C'est un mois plus tard, qu'Erwann reçu alors un pli de la part d'Absynthe. Ils s'étaient bien revu plusieurs fois pendant des repas pour discuter, histoire de se connaître un peu plus. L'entrepreneur se disant que c'était pour lui inculquer le sens de confiance dans la pratique. Le message de la demoiselle était en réalité une invitation officielle pour se rendre à une convention sur le BDSM. C'était assez intriguant, surtout qu'il s'était renseigné avant de venir loger dans cette ville. N'ayant jamais eu vent d'un salon de ce type. Curieux, il allait s'y rendre aujourd'hui.
On était samedi, donc il pouvait clairement laisser son travail en suspend. Le salon ouvrait à treize heures. Alors autant arriver à l'ouverture. Il aurait pu être du genre à arriver en retard de quelques heures, histoire de faire poireauter dans son jus la petite brune. Mais commençait à bien l'apprécier, alors cette taquinerie n'était pas envisageable. Surtout qu'il avait fini par comprendre à quel point elle pouvait être rancunière et stricte après un acte pareil. Pendant tout ce mois, il avait aussi rencontré les autres membres de la clique de la patronne intraitable. Pouvant enfin parler à ses trois intrus qui avaient foutus le bordel dans son Club. Ils avaient bien sûr « fait la paix » même si la rancœur pouvait se lire dans les yeux de deux d'entre eux. Le styliste et le russe. Aujourd'hui, il avait prévu de s'entretenir avec l'un des deux, pour parler de ses créations, pour savoir s'il pouvait travailler d'autres textiles que le latex. Il avait vu certaines de ses créations et il fallait bien admettre qu'il était des plus doués.
Décidant, pour l'occasion de s'habiller comme à sa première entrevue avec Absynthe. Son costume entièrement noir et sa coiffure si particulière. Il avait réellement l'allure d'un dominant comme cela, enfin, c'est ce qu'il se disait, car il n'avait vu que des photos sur internet. Voyant l'allure de ses clients aussi, mais c'est un peu plus simple que ce qu'il trouvait sur la toile. En tout les cas, ça lui correspondait bien. Ne se voyant pas, pour le coup, enfiler un haut fait par Elliot ou même un harnais en cuir. Absynthe lui avait fait parvenir deux invitations. Voulait-elle savoir si Erwann avait une compagne ? Ou bien un compagnon ? C'était la question qu'il se posait avec le plus grand des intérêts. Peut-être qu'elle s'intéressait à lui ? Allez savoir.
Malheureusement, non. Erwann était un bourreau de travail. Il n'avait ni le temps pour des conquêtes, ni même pour une relation longue. Se couchant à des heures improbables et passant des heures et des heures à son bureau, bien que son appartement se trouve juste au-dessus de sa tête. Plus jeune, il avait enchaîné les femmes. Jusqu'à ce qu'il trouve sa voie. Prenant sa voiture, sans chauffeur pour une fois, il enclencha le GPS pour se rendre au Parc des Expositions. Un lieu dans une zone commerciale regroupant hangars et parkings pour ce genre de gros évènements.
Arrivant vers l'entrée, il put voir la file de personnes attendant pour acheter leurs billets sur place et celle de ceux ayant déjà leurs billets. Elles étaient longues, si longues que les organisateurs avaient dû rajouter des barrières près du parking. Effectivement, ça attirait beaucoup de monde. Cette ville était un vrai filon. Cela avait ouvert depuis au moins trente minutes, alors il se demanda s'il devait lui aussi faire la queue. Ce qui serait gênant, vu le nombre de visiteurs. Il se demanda d'ailleurs si le hangar serait assez grand. Voyant heureusement, une file vide, faite pour les personnes invitées. C'était pour lui, vu la tête de son invitation. S'y rendant, il put entrer immédiatement. Certains, dans les files voisines le reconnurent. Après tout, il n'était pas personne. Il était quelqu'un. Quelqu'un de connu dans ce milieu de par son Club. C'est avec un sourire fier qu'il arriva dans le hall. Regardant autour de lui.
Il ne s'attendait pas à ça. Au début, il se disait que ça ne serait qu'une petite convention banale organisée en même pas un mois… Mais non, elle avait l'air aussi remplit et animée qu'une convention à échelle nationale. Absynthe avait fait fort, il fallait l'admettre.
- Vous voilà enfin.
La voix sensuelle et douce de la dominatrice brune résonna derrière lui. Se retournant, il put la voir. Ou plutôt l'admirer. Elle était habillée d'une robe moulante noire à volutes translucides. Ce qui lui faisait penser à une robe rituelle de sorcières, comme il avait pu en voir dans les films. C'était adapté à la situation. Un rouge à lèvres mauve accentuant sa tenue avec perfection. S'affublant lui aussi d'un sourire, il prit sa main pour lui faire un baise-main. Petit rituel qu'il avait fini par accepté à force que la demoiselle insiste.
- Oui, je suis là, comme vous l'aviez désiré.
- Comment trouvez-vous la convention ?
- Pour une première impression, assez impressionnante, je ne m'attendais pas à autant être surpris. Vous avez dû beaucoup travailler.
- Ce n'est pas moi l'organisatrice. Mon Club n'est qu'un sponsor, Erwann. Il faut vérifier vos sources, mon cher, rebondit-elle avec allégresse, un sourire presque sadique aux lèvres.
- Dois-je comprendre que vous êtes venu m'accueillir pour me faire la visite, du coup ?
- En effet. Je dois toujours vous convaincre…
Le brun commençait sérieusement à douter de cette volonté de le convaincre à sa vision des choses. Car en un mois, elle ne lui avait rien montré d'explicite, en réalité. C'est pour ça qu'il commençait à se dire qu'elle prétextait cela simplement pour mettre Erwann dans son lit.
- En tout cas, le choix de votre mascotte est particulière. Un porc-épic ? Pourquoi pas juste un homme torse nu avec une cravache ? demanda-t-il, après avoir vu une bannière.
- Simplement pour dédramatiser la pratique. Un animal version cartoon attire n'importe qui. Autant les mères de famille qu'un simple dominant. En attirant l’œil, ils lisent le flyer de publicité pour se décider à venir ou non.
Erwann ne pu s'empêcher de glousser.
- Je doute qu'une mère de famille ira dans ce genre d'évènement.
- Allez savoir ? Seule, ou avec ses amies, ou son mari. Mais oui, bien évidemment, sans ses enfants. Comme ça, la représentation du BDSM, un peu malsaine, que beaucoup se font à cause de la littérature et des films est cassée. Les questions se bousculent, l'envie de savoir surgit. Et le seul moyen d'y répondre est sous leur yeux. La convention.
Avec douceur, la femme aux yeux mauve vint glisser son bras dans celui du patron du Clovis, se collant un peu à lui. Serrant son étreinte.
- Bien, maintenant commençons la visite, fini les questions absurdes. Si je vous entends encore sortir ce genre de choses, vous aurez une punition ce soir.
Il commença à avoir chaud. Comment ça, une punition ce soir ? Ils devaient se voir ce soir ? Il n'en savait rien… Alors il tenta quelque chose.
- Ce soir ? Vous allez me kidnapper et m'attacher dans votre donjon ? Je croyais que la sécurité était un des points fort de votre philosophie.
- En effet, elle l'est. Non, bien sûr que non, je ne vais pas vous enlevez. J'allais vous proposer de dîner chez moi après la convention. Je voulais vous montrez certaines choses et connaître votre avis sur certains points après avoir vu l'envers du décor aujourd'hui, finit-elle en souriant.
Finalement, elle se mit en face de lui, l'empêchant d'avancer, très près de lui, tellement qu'il commençait à se sentir grossir. Cette femme était bien trop séduisante pour lui. Tout d'un coup, elle lui attrapa sa bosse, la pressant sans gêne, alors qu'il gémissait doucement en essayant de ne pas être trop audible par le monde qui l'entourait, surtout que tout ceci avait l'air normal en ce lieu, vu que de nombreux dominants marchaient avec leurs soumis tenu en laisse.
- Mais il est vrai… Que je ne vais pas me priver pour vous punir, vous qui êtes mon soumis. C'est ce qu'on avait convenu, n'est-ce pas ? Que pour vous montrer, je devais vous soumettre. C'est bien là ce que je vais faire…
La pression augmenta d'un coup dans le crâne d'Erwann. Qu'est-ce que cela voulait dire ? Elle passait enfin à l'action ? Elle qui avait quand même mit un mois avant de faire quelque chose de concret ? Pourquoi ? Il ne put d'ailleurs pas s'empêcher de demander, à demi-mots, la voix tremblante du choc. Absynthe, quant à elle, recommença à marcher, en l'amenant devant un stand, très proche de l'entrée.
- Pourquoi ? Parce que la confiance est essentielle… Cette demoiselle va vous l'expliquer, son stand est là pour ça.
Absynthe semblait avoir un sourire des plus triomphant au visage. Il se rendit alors compte qu'il avait complètement sous estimé la patronne du Crimson. Elle était… Une stratège des plus hémérite, même lui n'aurait pas pu mettre ce genre de plan en place. Alors, il posa ses yeux sur la bénévole du stand qui lui expliqua à grand renfort de panneaux et de dessins que quand un soumis et un dominant se donnaient rendez-vous pour la première fois, ce n'était pas pour faire une séance. Au contraire, c'était pour discuter des attentes de l'un et de l'autre, ainsi que des règles que mettent en place le dominant et des limites du soumis. Souvent, un contrat pouvait être signé. Mais qu'il pouvait aussi y avoir plusieurs rencontres en terrain neutre pour se connaître davantage avant de se jeter réellement dans le bain. Il apprit d'ailleurs que certaines personnes n'imaginaient pas le BDSM sans une relation de couple derrière. Chose à laquelle il n'avait jamais pensé. Tout d'un coup, il ne put s'empêcher de se demander si c'était la même chose pour Absynthe.
- Et vous ? Est-ce votre cas ? craqua-t-il, demandant cela avec des pincettes.
- Je m'en suis toujours fiché. Je n'ai jamais vraiment eu le temps d'avoir une relation sentimentale avec quelqu'un. Peut-être que ça arrivera un jour. Equinoxe pense comme ça, même si elle est assez libertine.
Bon, il avait une demi réponse à sa question. Voulant surtout savoir si une fois en couple, elle laisserait tombé ce Léo. Ce meilleur ami. Après ses nombreuses discussions, il avait compris que c'était lui qui avait l'exclusivité de la jeune femme pour ce qui était de la soumission.
Enfin, le passage à ce stand, qui était… Des plus rabaissant pour lui fut terminé. Se remettant à marcher avec elle pour découvrir de plus en plus de chose qu'il ne soupçonnait aucunement. Ne pensant pas qu'il y avait autant de commerce en rapport avec cette simple pratique qui en réalité était un monde entier à elle toute seule. Ne pouvant s'empêcher de poser des questions aux exposants mais aussi à Absynthe. Voyant même des produits qui lui faisait envie. Il ne put d'ailleurs s'empêcher de rougir de gêne à certains moments, quand la brune réussit à détecter un intérêt certain chez l'entrepreneur.
Il avait tout arpenté avec elle, même l'espace VIP, pour les maîtres-soumis hard et expérimentés. Ceux cherchant un partenaire de jeu. C'est dans cette section qu'il vit la plus grande réglementation pour le visiteur, vu que des dominants pouvaient pratiquer avec des soumis. Même si c'était du puppy ou du pony play. C'était une pratique qui pouvait s'avérait problématique si peu entouré. Entre la chaleur du hangar, le latex, les cagoules, la contrainte…
Enfin, ils retournèrent devant la scène, s'asseyant, pour regarder Hiacynthe, une employée du Crimson faire une démonstration de shibari. Voyant la femme à la peau hâlée attacher une volontaire, il se dit alors que si elle serrait trop les liens, la jeune femme perdrait l'usage de son bras, surtout si la formatrice n'arrivait pas à défaire ses nœuds à temps. Là aussi, pour une contrainte simple, il fallait s'entraîner et avoir de l'expérience, ne pas se lancer à corps perdu dans la pratique simplement par jeu.
C'était sans doute pour ça qu'Absynthe lui avait reproché d'embaucher des personnes sans qualifications dans ce domaine. Il comprenait à présent pourquoi. Il risquait gros à faire ce qu'il faisait au Clovis. Néanmoins… Il avait compris que ce lieu attirait de nombreuses personnes qui ne pouvaient pas faire ce qu'ils voulaient dans cette pratique, dans d'autres lieux publics bien encadrés. Le Clovis regroupant tous les dominants les plus stricts, salauds et même dangereux de la ville. Et cela lui apportait gloire et fortune…
Que faire ? Que penser…