Fondation Asimov

Par Harthes

I. La Grande Extinction

Tout commença le quatorze Juillet 2021, je m'en rappelle comme si c'était hier. Je jouais aux cartes avec mon petit frère. Le ciel s'est soudainement obscurci, on ne voyait plus rien. Un froid glacial nous parcourait, je pris la main de mon frère et nous courûmes jusqu'à la maison. Était-ce un instinct de survie ou du hasard ? Qu'importe, je serais mort si je ne l'avais pas fait. Nous avons finalement rejoint l'orphelinat, le spectacle nous terrifia. Les murs étaient gelés, notre famille s'était enterrée sous une montagne de couverture. Nous les avons rejoints, ils étaient en train de regarder la télé. Je n'avais que 7 ans mais compris le cataclysme qui se déroulait sous nos yeux. Toutes les chaînes parlaient de cet évènement. On finit bientôt par lui donner un nom, la Grande Extinction : le Soleil s'était éteint.

II. Le Chaos

La terreur s'empara de toute la planète: criminalité, suicide, guerre ; un astre s'éteint et des milliers d'années d'évolutions disparaissent. Il fallut moins d'un mois pour que quatre-vingt-dix pourcents de la population disparaisse. Le vrai problème fut la division humaine ; si nous avions coopéré, nous aurions survécu en majorité. C'est ce qui arriva après ce mois mortifère. Tous les humains restants furent transférés dans le Sahara. Des puits de gaz et pétroles brûlaient en permanence pour lutter contre le froid. Le problème de l'eau et de la nourriture fut assez vite résolu. Des stations de dessalement furent construits au bord de la Méditerranée, et des semences génétiquement modifiées permirent de cultiver fruits et légumes pour se nourrir. Même si la transition fut dure, et que nombre d'entre nous périrent, on finit par s'adapter. Cette relative stabilité permettait de se projeter dans l'avenir. Il fut décidé de regrouper tous les scientifiques restants et les enfants dans une organisation ayant pour but de retrouver la technologie perdue et, à terme, de régler le problème de la Grande Extinction. Le directeur de cette organisation, Théodore Lens, était un généticien hors-pair; il était à l'origine des semences génétiquement modifiées. Il fut nommé directeur à la majorité absolue. Scientifique touche-à-tout et grand amateur de littérature, il mena d'une main de maître la création de l'organisation. Ainsi était né la Fondation Asimov.

III. L'enfer glacial

Cela fait maintenant 19 ans que la Fondation existe. Ce projet a été un franc succès, l'essentiel de la technologie perdue a été retrouvée, et la mortalité a grandement diminué. Ce projet a même dépassé nos espérances, nous avons fait des progrès significatifs, par rapport à l'ancienne humanité, en ce qui concerne l'astronautique. Il en a résulté une meilleure compréhension de la Grande Extinction. Même si nous n'avons toujours pas compris le déclencheur de cet évènement, nous avons fait une découverte pleine d'espoir. En effet, le Soleil est dans un état de «stase», ou ralentissement considérable selon les scientifiques ; et non à l'arrêt complet et irréversible comme nous le pensions tous. Cette nouvelle suscita une joie immense au sein de la fondation. Nous nous sommes pris à rêver d'un retour à un monde normal, monde que les jeunes ne peuvent qu'imaginer à travers nos récits.

En ce qui me concerne, je viens aujourd'hui de fêter mes 26 ans. De plus, je suis dans ma dernière année d'étude de physique et d'astronautique. Il paraît que je me distingue par mon intelligence, selon les propres mots du directeur. Il m'a d'ailleurs convié à travailler sur son dernier projet, en lien avec la découverte dont je vous parlais précédemment. L'allégresse de la découverte se transforma bientôt en désespoir. Selon le directeur, les énergies fossiles qui assurent notre survie sont de plus en plus difficiles à trouver; et le projet de construction de centrales nucléaires semble compromis par manque d'uranium. La même question glaça le sang de tous les invités : combien de temps tiendrons nous dans cet enfer glacial?

Le directeur coupa court au désespoir ambiant en annonçant la raison de notre présence dans son laboratoire. Un immense étonnement remplaça bientôt le désespoir à l'annonce de ce projet : le directeur voulait rallumer le Soleil.

IV. Le projet Hercule

2047 fut l'année où l'épuisement des ressources fossiles devenait critique. Ce problème devenait tel qu'il ne pouvait plus être caché au reste de la population qui n'était pas membre de la Fondation. Cette découverte par la population eut l'effet d'une déflagration de colère. Des émeutes éclatèrent partout, réclamant l'ouverture du bâtiment de la Fondation à la population. Cela pouvait aisément se comprendre, ce bâtiment était le seul à avoir suffisamment de ressources pour pouvoir tenir quelques années en totale autonomie. Nous n'avions pas connaissance de ces émeutes à l'époque, nous passions nos journées dans le laboratoire du directeur à avancer sur son projet pharaonique : le projet Hercule. Il s'agissait d'envoyer une fusée remplie de ressources énergétiques en tout genre dans le but de rallumer le Soleil. De ce fait, il n'était pas concevable de laisser la population entrer dans le bâtiment et en consommer les ressources. Ces ressources devaient permettre de mener à bien le projet Hercule. Le directeur fut face à un dilemme cornélien: abandonner le projet et assurer à l'humanité une lente disparition, ou bien continuer le projet et assurer à la population une lente agonie. Ne sachant quoi penser, il décida d'aller à la rencontre de la population pour se décider. Quelle terrible erreur se fut. Il fut horrifié par le spectacle chaotique qui se déroulait sous ses yeux, c'était le même qu'après la Grande Extinction. Il lui fallut moins d'une seconde pour reprendre ses esprits et retourner dans le bâtiment. C'était une seconde de trop, un manifestant lui lança un couteau à toute vitesse, perforant son abdomen. Le directeur se précipita à l'intérieur du bâtiment et ordonna qu'on condamne toutes les sorties jusqu'à nouvel ordre.

On transporta immédiatement le directeur au bloc opératoire, mais ce fut trop tard, il avait perdu trop de sang; son sort était scellé. Dans ces derniers instants, il nous implora de mener à bien le projet Hercule et de ne pas céder au désespoir. Nous lui jurâmes que nous irions jusqu'au bout. Il s'éteignit dans mes bras, ses larmes se mélangeant aux miennes. Tout le monde me regardait, il semblait acté que j'étais le nouveau directeur. J'essayais de garder la tête haute. J'ordonnai à tout le monde de retourner au travail, je m'occuperais seul des funérailles du professeur Lens dans le jardin de la Fondation. Personne n'opposa de résistance et obéit, ils semblaient avoir été plongé dans une torpeur suite au choc émotionnel qu'ils venaient de recevoir.

Théodore enterré, je pris quelques minutes pour me recueillir sur sa tombe. Je pensais au poids qui venait de tomber sur mes épaules. Même s'il ne montrait rien, je sais que Théodore souffrait quotidiennement, il ne supportait pas tout ce stress et ces responsabilités. Je commençai à sombrer dans des divagations mystiques, il semble que la vie se joue de nous. Après tous nos efforts, tout repartait à zéro. Un chaos généralisé et la violence qui en découle, et un nouveau directeur. Cette infortune m'est insupportable, Tantale méritait sa punition mais nous, qu'avons-nous fait pour mériter cela?Des cris de douleurs m'interrompirent, le dernier puits de pétrole s'était éteint, le froid était en train de congeler vivant la population. Je songeai à mettre de la musique le temps que les cris s'arrêtent mais mon corps ne voulait plus bouger. Qu'est-ce qui me fait me sentir si mal? Je crois que c'est la violence du réel. Nous étions persuadés de défendre une certaine idée du bien; bien commun en l'occurrence. Nous apprîmes à nos dépens à quel point les notions de bien et de mal étaient futiles, elles l'ont toujours été. Cette approche manichéenne n'explique rien, il est plus pertinent de parler de faibles et de forts. Voici tout ce qui explique nos agissements, c'est l'interaction de ces 2 notions qui explique nos idées et actions. En dernière instance, les faibles sont toujours esclaves, esclaves du fort qui subvient à leurs besoins. Appeler bienfaiteur ou malfaiteur son maître n'est, au final, qu'un habillement. Ainsi soit-il, tout cela n'a plus d'importance maintenant. Tout ce qui compte maintenant c'est le projet Hercule, lui et lui seul.

V. Le décollage

Quatorze Juillet 2050, vingt-neuf ans après la Grande Extinction, jour pour jour. La fusée Héraclès est enfin prête, le projet Hercule est enfin abouti. Nous ne pouvons pas nous permettre d'effectuer de tests;les ressources viennent à manquer, nous ne survivrons pas pour voir le premier jour de 2051 se lever. La fusée ne pourra emmener qu'une personne, j'ai décidé d'y aller. Détrompez-vous, ce choix est égoïste et non altruiste. Si le projet échoue, je ne veux pas voir la fin de l'humanité, je ne le supporterai pas. Mais il n'échouera pas, il ne peut pas échouer j'en suis sûr, quoique... Enfin, n'y pensons plus! Selon mes calculs, la fusée devrait atteindre une vitesse de pointe de 280 000 kilomètres par heure. Je devrais donc atteindre le Soleil en trois semaines. Le décollage est prévu pour ce soir, je vais occuper cette après-midi aux derniers préparatifs. Pour être honnête, cela n'est pas nécessaire, tout est prêt. C'est une excuse pour ne pas avoir à croiser les scientifiques et surtout les enfants de la Fondation. Je ne supporterai pas de croiser leurs regards, cela aurait pour seul conséquence de distiller le doute et le désespoir dans leurs esprits. Je les entends parler, cela doit être l'heure de la fin des cours. Il est temps de se remettre au travail.

La fusée a quitté l'atmosphère terrestre depuis une heure. Le décollage était plus compliqué que prévu, la Grande Extinction a grandement modifié l'atmosphère terrestre, bien plus que prévu. Mais j'ai réussi à m'en sortir. Ce sont les derniers mots que j'écris avant un bon bout de temps. En effet, pour économiser les ressources, il a été décidé que je serai placé, pour le temps du voyage, dans une machine simulant l'hibernation de certains mammifères. Avant que ça n'arrive, j'en ai profité pour contempler la Terre. Elle n'a plus la splendeur d'antan, celle que je voyais dans les livres de l'orphelinat. Ce n'est plus qu'un glaçon monolithique. Je ferais mieux d'arrêter de la regarder, ça me déprime plus qu'autre chose. Je dois être en pleine forme à mon réveil pour mener à bien le projet Hercule. Il est temps de se reposer.

VI. Le jour J

Nous y sommes, le jour J, l'heure fatidique approche. Je me suis réveillé à neuf heures et trente minutes, heure terrestre. Le Soleil est juste en face de moi, l'astre de tous nos problèmes. Je vais devoir passer à l'action. Le plan est relativement simple, je n'ai qu'à appuyer sur un bouton. Une batterie de missiles, gavés de ressources énergétiques foncera vers l'astre et le rallumera, peut-être. Nous y sommes, je préfère ne pas trop réfléchir, de peur d'hésiter. J'appuie sur le bouton. Les missiles sont partis. Impact dans trois, deux, une seconde. C'est bon, les missiles ont frappé. J'attends de voir si des résultats se produisent, chaque seconde est un crève-cœur. Quelque chose semble se produire. Oui, ça y est, ça semble marcher. Le Soleil se rallume mais tous les voyants de la fusée sont au rouge. Que se passe-t-il ?

VII. Crépuscule

Vingt-et-une heure, heure terrestre. Je me réveille en plein milieu de la salle de commande, le visage couvert de sang. Je crois me rappeler de ce qu'il s'est passé. Le Soleil semblait réagir à la salve de missiles que j'ai envoyée. Puis,quelque chose qui se rapproche d'une onde de choc a jailli du Soleil, c'est tout ce dont je me rappelle. J'ai dû être projeté par terre, cela expliquerait le sang sur mon visage. Pas le temps de m'en soucier, je dois voir si le projet est une réussite. J'enlève le sang sur mon visage avec le premier chiffon que je trouve, puis je fonce à l'avant de la salle de commande pour voir au-dehors. Le voilà, plus flamboyant que jamais, le projet Hercule est une réussite. Cependant, le désespoir rattrape très vite l'allégresse. Je n'ai pas prêté attention à l'état de la salle de commande. Le pire des scénarios de réussite est advenu. Le Soleil s'est effectivement rallumé mais la fusée Héraclès est totalement hors-service. C'était un scénario possible, le plus probable même. Le «réveil» du Soleil déclencherait sans doute une onde électro-magnétique d'une intensité telle, que n'importe quel appareil électronique serait totalement hors service. Je me suis gardé d'en parler aux autres, je sais pertinemment qu'ils m'auraient empêché de partir, quelqu'un d'autre se serait sacrifié. J'ai longuement réfléchi à cela, devais-je rester pour prendre la suite des opérations dans l'éventualité où le Soleil serait rallumé?

Je crois qu'il faut savoir accepter de partir quand le moment est venu, passer le flambeau à ceux qui nous succéderont, après l'avoir reçu de ceux qui nous ont précédés. Sans doute est-ce de la naïveté, je me laisse emplir de pieuses émotions après avoir été vidé par le néant de la fatalité. Qu'importe, je veux y croire. Je veux croire, qu'un jour, sera brisé le cycle perpétuel de l'infortune, de la violence et de tant d'autres infamies.Si vous lisez ceci, c'est que nous y sommes au moins partiellement parvenus. L'humanité s'est relevée et explore l'infini. Rien ne saurait me rendre plus heureux. Si une chose doit être retenu de notre vécu, c'est que l'espoir est demain.

C'est par l'espoir que nous sommes nés, que nous vivons,et que nous périrons.
C'est donc comme cela que cela se finit.
Mon crépuscule approche mais un nouveau jour se lève pour l'humanité.

 

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Ella Palace
Posté le 17/06/2021
Bonjour Hartes,

J'avoue avoir du mal avec la crédibilité de ton récit malgré qu'il soit question d'une fiction.

Quelques petites remarques:
- le protagoniste principal se demande si c'était l'instinct de survie ou le hasard qui l'a conduit à la maison... C'est interpellant... Je ne crois pas qu'on se réfugie chez soi par hasard....
- je ne comprends pas la logique quand tu écris qu'ils ont rejoint l'orphelinat, le spectacle les terrifia. Je n'y comprends rien lol
- je n'avais que 7 ans mais JE compris qu'UN cataclysme se déroulait... Je ne pense pas que si tout s'éteint tout à coup, on pense directement au soleil qui vient de s'éteindre. On comprend que quelque chose de grave se passe, sans plus, même adulte.
- les murs étaient gelés... Ils ont dans les minutes rejoint la famille ou plusieurs heures? car il faut des heures pour que le froid s'installe si le soleil s'éteint et quelques jours pour qu'il gèle au point de geler les murs...
- je sais que c'est une fiction mais as-tu tenu compte que même des semences génétiquement modifiées ont besoin de la photosynthèse inexistante sans soleil? D'où viennent ces semences?
- si nous devions aller sur mars, il faudrait environ un an et en 2051, on arriverait au soleil en 3 semaines?

En bref, je pourrais continuer car je ne parviens absolument pas à trouver cela crédible et j'ai donc trop de mal à accrocher, car tout cela est impossible.
Il faudrait entrer dans une science-fiction plus profonde, selon mon avis. Parce que tu sembles partir de faits probables, je m'attendais à apprendre quelque chose et à suivre le protagoniste dans ce monde glacial.

Ceci n'est qu'un avis parmi tant d'autres...

En dehors du fond et de mon incapacité à croire en cette histoire, j'apprécie ta plume. Peut-être te suivrais-je sur un autre récit?

Ella
Harthes
Posté le 18/06/2021
Bonjour,

tout d'abord merci pour ton commentaire. Voici quelques réponses à tes remarques:
-je suis d'accord avec ta 1ère remarque, c'est une erreur de ma part. Cela ne fait pas vraiment sens de parler de hasard.
-pour la 2ème remarque, c'est en lien avec la 1ère. Le protagoniste et son frère sont des orphelins, ils sont donc rentrer à l'orphelinat suite à ce qu'ils ont vu dans le ciel. "Le spectacle les terrifia" correspond à ce qu'ils ont vu en rentrant dans l'orphelinat ("Les murs étaient gelés...")
-Je suis aussi d'accord avec la 3ème remarque, j'ai un peu extrapolé, c'est plus le narrateur que le protagoniste qui parle :)
- Pour la 4ème remarque je t'avoue que je me suis pas assez renseigné sur la partie scientifique. J'aurai du le faire, ça aurait rendu mon récit plus crédible même si c'est de la fiction. Mais pour te répondre, je pensais plus à quelques minutes
-Pour la 5ème, il me semblait que certaines plantes pouvaient se développer sans photosynthèses (la Fleur de lune.
le Bromélia,...) mais je me suis peut être trompé. Pour l'origine des semences, elles ont été développées par les scientifiques qui seront les futurs membres de la Fondation Asimov.
-Pour la dernière remarque, cela rejoint la 4ème remarque sur le froid. Vu que c'est une nouvelle, j'ai raccourci le temps pour rendre ça un peu plus dynamique, sous le prétexte que la Fondation a réussi à développer de meilleures technologies. Mais c'est pas assez développé pour que ce soit crédible, je le conçois.

Merci pour le retour, j'essaierai sans doute de développer cette nouvelle en un roman pour la rendre plus crédible et qu'on puisse mieux s'immerger dedans, voir qu'on apprenne des faits scientifiques.

Merci pour le compliment sur la plume :)
J'ai prévu de sortir le premier chapitre d'un roman policier, sur lequel je travaille en ce moment, aujourd'hui. Ça pourra peut être t'intéresser.

Harthes
Ella Palace
Posté le 18/06/2021
Bonjour,

J'avais pour l'orphelinat mais j'ai trouvé que ce n'était pas clair, de mon point de vue.
En effet, vu que tu pars de notre réalité et que tu l'entretiens dans ton récit, il me semble opportun de faire des recherches sur la réalité, justement lol.

Courage!
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