S'éloignant de la salle du trône, Inari est escortée jusqu'à son logement. Après avoir marché un peu dans la cour principale entourant la moitié du château, les gardes la dirigent vers une partie un peu à l'écart, où les murailles se font plus basses, certainement dû à la proximité de la falaise et de la mer. Une chapelle de taille modeste y est accolée, simple mais tout de même décorée avec soin, malgré les affres du temps qui ont abîmé les moulures de la façade. Mais c'est vers une petite bâtisse située à l'arrière du lieu de culte que les hommes d'armes l'entraînent. Ils entrent alors et montent les escaliers en bois vieilli menant à l'étage. Lorsqu'ils poussent la lourde porte de la chambre, Inari peut enfin contempler un instant ses quartiers. Un lit simple se trouvait sur la gauche, ainsi qu'une table de chevet austère, un peu plus loin trônait une armoire semblant avoir bien vécu. La prêtresse doit entrer dans la pièce pour distinguer la suite des meubles, comme un paravent délimitant la partie bain du coin repas. Mais ce qui attire immédiatement son regard c'est cette porte-fenêtre entrouverte, faisant entrer une brise marine vivifiante. Derrière ces panneaux de bois et de verre se trouve, comme accroché dans le vide, un petit balcon délimité par une balustrade donnant une vue splendide sur l'océan Caelan qui scintille sous le soleil couchant.
Les yeux émerveillés par ce décor, la prêtresse va rapidement au balcon jetant au passage ses quelques affaires sur le lit. Perdue durant de longues minutes dans sa contemplation, Inari se remémore son île et se sent soudainement nostalgique. Les femmes et collègues de son ancien lieu de vie lui manquent. C'est le bruit d'une clé tournée dans une serrure qui la ramène au présent.
« Excusez-moi, je souhaiterais sortir et visiter la ville.
- Hors de question mademoiselle, ordre de la cour, nous vous apporterons le repas du soir.
- Ce n'est pas ce que m'a promis le roi !
- Ce n'est pas de notre ressort Prêtresse. On a reçu l'ordre en sortant du château. »
Enervée, Inari va s'asseoir sur le lit et soupire, elle se plonge dans une intense réflexion. À l'extérieur, les gardes se regardent intrigués par la discussion.
« Ça fait froid dans le dos...
- De quoi?
- J' ai l'impression d'avoir parlé à un fantôme... On aurait dit qu'elle était juste devant nous. »
Son compère lui donne une tape vigoureuse dans le dos.
« Bah alors, depuis quand tu penses, toi ?
- Tu as raison. On est pas assez payés pour ça de toute façon. »
Le soleil se couche et laisse place à l'astre nocturne. Son repas terminé, la jeune femme songe un instant à se mettre plus à l'aise. Ses vêtements de voyage sont encore humides de l'air marin, et les pans de son hibakama¹ sont couverts de boue. Elle dénoue la ceinture rigide de son pantalon qui tombe alors à ses pieds, dans un bruit sourd. D'un geste fluide, elle défait les liens de son hakui² qu'elle laisse glisser sur la peau nacrée de ses épaules, rejoignant le hakama carmin sur le plancher. À présent seulement vêtue d'un déshabillé et d'une culotte blanche, une queue touffue apparaît, profitant de sa liberté retrouvée pour onduler joyeusement dans le dos de la prêtresse. Les poils aux reflets d'or, illuminés par les rayons de la lune, scintillent à chaque mouvement. Inari passe la main sur ses cheveux et des oreilles de renard se révèlent à leur passage, comme si le contact de la paume de la jeune femme retirait le voile d'invisibilité de ses dernières.
Sans vraiment porter d'attention à ce détail, elle retire ses sandales et ses tabi³, sort une belle étoffe de son sac qu'elle étend sur le lit et s'assoit en lotus dessus. Une lumière vive émane d'Inari et se met à fluctuer autour d'elle, et de temps en temps, la prêtresse devient totalement invisible. Durant une grande partie de la nuit, de fines particules presque imperceptibles sont attirées par la méditation de la jeune femme, pénétrant dans son corps et semblant couler sous sa peau comme du sang. L'énergie se rassemble dans une zone juste en dessous du nombril, où elle se met à tourbillonner en continu jusqu'à créer une tempête. Le soleil commence à montrer le bout de son nez quand une soudaine explosion d'énergie a lieu dans la chambre. Les particules ressemblent désormais à un petit ruisseau s'écoulant dans le corps de la prêtresse, et la tempête sous le nombril s'est transformée en une pluie qui remplit petit à petit cet étrange réservoir. Dans la chambre, de nombreux objets semblent s'être brisés et ont volé un peu partout, mettant une sacrée pagaille. Les gardes à la porte, soufflés par la déflagration d'énergie, se sont retrouvés au sol, à moitié assommés, ils reprennent tout juste conscience. Le premier à retrouver ses esprits, voyant son collègue au sol, se précipite pour ouvrir la porte, mais c'est alors qu'une puissante lumière l'aveugle, suivie d'une gifle froide et métallique qui l'étourdit pendant quelques instants.
« Qu'est-ce...
- Vous n'avez pas honte d'entrer dans la chambre d'une femme sans permission ? Espèce de pervers ! »
Le garde voit la prise étrange de la prêtresse sur son arme, elle tient le manche de son bâton par l'extrémité basse, ce qui donne l'impression qu'elle est armée d'une lance, avant de tomber dans les pommes. Inari se dépêche alors de s'habiller et d'utiliser sa magie pour cacher ses attributs animaux, avant que d'autres gardes n'arrivent. C'est à peine vêtue que la femme voit arriver une dizaine de gardes et deux hommes, un d'âge moyen et un plus jeune, habillés d'une sorte de robe longue. Il ne faut pas longtemps pour que la prêtresse les reconnaisse comme étant des mages. Ces derniers ne s'approchent pas de la chambre, ils semblent simplement choqués par ce qu'ils ressentent.
« Quelle concentration impressionnante d'éther ! Disciple, sortez l'appareil de mesure, il serait peut-être bon pour vous de méditer ici.
- Oui maître ! »
Il sort en vitesse différents appareils de mesure et part rapidement à l'écart pour se mettre à méditer, après avoir visionné les résultats. Intrigué, le maître jette un œil aux mesures puis accourt vers la prêtresse.
« Laissez lui de la place ! Je m'en charge !
- Mais monsieur nous devons la...
- SILENCE, CE N'EST PAS UNE DEMANDE MAIS UN ORDRE, DISPARAISSEZ ! »
Les gardes ne semblent pas chercher à discuter plus et s'enfuient rapidement pour retourner à leurs occupations, alors que l'homme fait une révérence à la prêtresse. La femme examine alors le mage, celui-ci la peau pâle et est peu musclé, probablement dû aux nombreuses recherches qu'il a mener sur la magie, il a des yeux d'un bleu glacier perçants, et des cheveux noir de jais attachés en catogan. Des rides commencent à apparaître sur son visage, mais l'utilisation de la magie lui permet probablement de garder un visage plus jeune et séduisant.
« Bonjour Mademoiselle, je m'appelle Térik, de mon prénom Boris, je suis un des mages de cette cour, veuillez pardonner à ces incultes leur comportement.
- Je m'appelle Inari WhiteWing, enchantée. Mais ce n'est rien, j'ai aussi un peu surréagit quand un homme est rentré dans ma chambre sans permission.
- C'est tout à fait compréhensible. Surtout si vous étiez en pleine méditation. Je ne supporte pas que l'on me dérange dans ce genre de moment. »
Inari sourit avec politesse, mais c'est alors qu'elle remarque la délégation qui l'attend plus loin dans la cour.
« Je ne vous retiens pas plus longtemps, ce fut un plaisir d'avoir une discussion avec vous. Votre talent dans la magie d'âme est épatant.
- Merci encore pour votre intervention. »
Sans dire un autre mot, elle sort de sa chambre pour rejoindre les gardes un peu plus loin, qui patientaient avec ce qui semble être une sorte d'intendant. Trimballée de maison en maison, Inari se voit contrainte de soigner divers nobles opulents, souffrant presque exclusivement d'écorchures ou diverses blessures, mais la plupart du temps les demandes sont extravagantes, entre les brûlures d'estomac et les demandes de purification de leur demeure, dans un rituel où Inari se doit de danser. Alors qu'elle attend un énième noble pour sa consultation, la prêtresse semble découragée.
{ Mon pouvoir ne devrait pas servir à ce genre de personnes, à la limite, je préfère soigner les soldats plutôt que ses... Gros tas qui dirigent le pays... Il ne m'est même pas possible de parler avec leurs domestiques... Vraiment, les humains, quelle espèce dégoûtante... }
La longue journée s'achève par une balade entourée de gardes autour de la citadelle. Inari semble cependant extrêmement attentive à tout ce qui l'entoure, du nombre de garde, aux chemins cachés dans les ombres. Elle finit par se tenir la tête.
{ Il vas être complexe d'échapper aux gardes où aux mages qui patrouillent, je vais devoir trouver un autre moyen. }
Le groupe arrive devant le logement de la femme et cette dernière le rejoint sans faire d'histoires et deux gardes se positionnent devant la porte. À l'intérieur, Inari sort un rouleau de ses affaires, cadeau qu'elle a reçu lors de son départ. Il s'agit de la méthode d'apprentissage d'un sort de barrière. En étudiant le sort, la femme bête se sent comme familière avec cette magie, comme si elle faisait déjà partie d'elle. Il ne lui faut que quelques heures nocturnes pour apprendre ce sort, cependant son apprentissage diverge de la méthode originale. N'écoutant que son instinct, elle se met à étudier sans retenue la nouvelle méthode.
Une autre journée passe, et la même routine que la veille s'installe à ceci près que la prêtresse a fini avant la pause déjeuner. Inari a cependant avancé dans la maîtrise de son nouveau pouvoir. Capable de créer une forme simple en forme de pavé et totalement transparente voir invisible pour ceux qui ne manipule pas l'éther, la prêtresse s'empresse de tester ses autres fonctionnalités. Elle essaye de pousser avec force ce bloc mais rien n'y fait, l'étrange barrière surnommée kekai pour l'occasion est comme ancrée dans l'espace. Non consciente de la voie qu'elle a prise, elle met à l'épreuve son don, prenant appui sur la barrière et se tenant debout comme si elle volait.
« Avec ça je vais pouvoir partir sans qu'ils le sachent ! Mais je dois changer de vêtements avant... »
Elle retire ses vêtements qu'elle cache sur le paravent et utiliser sa magie de lumière pour les cacher avant de choisir un bustier et une petite jupe d'une couleur lilas et turquoise, elle récupère un des grelots qu'elle affectionne particulièrement et avec un petit ruban auquel elle l'accroche, elle se fait un petit collier qui pend paresseusement sur son buste puis la femme récupère sa cape blanche. Elle se rend alors sur son balcon, utilise son don pour devenir invisible et crée des kekai pour fuir au-dessus de l'océan. Elle se rend dans la ville en profitant du vent de l'après-midi, mais à peine a-t-elle posé pied à terre qu'une violente agitation a lieu dans la citadelle, cette dernière semble être en état d'alerte. La non-présence de la prêtresse inquiète les hauts-placés et la garde est dépêchée pour la recherche, pensant à un enlèvement.
¹ Une jupe large plissée qui descend jusqu'aux chevilles et munie d'une ceinture rigide de couleur rouge écarlate.
² Un kimono blanc porté par les prêtresses Japonaises (Miko).
³ Chaussettes traditionnelles japonaises. Elles montent soit jusqu'à la cheville, soit jusqu'à mi-mollet et séparent le gros orteil des autres doigts.