Douceur épicé
C’était une après-midi d’automne maussade. J’avais réussi tant bien que mal à me faufiler dans la cale du célèbre Hollandais Volant, et demeurais cachée derrière les caisses à munitions.
Mais les éléments au-dehors étaient si déchaînés que le navire tanguait dangereusement. Je m’agrippais de toutes mes forces à ces dernières pour ne pas tomber, mais une bourrasque trop vive me précipita à terre.
Alerté par le bruit, Bill le bottier me releva brutalement et sans perdre une seconde, m’attacha les mains dans le dos.
Je me laissais faire car je savais que c’était uniquement par lui que je pouvais me retrouver face à William.
Bientôt, il frappa à la porte de la cabine du capitaine en me poussant devant lui.
– William, nous avons une prisonnière ! Je l’ai trouvée qui farfouillait dans la cale parmi les munitions.
– Amène-la papa ! Dit une voix fière sortant de la cabine.
Ouvrant la porte, le botter me poussa à l’intérieur sans ménagement.
– Ah, je vois, mettez- moi cette voleuse à fond de cale ! Dit-il d’un ton brutal que je ne lui connaissais pas. Pourtant c’était bien le même homme, toujours aussi mirifique. Je dus combattre de toutes mes forces les larmes d’incompréhension qui me montaient aux yeux, tandis que les gardes me jetaient dans un coin humide et sombre de la cale.
Des questions sans réponses me hantaient. Will était-il devenu fou après tant d’années de service sur le bâtiment maudit ? Ne m’avait-il vraiment pas reconnue ? Signifiais-je encore quelque chose pour lui ?
À force de réflexions tortueuses, les larmes finirent par sortir et vinrent souiller la cape noire qui m’avait servi de camouflage. Elle était tellement détrempée par le périple que j’avais traversé jusqu’ici que je tentais de la retirer malgré les liens qui m’enserraient les poignets.
Cela devait faire déjà plus d’une heure que je me trouvais là, mais je ne le savais pas vraiment. Je commençais à grelotter de froid et de désespoir. Pourquoi donc avais-je ait tout ce chemin si l’homme que j’espérai revoir ne me reconnaissait plus.
Un bruit me fit sortir de mon gouffre. Quelqu’un venait. On tourna la clé dans la serrure et je vis enfin réapparaître le capitaine Turner.
– Je suis là Rose ! Il s’empressa de me délier les mains.
– Pourquoi leur as-tu ordonné de m’enfermer ici ? tu ne m’avais donc pas reconnue ??!!! hurlais-je en l’assénant de petits coups de poings rageurs tout en pleurant de plus belle.
– Arrête Rose, arrête ! Je ne pouvais pas faire autrement ! Reprit-il en me tenant les mains pour tenter de m’apaiser.
– Dans ce cas, tu aurais pu me faire comprendre par je ne sais quel moyen que tu jouais la comédie espèce de …
– Mais c’était mon père, il me connaît trop bien.
– Ce n’est pas une raison, tu n’aurais pas dû ! Dis-je en lui faisant lâcher la prie qu’il maintenait sur mes poignets.
À bout de nerfs, je le giflais sans ménagement. Il me répliqua en se tenant la joue :
–Tu as raison, je n’aurais pas dû te traiter de la sorte. Viens avec moi, il faut que l’on rattrape le temps perdu.
En prononçant ces mots, il m’enveloppa dans une couverture, me prit sous son aile et m’emmena discrètement jusqu’à la cabine qu’il devait partager avec Elizabeth lors de ses rares visites.
– Mais pourquoi m’emmènes-tu ici ?
– Personne ne viendra nous déranger, ce sont mes appartements privés. Dit-il en refermant la porte et en tournant la clé dans la serrure. Il appuya son geste par un lin d’œil coquin.
– Tu peux te changer si tu veux, il y a des vêtements qui devraient t’aller ans cette malle.
Suivant son conseil, j’ouvris le coffre et y découvrit quelques une des robes qui appartenaient à ma cousine.
– Ça ne te gêne pas que j’emprunte une robe d’Elizabeth ?
– De toute façon, tu en as besoin. Insista-t-il.
– Eh bien, soit, c’est vrai que j’ai froid … Mais tourne toi tout de même.
Il se tourna le temps que j’enfile ma robe.
– Je suis présentable.
Il me fit face et une expression admirative presque gênante se peignit sur son visage.
Je souris en baissant les yeux.
– Tu es magnifique. Je dois reconnaître que l’homme de ta vie sera comblé par tant de grâce.
– Si seulement les choses étaient différentes.
– Que veux-tu dire ?
– Tu le sais pertinemment. J’aurais voulu être autre chose que la cousine de ta femme.
– Je tiens à toi plus que tu ne le crois … Et en ce qui concerne Elisabeth, il y a des
rumeurs qui courent … Il suspendit sa phrase, mais j’en devinais le sens sans difficulté.
– J’en ai entendu parler.
– Peu importe, ce soir je ne souhaite pas y penser.
– Qu’as-tu en tête alors ?
– La femme qui a surmonté tant d’épreuves pour venir me rejoindre, la femme qui me fait oublier le mal que me fait Elizabeth … toi.
Cette déclaration fut comme une clé qui libéra enfin tout l’amour que j’avais tu au fond de mon âme. Je me jetais dans ses bras pour enfin lui donner le seul baiser qui m’importait. Il avait le goût sucré que j’avais imaginé mêlé à la douceur d’une tendresse infinie et à la chaleur d’une passion sincère. J’y distinguais tout de même la saveur des larmes, mais j’ignorais si c’étaient les miennes ou les nôtres.
Il quitta mes lèvres et posa sur moi un regard attendri avant de m’interroger.
– Pourquoi ces larmes ?
– J’avais imaginé ce moment depuis si longtemps … Tu es beau à en pleurer … Et toi ?
– La joie de te tenir enfin, mêlée à la douleur de l’adultère, celui d’Elizabeth bien sûr.
Il reprit mes lèvres, y imprima une impatience fiévreuse et immisça sa langue dans ma bouche pour enfin caresser la mienne. Mais mon désir allait au-delà du baiser, il comprit mon attente et bientôt, la douceur de sa bouche parcourait sensuellement ma gorge tandis que le plaisir me montait à la tête. Je la renversais pour m’offrir encore plus à sa tendre ardeur. Ses mains voyageaient délicatement le long de mon dos puis s’attardaient à la courbe de mes reins pour enfin redessiner le galbe de mes fesses. Je m’accrochais plus fort à lui en resserrant mes mains sur ses omoplates.
Ivre d’amour, d’un geste rapide, il releva le bas de ma robe sur mes cuisses puis leur rendit hommage tout aussi finement. La sensation de ses doigts m’électrisait la peau et m’illuminait l’âme. J’étais dans un état dans lequel seul le capitaine Turner pouvait me plonger. Sans suspendre ses caresses, il me souleva et m’assis sur le bord de la table qui devint l’allier de notre fièvre.
Tout en se collant contre moi, il fit glisser une première brettelle de mon épaule pour la frôler de ses lèvres. Il en fit autant avec la deuxième, puis enfin dévoila mes seins frémissants sous son attention. Il enjôla mes boutons de roses de sa langue ce qui ne fit qu’augmenter mon désir de lui. Je lui répondis en déboutonnant fébrilement sa chemise pour enfin toucher son torse et laisser aller mes doigts le long de la cicatrice qui nous tenait depuis si longtemps séparés. À cet instant, ses lèvres me frôlèrent l’oreille et il dit d’une voix sensuellement douce :
– Tu m’as toujours envoûté.
Il suspendit sa phrase et fit jouer sa langue sur le lobe de mon oreille. Je me sentis fondre encore un peu plus et ne pus retenir un gémissement de plaisir.
De mes mains tremblantes, je jouais avec sa ceinture et en vins bientôt à bout. Il fut bientôt libéré du reste de ses vêtements et je fus surprise du regard tendre qu’il me glissa tout en attirant mon visage au sien pour m’embrasser amoureusement.
Ce que je ressentais allait au-delà du bonheur. C’était comme si toute mon âme était bercée de son amour et une joie enivrante m’emplissait toute entière. J’étais au nirvana de mon émoi d’amour.
Je profitais de ce baiser pour défaire son bandana et laisser retomber ses cheveux humides sur ma peau émue. Il me serra plus étroitement contre lui en unissant son corps au mien. Toujours aussi attentionné, il me souleva dans ses bras et me porta jusqu’à sa couche sans nous désunir.
Allongé sur moi, il m’enivra de baisers et m’emporta sur une mer de passion rythmée par le mouvement de ses hanches et ponctuée par des mots d’amour. Mais le plus beau de tous demeura encore ce « Je t’aime Rose » qui pour moi valait plus que toutes les déclarations. Il le dit dans un souffle proche du paroxysme auquel je répondis par l’écho du « Will » confondu en « oui » qui signifiait mon extase amoureuse
Quelques minutes après, je me laissais aller à un doux sommeil, allongée sur son torse, apaisée par le doux geste de sa main caressant mes cheveux.
fin