Un tour, deux tours. Vérifier que c’est bien fermer. Ça y est, tout est prêt. Elle se met en route, jetant encore un dernier regard derrière elle pour vérifier que la porte était bien verrouillée. Elle a toujours peur d’oublier quelque chose. Son pas bat le pavé avec force ; cette démarche aussi, elle fait partie d’elle. Une démarche violente, qu’on lui a fait remarquer plusieurs fois. Ça la gêne, mais elle préfère ne rien dire. Il ne faudrait pas qu’elle se fasse encore plus remarquer.
Le temps est au beau fixe aujourd’hui. Les rayons du soleil baignent les ruelles de pierre et les jardins de la ville ont l’air plus qu’accueillants. Elle ira peut-être, cet après-midi, après le travail. Pour dessiner un peu, et lire aussi. Elle doit aller récupérer quelques livres à la librairie de toute manière. Une main dans les cheveux. Depuis qu’elle les a coupés courts, elle n’arrête pas de les tripoter. Les sentir lui échapper des doigts si rapidement a quelque chose d’hypnotisant et de rafraîchissant. Une légère brise les agite.
La voilà arriver. La librairie est encore couverte de son rideau de fer. Quelle clé est-ce déjà ? Mais quelle idée d’avoir un trousseau aussi fourni… Il faut vraiment qu’elle achète ces petits porte clé en plastique, elle s’y retrouverait mieux si chaque clé avait un nom. « Pourquoi pas Blandine, pour la clé qui ouvre le rideau ? » se dit-elle en le soulevant. « Et Leslie, pour celle qui déverrouille la lourde porte d’entrée ». C’est drôle qu’elle ne pense qu’à des prénoms féminins. Elle les trouve tellement beaux.