Quand Papa m’a annoncé qu’il allait m’emmener camper ce weekend pour observer les étoiles, j’ai tout de suite sauté de joie, parce que les étoiles c’est vraiment mon truc. « Dans une vraie tente ? » j’ai demandé. « Evidemment. Cela te fera du bien de passer du temps au grand air : il y a des choses qu’on n’apprend pas dans les livres Ella... Et avec un champion du camping comme moi, tu seras à bonne école ! »
En attendant que le grand jour arrive j’ai préparé mon sac : mon duvet, une lampe de poche, quelques biscuits, mon doudou et mon livre préféré, Les 1001 réponses aux questions de la vie. Je trépignais d’impatience. « Encore ce livre ? Il pèse une tonne, tu ne devrais pas t’encombrer avec ça. Quand on campe il faut savoir voyager léger. » a recommandé Papa. J’ai souri, mais je l’ai quand même glissé dans la voiture discrètement juste au cas où. « Cap plein sud ! Tu vas voir ma brindille, le lac est magnifique à cette saison. »
Quand nous sommes arrivés et que Papa a ouvert le coffre pour installer notre campement, il a fait une drôle de tête et il a semblé un peu gêné : « Quoi de mieux, pour observer les étoiles que de dormir… à la belle étoile ! Tu vas voir ma grande, c’est une expérience exceptionnelle ! » C’est là que j’ai compris pourquoi il avait laissé la tente dans le garage. Comme dit souvent Maman, il est plein de surprises Papa.
Ensuite il a fallu chercher du bois pour allumer un feu, et j’ai fait une super découverte. « Regarde Papa, un serpent ! » J’étais très impressionnée, et même un peu effrayée, mais lui il n’avait pas l’air inquiet du tout. Il a pris le serpent dans ses mains et il a dit : « Ella chérie, ce n’est pas un serpent, c’est un orvet. C’est un petit animal absolument inoffensif qui… » Avant qu’il ait fini sa phrase et que j’aie pu demander ce que voulait dire « inoffensif », l’orvet a mordu Papa à la main. Ça a eu l’air de lui faire très mal, mais il n’a pas crié et l’orvet s’est enfui dans la forêt. Quand la main de Papa est devenue presque aussi grosse que le gant que l’on met pour sortir les plats du four, il m’a demandé de regarder dans mon livre Les 1001 réponses aux questions de la vie, « juste pour être sûr ». L’orvet inoffensif s’est avéré être une petite couleuvre. C’est un serpent qui n’a pas de venin, alors Papa a paru soulagé.
« On va maintenant allumer un feu, puis on mangera nos sandwichs en attendant que la nuit tombe. » Malheureusement, c’est la pluie qui s’est mise à tomber. Au début ce n’était qu’un petit crachin et Papa a entrepris de nous bricoler une petite cabane avec son manteau et son duvet pendant que j’attendais dans la voiture bien au sec. Mais petit à petit, cela s’est transformé en une très grosse averse, et Papa a fini par me rejoindre, tout trempé et grelotant. On a mangé dans la voiture en attendant que la pluie se calme mais Papa avait laissé son sandwich dans son manteau sans doute parce qu’il n’avait pas voulu s’encombrer d’un sac. Tout mouillé, ça avait l’air beaucoup moins appétissant alors je lui ai donné les biscuits que j’avais emmené. Comme la pluie ne se calmait pas, il a fini par dire : « Ma toupie, je crains qu’il nous faille reporter notre session d’observation à une autre nuit, quand le ciel se décidera à être moins capricieux. » Je n’ai rien dit mais j’étais soulagée, parce que cela m’inquiétait un peu qu’il passe la nuit dehors dans un duvet aussi trempé.
Le trajet du retour m’a paru beaucoup plus long que l’aller. Après quelques kilomètres, le téléphone de Papa qui nous indiquait le chemin s’était éteint, et comme il n’avait pas dû vouloir s’encombrer de son chargeur non plus, il paraissait un peu énervé. Pour passer le temps, je bouquinais grâce à ma lampe de poche. Au bout d’un moment, la pluie s’est enfin arrêtée, et je n’ai plus du tout trouvé le temps long parce que d’un seul coup, on les a enfin vu… les étoiles ! C’était magnifique. « Regarde Papa, la Grande Ourse ! C’est l’une des plus grandes constellations du ciel ! Dans mon livre il est écrit qu’avant l’invention des cartes les marins s’en servaient pour se repérer parce qu’elle indique le nord ! ». Papa a fait un petit sourire discret, et un petit demi-tour un peu moins discret puis assez rapidement, nous nous sommes retrouvés devant la maison.
Pour voyager vraiment léger, Papa n’avait pas pris ses clefs non plus, et comme il n’a pas voulu déranger Maman qui devait dormir depuis longtemps, il a proposé qu’on passe la nuit sous l’abri, dans le fond du jardin. Moi j’étais super contente : quelle aventure cette soirée camping !
Quand je me suis réveillée au matin, Maman est arrivée avec un café chaud pour Papa, et un chocolat chaud pour moi. « Alors mes chéris, cette escapade étoilée ? », elle a demandé. « Maman, c’était génial, on a vu la Grande Ourse, et plein d’autres étoiles ! » ! Elle a regardé Papa qui ronflait encore sous la bâche qu’il avait empruntait au tas de bois et elle a souri : « Qui de mieux qu’un Papa un peu dans la lune pour observer les étoiles ? »