La Kwashil atterrit à l'orée de la forêt. Elle déposa son baluchon contre une souche moussue, et s'étira les ailes. Elle s'assit, et contempla d'un sourire sentimental la chaîne montagneuse qui séparait ses terres forestières des dunes sans fin qu'arpentaient les Yu.
Elle attendit, le cœur gonflé d'espoir.
Elle se souvenait de l'avoir trouvé non loin d'ici, rampant pour échapper aux griffes du désert. Il était au bord de la mort, à moins d'un onzième de ciel de sa destination pourtant. Il l'avait rendue triste, ce jeune Yu brûlé par le ciel, alors elle l'avait aidé.
Avant qu'il ne puisse boire, il avait fallu retirer de sa bouche le sable avec lequel il avait trompé sa faim.
Il avait pleuré, quand elle l'avait conduit à la forêt. Il avait pleuré, et aussitôt bu ses larmes. Il lui avait demandé quelle magie faisait courir l'eau à la surface, et pourquoi personne ne s'entassait devant cette source miraculeuse, et par quel prodige toute cette végétation ne l'avait pas tarie. Et quelle merveille que le peuple des Aigles puisse vraiment voler ! S'il avait eu des ailes comme elle, lui avait-il dit, il aurait fui sa prison de sable il y a bien longtemps.
Elle aurait dû le laisser en pâture aux prédateurs de la forêt. C'était ce que d'autres Dai auraient fait, s'ils ne l'avaient tué eux-mêmes d'abord.
Elle fut prise de tendresse pourtant, une faiblesse, certainement, envers cette piteuse créature, qui s'éblouissait des plus petites choses. Son attachement envers sa terre natale, s'était-elle convaincue, l'avait poussée à s'assurer que le Yu en ignore les défauts.
Tandis qu'elle s'évertuait à protéger l'un de ces Yu dont la vie s'échappe comme du sable au vent, elle n'avait pas remarqué que ses pensées pour lui s'étaient colorées d'affection.
Elle se souvint lui avoir chuchoté « Awau sia » du bout des lèvres. Il avait écouté les sons étranges avec attention, et répété les mots mystérieux d'un accent malhabile, ingénu. Et elle avait su qu'il les avait compris. Et son euphorie avait eu un arrière-goût amer, déjà alors, et plus encore ensuite, parce qu'il leur avait fallu se séparer.
Elle l'attendait, en serrant son baluchon comme si elle craignait qu'on le lui prenne. Tout ce qu'il lui restait de lui.
Il ne viendrait pas, réalisa-t-elle alors que la lumière s'amenuisait. Peut-être avait-il oublié, peut-être ne l'aimait-il plus, ou... ou peut-être n'était-il plus.
Elle détacha le baluchon, en quête de réconfort, et son bébé lui sourit. Foéşhannakwa, l'avait-elle appelé. « L'aigle qui ne volera jamais ».
C’est court, mais c’est doux, amer et léger. Je ne m’exprime sans doute pas clairement, mais c’est ce que je ressens et j’aime beaucoup :)
Je t'avoue avoir lu deux fois la nouvelle pour être sûr de bien l'avoir comprise ;) Serait-ce ici une histoire d'amour, où deux êtres se sont rencontrés, aimés et séparés. Reste de cette aventure, un bébé aux origines multiples, malgré des parents aux origines différentes, un bébé né d'un amour qui n'aurait pas du exister. En tout cas c'est ma lecture de cette petite nouvelle bien sympathique :p
Au plaisir de découvrir le reste de ton univers