Être un aristocrate de nos jours

Par Sabi

On a assez constaté et parlé de la décadence morale et civilisationnelle de l’Occident, et notamment en France. Chaque jour qui passe nous amène une nouvelle preuve du grand vide qui gouverne et préside aux destinées du pays. On voit l’incivilité, la bêtise, la vulgarité de certains individus jusque dans nos vies quotidiennes.

Dans un tel climat déprimant et révoltant, il est légitime de se demander où sont passés la noblesse, l’honneur, toutes ces valeurs qui rendent fier un peuple, qui rassurent une population, qui raffermissent une personne.

La tentation est grande de se retourner vers le passé qui semble contenir tant de grands personnages, tant de héros, et ce jusque dans une époque encore pas si lointaine. Mais si le passé est nécessaire pour savoir d’où l’on vient, pour trouver des figures auxquelles s’identifier, vivre dans le passé ne conduit à aucun futur. Je suis même convaincu qu’à toute époque, chaque héros de notre Histoire a dû se battre contre l’esprit de son époque. Chaque grand personnage qui a existé s’est senti en lutte face à un présent décadent qu’il refusait. C’est le fameux cri du coeur de Cicéron que chaque héros a poussé un jour au fond de son coeur : « O Tempora ! O mores ! ».

C’est parce que le monde dans lequel nous vivons fait la guerre aux valeurs — donc une guerre spirituelle avant tout — que de tout temps les héros authentiques se sont élevés contre la décadence.

 

Longtemps, je me suis senti attiré, fasciné par la position et l’image du noble de l’Ancien Régime. Bien entendu, il a existé des nobles aux comportements indignes de leur rang social. Et ce n’est donc pas la naissance ou la position sociale qui font la noblesse d’un individu. Tout ça n’est qu’apparence. Mais force est d’admettre que le système social de l’Ancien Régime promouvait et incitait les familles nobles à se comporter comme tel : Noblesse oblige. On a ainsi vu des figures issues de la noblesse se comporter avec dignité, recherchant le bien commun, tout en faisant des erreurs. Il y a même suffisamment de nobles d’Ancien Régime qui méritent à première vue leur titre pour que je me permette d’affirmer que ce système social fonctionnait bien, au moins en apparence.

Quant à notre époque où nous sommes tous égaux, la noblesse n’est guère plus qu’un fantôme, un écho du passé qui évoque l’inégalité sociale. Comme dit le rappeur Missa, « Quand tu parles de loyauté, ils te voient tous dans un monde théâtral ». L’esprit du siècle a réussi à retrancher les hautes valeurs hors du monde réel. Ceux qui se battent encore avec elles et pour elles sont considérés comme des gens qui ne vivent pas dans la réalité, dans la société. Ils n’ont pas le « sens commun ». En clair, les héros ou ceux qui aspirent à l’être sont des malades.

En d’autres termes, la noblesse a disparu de la société. Nous sommes dans une société vile et avilie qui a renoncé à toute moralité. Nous sommes gouvernés par des voleurs, des vendus, des gigolos et prostitués, des bandits. Et ils ne s’en cachent quasiment plus, tellement grand est leur sentiment d’impunité. Après tout, c’est devenu normal…

Nous connaissons tous ce discours. Rien de nouveau dans ce que je dis. Mais là n’est pas le coeur de la réflexion qui m’habite depuis quelques temps.

Certes, la société, les gouvernants et beaucoup de nos concitoyens sont devenus des caricatures du mal. Mais c’est justement là qu’est notre chance.

Contrairement à l’époque de l’Ancien Régime où la structure sociale rigidifiait et rendait plus difficile les comportements nobles au Tiers-État parce que « c’est le rôle des nobles », nous vivons dans une époque de très grande liberté sociale où il appartient à chaque individu, à chaque citoyen, de faire preuve de noblesse d’âme. Plus rien ne nous empêche d’agir au quotidien comme un noble, un aristocrate.

 

Quand on pense à l’aristocrate, on imagine quelqu’un de forcément riche, socialement avantagé. Mais je refuse cette définition. Un aristocrate est quelqu’un qui a du pouvoir car il fait partie des meilleurs. Alors, qu’est-ce qu’être le meilleur ? Est-on le meilleur parce que l’on est riche et aisé ? Est-on le meilleur parce que l’on est né dans la caste nobiliaire ? Bien sûr que tout ça est faux.

On est le meilleur parce que l’on est capable d’amour. C’est ma conviction.

Autrement dit, quiconque dispose d’un coeur fait automatiquement partie des aristocrates. Car qu’est-ce qui donne son sens à la vie si ce n’est l’amour ? C’est bien l’amour qui permet à l’être humain de s’élever. C’est bien l’amour qui permet à l’homme d’agir avec vertu, honneur et noblesse. C’est bien l’amour de son prochain qui fonde toute noblesse, toute aristocratie.

 

Ainsi, je souhaite proposer un nouveau modèle d’aristocratie. Un modèle non pas basé sur la classe sociale ou sur les accomplissements quels qu’ils soient. La nouvelle aristocratie est basée sur la capacité à ressentir l’amour. Rien d’autre.

Ainsi réjouissez-vous, vous qui aimez. Vous êtes des nobles. Vous êtes des aristocrates, et vous ne le saviez pas.

C’est si simple, et surtout si naturel ! Si vous avez un coeur, que vous êtes sensible à l’amour, vous faites partie des meilleurs. Nul besoin d’en faire plus, car tout le reste en découle.

L’ancien modèle d’aristocratie dépendait de la caste sociale ou des actes méritoires. Avec la proposition ci-dessus, elle repose sur la nature d’une personne.

L’ancien modèle d’aristocratie se basait sur une reconnaissance extérieure de la part de la société. Le nouveau modèle repose sur une capacité intérieure, invisible, et qui n’appelle aucune reconnaissance particulière car elle est entièrement naturelle. En effet, quoi de plus normal, pour quelqu’un doué d’un coeur, que d’aimer son prochain ?

 

Quoi qu’il en soit, mon objectif ici est de montrer que l’aristocratie, la noblesse, ne sont pas des choses impossibles, éloignées de nous. Cela peut être au contraire tellement simple que l’on n’y pense même pas. On ne se rend pas compte de la noblesse qui transpire de nous, qui sommes capables d’aimer.

J’aimerais que l’on en prenne davantage conscience.

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