme. Elle grimpa dans la voiture et il prit aussitôt le chemin du centre-ville. Ils garèrent la voiture Rue des marchés et d’un commun accord se dirigèrent vers le Thé Art Café. Au moment où ils s’installaient, Fabrice déclara qu’il l’invitait, pour éviter que la jeune femme ne refuse qu’il règle l’addition au moment de s’en aller, comme la première fois qu’ils avaient pris un pot ensemble.
- Alors… dis-moi, comment ça va ? demanda Fabrice quand on leur eût apporté leurs boissons.
Sarah ne voulait pas se plaindre devant son ami. Elle essaya de lui expliquer : elle allait mieux, ne pleurait plus à tout bout de champ et ses crises d’angoisse s’étaient atténuées. Mais elle n’aimait pas son inactivité.
- Je tourne en rond, le travail me manque. Non, pas le travail, les enfants. Et certains collègues aussi.
- Tu voudrais y retourner ? Le médecin t’a donné un arrêt de combien de jours ?
- Un mois. Mais il a dit de revenir le voir au bout de trois semaines, pour prolonger éventuellement. Et il veut que je voie un psychologue.
- Et tu ne veux pas, commenta Fabrice avec un léger sourire.
- Ce n’est pas que je ne veux pas, se défendit Sarah, mais on voit un psy en cas de grosse crise. Moi, c’est juste passager.
Fabrice observa la jeune fille pendant un instant. Comme avec le traitement, elle refusait d’admettre qu’elle avait besoin d’aide. Il se demanda si c’était pour des raisons culturelles ; il savait par expérience que les personnes d’origine africaine avaient peu d’estime pour les psychothérapies. Mais dans sa manière d’être, Sarah était plus française qu’africaine et elle avait vécu davantage en France qu’en Sierra Léone ; il ne comprenait pas son attitude. Il ne voulait pas la bousculer, d’autant plus qu’elle ne semblait pas admettre qu’elle était victime de harcèlement moral. Il lui fallait du temps pour accepter et puis guérir. Et du soutien aussi.
- Il faut que tu t’occupes. Qu’est-ce que tu aimes faire d’autre ?
- J’ai lu tous les bouquins que j’avais empruntés. Il faut que j’aille à la bibliothèque. J’aime aussi bricoler, retaper des vieux trucs, mais dans un appartement, on n’a pas vraiment la place pour entasser de la récup’.
- Ça c’est vrai. Il te faudrait une maison à aménager.
- Oui, s’écria Sarah avec espoir. La tienne par exemple !
- J’habite aussi dans un appartement à Nîmes.
Sarah le dévisagea sans comprendre :
- Tu cherchais une maison quand on s’est rencontrés ?
- Je repars.
La nouvelle fut un choc pour Sarah : il repartait. Elle n’avait pas envisageait ça. Et surtout, elle n’avait pas pensé que cela puisse lui importer autant. Elle lutta pour rester digne, mais elle était encore fragile, les émotions fortes la touchaient encore profondément, et très vite, ses yeux devinrent humides. Fabrice se rendit compte qu’il venait de lui faire de la peine. Et il s’en trouva lui aussi attristé ; il n’avait pas imaginé qu’elle puisse lui être attachée et il s’apercevait qu’elle aussi comptait pour lui. C’était très bizarre, car ils ne se connaissaient que depuis peu. Ils n’avaient pas partageaient beaucoup de moments ensemble, mais quelque chose semblait les lier l’un à l’autre, comme deux membres d’une même famille. C’était un sentiment nouveau pour lui ; il avait toujours évité de créer des liens affectifs avec qui que ce soit, il ne voulait pas souffrir d’abandon. Il avait des amis dans le sud, avec qui il écumait les bistrots et les boîtes de nuits, des filles qu’il fréquentait un temps ; mais aucune de ces relations n’était vraiment sérieuse : il refusait tout attache. Et voilà que sans s’en rendre compte, il s’était pris d’amitié pour cette fille fragile. Une fille qu’il n’envisageait pas mettre dans son lit, car elle ne ressemblait en rien aux filles qui partageaient sa couche un moment : trop réservée, trop douce. Une fille qu’il avait envie de protéger. Mais surtout une fille qui habitait dans la même ville que la femme qu’il voulait fuir. Il se sentit soudain accablé.
Ne sachant quoi lui dire ; Fabrice avait pris la main de Sarah dans la sienne. Au fond de lui, il sentait qu’elle avait besoin de lui et il ne voulait pas l’abandonner. Son portable sonna mais il l’ignora.
- Sarah, je dois repartir. Ça ne se passe pas bien avec ma mère.
Sarah hocha la tête en signe de compréhension, mais elle ne répondit rien. Elle avait soudain envie de rentrer chez elle.
- Écoute, j’ai appris des choses sur ma famille que j’ai du mal à digérer. Il faut que je prenne de la distance.
- Je comprends, fit Sarah. Elle essaya de retirer sa main, mais il la retint fermement.
- On s’appellera, d’accord ?
Sarah fit encore oui de la tête, mais le cœur n’y était pas.
- Il faut que je rentre, je suis fatiguée.
Découragé, Fabrice lui lâcha la main. Il ne voulait pas qu’elle soit malheureuse, et surtout pas à cause de lui, mais il ne voyait pas quoi faire. Depuis le samedi, il évitait sa mère : il mangeait en ville, rentrait le plus tard possible. Mais tôt ou tard, il y aurait une confrontation et il n’en voulait pas ; il n’était pas prêt.
- Je vais te raccompagner, dit-il à Sarah.
Et celle-ci se leva aussitôt. Fabrice alla régler la note et en silence, ils quittèrent le café. Sarah avançait sans vraiment prêter attention à ce qui l’entourait. Alors qu’elle allait s’engager sur la chaussée sans attendre le passage du feu au vert, Fabrice l’attrapa par la manche pour la stopper ; elle sembla à peine s’en apercevoir. Il prit sa main dans la sienne jusqu’à l’avoir menée sur l’autre trottoir et Sarah se laissa faire, docile. C’était une situation inconfortable, et pour s’occuper l’esprit, le jeune homme écouta le message que son téléphone lui signalait.
« Bonjour monsieur De Villiers. Ici, Nathalie, de l’agence immobilière ORPI. Je sais que lorsque vous êtes venu nous voir, vous n’étiez pas sûr de vous installer dans la région. Mais j’ai trouvé une maison qui pourrait vous plaire. C’est vraiment une affaire. Si vous souhaitez rester, je peux vous la faire visiter. Rappelez-moi, je travaille jusqu’à 19 heures. »
Fabrice s’était arrêté, une idée insensée essayait de se frayer un chemin parmi toutes les émotions négatives qu’il accumulait depuis quelques jours. Sarah toujours perdue dans ses pensées, avait continué sa route sur quelques pas, avant de s’en apercevoir et de revenir vers lui.
- Ça ne va pas ?
- Ça t’ennuie si on passe par l’agence immobilière avant que je te redépose.
Sarah haussa les épaules, elle n’avait rien de prévu. Elle attendait juste 19 heures pour parler avec Talia.
- Viens, c’est juste là.
Quand ils entrèrent dans l’agence, une conseillère les aperçut et vint aussitôt vers eux.
- Monsieur De Villiers bonjour, fit-elle en leur serrant la main à tous les deux. Vous avez eu mon message. ?
- Oui, à l’instant.
- Alors, vous avez pris votre décision ?
- À vrai dire, c’est assez compliqué, confia Fabrice en jetant un rapide coup d’œil à Sarah. Je ne suis plus très sûr de pouvoir rester.
- Ah, c’est dommage. Le bien que je vous avais trouvé est assez intéressant. Il s’agit d’une maison dans une résidence qui vient à peine d’être achevée. Au départ, ce sont des maisons à vendre, mais le couple qui s’était porté acquéreur pour celle-ci, vient de se séparer, avant même d’emménager. Donc, en attendant de savoir qui la gardera, ils ont décidé de la mettre en location. Je m’étais dit que c’était une bonne opportunité pour vous qui n’étiez pas sûr de rester longtemps dans la région.
- Et elle se situe où ?
- À côté, à Chanteloup-en-Brie. Je peux vous la faire visiter tout de suite, si vous avez un peu de temps…
Fabrice hésita un instant ; il n’était plus sûr de ce qu’il devait faire. Il interrogea du regard Sarah, mais celle-ci préféra garder son avis pour elle. Elle ne voulait pas influencer Fabrice dans sa décision de rester. L’agent immobilier, qui sentait le jeune homme indécis, trancha pour eux.
- Si je puis me permettre, ça ne coûte rien de la visiter. Peut-être même que ça vous aidera à vous décider. Je vous emmène ? C’est à dix-minutes d’ici.
Fabrice se tourna vers Sarah,
- Tu veux bien ?
- D’accord.
La conseillère en immobilier les conduisit en voiture jusqu’à une résidence de la commune qui jouxtait Lagny-sur-Marne au sud-est. Même si les maisons de style résolument moderne, avaient un certain charme avec leur façade en barreaux de bois et leur toit plat, Sarah apprécia moyennement qu’elles soient toutes conçues sur le même modèle. Cela dit, la résidence avait cette propreté commune aux nouvelles constructions qui essaient d’allier ville et écologie. Une allée en dalle de pierre la traversait et permettait aux résidents de rejoindre en voiture, mais à allure modérée, leurs entrées respectives. Aucun mur n’était mitoyen, mais les maisons étaient si proches les unes des autres que seul l’individualisme prépondérant dans notre société actuelle permettait l’intimité. Les jardins à l’arrière des maisons étaient séparés par des haies d’arbustes bien taillés et de jeunes arbres y attendaient leur maturité pour offrir en leur temps des coins d’ombre qui sauraient être appréciés.
Fabrice admira beaucoup cette résidence de style très contemporain, tandis que Sarah regrettait l’hétérogénéité des maisons dans les villages authentiques. L’intérieur, cependant, les mit d’accord. La porte d’entrée s’ouvrait sur un petit hall dont le plafond se prolongeait jusqu’au premier étage, auquel menait l’escalier face à la porte. Le palier s’ouvrait sur une mezzanine donnant d’un côté sur l’entrée, de l’autre sur le séjour. Le séjour occupait presque tout le rez-de-chaussée et de grandes baies vitrées permettaient – pour une grande partie - un chauffage naturel par les rayons du soleil. La cuisine était ouverte sur la salle à manger et à l’opposé de celle-ci, une porte donnait accès à une première chambre à coucher avec sa propre salle d’eau. Comme pour le vestibule d’entrée, la partie salle à manger était haute des deux étages de la maison, donnant l’impression d’un plus grand volume. À l’étage, une chambre supplémentaire et une salle d’eau achevaient la visite.
- Ça me plaît beaucoup, mais c’est un peu grand pour un célibataire, commenta Fabrice.
- En effet, acquiesça l’agent immobilier, mais vous souhaitiez une maison. On peut trouver plus petit, c’est-à-dire une seule chambre, mais je ne pense pas que ces vieilles maisons rustiques vous plairaient. Celle-ci est libre de suite à la location, à un prix très abordable, compte tenu de la situation que je vous ai expliqué tout à l’heure.
Fabrice se tourna vers Sara :
- Tu en penses quoi ?
- J’aime assez. Mais c’est toi qui vas y vivre. Ou pas…
- Je vais réfléchir, dit Fabrice à l’agent immobilier. J’ai un certain nombre de choses à régler. Je vous donne une réponse d’ici la fin de la semaine ?
- Bien, comme vous voulez. Vous n’avez qu’à m’appeler.