Cette histoire commence dans les recoins les plus sombres et reculés d'un château, dans les Ténèbres se cache la Bête. Terrifiante et monstrueuse, elle se terre, attendant de pouvoir libérer sa colère sur quiconque se sentira supérieur à cette féroce créature. Ce qui arriva un tendre matin de printemps. Un homme, ne voulant que le bonheur de la plus douce de ses filles, alla cueillir la plus sublime des roses sur le domaine de la Bête. Ce dernier le surprit et sa rage fut immense, condamnant le pauvre homme à mort. La Bête l’exécuta lui-même sur la place publique, devant une assistance apeurée mais fascinée par le spectacle morbide. Parmi eux se trouvait Belle, la charmante fille de cet homme. L'orage gronda tandis que le sol se souillait de rouge pendant que la tête de l'homme roulait sur le sol et atterrit aux pieds de sa fille. Le cri de désespoir, déshumanisé qui sortit de sa gorge, retentit au milieu du tonnerre, et glaça le sang de la Bête et transperça son âme.
Deux jours plus tard, Belle, désireuse de vengeance, décida de s'introduire dans le palais de la Bête pour mettre fin à sa cruauté sans limites. Elle passa par le jardin où le présumé crime de son père fut commis et s'arrêta devant les rosiers. Elle en attrapa une et caressa les pétales délicatement. Une larme coula, et vint se poser sur l'un deux, d'un rouge écarlate. Une couleur aussi pure que son désir de tuer cette Bête. Elle se piqua à une épine alors qu'elle allait partir en direction du château, et un peu de liquide carmin se mêla à la perle translucide formée par son chagrin. Elle sourit en voyant la magnificence de l'accord que formait le mélange. Le carmin sombre et l'incandescence sanguine se mariaient à merveille et elle avança, cette image ancrée dans sa mémoire. La rose serait le symbole de sa Némésis.
Elle passa la petite porte qui attenait au jardin, mais trébucha sur une armure argentée et le vacarme attira l'attention de la Bête. Cette dernière, mécontente, voulut attraper Belle et la jeter aux cachots mais son regard intercepta celui de la jeune femme et ce qu'il y lut neutralisa sa colère. Dans l'immensité de ses grands yeux sombres, Belle détenait cette flamme, la même qu'il avait pu ressentir jadis. La demoiselle fut aussi étonnée de contempler autant de douceur dans la profondeur du regard azuré du monstre qui l'avait privé de père sans le moindre état d'âme. La Bête, toujours plongée dans le regard de Belle lui proposa de rester dans son château pour la nuit, au vu de la tempête qui se préparait. Il rajouta qu'elle serait son invitée et qu'elle disposerait de toute l'aile Sud, mais qu'elle ne devrait aller dans l'aile Est sous aucun prétexte. Elle refusa de prime abord, car elle ne voulait pas, non, elle ne pouvait pas rester dans ce palais maudit où tant de démons rôdaient, mais le regard suppliant de la Bête la convainquit d'accepter la proposition de son hôte.
Cette nuit là, la tempête fit rage et empêcha Belle de trouver le sommeil. Elle décida donc de se promener dans le château, et ses pas la conduisirent malgré elle au niveau de l'aile Est. Elle se souvint du ton menaçant de la Bête quand il lui eut exigé de ne surtout pas y aller. Elle tomba sur une porte dérobée qui lui fit découvrir une pièce sublime, avec un étrange portrait d'un Prince, à moitié arraché par une énorme estocade en forme de griffes. Mais ce qui retint son attention fut ce qui était disposé en son centre ; une rose recouverte de cristaux. Elle approcha ses longs doigts fins de la couronne de verre qui l'entourait, quand une main puissante la tira en arrière.
« Trahison ! »Vociféra la Bête.
Belle eut un mouvement de recul, terrifiée et la Bête regretta sur le champ son apparence hideuse et cruelle.
« Belle, je suis navrée. Mes réactions sont excessives, mais mon cœur n'est pas aussi sombre que mon reflet. Ecoute-moi, si tu me permets encore de te parler. » continua la Bête, voulant ne pas effrayer plus sa douce invitée.
Belle observa la Bête qui se trouvait devant elle et décela une humanité perdue, dans ses grand yeux bleus emplis de compassion. Elle remarqua aussi sa tenue, pour la première fois de la soirée. Il était vêtu d'un élégant costume dont la couleur rappelait le saphir mais aussi cet étrange portrait sur le mur. Elle décida de l'écouter.
« Il y a longtemps, je n'avais pas cette apparence. J'étais un jeune prince et je vivais dans ce somptueux château. Bien que la vie m'ait comblé de tous ses bienfaits, je n'étais pas un homme bon. Je me montrais capricieux, égoïste et insensible.
Un soir d’hiver, une vieille mendiante se présenta au château et m'offrit une rose en échange d’un abri contre le froid qui faisait rage. Saisi de répulsion devant sa misérable apparence, je ricanais de son modeste présent et chassais la vieille femme. Elle tenta de me faire entendre qu’il ne fallait jamais se fier aux apparences, et que la vraie beauté venait du cœur. Lorsque je la repoussais pour la seconde fois, la hideuse apparition se métamorphosa sous ses yeux en une créature enchanteresse. Pris de remords, j'essayais de me faire pardonner, mais il était trop tard car elle avait compris la sécheresse de ce cœur déserté par l’amour. En punition, elle me transforma en une bête monstrueuse et jeta un sort sur le château ainsi que sur tous ses occupants.
Horrifié par mon aspect effroyable, je me terrais au fond de mon château, avec pour seule fenêtre sur le monde extérieur un miroir magique. La rose qui lui avait été offerte était une rose enchantée qui ne se flétrirait qu’au jour de son vingt-et-unième anniversaire. Avant la chute du dernier pétale de la fleur magique, je devrais aimer une femme et m'en faire aimer en retour pour briser le charme. Puis, tu es apparue. Je sus que tu allais briser le sortilège car tu as su lire dans mon regard. Tu n'as pas été terrifiée dès les premiers instants. »
Belle, abasourdie par le discours de la Bête ressentit tout le désespoir de l'homme qu'elle avait en face d'elle. Elle avait conscience qu'il avait changé, malgré le meurtre de son père. Mais sa Némésis ne pouvait pas s'empêcher de s'emparer de son âme. Elle avait toujours soif de vengeance et faim de justice. Elle savait qu'elle seule pouvait libérer le Prince de sa malédiction, et elle le ferait. Des cris les tirèrent de leur rédemption. Une sensation d'oppression plongea Belle dans la stupeur tandis que de la fumée s'échappait de sous la porte. La Bête saisit Belle par la main et l'emmena sur le toit, pour échapper aux flammes. « Monstre. Brûle en Enfer. » scandaient les paysans, menés par Gaston. Quand Belle l'aperçut, elle s'en approcha pour lui révéler la vérité sur la Bête, mais celui ci se lança à la poursuite de la Bête, ayant la ferme intention de le tuer. Belle le conjura de ne pas le faire, mais il l'écarta violemment avec le plat de son épée. La Bête entreprit un duel avec Gaston, qui n'était pas équitable en vu de la force considérable de l'ancien Prince. Gaston fit une embardée pour esquiver les coups de la Bête, mais glissa et tomba du toit. Il se rattrapa de justesse et la Bête alla à son secours. Il hésita à lâcher prise mais Belle le supplia de ne pas être la bête qu'il était autrefois, mais l'homme qu'il était devenu. Il saisit Gaston et dans un ultime élan d'humanité, le releva et le fit basculer sur le toit. Mais la fourberie et le vice de Gaston étaient plus puissants que sa reconnaissance, et il lui fit face avec son épée, la pointe posée sur son cœur.
Belle s'écria « Non, laisse le vivre. J'ai ressenti son cœur, j'ai connu ses tourments, ne lui fais pas de mal. » Gaston appuya sa lame plus vivement et Belle s'élança contre lui. Le choc fut si rude, qu'il bascula dans le vide. Le craquement que fit son corps en tombant sur le sol fut effroyable, mais la Bête remercia Belle et la prit dans ses bras. La pluie tombait vivement sur eux, mais leur baiser n'en fut que plus passionné. Elle s'écarta de lui un infime instant et lui dit « Je régnais à mon insu sur votre vie, puisque j'en détenais les fragments jetés de parts et d'autres du miroir et que seul mon amour pouvait en rassembler le sens. » au moment où sa dague atteint le cœur du Prince, qui avait de nouveau son apparence humaine. Elle rajouta « Puisse ton âme se reposer de tous ses tourments »tandis que le corps exsangue du Prince tomba à terre. Belle enleva un à un les pétales de la rose sur laquelle sa larme avait glissé, et les disposa sur le cœur de l'homme qu'elle avait sauvé. Elle alla ensuite s'enfermer dans la plus haute tour du château, dans laquelle elle mourut, rongée par le chagrin et les remords.
J'ai bien aimé la chute de ce conte, qui diffère bien sûr beaucoup du conte originel. Il me semble d'ailleurs que tu (je peux te tutoyer ?) t'inspires plus de la version Disney que du conte écrit par Madame De Beaumont (corrige-moi si je me trompe) ? Dans tous les cas, la chute est surprenante et originale, et la morale, bien que sombre et dramatique, est unique et ouvre une réflexion intéressante (la liberté n'est-elle possible que par la mort ?). Bonne continuation à toi !
Merci d'être passée !