- Elsa?
- Hum?
- Je crois que j'ai envie de t'embrasser.
La collégienne se tourna vers la jeune fille allongée à côté d'elle. Malgré la faible lumière qui les entourait Lisa pouvait deviner la surprise qu'avait déclenché sa déclaration hésitante. À peine avait-elle prononcé ces mots qu'elle les regrettait déjà. Absolument paniquée par la situation qu'elle avait elle-même déclenchée, elle était sur le point de se rétracter quand son amie brisa le silence gênant qui s'était installé:
- Je crois que moi aussi.
Cette fois ce fut au tour de Lisa d'ouvrir de grand yeux surpris. Elle ne savait pas à quoi elle s'attendait, mais pas vraiment à ça. Son cœur, déjà bien rapide, pris une soudaine accélération, et son ventre n'en finissait plus de papillonner. Incapable de dire un mot et pas du tout sûre de ce qu'elle devait faire maintenant, elle se contenta de regarder sa meilleure amie avec des yeux plein de panique, se demandant pourquoi elle avait eu cette idée au départ.
- Tu veux qu'on essaye? demanda Elsa.
- Euh... hésita Lisa. Juste un smack alors?
Les deux adolescentes se regardèrent un instant. D'un geste peu assuré elles se rapprochèrent l'une de l'autre. Après une courte hésitation qui leur parut une éternité, leurs lèvres se touchèrent enfin. C'était un petit bisou timide et terriblement fugace, beaucoup trop fugace. La panique de Lisa ne faisait qu'augmenter tandis que cette sensation de faire quelque chose de pas bien montait en elle.
Elle contemplait sa meilleure amie, son Elsa, celle avec qui elle partageait tout depuis 2 ans déjà. Elle venait de l'embrasser. Là, dans ce lit de vacances inconfortable qu'elles partageaient innocemment. Même pas 5 minutes ne les séparaient de la discussion qu'elles avaient eu sur leurs crush, certes fictifs, mais tout ce qu'il y a de plus masculins. Elle savait que quand elle était fatiguée elle faisait n'importe quoi, mais là quand même on avait atteint des sommets. Et pourtant...
Et pourtant, alors que son esprit était encore en train d'hurler de panique, son corps se mit à bouger presque par lui-même. Sa main, tremblante comme jamais, vint caresser la joue de la jeune fille en face d'elle, ramenant derrière son oreille une mèche de cheveux, et provoquant une nouvelle vague de papillons dans son propre corps.
-Est-ce que je peux recommencer, demanda-t-elle?
Elsa posa sa main sur celle de son amie tandis que son regard troublé faisait des aller-retour entre les lèvres et les yeux de Lisa. En guise de réponse elle finit par poser de nouveau ses lèvres sur les siennes. Lisa fut envahit par un tourbillon de sensations qui lui était jusqu'alors inconnues. Une chaleur lui montait aux joues en même temps qu'elle sentait son corps devenir aussi léger qu'une plume. Son esprit était totalement embrumé par le pur bonheur qu'elle ressentait en sentant les douces lèvres de son amie contre les siennes.
Alors qu'elle s'attendait à ce qu'Elsa s'écarte d'elle une nouvelle fois, le baiser se prolongea. Les lèvres rigides et peu assurées de leur premier baiser s'assouplirent peu à peu. Quand enfin leurs visages se séparèrent la gêne avait disparue, remplacée par un bonheur confus qui laissait les deux adolescentes sans voix. Leurs mains entrelacées étaient toujours posées sur la joue d'Elsa, prolongeant cet instant magique.
Mais déjà la panique s'emparait de nouveau de Lisa. Comment est-ce qu'elle avait pu être assez stupide pour embrasser sa meilleure amie? C'était une fille de toute façon, du coup ça compte pas vraiment comme premier baiser. Non? Peut-être que oui après tout. Mais Elsa elle avait déjà embrassé d'autres filles juste pour rigoler, ça voulait rien dire pour elle. Pourtant ce n'était pas de l'amusement qu'elle voyait sur le visage de la jeune fille. En fait elle ne l'avait jamais vu avec cette expression. Elle avait les yeux dans le vide, le visage fermé, presque inquiet.
- Ça va, chuchota Lisa?
Revenant dans l'instant présent, Elsa cligna des yeux avant de croiser le regard plein de détresse de son amie.
- Oui, oui, désolé, répondit-elle.
Se rendant compte qu'elle tenait toujours la main de la blondinette, elle la lâcha précipitamment et se retourna. N'osant pas dire un mot, Lisa la regarda faire, encore plus paniquée et confuse qu'au départ. Elle entendit à peine Elsa lui souhaiter une bonne nuit avant d'éteindre la douce lumière. Le bonheur de Lisa disparu tandis que l'obscurité engloutissait la silhouette de son amie.
*********
Le signal strident des portes du métro sur le point de se fermer sortit Lisa de sa rêverie. Elle avait l'habitude de se perdre dans de vieux souvenirs, mais celui là ne lui était pas revenu depuis tellement longtemps qu'elle se demandait même si elle ne l'avait pas totalement inventé. Elle n'avait pas revu Elsa depuis au moins 10 ans, et ces vacances qu'elles avaient passées ensemble lui semblait tellement lointaine. Elle n'arrivait même plus à se souvenir de la chambre qu'elles partageaient. Juste de cette mezzanine-lit dans laquelle elles lisaient des mangas pas vraiment pour leur âge et où elles discutaient pendant des heures.
Elle vérifia mécaniquement la station qui venait de passer, se demandant ce que pouvait bien faire Elsa maintenant. Tellement de choses avaient changées depuis cette nuit là. À l'époque elles évoluaient dans un monde où les relations lesbiennes n'existaient que dans les porno, et elles n'avait pas su réagir sainement aux sentiments qu'elles ressentaient l'une pour l'autre. Elles n'avaient jamais reparlé de ce baiser et avaient continué leurs vies comme si de rien n'était. Le temps passant elles s'étaient éloignées, et même en continuant à vivre quelques années à 200m à peine l'une de l'autre elles avaient totalement arrêté de se voir.
Alors que le métro s'arrêta une fois de plus la jeune fille observa négligemment les gens qui s'engouffraient dans sa rame. Au milieu de la foule des inconnus une tignasse d'un rouge pétant la fit sourire. La personne était bien plus grande que les gens autour d'elle, et personne ne pouvait la manquer. Ce n'est qu'après un petit instant que Lisa réalisa enfin le plus important.
- Elsa, lâcha-t-elle sans même en avoir conscience.
Son amie d'alors tourna la tête vers elle, et un sourire surpris se dessina sur son visage.
- Lisa, s'exclama-t-elle! C'est ouf, qu'est ce que tu fais là?
- Je vais à la fac. Mais c'est à toi de poser la question, je croyais que t'étais en Angleterre?
- J'y étais, mais j'ai dû rentrer chez mes parents pour quelques temps.
- C'est marrant parce que justement je me demandais ce que tu devenais, faudrait qu'on se voit un de ces quatre pour rattraper un peu le temps perdu.
- Carrément! T'as du temps avant tes cours pour se prendre un thé? Je suppose que tu bois toujours autant de thé.
- Tu suppose bien. Par contre le temps je suis pas sûre.
Lisa jeta un œil à sa montre. Non clairement elle n'avait pas le temps, elle était déjà assez limite pour son premier cours. En relevant les yeux pour décliner l'offre, elle s'aperçut qu'Elsa avait un sourire amusé à la vision du badge pansexuel que Lisa avait épinglé à sa chemise. L'étudiante sourit à son tour.
Au diable les cours.
Je trouve que tu retranscris particulièrement bien le trouble et l'émoi de la première demande. On imagine sans peine toutes les barrières à surmonter pour oser demander un baiser à sa meilleure amie. Tu le fais avec beaucoup de sensibilité.
A bientôt
C'est très bien écrit, on ressent bien les émotions des personnages et ton style est léger et agréable à lire.
J'ai repéré deux trois coquilles et remarques, mais rien de bien grave : ton expression reste impeccable ;)
- Elle n'avait pas revu Elsa depuis au moins 10 ans, et ces vacances qu'elles avaient passées ensemble lui semblait tellement lointaine. -> lui semblaient/lointaines
- Tellement de choses avaient changées depuis cette nuit là. -> changé
- et elles n'avait pas su réagir sainement aux sentiments qu'elles ressentaient l'une pour l'autre. -> elles n'avaient
- Au milieu de la foule des inconnus une tignasse d'un rouge pétant la fit sourire. -> cette phrase est à mon sens un peu maladroite, peut-être qu'une virgule ou deux faciliteraient la lecture ? Je pense que "la foule des inconnus" apporte un peu de lourdeur, quand il y a une foule, il y a forcément des inconnus on ne peut pas connaître tout le monde ;) Ce ne sont que des suggestions bien sûr ^^
- Tu suppose bien. -> supposes
Merci pour cet instant de lecture, c'est avec plaisir que je lirai les nouvelles suivantes !
Fy
Merci pour les corrections, je modifie ça de suite :)
Encore merci d'avoir pris le temps de me lire et me corriger, j'espère que la suite te plaira!