Episode 9 : Un plan ultra-moderne

Par Isapass

Épisode 9 : Un plan ultramoderne

 

50. Le coup des yeux

 

 

L’Élégant, serrant Oscar contre lui à la façon d’un bouclier, recule contre un mur et, d’une main tendue, tient l’assistance en respect.

Un cercle s’est formé autour de lui ; les policiers, Nic et ses grands-parents, Prune, Céline et François, plus personne n’ose bouger. On n’entend plus que la respiration de plus en plus pénible du petit garçon.

 

Louis Ledoux s’avance prudemment d’un pas.

– Tiens ! Le commissaire Ledoux a repris du service ! ironise l’Élégant. Toujours dans mes pattes, n’est-ce pas ?

– Allons, Alessandro, dit-il d’une voix calme, vous voyez bien que cette fois-ci, vous n’irez pas loin. N’aggravez pas votre cas. Montrez-vous raisonnable et lâchez ce petit. Observez-le, il est en train d’étouffer !

 

Machinalement, le malfaiteur regarde Oscar. Dès que leurs yeux se croisent, le visage de l’homme se transforme en un masque inexpressif. Il ne cligne plus des paupières et semble attaché aux prunelles de l’enfant, qui tient bon malgré les efforts démesurés qu’il doit produire pour respirer.

– Il lui fait le coup des yeux, murmure Prune. Il l’hypnotise !

Le bandit commence à se baisser sagement pour déposer Oscar par terre. Un soupir de soulagement parcourt l’assistance.

Mais le petit garçon n’en peut plus. En manque d’oxygène, il s’évanouit dans les bras du voleur. Dès que ses yeux se ferment, le lien se rompt et l’homme revient à la réalité.

Effrayé par ce qui vient de se passer, il crie nerveusement sans lâcher Oscar :

– Donnez-moi une voiture ! Laissez-moi partir !

Cette fois, les policiers sentent qu’il vaut mieux ne pas le contrarier. Le commissaire Martinès, bouillant intérieurement, sort lentement son téléphone de sa poche pour demander qu’on amène un véhicule.

 

 

 

51. Le géant

 

 

Hors de question qu’il emmène Oscar ! pense Prune.

Elle se faufile derrière l’assemblée figée de peur, longe les murs jusqu’à la sortie de la ruelle et se met à courir aussi vite qu’elle peut. Dès qu’elle s’est suffisamment éloignée, elle appelle :

– Boris ! Vous êtes ici ? Oscar a besoin de vous !

Le géant a promis qu’il les protègerait. Il doit se trouver dans les parages. Il faut qu’il soit là !

Mais la rue reste déserte et la fillette sent les larmes qui montent.

– Boris ! crie-t-elle encore, la gorge serrée.

Devant elle, une ombre remue, prend une forme humaine, très grande et très large.

– Petit Oscar en danger ? demande Boris.

Très vite, Prune lui explique la situation pendant qu’elle l’entraîne vers la prise d’otage.

– Il faut pas qu’il voir je, conclut le russe en observant la scène depuis le coin de la ruelle.

– D’accord, dit Prune.

Avant que Boris ait pu l’arrêter, elle se faufile de nouveau le long des murs jusqu’à l’assemblée. Puis, malgré son cœur battant à tout rompre, elle sort du rang pour s’adresser directement à l’Élégant qui tient toujours Oscar évanoui.

– Prenez-moi à sa place, lance-t-elle sans tenir compte des cris de protestation de ses parents.

Les yeux d’Alessandro Gardini passent de l’un à l’autre des enfants. Très agité, il semble capable du pire, mais Prune s’approche d’un pas tremblant. Elle ne sait pas ce qui l’effraie le plus, du dangereux bandit ou du visage inanimé d’Oscar, qui a l’air de ne plus du tout respirer.

– Ne le laissez pas mourir, s’il vous plaît !

Un éclair de panique traverse le regard du bandit : le gamin est-il vraiment en train d’étouffer ?

Il fixe Prune comme si la réponse à cette question était écrite sur son front. C’est exactement ce qu’espérait la fillette : dans le dos de l’Élégant, une gigantesque silhouette parvient jusqu’à lui et, d’un même mouvement, l’assomme d’un coup de poing et rattrape Oscar.

 

– Boris ! crie Prune en se précipitant vers lui. Bravo ! Vous avez été fantastique !

– Toi aussi été très courageuse fifille ! Pauvre petit Oscar…

– Oui, pauvre petit Oscar… répète Prune, inquiète.

Puis, se rappelant ce qu’elle s’était promis plus tôt dans la journée, elle se dirige tout droit vers l’Élégant encore groggy, menotté et soutenu par deux policiers, et lui flanque un bon coup de pied dans le tibia.

– Ça, c’est pour Oscar, pour Boris, et pour moi, sale bonhomme ! lui crie-t-elle.

Ce n’est pas bien, mais ça soulage !

 

 

52. L’exposé

 

 

Chez Prune

 

Une fois de plus, l’immense salon du 22, rue Léonard de Vinci rassemble une dizaine de personnes. Il est minuit passé, mais Prune et Nic ne sentent pas la fatigue. Oscar, lui, dort dans les bras de François. Le médecin appelé en urgence après son évanouissement a déclaré qu’il était hors de danger.

 

– Vous avez récupéré les diamants ? demande Jeanne Ledoux.

– Oui, l’Élégant les avait sur lui, les cinquante-six déjà trouvés par les bandits. Ils avaient bien travaillé, ces gredins !

– Et les autres ? questionne Nic. Je croyais qu’il y en avait cent onze.

– Il y en avait bien cent onze. Les cinquante-cinq restant ont tous été récupérés dans des peluches au centre commercial. Nous nous sommes même aidés du matériel des bandits pour trouver les peluches à fouiller.

– Mais comment les diamants volés dans une banque russe se sont retrouvés dans les cadeaux de la loterie du centre commercial ? interroge François.

– Après le cambriolage en Russie, il était très compliqué de faire sortir les pierres du pays, explique l’ancien commissaire Ledoux. La police russe contrôlait très attentivement tout ce qui passait les frontières.

– Alors, poursuit Martinès, l’Élégant — qui avait organisé le vol en Russie — a découvert que ce centre commercial avait commandé à une usine russe tout un stock de nounours pour sa loterie de Noël. Cette hyène s’est débrouillée pour que des complices cachent les diamants dans certaines des peluches pendant leur fabrication. Les pierres précieuses sont parties pour la France, bien dissimulées dans le camion de livraison.

– À quoi servaient les machins rouges, finalement ? demande Prune.

Le commissaire se lève et démarre ses habituels allers-retours pour présenter son exposé :

– Il faut encore que nos gars de la scientifique les étudient en détail, mais Jérôme-la-fouine nous a déjà expliqué comment ils fonctionnent. D’abord, cette bande de fourbes avait piraté le système informatique du centre commercial. Ce qui leur permettait de voir les images des caméras de surveillance dans toute la galerie et les boutiques. Et aussi de savoir ce que les gens avaient gagné quand ils mettaient leur carte de loterie dans la machine.

– Ça veut dire qu’ils avaient branché leurs ordinateurs sur ceux du centre ? demande Prune, très concentrée.

– C’est ça, petite futée ! Quand quelqu’un remportait une peluche, Jérôme le voyait sur un de ses écrans, ainsi que le magasin dans lequel la personne pouvait aller chercher son cadeau.

– Il doit s’y connaître en informatique, Jérôme ! commente Nic.

– Il est très fort, oui. Dommage qu’il ait utilisé ce talent à des fins malhonnêtes, cet imbécile !

– Et ensuite, reprend Céline, que se passait-il quand la personne allait chercher sa peluche ?

– Jérôme suivait son déplacement grâce aux caméras. Une fois que les gens arrivaient dans la boutique indiquée par la machine de loterie, il déclenchait les scanners des appareils rouges.

– Pour quoi faire ?

– Pour voir si le nounours que les vendeurs donnaient à la personne contenait un diamant, pardi !

 

Nic et Prune, assis sur le tapis, commencent à avoir des torticolis en le suivant des yeux, mais ils ne manqueraient pour rien au monde les explications du commissaire.

 

– Et que faisaient-ils après avoir repéré les diamants dans les peluches ? demande Danièle.

– Je sais ! s’écrie Prune. C’est Fred qui volait les nounours et qui les découpait pour attraper les pierres !

– Non, leur plan était encore mieux monté que ça, répond le grand-père de Nic. Si Fred avait suivi les gens dans les galeries du centre pour leur arracher leurs peluches, il se serait fait repérer en deux minutes.

– Ah oui, c’est vrai… admet Prune qui réfléchit toujours.

– Fred restait à la même place, dans le petit cagibi où nous l’avons arrêté. Ce sont les propriétaires des ours contenant les diamants qui venaient les lui amener.

– QUOI ?! s’écrie l’assistance dans un bel ensemble.

 

 Le commissaire Martinès, qui doit bien avoir parcouru quatre ou cinq kilomètres à travers le salon, boit une gorgée, tandis que sept paires d’yeux sont braquées sur lui.

 

– Quand cette fouine de Jérôme avait la confirmation par le scanner qu’un ours contenait un diamant, il activait la seconde fonction des appareils rouges.

– Ce n’étaient pas seulement des scanners ? demande François à mi-voix, pour ne pas réveiller Oscar.

– Non. Ils comprenaient aussi un émetteur d’ondes qui, dirigé sur le cerveau des gagnants des peluches, les hypnotisait pour les convaincre de se rendre d’elle-même jusqu’au placard de Fred. Celui-ci les faisait entrer, leur prenait leurs peluches et prélevait les diamants. Puis il leur rendait l’ours et les relâchait dans les couloirs. Diabolique !

– C’est pour ça qu’on a retrouvé plein de gens qui avaient perdu la mémoire ? demande Nic.

– Oui, l’effet des ondes hypnotiques durait environ une heure. Du coup, les victimes erraient dans ou devant la galerie commerciale. Certains ont repris leurs esprits seuls et sont rentrés chez eux, mais d’autres ont éveillé la curiosité de passants, qui ont prévenu la police ou la sécurité du centre.

– Incroyable ! souffle François.

 

Le commissaire se rassoit enfin.

Nic se tourne vers Prune :

– Rien à voir avec des détecteurs de fumée ! On avait raison, alors !

– Vous aviez tout à fait raison, conclut Martinès. Personne n’avait rien remarqué, à part vous. Quand je pense que si vous n’aviez pas été là, l’Élégant et ses complices auraient empoché quarante-deux millions d’euros !... Félicitations à vous deux, jeunes détectives, et au petit Oscar ! 

 

– Qu’est-ce qui va arriver à Boris ? demande Prune au commissaire Martinès. Il a sauvé Oscar, pourquoi l’avez-vous arrêté ?

– Parce que c’est tout de même le complice d’un cambriolage important ! La loi est la loi !

Il ponctue sa phrase en se tapant sur la cuisse, assez fort pour se déboiter le fémur, puis, exceptionnellement, il se radoucit :

– Mais ne t’inquiète pas trop pour lui : il n’y a pas joué un grand rôle, il ne connaissait même pas tout le plan. Et comme il vous a aidé et qu’il a assommé Gardini, ça plaidera en sa faveur. Il ne passera que peu de temps enfermé. J’avoue qu’il nous a bien sauvé la mise. Et toi aussi !

– Ma petite héroïne… murmure Céline en caressant les cheveux de sa fille avec fierté.

– Pauvre Boris, dit Prune songeuse. J’espère qu’il ne va pas pleurer, en prison. 

Avec un sourire narquois, elle ajoute :

– Grâce à lui, j’ai constaté que ça peut être pratique d’avoir un adulte pour nous aider. Les grandes personnes finissent parfois par comprendre ce qu’on leur dit… mais il faut leur expliquer longtemps !

 

 

 

53. La loi est la loi

 

 

Un peu plus tard, François et Céline raccompagnent le commissaire Martinès à la porte. Nic et ses grands-parents sont partis, Prune et Oscar dorment à poings fermés.

 

Le policier toussote avant de se lancer, l’air gêné :

– Je vais devoir prévenir les services sociaux, pour Oscar. Désolé, mais j’y suis obligé. C’est la loi. Quelqu’un viendra le chercher pour l’emmener dans un foyer d’accueil.

 

Ni Céline ni François ne répondent. Ils se doutaient que c’était inévitable. Mais demain, il va falloir annoncer ça aux enfants…

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
Jerome
Posté le 18/06/2018
Coucou!
Beaucoup plus court ce chapitre, j'ai été surpris quand j'ai vu que j'étais déjà au bout!
Très bien, le petit rebondissement s'est réglé sans que le sang ne coule, merci Boris! Tout se dénoue de façon claire, sans laisser de question. 
Malheureusement la question du futur d'Oscar fait inévitablement surface. Je pense que tu as bien fait de n'en parler que vers la fin. Je ne sais pas encore si le dénouement sera heureux pour lui (qq chose me dit que oui), mais étant donné que le lecteur s'est attaché à lui, évoquer cette question plus tôt aurait pu entacher l'ambiance bonne enfant de ton histoire avec cette réalité un peu plus "adulte".
En parlant de bon enfant, j'ai adoré l'utilisation de "gredin" un mot que je n'avais pas entendu depuis 20 ans je pense! lol 
Je résiste et je me garde le dernier chapitre pour le lire dans la semaine. Bonne journée! 
Isapass
Posté le 18/06/2018
Oui ce chapitre est plus court parce que je ne voulais pas le "rallonger" artificiellement pour qu'il fasse la taille des autres, alors que je trouvais que tout (ou presque) était dit. 
Les épisodes 9 et 10 ensemble font la taille des autres épisodes en fait. 
Ah bon, tu crois que j'ai fait un happy end ? Pour des lecteurs de 8-9 ans ? Possible... Mais possible aussi que j'ai fait mourir tout le monde à la fin... ;)
Je me suis un peu débattue avec les synonymes de "bandits" : je ne voulais pas dire de gros mots, et je voulais que ça reste dans le champ lexical du jeune public, alors oui "gredin" est arrivé sur le tapis... J'assume ! Ravie de t'avoir fait rire ;)
Et l'explication des machins rouges ? Elle t'a plu ? Tu ne l'as pas trouvée trop branlante ?
Merci pour ton commentaire ! 
Rachael
Posté le 18/01/2018
Ah, il est plus court, ce chapitre-là ! Ultra-moderne, en effet le plan, avec l’hypnose en prime ! Pas mal cette explication, avec les machins rouges qui hypnotisent. Bon, je file à la fin…
Détails
 C’est Fred qui volaient les nounours : volait
dix secondes après que ses parents l’aient embrassée : l’ont ?
Isapass
Posté le 18/01/2018
Oui il est plus court parce que je ne me voyais pas faire du remplissage pour arriver à la taille de mes autres épisodes, alors que j'avais vraiment l'impression d'avoir tout exploité et tout remis en place, sauf ce que je gardais pour l'épisode 10. Et je voulais vraiment séparer avec l'épisode 10 qui est un vrai épilogue, parce qu'il y a un décalage de temps et de style. 
aranck
Posté le 18/01/2018
Coucou !
J'avais très envie de voir le dénouement et franchement, je n'ai rien à redire sur ce chapitre qui fonctionne parfaitement. Je ne sais pas si cette histoire d'ondes radios est plausible, je t'avoue ne pas m'y connaître beaucoup en la matière, mais ça passe très bien.
Je file lire la suite !
Et voici quelques mini remarques : 
"les policiers, Nic et ses grands-parents, Prune, Céline et François, plus personne n’ose bouger." Je mettrai un point : "les policiers, Nic et ses grands-parents, Prune, Céline et François. Plus personne n’ose bouger.
"Il ponctue sa phrase en se tapant sur la cuisse, assez fort pour se déboiter le fémur" C'est pas un peu trop, là ? 
" cinquante-six déjà trouvés par les bandits. Ils avaient déjà bien travaillé" répet.
Isapass
Posté le 18/01/2018
Salut Aranck !
Alors je n'ai pas fait de recherche, mais clairement, je pense que NON, les ondes radio hypnotisantes, ce n'est pas plausible. J'assume complètement. Je ne prétends pas faire l'éducation des 8-10 ans en sciences ! Par contre, les faire rire et rêver, ça, ça m'interesse plus :D
Merci pour les remarques, je vais regarder. Pour le déboitage de fémur, pareil, j'assume. Je redoute que les lecteurs ne sachent pas trop ce qu'est le fémur, mais pas qu'ils ne comprennent pas l'exagération.
Tant mieux si ça marche : au début, toute la fin de l'épisode n'était qu'un énorme dialogue. J'ai inséré des coupures pour qu'il y ait des pauses, mais j'avais peur qu'elle ne fasse pas très naturelles (comme quand le commissaire prend une gorgée, par exemple).
Merci pour ce pénultième commentaire ! 
Vous lisez