Ce soir, alors que Charlotte se faisait une joie de se rendre au Crimson, l'herbe lui fut coupé sous le pied. Il était vingt heures quand Billy, son nouvel ami, vu qu'elle passait beaucoup de temps avec lui ; l'appela sur son téléphone personnel. Car oui, la rouquine avait bel et bien deux portables. Un pour son usage personnel et un pour son travail, au cas où le bureau avait besoin d'elle en urgence pendant ses jours de congés, par exemple.
Le blond cendré avait une voix des plus stressée au bout du fil. Tellement qu'elle cru qu'il allait faire une connerie. Alors, au lieu de prendre bien une heure pour s'habiller pour ce soir, comme le faisait la plupart des membres de la bande ; elle attrapa une tenue déjà composée qu'elle avait dans son placard, quand elle avait trop la flemme de faire une belle coordination. L'a fourrant dans son sac à main et fonça jusqu'à l'appartement de Billy. En chemin, elle avait tout de même prit soin d'appeler la patronne du Club pour lui dire d'annuler la voiture qui devait à l'origine venir la chercher chez elle. Qu'elle monterait dans celle envoyée à Billy.
Une fois arrivé dans l'appartement, elle ne trouva pas tout de suite l'homme. Il s'était en fait enfermé dans sa chambre. La rouquine pouvant l'entendre pleurer à chaudes larmes, assit contre sa porte pour empêcher quiconque d'entrer. C'était la merde, il fallait le dire. Car la dominatrice n'était vraiment pas doué pour consoler les gens… Même ses amis. Alors essayer de calmer Billy pour qu'il lui ouvre…
Elle fini toutefois par lui poser des questions pour arriver à déterminer ce qu'il se passait dans sa tête d'angoissé. Elle mit le doigt dessus rapidement et cela l'agaça un peu, en vrai. Car elle pensait que son coup de diva était en particulier à cause de la proposition de projet ou bien de la rencontre avec ses autres amis. Mais non, ce n'était rien de tout ça !
Il lui avait raconté qu'hier soir, à cause du stress, il était allé prendre un verre et qu'il s'était clairement fait draguer et presque embrasser, de son point de vue, par un mec. Pour le coup, elle s'était retenue d'exploser de rire. Si elle faisait ça, Billy allait sûrement l'envoyer chier et la soirée de présentation tomberait à l'eau elle aussi. Même si, dans la soirée, elle allait enfin rencontrer l'homme d'Equinoxe.
C'est après une explication des plus enfantines, lui disant que ce n'était pas grave, que le mec avait sûrement comprit qu'il ne fallait pas revenir le voir, vu comment il avait fuis et que ça arrivait à tout le monde de se faire draguer par des gens qui ne les intéressaient pas, que l'homme au chômage décida de lui ouvrir la porte. Bien entendu, elle lui promit qu'il ne lui arriverait rien ce soir, vu qu'il allait être très bien entouré.
Enfin, ils se préparèrent, repassant en revue leurs tenues… Billy portant un costume gris avec une chemise blanche sans cravate et Charlotte un corset noir avec un jean moulant de la même couleur. Dans la voiture, ce fut le silence. Sachant qu'ils allaient avoir quelques minutes de retard, elle avait envoyé un SMS à Absynthe. Connaissant la patronne qui détestait par-dessus tout le retard. Pour elle c'était un irrespect total et elle n'avait pas tort. Mais il y avait des fois des circonstances atténuantes.
Arrivant dans le Club, la rouquine pu enfin respirer à nouveau. Tout le monde semblait être présent à la table habituelle. Mais elle ne voyait pas d'inconnu. Où était le copain de la tatoueuse ?
- Hum… Viens, on va prendre nos consos' directement au bar pour éviter à Hiacynthe de repasser à la table.
- Ce n'est pas plutôt pour dire bonjour à ton crush ?, l'a taquina Billy, un petit sourire complice aux lèvres. Répondant à cela avec des joues un peu rouges et un coup de poing amical sur l'épaule du blond.
L'échange avec la barmaid fut rapide et assez gênant, Charlotte avait envie de dire des choses, mais rien ne semblait vouloir sortir de sa gorge. Alors, elle décida de fuir vers la table ou elle s'assit avec Billy, tout en ayant un grand sourire. Contente de se retrouver en terrain connu, car avec Hiacynthe… Elle avait bien trop peur d'encore une fois tout rater.
- Du coup, voilà, je vous présente Billy Mayeux ! Le nouveau membre de la bande !
- Ah, Mayo, contente de te voir. On va dire… Que tu es membre honoraire pour le moment… Et si ta proposition intéresse tous le monde… Tu seras un membre à part entier, qu'en dis-tu ?, intervint Absynthe, le ton mielleux et le sourire charmeur.
- Mais au fait, il devait pas être là ton mec, Nox' ?
- Si si, Charlotte. Il est juste parti aux toilettes. Il va revenir.
C'est alors que quelqu'un arriva à pas de loup dans le dos de l'avocate qui ne faisait jamais attention à ses arrières dans le Club. Un bras avec un téléphone dans la main, en mode photographie passa sur la gauche de son cou. Dans le retour de l'écran, elle put alors voir la gueule de Nathaniel, son collègue et ami, poser sa tête sur son épaule droite, pour ensuite prendre une photo, avec sa tête sans presque aucune expression, à part un sourire en coin discret.
- Hein ?! Nathaniel ? Qu'est-ce que tu fous là ? Ça fait bien trois ans que j'essaye de te traîner ici ! Tu as décidé d'enfin jeter un oeil ? Tu aurais dû me le dire, je t'aurais fait passer en coupe file !, dit-elle complètement abasourdi de voir son collègue dans le Club.
Celui-ci ne répondit pas, comme la plupart du temps à vrai dire. Il ne parlait jamais outre mesure. Mais tout ceci la perturbait, elle ne comprenait pas pourquoi son ami de faculté était présent. Sauf… Qu'il s'assit sans demander près d'Equinoxe, pour lui prendre le menton, souriant presque sadiquement cette fois, en fixant la rouquine, pour enfin déposer un baisé possessif sur les lèvres de la tatoueuse qui rougissait et gémissait doucement face à ce traitement inattendu et surtout, devant tout le monde.
Charlotte… Se figea, son cerveau venait de faire un écran bleu. Nathaniel. Le Nathaniel d'Equinoxe, c'était son Nathaniel ? Le mec qu'elle avait souvent voulu pécho, mais qui se l'était interdit à cause de sa nature de lesbienne pure et dure ?
Sans ne rien répondre, elle s'assit à son tour, entre la patronne et Billy, comme choqué, n'arrivant pas à s'en remettre. Billy et Absynthe lui passèrent une main dans le dos pour l'aider à s'en remettre.
- Est-ce que ça va aller ?, demanda le blond cendré, l'air quand même un peu inquiet. Elle ne lui répondit pas, mais fixait le petit couple. Elle était heureuse pour eux, mais quelque chose la turlupinait.
- Mais, Nathaniel… Tu t'es mit au BDSM ? Une relation avec Equinoxe, c'est avec, obligatoirement.
- Cela va sûrement te décrocher la mâchoire, mais oui. Depuis un an environ.
- Dominant, je suppose… Putain…, lança-t-elle, complètement dépité.
- Quoi ? Tu voulais me soumettre peut-être ?, rétorqua-t-il, l’œil brillant de curiosité, son sourire en coin toujours collé sur son visage de tête à claque.
- Mais nah ! Abruti !!
Tous se mirent à rire face à la réaction de l'avocate. Celle-ci essaya de changer de sujet car en soit, Nathaniel n'était pas la seule attraction du soir. Demain, elle allait l'appeler pour lui faire un topo d'amie de base genre « si tu l'as fait souffrir, je te démonte ».
- J'ai fait venir Billy pour un truc en particulier. Il a une idée dont j'ai rapidement parlé à Absynthe, mais j'avais aussi envie que vous l'entendiez.
Tous devinrent bien plus sérieux, tout d'un coup. Billy, quant à lui, semblait se crisper, près d'elle. Alors elle lui posa une main sur l'épaule, pour lui donner du courage. Elliot avait dû aussi s'en rendre compte car il enchaîna :
- Alors ? C'est quoi cette idée ? N'ai pas peur, on va pas te manger, hein.
Le styliste avait dû le mettre en confiance avec son sourire chaleureux, car le pauvre petit soumis en mal d'amour prit une grande inspiration avant de parler, tout en sortant son porte-document.
- En fait, je me suis rendu compte qu'à Bordeaux, il y avait pas mal de lieux en rapport avec le milieu BDSM, des Clubs, des bars, des groupes de discussions… Un donjon. Enfin, pleins d'évènements pour la communauté, sauf un, qui pourrait tous nous rassembler, être accessible et pas du tout tabou. Une convention.
- Attends, tu veux dire… Une convention, comme un énorme salon ? Comme au Parc des Expos avec le salon du tatouage et le salon du mobile-home ?, demanda Equinoxe, pour confirmation.
- Oui, c'est ça, fait un énorme salon, ou même ceux qui ne font pas partie du milieu pourrait visiter. Après tout, on a tous attachés les mains de son ou sa partenaire au moins une fois au lit, pour voir ce que ça fait. Il y aurait des stands d'accessoires, de créateurs, de meubles, tout ce dont on a besoin, pour du soft ou plus poussé. Avec pourquoi pas des tables rondes sur une scène, une loterie, et des artistes en exposition, comme des photographes, par exemple.
Comme prévu, Charlotte resta simplement observatrice, mais elle savait déjà que l'idée allait plaire à tout le monde.
- Mais le problème, c'est que le BDSM est assez mal vu par le Maire, à ce que j'ai entendu, il met déjà la pression pour fermer certains Clubs en centre-ville., intervint Nathaniel, le plus sérieusement du monde.
- Oui, c'est un problème, en effet. Mais j'ai déjà eu affaire au Maire, je sais comment le caresser dans le sens du poil. Obtenir une autorisation ne sera pas compliqué. Et puis… Nous avons deux merveilleux avocats intraitables, dans cette équipe…, annonça la patronne en souriant.
Tous se mirent à discuter en souriant et en riant face à cette idée formidable. Elliot avait pris un stylo et une feuille à Billy pour commencer à faire une liste des exposants à possiblement contacter. Mais ce fut au professeur de sociologie d'intervenir.
- Et comment vas-tu financer cet évènement ? Même s'il y a de forte chance que ça marche, il te faut de l'argent. Beaucoup d'argent. Tu es au chômage, non ? Ce n'est pas cette petite somme qui va suffire, ne serait-ce pour louer la superficie du Parc.
Sa question était censée, il fallait bien l'avouer. Et pour le coup, Charlotte avait une idée, mais n'était pas sûr que ça puisse complètement aboutir.
- J'ai eu l'idée de trouver des sponsors pour financer. En les remerciant avec un pourcentage sur le bénéfice.
- Oui, c'est une bonne idée, mais encore faut-il trouver le ou les sponsors prêts à dépenser autant d'argent. Même si les places d'exposants sont payantes…
C'est alors que le styliste leva le bras bien haut, comme s'il était dans une salle de classe. Un grand sourire étiré sur son visage.
- Pas besoin de demander de l'argent aux sponsors, tant qu'ils font la publicité du salon pour attirer du monde !
- D'accord, mais du coup, on le trouve ou l'argent, Luciole ?, le questionna le professeur.
- Je paie tout. Pas de souci !
Le silence se fit autour de la table. Tous fixaient Elliot le sourcil relevé. Il avait l'habitude de sortir des énormités, mais là, c'était un sujet sérieux. Charlotte décida de mettre les points sur les I, car tout ça commençait à l'énerver.
- Non, mais arrête de dire de la merde. On cherche beaucoup d'argent.
- Oui, eh bien tu ne sais pas combien j'ai sur mes comptes. Si je te dis que je prends en charge les finances, c'est que je le peux.
C'était assez dur à croire, mais Elliot avait déjà des commerces qui marchaient vraiment bien et était connu dans le monde entier pour son travail. En effet, en y réfléchissant, il pouvait sûrement assumer les dépenses. Enfin, la discussion redevint calme. Tous se proposant en tant que partenaire pour le salon. Equinoxe se proposant à faire des tatouages en rapport avec le BDSM pendant la convention. Après tout, certains dominants aimaient les tatouages d'appartenance. Et même, des flashs avec des images en rapport, c'était tranquille.
Même Léo proposa d'en parler dans son laboratoire de recherche. Pour pourquoi pas faire une sortie avec ses étudiants. Vu qu'il travaillait sur la soumission à l'autorité, parler du BDSM, c'était parfait.
Hiacynthe décida de s'approcher à ce moment-là, en demandant si le groupe voulait à nouveau à boire. Sauf que Charlotte baissa les yeux, les joues rouges, murmurant sa commande. Une fois celle-ci partie, Billy s'approcha d'elle.
- Mais pourquoi tu ne l'invites pas à sortir ?
- Je… J'y arrive pas. C'est trop compliqué. Je n'ai pas encore envie de tout rater.
Ce fut à Absynthe d'intervenir alors, en souriant.
- Tu ne rateras rien. Camoufle le date. Pourquoi tu ne lui proposes pas de sortir, pour t'aider à organiser la convention ? Une sorte de brainstorming dans un café ? Après tout, elle est professeur de shibari en freelance, elle pourrait nous être utile.
C'est vrai qu'elle avait su pour sa profession à côté de ce boulot… Ce n'était pas une mauvaise idée. Mais elle n'arrivait pas à se remettre du fait que la patronne qu'elle avait tant détesté l'aidait à réussir à avoir une relation avec une de ses employées.
Prenant son courage à deux mains, elle se leva, pour aller s'accouder au bar, se mettant une mèche derrière l'oreille, stressée.
- Hiacynthe ?…
- Ouais, la belle ? Tu veux quelque chose d'autre à boire ?, demanda la barmaid en plein dans ses préparations.
Charlotte rougit un peu plus au surnom.
- Non… Euh… En fait, j'aimerais savoir si… Tu voudrais qu'on sorte boire un café, une après-midi ? Je bosse sur un truc et je me dis que tu pourrais m'aider, vu que tu fais du shibari. Et puis comme ça… On pourra se voir…
Non, c'était certain qu'elle allait refuser vu comment elle avait formulé sa demande. Charlotte était en train de mourir intérieurement. Elle n'avait qu'une envie, fuir et se cacher. Comprenant les sentiments d'Equinoxe face à son mal-être. C'était pas ouf comme sentiment, à vivre au quotidien en tout cas…
- Okay ! Tu m'envoies un message ? Vu que tu as mon numéro, pour me donner les bails ?, lui dit-elle, avec le sourire et en faisant un clin d’œil complice. Ce qui fit littéralement fondre sur place l'avocate habituellement plus dure que du granite.
J'ai hâte de voire la convention de bdsm.