On était samedi. Le lendemain de la soirée habituelle avec la bande au Crimson, mais Luciole, le styliste original n'en profitait aucunement pour se reposer. Au contraire, il s'était levé vers les neuf heures pour ensuite filer à sa boutique. Elliot était passionné par son travail, tout comme Equinoxe, ce qui expliquait qu'ils prenaient aussi peu de jour de congés. Tout comme les deux avocats aussi d'ailleurs.
Le brun avait encore rêvé dans la nuit de nouveaux vêtements qu'il fallait absolument qu'il dessine pour ne pas les oublier. Ce qu'il fit pendant son petit-déjeuner. Qu'il prenait toujours au café Le Régent, en plein dans le centre-ville avant de se rendre à son atelier. Commandant généralement un grand moka bien chaud avec des petits cannelés qu'il avait achetés à la boutique en chemin. Il fallait dire qu'il était friand de ses petites douceurs bordelaises. Griffonnant sur son carnet de croquis en même temps qu'il mangeait. Il n'était pas rare qu'il renverse un peu de sa boisson sur ses pages. Ce n'était pas un drame, vu qu'il s'agissait d'un simple carnet de croquis. Une fois ce petit rituel de terminé, il se leva, remerciant Victor, le serveur, pour son service toujours aussi impeccable et se rendit enfin à son atelier, un peu plus bas, près du Grand Théâtre, dans une rue un peu cachée et peu fréquentée.
Observant sa devanture, pensif. Il l'aimait beaucoup car elle lui rappelait sa vie d'avant. Sa vie avant Bordeaux. Sa vie avec ses parents, en Angleterre. Car notre ami dont on ne savait presque rien était Anglais. Mais personne ne pouvait s'en douter, vu qu'il n'avait absolument aucun accent. Pratiquement certains que tous ses amis le prenait pour un Français pur souche. En même temps, en ayant eu l'éducation qu'il avait reçu, il avait pu apprendre à ne plus avoir d'accent en parlant français. Bien sûr, les souvenirs que provoquaient sa décoration extérieure étaient joyeux, surtout ceux de son enfance. Son adolescence ainsi que son début en tant qu'adulte fut un véritable enfer à vivre…
Finalement, il rentra dans son échoppe. Ambre, sa vendeuse étant déjà présente, en train de terminer la mise en place avant l'ouverture. C'était ce jour-là qu'ils faisaient le plus de chiffre. Car plus de monde dehors, plus de curieux qui entraient. Bien qu'il ne faisait pas énormément de vente au mois, il arrivait à très bien vivre de son art. Les pièces étant des plus coûteuses. Malgré tout, il avait bien choisi de poser ses valises dans cette ville, elle était gorgée d'adeptes du BDSM, mais aussi fourmillant de personnes ayant les moyens pour se prendre beaucoup de tenues à l'année. Un très bon choix.
- Bon, je vais dans mon atelier. Comme d'habitude, ne me dérange pas, venait-il de demander à la jeune femme gentiment.
- Sauf si c'est un de nos plus important client, bien sûr.
- Tu as tout comprit !, ponctua-t-il avec un sourire malicieux.
Ambre était une bonne employée. En plus, elle faisait partie du milieu. Ce qui était un point à ne pas négliger, car du coup, elle s'y connaissait en latex et vinyle. Ce n'était pas des textiles habituellement vendu dans le commerce…
Il s'attela à sa besogne du matin. C'est-à-dire de sortir son carnet de croquis pour trouver des textiles adéquats avec ses nouvelles idées. Prenant donc son petit carnet de modèles, garni de petits bouts de textes tous différents.
La matinée passant relativement vite pour lui, alors qu’Ambre entra pour lui déposer une salade qu'elle était sortie acheté dans un commerce du coin, pour qu'il mange, car il était déjà quatorze heures. Le brun décida de faire une pause. S'arrêtant, il lâcha ses cheveux pour ensuite commencer à manger son repas, se disant qu'il n'avait jamais assez de temps pour tout faire dans une journée. C'était affreux.
Quand un bruit attira son attention. Une vibration plutôt qu'un bruit. Essayant d'en trouver l'origine, il posa ses yeux sur son téléphone portable, posé à un coin de sa table de travail. C'est vrai qu'il l'avait mis en mode vibreur pour être plus tranquille. L'attrapant, il ne reconnu pas le moins du monde le numéro. Il prit la décision de décrocher. Après tout, il était en pause, il pouvait bien répondre à des inconnus plutôt que d'attendre un message.
- Allô ? Elliot, de chez Elliot & Co', à l'appareil.
- Sweetie ? Est-ce bien toi, Sweetie ?, demanda une voix féminine maniérée à l'autre bout du fil.
Tout d'un coup, le pansexuel se figea. La femme à l'autre bout du fil n'était pas une inconnue, loin de là… Reconnaissant sa voix entre mille. Sa mère. Sa mère, qui l'avait rejeté des années auparavant, sans jamais essayé de le joindre, venait de l'appeler.
- Comment avez-vous eu mon numéro ?, répondit-il sèchement. Changea d'attitude, radicalement, passant même par le vouvoiement.
- Nous t'avons cherché partout. Finalement, on a retrouvé ta trace en France. Écoute, Sweet heart… Nous sommes actuellement à Bordeaux. Tu vis bien à Bordeaux, n'est-ce pas ?
Elliot avait des sueurs froides en écoutant toutes les questions de sa génitrice. Comment pouvait-elle savoir dans quelle ville il se trouvait. C'était insensé. Se sentant tout d'un coup absolument pas en sécurité, il se passa une main sur le visage, histoire de se calmer. Ce n'était que ses parents, il n'allait rien lui arriver de grave.
- Oui, et alors ?
- Nous voudrions… Ton père et moi-même, pouvoir te revoir. Passer un petit moment avec toi… Prendre un café, par exemple ? Cela fait si longtemps que nous ne t'avons pas vu…
Il soupira. Ils étaient en ville. À tous les coups, ils séjournaient au Grand Hôtel… Juste en face du Grand Théâtre… Donc à quelques minutes à pied de son commerce. C'était la merde monumentale, s'ils le croisaient alors qu'il rentrait chez lui. Quoique… Il avait changé depuis la dernière fois qu'ils se sont vu.
- Pour quoi faire ?
- Oh, ne soit pas comme ça… S'il te plaît Sweetie… Accepte… Accepte pour la mère qui souffre que je suis… J'aimerais te voir juste un peu… Parler de ta vie… Prendre des nouvelles…
Il n'en savait rien en réalité. Voulait-il les revoir après tout ce temps ? Non, c'était trop tôt pour le dire. Lui qui avait été des plus rejeté par sa soit-disant famille. Qui devait faire ce que eux voulaient et pas le contraire. Il avait fini par s'enfuir, faire sa vie de son côté. Et bien qu'ils le rejettent, ils ont essayé de le retrouver, de le forcer à revenir. Puis… Il arriva à la majorité et ils ne purent plus rien y faire. Alors il fuit encore une fois, cachant bien ses traces au cas où ils chercheraient encore à entrer en contact avec lui. N'utilisant plus son nom de famille, surtout pour ce qui était de son métier. Même Equinoxe ne connaissait pas son nom de famille. Encore heureux.
- Je vais réfléchir, je vous enverrait un message.
Et il raccrocha. Encore perturbé par ce bref échange. Sauf que son téléphone portable sonna à nouveau. Énervé, il ne regarda pas le nom de l'interlocuteur en décrochant.
- Quoi encore ?! Arrêtez d'insister !!…
- Elliot ? Est-ce que tout va bien ?, demanda inquiète, Absynthe à l'autre bout de la conversation.
Merde. Ce n'était pas sa mère, mais Absynthe qui appelait. Le timing étant une simple coïncidence. Il soupira, puis prit une grande inspiration pour se calmer.
- Oui, tout va bien. Un fournisseur un peu chiant.
- Oh, je comprends. Dis-moi, pourrais-tu passer au Club ce soir ?
- Oui, bien sûr.
Que pouvait-il se passer pour que la brune lui demande de passer un samedi soir ? Cette demande était si particulière qu'elle effaça de ses pensées le fait que ses parents étaient en ville.
Ce soir-là, il arriva tranquillement au Club, étant venu en taxi cette fois. Retrouvant Absynthe qui l'amena dans son bureau ou se trouvait déjà Billy. Tiens, pourquoi était-il là ? Une fois assit, il regarda la patronne pour finir par être le premier à ouvrir la bouche.
- Pourquoi on est dans ton bureau ? Et pourquoi Billy et moi seulement ? Quelque chose ne va pas ? On a fait quelque chose de mal ?
À cette question Billy se mit à trembler. Pour le rassurer, le brun posa une main sur son genou.
- Non, non, rien, vous n'avez rien fait. Je voulais juste être dans un endroit ou personne ne pourrait écouter. Vous vous souvenez, hier soir, quand Vayen et Karl sont venus ?
- Oui, c'est cette histoire de Club qui te tracasse ?, demanda Billy, d'une petite voix.
C'est vrai que l'histoire avec ce nouveau Club, Elliot n'y avait pas vraiment fait attention, mais pour Absynthe, ça avait dû la faire réfléchir…
- En effet… Je voudrais que vous alliez tout les deux faire un tour là-bas… Pour voir par vous-même ce qui est vrai…
- C'est sûr que si tu envoies Equinoxe ou Léo… Ils seraient vite repérés. C'est les gens les plus proches de toi. Moi, en tant que styliste, je pourrais clairement chercher de nouveaux clients et Billy est inconnu au bataillon !
Il comprenait enfin toute cette histoire étrange.
- Tu es sûr… Que tu veux que ce soit moi qui y aille ?…, demanda Billy, vraiment pas confiant.
- Oui, Billy. Tu en es capable. J'ai confiance en toi. En plus, tu n'as rien à craindre, c'est une simple soirée avec Elliot, dans un nouveau Club, entre amis, le rassura-t-elle, avec un sourire chaleureux.
Sortant enfin du bureau après quelques minutes de discussion, Elliot prit Billy contre lui pour encore le rassurer. Vraiment, il avait un affreux problème de confiance en soi. Mais au loin… Il aperçut le russe qui semblait l'intéresser.
- Eh, pourquoi tu ne demanderais pas à Nikolaï de nous accompagner ? Comme ça tu pourras faire connaissance avec lui, et je ne serais pas très loin si quelque chose arrive, proposa-t-il avec un sourire malicieux.
Comment ça, Elliot adorait jouer les entremetteurs ?
- Hum… C'est une bonne idée, en effet. Mais tu viens avec moi.
Gloussant, il s'écarta du blond pour aller avec lui jusqu'à la table du russe. Billy semblait avoir rétréci. Tous autours de la table s'étaient arrêtés de parler, l'observant, interrogatif.
- Euh… Nikolaï ?… C'est bien ton nom ?…, commença Billy.
- Oui, c'est bien ça.
L'homme avait dégagé la femme qui était assise sur lui dès que Billy s'était pointé. Il avait l'air d'avoir rongé son frein pour se retenir d'aller le voir de lui-même apparemment.
- En fait… Mon ami et moi, on va aller dans quelques jours au nouveau Club près de la gare…
- Oh, oui, le Clovis, j'en ai vaguement entendu parler.
- Est-ce que… Est-ce que tu serais intéressé pour nous accompagner ?… Je… J'aimerais beaucoup faire connaissance… Je suis vraiment désolé pour la dernière fois…
Plus Billy parlait et plus Elliot pouvait le voir fondre sur place, c'était assez impressionnant. Il était encore plus timide qu'Equinoxe. C'est alors que le rire du russe se fit entendre. Il se pencha sur sa table, ses coudes dessus, ses mains soutenant sa tête. C'est vrai qu'il était canon le gaillard. Il fallait l'avouer.
- Hum… Pourquoi pas ? Tu as peur que je te saute dessus pour que tu demandes à un chaperon de nous accompagner, joli minet ?
La réplique coupa le souffle du styliste. Il y allait direct au culot, le mec. Billy venait de rougir tomate sur tout son visage. Aller, c'était à son tour d'intervenir. Se penchant sur la table à son tour pour se trouver proche du visage de ce Nikolaï.
- Tu n'y es pas, beau guépard. On doit rendre un service à une amie en allant là-bas. Juste, Billy s'est dit que ça serait enfin l'occasion de t'approcher. Comme tu le vois, il est assez timide, alors ménage-le, soit gentil.
L'homme qui devait bien avoir la cinquantaine se mit à sourire doucement. Comme satisfait.
- Oui, j'avais remarqué. Haha. D'accord, parfait. Donc tu t'appelles Billy… C'est mignon.
Finalement, le blond reçu la carte de visite de l'homme, avec ses coordonnées pour lui donner la date et l'heure du rendez-vous.
- Bien, je vais vous laissez partir avant qu'il fasse un malaise, fini par dire le tatoué, amusé.
En effet, Billy était presque sur le point de faire un malaise vagal. Elliot remercia son futur copain de beuverie pour prendre Billy par le bras et l'accompagner dehors.
En tout cas on en apprend plus sur Elliot et ses parents qui débarque de nul part, ça sens la merde.
Pour Billy, oui c'est une timidité maladive à cause de sa vie de merde