Elle est dans mes bras. Le temps semble avoir été changé en guimauve : l'instant présent paraît s'étirer à l'infini alors que les quatre derniers mois ont l'air d'avoir été compressés au point de n'avoir jamais existé.
Autour de nous la fête bat son plein, mais la musique et les voix nous parviennent à peine, comme si la serviette de plage enroulée autour de nos épaules créait un mur nous isolant de tout. Nous sommes dans un autre monde.
Son visage est à quelques centimètres du mien. Les lumières du jardin se reflètent sur l'eau de la piscine et font briller ses yeux verts. Ses boucles rousses sont collées à son front et à ses tempes par l'eau qui s'égoutte doucement. Son haleine sent l'alcool et la menthe. Ses tétons, durcis par la brise du soir sur sa peau mouillée, pointent contre mon torse. Ses seins nus pressés sur ma peau ont la douceur du velours. Son boxer en dentelle noire imbibé d'eau, devenu presque transparent, frotte contre ma cuisse et je sens un début d'érection se dresser dans mon maillot de bain. Chacun de ces détails se grave dans ma mémoire alors que je me perds dans son regard, son petit nez frôlant le mien, ses lèvres à portée des miennes. Nous ne disons pas un mot.
Et si cet instant avait duré quelques secondes de plus ? Aurions-nous laissé derrière nous la fête et le bruit pour rentrer dans la maison ? Aurions-nous grimpé les escaliers jusqu'à la petite chambre du fond, tout en haut sous le toit ? Aurions-nous verrouillé la porte avant d'ôter fébrilement nos derniers vêtements ? Aurions-nous fait l'amour comme avant, avec une tendresse infinie, pour effacer définitivement toute trace des quatre derniers mois écoulés ? Aurais-je pleuré ensuite ? Lui aurais-je demandé pardon ? Aurions-nous fini par nous endormir, trempés et épuisés mais ravis de ne plus avoir peur du lendemain, blottis l'un contre l'autre dans cette pièce à moitié hors du monde ? La flamme ainsi ravivée aurait-elle changé notre avenir du tout au tout ?
Que se serait-il passé si une voix n'avait pas tranché le voile pour nous ramener au présent, à la réalité, à la musique et aux gens autour de nous ?
« Ah, mais vous êtes de nouveau ensemble ? »
Cette phrase déclenche en moi une réaction instantanée : je réponds « Non. » et me détourne sans un regard pour aller me chercher un autre verre, lui arrachant ma serviette au passage.
Pourquoi ai-je agi ainsi ? Par orgueil ? Par bêtise ? Pour ne pas avoir à admettre que quatre mois plus tôt j'avais commis une énorme erreur ? Par pure cruauté ?
Je ne me pose pas la question. J'ai 18 ans, la vie devant moi et des tas d'autres filles à rencontrer. Je ne me retourne pas. Je ne la vois pas s'affaisser sous le choc, ni s'effondrer au milieu de la terrasse, secouée de sanglots à fendre l'âme, indifférente aux regards posés sur son corps presque nu. J'ignore qu'elle est dévastée. Anéantie.
J'ignore aussi qu'elle s'en remettra, qu'un jour elle sera de nouveau heureuse dans les bras d'un autre et que presque dix ans plus tard, seul et n'arrivant pas à dormir, c'est moi qui prendrai une feuille blanche et commencerai à écrire ces deux mots : « Et si...? ».
Maintenant que j'ai enfin un compte sur la plateforme, j'en profite pour te laisser ce petit com, pour te redire combien j'avais trouvé cette nouvelle belle, surprenante et touchante.
C'est très dur l'exercice de la nouvelle, arriver à faire vivre des persos en quelques lignes, et tu l'as ici parfaitement réussi.
Mais le plus fort est la fin, tu as réussi une fin vraiment magnifique et puissante.
Les deux derniers paragraphes sont d'une vraie intensité, très poignants.
ça prend le lecteur à la gorge.
Bref, bravo encore une fois, et j'espère que tu continues à écrire!
Je m'étais pas mal fait plaisir sur ce truc là, c'est vrai, mais c'était assez facile puisqu'il s'agit à 80% d'un souvenir perso.
Merci pour tes encouragements, j'essaie de continuer à gribouiller dans mon coin mais ce n'est pas toujours facile ^^