Étape 3 ou Mon patron, ce connard en peluche / Chapitre 6

Dès que j'arrive sur les lieux de mon travail, j'enfile la tenue réglementaire. J'ai l'air ridicule, mais on s'en fout. Il n'y a même pas Ayden pour se foutre de ma gueule ou me demander des nouvelles sur mon rituel, à mon plus grand malheur. Il a sa soirée de libre, cette soirée qu'il est en train de passer avec le magnifique inconnu de son rencard.

C'est même presque triste qu'il ne soit pas là pour me lancer une petite remarque quant à mon immonde tenue. Enfin, comme je l'ai déjà dit : dans le fond, on s'en fout. Après tout, tant que je n'engloutis pas les voitures des clients, tout devrait bien se passer.

D'ailleurs, à ce sujet, j'ai vu ce phénomène arriver quelques fois. Puis j'ai vu ces personnes disparaître mystérieusement. Je les soupçonne d'avoir été virées. Si ça se trouve, ils ont rejoint le coin des clochards sous le pont. Ce serait vraiment atroce pour eux...

Comme d'habitude, je m'occupe de la voiture des clients qui ne m'échangent pas le moindre regard. Bande de riches malpolis.

Bon, ok, je suis mauvaise langue, certains sont très sympas et me donnent un généreux pourboire. Certains seulement. La plupart, je pourrais crever sous leurs pieds qu'ils n'en auraient rien à foutre. Après tout, ils vivent dans un monde où tout est monnayable – et il m'arrive parfois de me demander combien je vaux à leurs yeux, probablement pas plus que quelques dollars.

Et comme une soirée ne peut jamais être tranquille, mon patron vient me voir pour me faire encore la morale sur mes cheveux. Ça se voit à ses sourcils froncés qui prennent un angle assez impressionnant et très déroutant, et surtout à son doigt qui pointe ma chevelure attachée.

— Que t'avais-je dit la dernière fois ? me hurle-t-il dès que la plupart des clients ont disparu de notre champ de vision.

— Que c'était très joli. Je tiens à vous remercier encore une fois pour ces compliments.

— Je n'ai jamais dit une telle chose ! Je t'ai demandé à ce que ça parte et rapidement !

— Si seulement j'avais le temps, soupiré-je faussement.

— Daphne... Ne joue pas aux idiotes ou je te vire dès que je le peux !

Je lui adresse un sourire complaisant et il retourne à l'intérieur, comme si de rien n'était.

Il est alors désormais temps que mon plan prenne enfin place. Mon patron allait être réduit en peluche requin – et il a vraiment de la chance parce que c'est beaucoup trop mignon les requins. J'aurais mieux fait de réfléchir à deux fois et j'aurais peut-être dû choisir un animal que tout le monde déteste.

Ne me dites pas le blobfish ! Je l'aime beaucoup moi ! Alors qu'un moustique, qui aime ça ? Même sur les memes, c'est horriblement chiant. Parce que tous les boloss sur Facebook ne peuvent pas s'empêcher de faire des memes bruyants où on entend cette saloperie avec son bourdonnement de l'enfer.

Définitivement, j'aurais dû choisir un moustique. Mais il est maintenant trop tard pour faire demi-tour. Et puis je n'ai pas envie de retourner voir la sorcière avec son armée de poissons débiles.

Je sors alors la peluche dinosaure de ma poche secrète – enfin, de ma poche tout simplement – et une aiguille. Je l'enfonce en plein ventre de la peluche plusieurs fois. Je m'en prends même à la tête. Et pendant que je torture la pauvre petite peluche, je surveille mon patron du coin de l'œil.

Au bout de quelques minutes, je vois bien que tout ce bordel ne lui fait absolument rien. Cette fille a-t-elle osé m'arnaquer alors qu'elle était incroyablement mignonne ? Et aurais-je terriblement blessé une peluche qui ne m'avait rien fait ?

Je m'arrête alors dans mes gestes et fais un câlin à la peluche. Dans le doute, je ne veux pas qu'elle m'en veuille alors qu'elle est finalement innocente.

— Ne t'en fais pas petite peluche, je te protégerai ! lui assuré-je en lui caressant la tête.

Son œil qui pend se balance et c'est peut-être son moyen de me dire qu'elle me fait confiance. Ou peut-être que je surinterprète un peu tout ça...

Mais désormais... J'ai un autre combat à mener.