Assise sur la chaise dans la chambre aux murs blancs, elle attendait. Depuis combien de temps était-elle là, déjà ? Elle ne savait plus, ne se souvenait pas. Ce n'était pas important.
Nerveuse, elle passa une main tremblante sur son visage. Humide. Pourquoi était-il humide ? Elle avait donc pleuré, alors qu'elle s'était jurée de ne pas le faire ? Elle n'avait pas la force d'être en colère contre elle-même, alors elle laissa seulement son bras retomber sur sa cuisse. Elle était fatiguée. Elle donnerait n'importe quoi pour quelques heures de sommeil. Mais en même temps, elle se sentait incapable de fermer les paupières. Non, pas maintenant. Elle n'avait pas le droit. Les médecins étaient partis, ses enfants étaient avec son frère, mais elle, elle resterait. Elle ne voulait pas la laisser.
Elle leva les yeux au plafond, ne s'étant toujours pas décidée à la regarder. Elle n'était pas prête. Personne n'est prêt pour ça. Personne ne devrait l'être.
Des secondes s'écoulèrent. Des minutes. Puis des heures. Allons, elle était forte, elle était solide ! Elle pouvait bien endurer cette épreuve ! Après tout, c'en était une de plus... Elle tourna lentement la tête, et sentit toutes ses défenses, tous ses murs, toutes ses barrières s'effondrer. Elle se les était imposées, pourtant. Elle s'était endurcie. Elle avait acquis de l'expérience. Mais elle n'avait pas prévu ça. Elle n'avait pas prévu de se briser aussi violemment. En ayant eu tout le temps de réfléchir, elle pensait que son mental était à toute épreuve. Elle s'était trompée.
Des larmes. Des larmes roulaient sur ses joues, à n'en plus finir. Elle ne pensait pas que ça l'atteindrait autant. Elle pensait pouvoir tenir. Dans la pièce silencieuse, les sanglots douloureux s'entendaient à peine. Le jour déclinait, et avec lui l'espoir de se relever.
A travers ses pleurs, son regard embué distinguait la silhouette fragile allongée sur le lit d'hôpital. Frêle, la peau blanche et fine, les veines apparentes, elle reposait, l'air serein. Ses cheveux blonds, ternes, encadraient son visage pâle. Les yeux fermés, elle ne respirait plus. Les bras de chaque côté de son corps, elle était morte. Morte ! C'était fini, elle ne la reverrait plus jamais, ne l'entendrait plus jamais rire, ne verrait plus jamais la lueur farouche dans ses yeux pleins de vie. Elle n'était plus.
Elle essuya les perles salées aux coins de ses yeux. Se leva, vide d'énergie. Se dirigea vers la porte, passa l'embrasure. Se retourna une dernière fois. Et elle la revit, étendue. Seule. Terriblement seule. Elle aurait dû être plus présente pour elle. Sentant le chagrin devenir plus fort, elle se hâta de tourner les talons, et tourna donc définitivement le dos à la femme qu'elle avait tant chéri.
Les talons claquant sur le sol froid, elle parcourait les couloirs du bâtiment. Elle aussi, elle se sentait seule. Elle avait l'impression que personne ne pouvait comprendre sa douleur, qu'elle finirait par la consumer toute entière. Elle vivait les choses différemment, personne ne pourrait comprendre. C'était tellement dévastateur, ça faisait tellement mal. Mais personne ne devait savoir. Personne ne devait savoir qu'elle souffrait autant. Même si c'était normal.
Elle avait l'impression que le monde la rejetait. Elle avait tant enduré... Mais c'était une épreuve parmi beaucoup d'autres. Ce n'était pas la première, et ce ne serait certainement pas la dernière. Elle allait la passer. Comme les autres. Seule. Mais elle y arriverait. On arrive à tout, avec le temps. Ou presque. Elle était forte. En apparence. Mais à l'intérieur, elle était brisée. Brisée par la mort d'une mère.
Le temps permet de panser les blessures. Mais certaines restent ouvertes, à vif, à jamais. La mort. La mort d'un proche. La mort est difficile, mais nécessaire. Il n'y a pas de vie sans mort.
Je suis contente que tu partages le même point de vue que moi sur ce type de blessures.
Encore merci pour ce commentaire, à bientôt !
Les blessures restent souvent encrées pour toujours malheureusement