« Au sommet d’une colline d’Augusta, dans le Maine, se dresse un manoir immense, héritage d’une famille autrefois puissante. C’était le tout début de l’automne, les arbres commençaient à perdre de leur couleur, ainsi que de leur feuille. L’odeur de la pluie était celle la plus présente dans l’air.
Les tout premiers habitants de la maison appartenait à l’aristocratie. Edghin et Chloé Miller. Ils étaient jeunes et riche, ils s’aimaient, ils avaient absolument tout pour être heureux. Malheureusement, depuis presque dix ans de mariage, ils n’eurent aucun enfant. Chloé Miller a en effet fait, à chaque fois, dix fausses couches. hloé Miller a commencer à noyer son chagrin dans l’alcool, le couple était chagriné, ne sachant plus quoi faire. Cependant, des histoires de voisinages s’ébruitaient. On racontait que Edghin avait une maîtresse, celui-ci la ramenait comme bon lui semblait dans son manoir, lorsque Chloé était de sortie. Un jour, Chloé rentra, mais Edghin, était dans le lit conjugal, avec sa maîtresse. Chloé les surprit.
Nous ne savons pas ce qu’il s’est passé par la suite, pas avant les analyses des professionnels de l’époque.
Une voisine raconta : « J’ai entendu des hurlements de femmes, si terrifiants…, si glaçants... Jamais je n’avais entendu une telle horreur. Je suis sortie alors de la maison, inquiète, et la première chose que j’ai vue, c’est cette femme. Rouge de sang sur sa nuisette blanche, elle glissait sur le sol, à cause de la pluie. Soudain, derrière elle, apparut notre voisine, Chloé Miller, vêtue de son grand chapeau noir, qui lui couvrait tout le visage. Elle sortit de sa robe lourde, noire et ancienne, tachée de sang, une lame. Une lame gigantesque, comme je n’en ai jamais vu. Elle lui a assigné plusieurs coups de couteaux au visage et au corps. Elle est allée jusqu’à lui découper la tête. Jamais je n'aurais pensé que Madame Miller, était capable de faire cela. Je ne l’ai jamais vu, dans cet état.»
Lorsque la police se rendu sur place, ils arrêtèrent Chloe Miller. Seul, le corps de la maîtresse d’Edghin a été retrouvé. C’était un vrai massacre, il y avait du sang qui descendait des escaliers, jusque dans le lit conjugal. Le manoir était en bordel, comme s’il n’avait pas été nettoyé depuis des mois. La poussière flottait dans l’air, et des bouteilles d’alcool étaient partout dans la maison.
Cependant, le corps d’Edghin, mort ou vivant, n’a jamais été retrouvé. Chloe Miller n’a jamais avoué l’avoir tué, ou laisser vivant. Elle a néanmoins reconnu avoir décapité la maîtresse, de sang-froid. Chloe Miller, a été condamnée à la peine de mort en 1798.
Depuis, plusieurs personnes disent apercevoir la silhouette de Monsieur Edghin. Vêtu d’un grand chapeau, en costume noir, déambulant sans visage. »
- Becca ! Dépêche-toi, on va être en retard !
Becca sortit de la douche en furie et coupa le podcast sur son téléphone, de ses doigts encore mouillés. Ses cheveux noirs charbonneux, lui collent en plein visage au moindre mouvement. La serviette autour de son corps frêle glissa lorsque Becca faisait de grands mouvements. Ce soir, c’est la soirée d’Halloween chez les frères Donovan, la famille la plus riche de tout le lycée ! Becca et sa meilleure amie, Anna, sont comme des folles, elles attendent ce moment depuis si longtemps !
- Becca ! Allez grouille !
Becca commence à mettre son fond de teint, pressée par les hurlements d’Anna au rez-de-chaussée. Celui-ci n’est pas bien étalé, alors que tout doit être nickel, une soirée comme celle-ci, il n’y en aura pas deux.
C’est leur première soirée ! Durant leurs trois premières années au lycée, elles n’ont pas pu assister à une seule d’entre elles. Becca et Anna sont tout le temps collées à deux. Elles sont considérées comme des filles bizarres, la seule différence, une est plus sociable que l’autre.
Les escaliers du vieux manoir, grinça, quelqu’un monte à l’étage.
- Rebecca Johnson ! Fit Anna en entrant dans la chambre, avec son maquillage de clown. N’en as-tu pas marre de te faire désirer ?
Becca ria.
- Tu es encore occupée avec ces foutus podcasts horrifiques ?
- Arrête ! Il n’y a rien de mieux à écouter lorsque c’est la semaine d’Halloween !
Dit Becca en continuant son maquillage, pendant qu’Anna lui raconta à quel point elle était surexcitée d’y aller.
- J’ai tellement hâte d’y être ! Notre première fête !
Becca, quant à elle, se contenta de terminer son maquillage en appliquant son blush, un rouge à lèvres rouge et du faux sang, dans le coin de sa bouche. Son fard à paupière noir creuse ses yeux, qui sont d’un vert profond.
- Tu vas mettre que ça ? J’espère que c’est une blague ?
Il est vrai que le maquillage d’Anna était plus élaboré. Elle a décidé que pour ce soir, elle serait un clown diabolique. Son rouge à lèvres dépasse de sa bouche, pour en faire un sourire immense. Elle a également mis des lentilles jaunes, ses yeux sont à la base bruns. Son teint est aussi blanc qu’un mort. Ses cheveux blonds sont attachés en deux couettes, de chaque côté, avec un chouchou rouge vif. Son costume est plutôt… sexy… pour un clown. D’ailleurs, Anna ne s’en cache pas !
Becca a décidé d’être un vampire ce soir, elle ne veut pas en faire trop niveau maquillage. Seules les canines qu’elle se rajoutera avant de partir du manoir, en mettront plein la vue.
- Tu te rends compte ? Les frères Donovan ! Ce n’est pas n’importe qui, il faut leur en mettre plein la vue !
- Personnellement, je vais miser sur mon costume. Peut-être que je rencontrerais mon âme sœur vampire ce soir ? Dit Becca, en riant nerveusement.
Anna lui lança un regard à la fois noir et triste.La possessivité d’Anna laissait parfois Becca perplexe, éveillant en elle un doute qu’elle n’osait formuler : y avait-il plus que de l’amitié dans ses regards ? Chaque fois que Becca évoque ses rares histoires d’amour, Anna se referme ? Jalousie ?
Anna n’avait jamais eu de petit copain. Becca ne se posait pas de questions, peut-être est-elle gay, mais préfère ne pas le dire ? Quoi qu’il en soit, Becca aimera sa meilleure amie, peu importe ce qu’elle est.
- Tu m’aides ? Demande Becca, en montrant le corset de son costume.
Anna n’attend pas deux secondes de plus pour aider sa meilleure amie. D’autant plus qu’elle fut surprise, lorsque son amie enleva sa serviette et se retrouva nue devant elle. Becca enfila un de ses strings qui était dans l’armoire de son amie, ensuite, elle resta figée, afin que son amie puisse mettre son corset.
Anna passa le corset autour de son buste en passant par sa poitrine ferme et sa taille fine. Une fois celui-ci bien mis, elle commence à serrer les fils derrière son dos. Anna admira le tatouage dans le creux de ses reins, un serpent qui se mord la queue, faisant la forme d’un huit allongé.
- Sers plus fort ! Je ne voudrais pas que mes seins apparaissent sur les réseaux sociaux sans que je ne le sache. Tout le monde sait comment ça se passe quand tu es un peu trop bourré.
- Tu m’étonnes.
Anna sert alors plus fort, voyant le corps de Becca changé. Elle était déjà magnifique, mais ce soir, elle le sera encore plus. Rien qu’à cette idée, que quelqu’un peut poser les mains sur son amie, son cœur bat si vite, ses mains tremblantes devenant impossibles à sceller le dernier nœud du corset.
- Tout va bien ? Demande Becca.
- Oui… je vais aller prendre un coca, je n’ai pas beaucoup mangé aujourd’hui. Réponds Anna en faisant le dernier nœud du corset.
Sans prêter un regard à son amie, elle descend les escaliers, grinçant du vieux manoir.
Becca continue d’enfiler son déguisement. Elle enfila des collants, brodés avec de la dentelle, et une robe noire, longue et moulante. Comme nous pourrions le voir dans la famille Adams.
Elle ajouta du faux sang, sur sa poitrine surélevée par le corset, sur son cou ainsi que légèrement sur ses bras.
Elle vit les lentilles de son amie sur la coiffeuse, mais se résigna, et préfère garder des yeux verts.
Elle sèche ses cheveux, faisant un brushing à l’aide de son sèche-cheveux et une brosse. Ses cheveux noirs sont à présent soyeux, brillants et doux. Ils lui arrivent au milieu de son dos fin, marquant sa taille avec le corset.
Becca vit chez sa meilleure amie depuis quelque temps. Elle n’a pas la vie rose, après la mort de son père, sa mère a refait sa vie. Avec un homme, qui, au premier abord, est l’homme idéal. Mais ce compte de fée s’est très vite transformé en cauchemars, entre violence physique et psychologique.
Un jour, cela est allé trop loin. Son beau-père ne s’en est pas seulement pris à sa mère, mais à Becca. L’envoyant à l’hôpital durant quelques jours. Les services sociaux ont décidé qu’elle devrait être en famille d’accueil, mais ne voulant pas, Becca à décidé de s’enfuir et de se réfugier chez sa meilleure amie.
Les parents n’ont pas pris la peine d’avertir la police ou les services sociaux, car ils comprenaient la situation. Becca peut rester autant de temps qu’elle le veut, mais il faudra bien un jour, tirer cette histoire au clair.
Becca prend son sac à main et descend les escaliers du manoir, jusqu’au rez-de-chaussée. Elle vit Anna dans le canapé, une canette de Coca à la main. Lorsqu’elle la vit, elle lui sourit.
- Mes pensées… Désolé Becca, je ne vaux pas mieux qu’un mec.
Les deux amies rient follement.
Anna se leva soudainement du grand canapé, blanc en cuivre, et se dirigea vers la cuisine équipée.
Les parents d’Anna ont acheté ce manoir il y a quelques années. Il était dans un état pitoyable, ils l’ont alors refait à neuf. Très bonne initiative, cela augmente sa valeur sur le marché, si un jour ils doivent le vendre.
Ils n’ont jamais su à qui il appartenait avant, l’agence leur a seulement dit qu’il a été abandonné pendant bien trop longtemps.
Les parents d’Anna avaient vraiment de bon goût en termes de décoration. Ils n’ont refait que l’intérieur, il voulait préserver l’ancienne architecture du manoir, ce qui fait tout son charme.
Le parquet a été remplacé par du neuf, ainsi que le papier peint. Les couleurs les plus vivantes dans le manoir sont le blanc, le noir et le marron foncé. Un style un peu nordique. Beaucoup de tapis, presque un dans chaque pièce. Anna est une folle aux plaids, pareil que les tapis, minimum un dans chaque pièce.
Contrairement à ce que l’on peut penser, le manoir est très lumineux, toutes les fenêtres ont été remplacées, avec du double vitrage intégré.
Becca est soudainement sortie de ses pensées par un verre brisé au sol. Elle écarquille les yeux, lorsqu’elle vit son amie briser l’argenterie de ses parents.
- Oh putain… je suis dans la merde.
Mais au lieu de continuer à s’alarmer, les deux amies rirent à nouveau aux éclats.
- Tu vas carrément te faire tuer. Rajoute Becca.
Soudain, la sonnerie d’un téléphone retentit. Becca vérifia dans son sac à main, c’était bien le sien.
De Mike :
J’ai tellement hâte de te voir.
Becca tapota sur le clavier de son téléphone.
De Becca :
Moi aussi, tu seras déguisé
en quoi ?
Mike est un garçon que Becca a rencontré au lycée. Ils ne se parlent que par messages Instagram, ils ne se sont jamais parlés face à face. Ils se sont déjà vus, il y a déjà eu des jeux de regards, mais rien de plus.
Ce soir, ils vont enfin pouvoir se parler. Becca est stressée, mais à la fois heureuse. Le fait d’avoir attendu un jour en particulier, avant de pouvoir véritablement se rencontrer, faisait monter l’excitation en elle.
Depuis sa dernière relation, elle n’a jamais voulu avoir de nouveau petit copain. « Trop compliqué », disait-elle.
Mais tout a l’air plus simple avec Mike. Finis les crises de jalousie à répétition, finis le manque de respect. Elle peut enfin se sentir elle-même, et ne pas jouer un rôle.
De Mike :
Je serais en Edghin Miller.
De Becca :
Sans déconner ! Tu connais
la légende ?
De Mike :
Évidemment.
De Becca :
Mais, comment pourrais-je
te reconnaître si je ne vois
pas ton visage ?
De Mike :
Justement, je serais le seul
sans visage.
Tout ceci devint de plus en plus excitant. Becca se mordit les lèvres rien qu’en y pensant.
- Ça va, dis-le-moi si je te dérange ? Dit subitement Anna.
- Pardon, tu disais quoi ? Réponds Becca en rangeant son téléphone.
Anna fit une grimace agacée.
- Je te demandais, qu’est-ce qu’on devrait ramener comme alcool ? Mes parents en ont trop, je ne sais pas me décider.
Becca s’avança vers le bar, près de la cuisine, et jeta un œil. Anna montre une bouteille de Jack Daniel’s, un vin blanc, ou encore une bouteille de Vodka. Les restes ne sont que du vin ou du Rhum, des noms imprononçables, que seuls les riches pouvaient connaître.
Becca pointa du doigt la bouteille de Vodka.
- Celle-ci fera l’affaire.
Anna prend alors la bouteille, et la met dans son sac, qui a l’air d’être remplie de pas mal de choses.
- Qu’est-ce que tu as dans ton sac ? Demande Becca.
- Des baskets, et des habits de rechange, au cas où je me vomis dessus. Réponds Anna sans bégayer.
Becca fit signe de la tête.
Les deux amies vont dans le salon, et s’installent sur le grand canapé blanc, pour mettre leurs talons. Becca opte pour une paire de bottes tandis qu’Anna met une paire d’escarpins.
- Tu dois être contente, c’est le grand jour. Tu vas voir Mike.
- Oui, je suis super contente. Depuis le temps que je voulais entendre le son de sa voix, en personne. Ça a fait monter la température entre nous.
- Attends… tu comptes coucher avec ?
Anna semble hébétée face à l’enthousiasme de son amie. Si l’expression « sa mâchoire tombe au sol » était vraie, ça aurait été le cas d’Anna.
- Je ne sais pas… pourquoi pas ? Réponds, Becca, dubitative. Après tout, c’est un bon garçon, et si ça doit se faire, alors ça se fera. Qu’est-ce que tu en penses.
Anna reste bouche bée, elle ne comprend pas comment son amie a si peu de respect pour elle.
- Il sera déguisé comment ?
- Devine ? Dit Becca d’un sourire enjôleur.
Anna haussa des épaules en se levant du canapé.
- Edghin Miller.
Anna écarquilla les yeux de stupeur, portant ses deux mains à sa bouche.
- Non… mais… tu rigoles j’espère… ? Dit-elle en riant nerveusement.
- Je sais, c’est glauque. Mais c’est Halloween ! Regarde-toi ! Tu es habillé en clown super sexy !
- Rebecca Johnson ? Tu plaisantes, j’espère ? C’est comme se déguiser en Charles Manson… franchement, c’est morbide !
Déçue de la réaction de sa meilleure amie, Becca se leva d’un pas décidé, et se dirige vers la porte de sortie. Ses talons frappent le parquet.
- On va être en retard.
Anna rattrapa son amie par le bras. Les deux amies se regardent un instant, les yeux de Becca sont remplis peine, tandis que ceux d’Anna sont remplies d’inquiétude.
Anna prend la main de Becca entre les siennes, elle plonge son regard dans les yeux verts de Becca, intensément. Les mains de Becca sont douces, manucurés de vernis noir. Anna sentit presque une odeur de rose qui s’échappe de celles-ci.
- Je ne veux pas qu’on se dispute avant notre soirée, tant attendue. Je m’inquiète juste pour toi. Tu m’as demandé mon avis ? Alors, je te le donne.
Becca reste attentive à ce que son amie lui dit, son regard s’est adouci, elle est plus compréhensive.
- Tu ne lui as jamais vraiment parlé. On ne connaît jamais vraiment les gens. Par exemple, la première fois que l’on s’est vus. As-tu toujours les mêmes jugements ou pensées sur ma personne ?
Becca fit « non » de la tête.
- Je te demande de faire attention. Ne le laisse pas faire n’importe quoi avec toi. En plus, Edghin Miller ?! Il n’a pas pu trouver mieux !
Cette remarque fit rire nerveusement Becca.
- Promets-moi de faire attention.
- Promis. Réponds Becca.
Les deux amies se prennent dans les bras. Leurs deux parfums se mélangent, faisant une parfaite association entre un Yves Saint-Laurent et un Chanel. Ce moment d’affection ne dura pas plus d’une minute.
- Bon, allez, on doit y aller. Dis Anna se défaisant de l’étreinte de son amie.
Les deux filles se dirigent vers la porte d’entrée. Becca met un long manteau noir au-dessus de son corset et de sa longue jupe. Anna, elle, n’en met pas.
- N’oublie pas ton sac. Dis Becca.
Anna fonça dans le salon reprendre son grand sac, se dirige vers la porte, et la referma derrière elles, faisant un grincement infâme, digne d’un film d’horreur.
Les deux jeunes filles se dirigent vers la voiture, que les parents d’Anna leur ont laissée. Ceux-ci sont en voyage en Italie.
Elles montent dans le gros break noir, Anna allume la voiture éclectique, et, toutes les deux démarrèrent, dévalant très prudemment la colline, avant d’être sur une route plate, passant par les petites maisons typiques d’Augusta.
C’est une ville tranquille, entourée principalement de forêts et de lacs. Les lacs ne sont pas encore gelés, l’air étant encore trop doux pour cette période de l’année. Ici, les quatre saisons se distinguent à merveille. L’automne, de loin la préférée de Becca, colore les paysages du Maine d’orange, de rouge et de jaune. Les arbres, en perdant leurs feuilles, semblent mourir avant de renaître chaque année.
Les filles empruntèrent une route longeant un grand lac sur leur gauche.
Elles croisent des enfants portant des paniers remplis de bonbons : des fantômes, des pirates, des clowns, des sorcières et des sorciers. Tous les costumes imaginables sont représentés. Becca remarqua un enfant déguisé en Spidermanhorrifique, arborant un costume déchiré et du faux sang, imitant avec précision les mouvements du super-héros.
Heureusement pour elles, elles n’auront pas à subir ce soir le fameux : « Des bonbons ou un sort ?! ». Anna aurait probablement répondu « Un sort. ».
Les basses de la musique pop résonnent dans le break noir, transformant le véhicule en un monstre rugissant aux grands phares, tout droit sorti des enfers. Merci à Stephen King de nous avoir traumatisés avec Christine.
Les filles chantent à tue-tête sur les morceaux de leurs artistes préférés : Ariana Grande, Post Malone, Beyoncé… tout y passe.
Becca et Anna arrivent enfin devant la maison des Donovan. Une demeure imposante, avec une piscine à débordement où des jeunes se baignent déjà, gobelet rouge en main. La maison est difficile à manquer ; les nouvelles constructions sont rares à Augusta, et lorsqu’elles émergent, tout le monde en parle. Les parents des frères Donovan, tous deux architectes, ont manifestement un sens aiguisé de l’esthétique, autant intérieure qu’extérieure.
La maison a trois étages. Becca s’imagine déjà embrasser Mike dans l’une des chambres, en espérant qu’elles ne soient pas toutes occupées… et surtout, qu’elle ne tombe pas sur un couple en plein ébat.
Devant la maison, plusieurs voitures d’étudiants sont garées. Le co-voiturage est courant dans ce genre de fête.
Les filles sont nombreuses à avoir des costumes similaires : vampires, clowns ou sorcières, tandis que les garçons optaient pour des déguisements de zombies ou de loups-garous. Certains costumes sont plus élaborés que d’autres. On distingue aisément ceux qui viennent simplement pour s’amuser de ceux qui sont passionnés par l’ambiance d’Halloween.
Becca et Anna entrent dans le jardin, les basses assourdissantes résonnent jusqu’à l’extérieur.
- Becca et Anna ! Je n’y crois pas, vous êtes venues !
S’écrie l’un des frères Donovan en avançant vers elles. Il replace ses cheveux gélifiés. Son costume, une version revisitée de Beetlejuice, est à la fois classe et impressionnant.
- Je vous sers quelque chose à boire ?
- Une bière. Disent les deux filles en même temps.
- Sympa les costumes. Dit-il avant de se retourner pour aller chercher les boissons.
- Je n’y crois pas, il nous a reconnues !
Les deux filles sautillent de joie, surexcitées. Le frère Donovan revint avec deux bouteilles de bière qu’il leur tendit.
- Santé ! Dit-il en levant sa bouteille vers elles.
Becca et Anna trinquèrent et burent leur première gorgée de la soirée. Petit hic : elles ne connaissent personne à cette fête et devront donc probablement boire un peu plus pour se sentir à l’aise et socialiser.
Becca sort son téléphone de son sac.
De Becca :
Je suis arrivée. Où es-tu ?
- Si ça ne te dérange pas, j’irais bien à l’intérieur pour danser. Dit Anna, plongeant ses lentilles jaunes dans le regard de Becca.
Celle-ci range son téléphone portable et prend Anna par la main. Elles se dirigent vers l’intérieur, une fois le seuil franchi, les basses font vibrer leurs corps et la musique sature leurs oreilles. Les invités déguisés dansent sur la piste ; certains jouent au beerpoing dans la cuisine, tandis que d’autres s’adonnent à des concours de shoot de Vodka. Toutes les activités prisées des adolescents en 2024.
Les deux amies, toujours main dans la main, se frayent un chemin vers la piste de danse, où la fête bat son plein. Des lumières tamisées et des effets lumineux électroniques baignent la pièce. Le rythme envoûtant de la musique pulse dans les murs.
Anna lève les bras et tourbillonne ses deux couettes blondes autour d’elle. Becca, plus discrète, cherche Mike du coin de l’œil, ses yeux pétillants d’excitation. Elles se laissent emporter, leurs mouvements parfaitement synchronisés.
Anna va de temps en temps rechercher une nouvelle bière et revient sur la piste. Becca a désormais enlevé son manteau ; son corset souligne une taille de guêpe et une poitrine généreuse, attirant les regards. Sa robe tourbillonne autour de ses jambes.
Autour d’elles, le monde semble disparaître, les laissant en parfaite harmonie. Becca prend la main d’Anna et la fait tourner, provoquant un rire éclatant de la part de son amie. La jupe d’Anna se soulève à chaque pirouette, et au loin, elle remarque des garçons qui la dévisagent. Elle grimace, dégoûtée.
L’alcool coule à flot, atteignant des degrés de plus en plus forts. Les deux amies sont maintenant ivres, Becca plus qu’Anna.
Celle-ci sentit son téléphone vibrer dans son sac à main.
De Mike :
Moi aussi !
- Je vais aux toilettes, je reviens ! Hurla Becca à l’attention d’Anna.
Celle-ci acquiesça d’un signe de tête.
Becca se fraye tant bien que mal un passage à travers la foule déguisée et parvint à atteindre le grand escalier en marbre blanc. Elle monte les marches, tenant sa robe longue, ses talons claquent contre le marbre.
A l’étage, certains s’embrassent, d’autres fument, et d’autres encore se droguent dans les pièces du premier étage.
Elle ouvre prudemment la porte de la salle de bain : pas de couples en train de forniquer, ni de mec bourré endormi dans la baignoire.
Elle ferme la porte derrière elle et s’assoit sur le rebord de la baignoire.
De Becca :
Tu viens seulement d’arriver ?
Son message est lu instantanément, les trois petits points s’affichent, indiquant que Mike est en train d’écrire.
De Mike :
Hum… ouais… il n’est
que minuit…
De Becca :
Je suis arrivée depuis une
heure et demie.
Becca est super excitée à l’idée de le rencontrer. Connaissant Mike, elle s’attend à un « Trouves-moi si tu peux. » Mais peu importe, rien que d’y penser, une boule de chaleur se forma dans son bas-ventre.
Mike à vue le message de Becca, mais il ne répond pas. Elle décide de lui envoyer un nouveau message :
De Becca :
Donc… Tu veux que l’on
se voie ?
De Mike :
Pour ça, il faut que tu me trouves.
Becca s’en doutait. Elle se demande si lui aussi veut faire monter la température entre eux.
De Becca :
Essayerais-tu de me faire
attendre ?
De Mike :
Tu ne trouves pas ça plus…
effrayant ?
Effrayant et excitant.
De Anna :
Tu es où ?
Becca ne répond pas au message de son amie ; elle a d’autres chats à fouetter pour le moment.
De Becca :
Je peux avoir un indice ?
De Mike :
Je suis là où les monstres se
rejoignent pour prendre leur
breuvage.
Becca compris, elle espère ne pas se tromper.
Elle sort de la salle de bain et rejoint le rez-de-chaussée. Elle faillit presque se tordre la cheville dans les escaliers ; les effets de l’alcool ne sont pas près de se dissiper.
Ses effets sont tellement présents qu’elle se demande comment elle va réussir à reconnaître Mike dans toute cette foule. Elle traverse la pièce, la piste de danse est toujours aussi endiablée, et la musique percute les tympans de Becca.
Aucune trace d’Anna.
Ça ne devrait pas être si difficile. Quelqu’un de grand, en costume noir, un grand chapeau, sans visage. « Je suis curieuse de savoir comment il a fait pour être sans visage ? » se demanda Becca.
De Anna :
Rebecca Johnson ?
Becca tourna autour d’elle-même, espérant voir son amie dans son champ de vision, mais rien.
Elle continue d’avancer et arrive dans la cuisine. Un des frères Donovan est debout sur le plan de travail, une bouteille de JackDaniel’s à sa bouche, les autres lui criant « Bois ! Bois ! Bois ! Bois ! Bois ! ... »
Becca reçoit un message, son portable vibre dans sa main :
De Mike :
Tu chauffes.
Il est là. Tout près. Becca fronce les sourcils, faisant une grimace qui ne la met pas du tout en valeur. Elle supplie le bon Dieu que Mike ne la voie pas avec cette tête.
Becca s’approche encore et encore, et perçoit une silhouette noire, au fond de la salle à manger, là où se trouvent les jeux d’alcool.
De Mike :
Tu es brûlante.
Becca s’avance d’un pas décidé, essayant de garder l’équilibre sur ses talons. Elle passe entre les personnes masquées et maquillées.
Jusqu’à tomber sur quelqu’un, au fond de la pièce, assis dans le canapé, entouré de deux autres personnes.
Ce quelqu’un porte un costume noir, un chapeau et des bas collants en chair qui entourent son visage. Un jeu de regard s’installe ; Becca réajuste sa robe noire et s’avance prudemment. Elle fait mine de prendre une bière sur le billard en face d’elle, tout en gardant le contact visuel avec ce masque.
De Becca :
Et maintenant ? Est-ce que
je suis enflammée ?
La silhouette regarde son téléphone, mais son visage se retourne presque immédiatement vers celui de Becca.
Becca est presque sûre que ce costume vivant est Mike.
Mike se lève et se dirige vers la foule, sa tête toujours tournée vers elle. Becca le suit, à travers la foule et le son des basses toujours aussi percutantes.
Les deux tourtereaux se suivent jusqu’au deuxième étage, en empruntant ce grand escalier en marbre. Becca marche lentement, ses talons faisant presque le bruit d’un « tic,tac. » d’une vieille horloge.
Le cœur de Becca s’emballe de plus en plus vite ; la boule de chaleur dans son bas-ventre grandit, et les effets de l’alcool n’arrangent rien.
Mike entre dans une chambre, apparemment vide, et laisse la porte entrouverte derrière lui. Becca ne se gêne pas pour le suivre, referme la porte ensuite derrière elle.
La pièce est plongée dans le noir. Mike se tient devant la fenêtre, son verre à la main, silencieux. La seule lumière provient du jardin, projetant des ombres tremblantes qui plongent la pièce dans une atmosphère étrange. Les basses, désormais lointaines, sont réduites à un écho. Becca est gênée, cette vision lui fait plus que peur. Mais personne d’autre peut être sous se masque que Mike.
L’inquiétude gagne Becca, cette vision lui inspire une peur sourde. Mais personnes d’autre que Mike ne peut ce tenir sous ce masque. Elle s’approche lentement, posant une main hésitante sur celle de Mike, remonte le long de son bras jusqu’à son épaule, puis à son cou. Ses doigts s’arrêtent sur son visage, déchirant délicatement le collant d’un coup d’ongle, jusqu’à ouvrir un trou qui révèle peu à peu son visage.
Ses grands yeux bleus la fixent, hypnotisant. Elle retire son chapeau d’un geste assuré et le balance sur le lit, avant de lui enlever le collant qui masquait ses traits. Ses cheveux blonds sont ébouriffés.
- Trouvé. Dis Becca.
Mike sourit, et rit timidement.
- Bien joué, Johnson.
Ils se dévisagent un instant, un échange muet et intense. Becca n’y tient plus et dépose un baiser tendre sur ses lèvres, un baiser auquel Mike répond avec une passion douce, posant une main chaude contre sa joue. Rapidement, ce baiser devient plus profond, plus affamé. Mike pose son verre sur la table de nuit et se défait de la veste de son costume. Becca glisse ses doigts dans ses cheveux ébouriffés, sentant en elle une onde de chaleur qui se diffuse à travers tout son corps.
Leurs corps se rapprochent dans une intimité grandissante, leurs gestes s’emplissent de désir et de confiance.
Mike décide de faire tomber Becca sur le lit. Elle s’est laissée tomber avec une telle confiance, l’alcool doit y être pour quelque chose.
Mike alla au-dessus de Becca, et tous les deux continuèrent leur baiser. Un baiser qui devient de plus en plus intime, où tous les deux se touchèrent leur zone érogène. Mike embrassa, que dis-je, mangea le cou de Becca, une main sur son sein.
Soudain, un craquement se fait entendre, provenant de la penderie derrière eux. Becca semble être la seule à l’avoir entendu.
- Attends. Dit-elle, en se redressant.
- Quoi ? J’ai fait quelque chose de mal ?
Becca contemple la penderie, plongée dans l’obscurité.
- Non… rien, désolé…
Ils retournent à leur baiser. Mike enlève sa chemise d’un geste, et Becca décide de prendre les devants, se plaçant au-dessus de lui. Elle n’enlève aucun de ses vêtements ; l’idée de remettre son corset seule après ne la tente guère. Mike relève sa jupe jusqu’à ses hanches et déchire d’un geste sec ses bas.
- Non… ne me dis pas que tu as fait ça…
Mike rit doucement.
- Et si. Bons pour la poubelle, maintenant.
- Je te déteste. Murmure-t-elle, mi-sérieuse, mi-amusée, un sourire malgré tout aux lèvres.
Elle sent le désir de Mike monter d’un cran. Alors qu’ils s’abandonnent à leur passion, Becca entend un second craquement, puis un troisième, toujours en provenance de la penderie.
Mais Becca sent de nouveau ce malaise, cette impression d’être observée, une sensation étrange qui s’atténue pourtant sous l’intensité du moment. Elle décide d’ignorer ses craintes ; tout ce qu’elle souhaite, c’est retrouver Anna et continuer la soirée avec Mike, loin de cette pièce oppressante.
À présent, leurs corps dialoguent dans un langage secret, fait de soupirs et de gestes précautionneux.
Mike remarque son hésitation.
- Tout va bien ?
- Je… j’entends des bruits… dans la penderie.
Ils s’arrêtèrent un moment, et décident d’écouter les bruits dans la pièce. Mais rien.
Mike rassure Becca en lui déposant un baiser sur la joue, entraînants leur corps et leur esprit à s’évader à nouveau.
Mais Becca se sentit observée, une sensation de malaise immense. Heureusement, cette sensation ne dura pas longtemps, Mike ne put se retenir de la beauté de Becca.
Becca s’en fiche, tout ce qu’elle souhaite, c’est partir au plus vite de cette chambre, passer la soirée à danser avec Mike et rejoindre sa meilleure amie.
- Excuse-moi… Murmure Mike, reprenant son souffle.
Becca se lève, réajuste sa robe et vérifie que le trou dans ses bas ne se voit pas.
- Est-ce que tout va bien ?
- Oui… oui, ne t’inquiète pas.
Mais elle est morte de trouille. Cette sensation de regard pesant l’oppresse toujours.
- Mike… ne le prends pas mal. Cela fait plusieurs minutes que j’ai laissé mon amie seule en bas. Est-ce que ça te dérange si je la rejoins ?
Mike est déçu, il aurait espéré avoir un câlin ou encore un baiser.
- Non… ne t’en fais pas….
- Rejoins-nous après, tu t’es rhabillé ? On sera sur la piste.
Mike acquiesça d’un hochement de tête timide.
Becca sort de la chambre. Elle jette un dernier coup d’œil à la penderie, s’imaginant les pires scénarios : des yeux globuleux jaunes, sortant de l’obscurité, et une créature gigantesque, le teint malade, ses mains sanglantes….
De Becca :
Je suis désolé… rejoins-nous dès
que tu peux…
Envoie-t-elle à son amant.
Elle descend les deux étages, et les effets de l’alcool continuent de l’assaillir, la rendant instable. Le rythme de la musique semble plus fort qu’à son arrivée, résonnant dans son corps.
De Becca :
Où es-tu ? Je suis désolé, j’étais
avec Mike…
Envoie-t-elle à son amie.
Elle rejoint le rez-de-chaussée, où un garçon vomit dans un seau près des escaliers. Le volume de la musique rend chaque pas de plus en plus difficile.
- Anna ! Crie-t-elle, cherchant son amie au milieu de la foule.
Mais aucune trace de son amie.
- ANNA !
En vain.
De Becca :
Je suis sur la piste. Réponds-moi !
Becca réalise qu’aucun message n’a été lu par Anna. Son stress monte en flèche ; elle imagine le pire. Mais ce ne sont que des scénarios de films d’horreur, pas la réalité, n’est-ce pas ?
- Johnson ! Crie une voix masculine.
Elle se retourne et aperçoit Mike dans la foule. Il s’approche et la prend tendrement dans ses bras, lui rendant son sourire.
- Où est ta copine ? Demande-t-il, criant pour se faire entendre par-dessus la musique.
- Je ne sais pas ! Elle ne répond pas à mes messages, je ne la trouve pas !
- Tu crois qu’elle t’en veut ?
Peut-être est-elle retournée au manoir, se dit-elle. Becca sait qu’elle l’a laissée seule pour aller avec Mike, et peut-être qu’Anna est partie, blessée par cette négligence.
- Tu crois que je devrais rentrer ? Demande-t-elle.
- À toi de voir, Johnson !
Becca réfléchit un instant, et sa décision fut très vite prise. Elle ne peut s’imaginer laisser sa meilleure amie seule une seconde fois, elle en a assez fait ce soir.
- Je vais la rejoindre.
Elle hésite un instant, mais sa décision est rapide. Elle ne peut pas laisser son amie seule plus longtemps. Ils échangent un dernier baiser, et elle quitte la maison.
De Becca :
Anna, je viens te retrouver, j’espère
que tu es bien rentrée…
Lorsqu’elle atteint l’emplacement où la voiture était garée, elle découvre qu’il est vide. « Sérieusement ? Anna est tellement furieuse qu’elle me laisse rentrer à pied, seule, dans le noir ? » se dit Becca.
Elle se sent coupable, plus que jamais. Elle n’aurait jamais dû la laisser seule, encore moins pour un garçon qu’elle connaissait à peine.
Becca commence à marcher. « Allez, juste trente minutes. » s’encourage-t-elle. Elle espère que ses talons ne la ralentiront pas, bien qu’elle sache déjà que la douleur viendra. Elle n’a pas l’habitude de porter des talons.
Le souvenir du craquement dans la penderie la hante toujours. Ce n’était pas le bois, il y avait quelque chose, ou quelqu’un. L’alcool n’a jamais provoqué de paranoïa chez elle, et elle n’en a pas bu assez pour en être la cause. L’ambiance oppressante de la nuit d’Halloween mêlée à ses pensées noires, n’arrange rien.
Et si c’était un tueur en série ? Quelqu’un qui attendrait qu’une jeune fille titubante entre dans la chambre pour se reposer, et qui surgirait pour la poignarder.
Où un tueur de masse ? Qui préparait des explosifs, caché là où personne ne penserait à regarder.
Ou un simple voyeur du dark web ? Enregistrant des vidéos clandestines qu’il revendrait pour une fortune.
La pensée glisse vers Mike. Et si lui aussi faisait partie du piège ? Ses amis se cacheraient dans l’ombre, caméra en main, prêts à tout diffuser en ligne sans qu’elle ne se doute de rien.
Et pourquoi pas un monstre ? Peut-être un démon ?
Anna avait raison, sans doute. Il faudrait ralentir sur les vidéos et podcasts de true crime. Elle a toujours raison de toute façon. Becca se souvient de toutes ces fois où Anna l’avait mise en garde, et où elle n’avait pas écouté. Peut-être qu’Anna est une sorte de médium ?
Becca avance dans la nuit noire, toujours sous cette sensation d’être observée. Un cri de corbeau la fait sursauter, le bruit des ailes battant les arbres dénudés résonne dans la nuit. Tout paraît plus effrayant dans le noir : les objets ordinaires se transforment en silhouette désarticulée, des vêtements jetés sur une chaise en une présence tapie.
Même les peluches pour enfants, elles sont vos meilleurs amis le jour, et des diables la nuit. Quel enfant n’a jamais eu peur d’une grande peluche dans le noir, alors que le jour, ils jouent parfaitement avec.
Qui n’a jamais ressenti ça ? Qui n’a jamais entendu un bruit étrange, aperçu un mouvement du coin de l’œil, pour finalement ne rien voir ?
Qui, comme Becca, ne s’est jamais sentie observé, alors que vous êtes seuls dans une pièce ?
Ceux qui ont des animaux savent comme ils peuvent être terrifiants. Lorsque dans la nuit vous allumez le flash de votre téléphone, et vous apercevez leur œil illuminé dans la pièce sombre. Ou encore, un chat qui joue avec quelque chose d’invisible, ou fixe quelque chose, que vous, ne pouvez pas percevoir.
Becca serre les bras, grelottante. Le froid mord son visage, et l’air glacé s’infiltre dans le trou de son collant, souvenir de la maladresse de Mike. Son manteau, plus esthétique que pratique, ne la protège pas assez. Elle expire et observe la buée qui sort de sa bouche, ses mains gelées cachées sous ses aisselles. Enfin, elle aperçoit le manoir en haut de la rue. « Enfin ! » murmure-t-elle.
Mais un détail cloche : la voiture d’Anna n’est pas devant la maison.
Alarmée, Becca enlève ses talons et monte la pente à pieds nus, ignorant la douleur que lui causent les cailloux et le froid. A l’arrivée, elle remarque que la grande porte est entrouverte. Elle la pousse : silence total. La maison est sombre et glaciale.
De Becca :
Arrête de me faire flipper ! C’est
pas drôle !
Elle envoie le message à Anna. Aucune réponse. Peut-être ont-elles mal fermé la porte en partant ? Peut-être qu’Anna est à une station-service, tentant de se changer les idées. Malgré leurs disputes, Anna ne lui a jamais laissé un message sans réponse.
Becca décide de se rassurer : Anna a dû vouloir un moment seul. Elle appelle à voix haute, espérant faire réagir un éventuel intrus qui pourrait se cacher.
- Il y a quelqu’un ?
Sa voix résonne dans le manoir comme dans un film d’horreur. Rien, aucune réponse. Elle envoie un message à mike, une sorte de preuve si jamais quelque chose devait lui arriver.
De Becca :
Je suis rentrée. Anna n’est pas là.
Elle allume la lumière du salon. Après une soirée passée dans le bruit, ce silence pesant lui semble presque apaisant. Elle dépose son sac sur le canapé et prend son manteau dans le vestiaire. Mais le téléphone retentit soudain, brisant ce calme inquiétant.
De Mike :
Comment ça elle n’est pas là ?
De Becca :
Sa voiture n’est pas là, et elle
non plus…
Elle décide de monter à l’étage pour se changer, empruntant l’escalier en bois qui grince sous ses pas. Le couloir est tapissé de photos de famille, dont une d’elles et Anna, placée par les parents de cette dernière. Un peu plus loin, une photo du vieux chien de famille décédé, un bouvier bernois nommé Max, avec une inscription en dessous : « Nous t’aimons Max. ».
Au bout du couloir, elle entre dans la chambre partagée avec Anna. Elle se laisse tomber sur le lit, un long soupir lui échappant. Mais son inquiétude grandit : Anna ne répond toujours pas, et Mike non plus. C’est sûrement le karma qui se retourne contre elle.
Elle s’assoit à la coiffeuse, commence à retirer son maquillage et retire ses fausses canines de vampire. Cette maison est toujours trop calme. Elle allume le baffle et met de la musique pour briser ce silence angoissant. Puis, elle se rend dans la salle de bain privative pour se laver le visage. Becca n’a jamais eu besoin de maquillage pour être belle, ses yeux et son sourire lui suffisent. Anna a toujours été la seule à voir en elle bien plus qu’une simple apparence.
Elle sort de la salle de bain et défait son corset. N’ayant aucune aide, sa main commence à avoir une crampe. « Ridicule. » Pensa-t-elle. Après plusieurs minutes à faire la danse des doigts, elle parvient à enlever son corset. Elle retira sa jupe et ses bas collants d’une telle rapidité, et enfila presque à la seconde un t-shirt blanc ainsi qu’un legging noir.
Elle s’allonge sur le lit et commence à défiler les réseaux sociaux. Elle cherche quand Anna a été vue en ligne pour la dernière fois : juste avant qu’elle ne monte dans la chambre avec Mike. Ça remonte, ce qui aggrave son inquiétude.
Prise de panique, elle appela sur le portable de son amie. Une sonnerie…
- Allez… décroche…
Deuxième sonnerie…
- Je t’en supplie…
La jambe de Becca gesticule nerveusement. Troisième sonnerie…
Toujours aucune réponse. Becca tombe sur le répondeur de son amie.
- Allez, ça suffit les conneries.
Elle compose le numéro d’un des frères Donovan et appelle. Celui-ci n’attendit pas la deuxième sonnerie pour lui répondre :
- Allo ? Répond la voix ivre et lointaine sous la musique de la fête.
- Salut… c’est Rebecca Johnson… je suis venue avec mon amie à la fête, mais elle est rentrée beaucoup plus tôt que moi. Tu l’aurais vu partir ?
- Absolument pas ma jolie.
Becca raccroche de rage, une angoisse sourde lui serre le ventre. Elle rappelle Anna plusieurs fois, sans succès. Ses pensées la harcèlent :
Bon… d’accord… Elle ne peut pas être bien loin… Se rassure-t-elle. S’il n’y a pas sa voiture, c’est qu’elle peut conduire et donc elle est en vie.
L’idée du tueur en série lui vint en tête, mais c’est improbable, elle se résigna.
- Seule Anna peut avoir ses clés de voiture, elles étaient dans son grand sac qu’elle avait pris. Donc, elle est bien partie. Mais pourquoi elle ne répond pas !
Elle cherche sur Google « En combien de temps la police avertit les proches d’une victime ayant eu un accident ? ». Les résultas ne sont pas concluants, mais tous se mettent d’accord pour que ceux-ci avertissent dans un délai de six heures.
Elle cherche ensuite « A partir de combien de temps peut-on déclarer la disparition de quelqu’un ? ». Et encore une fois, un délai encore plus long, quarante-huit heures.
Becca devra donc attendre six heures. Si aucune nouvelle ne lui vient, alors elle devra attendre encore quarante-deux heures avant de pouvoir déclarer son amie disparue.
Becca n’a pas d’autre choix, elle doit attendre. Elle se force à avoir des pensées positives. Elle ne peut rien faire d’autre qu’attendre, soit des nouvelles de la police, soit attendre que le délai soit expiré pour aller à la police.
Elle inspire et expire profondément pendant quelques secondes, son angoisse se calme.
- Ça va aller… il ne va rien m’arriver… je dois juste attendre.
Cherchant à se calmer, elle regarde quelques épisodes d’une série Netflix, et finit par s’endormir, le poids de l’alcool aide.
Sa courte sieste est vite interrompue. Becca a à nouveau cette horrible sensation d’être regardée, et ça, dans tous les coins de la pièce. Elle se lève et ferme les grands rideaux de la chambre, pensant que le fait qu’elle soit à la vue de tous était la réponse à son ressenti.
Mais cela ne changea rien, Becca a l’impression de devenir folle, même cachée sous sa couette, elle sent un regard persistant sur elle.
Et soudainement, toute l’électricité saute, ce qui lui fit pousser un cri. Elle alluma la lampe de poche de son téléphone. Elle ne veut pas bouger, elle ne se sent pas en sécurité. Mais elle ne veut pas non plus passer sa nuit dans le couloir, le tableau électrique est en bas dans le salon.
Elle prend son courage à deux mains, et sort de son lit, une larme coulant sur sa joue. Elle inspecte d’abord la salle de bain privée, marchant sur la pointe des pieds, rien. En ouvrant la porte de sa chambre, le manoir est plongé dans le noir absolu. Toujours sur la pointe des pieds, son téléphone éclairant devant elle, elle marche dans le couloir au mur aux photos. Elle marche vite, mais prudemment.
Soudain, une silhouette à côté d’elle, marchant à sa hauteur. Becca bondit contre le mur, mais rassurée, elle découvre son reflet dans un miroir.
- Imbécile.
Le cœur battant presque aussi fort que les basses de la soirée, elle descend les marches jusqu’au rez-de-chaussée.
Aucun bruit, pas même une respiration. Seul son, ses pieds nus sur le parquet.
Elle va dans le salon, derrière les rideaux donnants sur la rue, ouvre le tableau électrique et rétablit l’électricité. Toutes les lumières se rallument. Becca pousse un soupir de joie et rit nerveusement. Elle s’appuya contre le mur, lorsqu’elle remarque une chose. Il fait très froid, beaucoup plus que d’habitude. Un son lointain de vent irrite ses oreilles.
Becca s’approche de la porte d’entrée, et là, quelqu’un. Une silhouette, vêtue d’un costume, d’un grand chapeau, et sans visage.
Le stress de Becca remonte à nouveau, mais elle relativise très vite.
- Ah ah ah… ! Très drôle Mike, c’est super flippant !
La silhouette ne dit rien, et ne bouge pas. Elle fixe Becca.
- Tu veux bien arrêter ! D’accord, c’est bon, tu m’as bien eu à éteindre les plombs ! Maintenant, stop !
La silhouette ne répond toujours pas, elle reste de marbre. Les mains de Becca devinrent moites et son cœur s’emballe.
Exaspérée, elle décide de lui hurler dessus, le faire réagir.
- TU ES SOURD ?!
A cet instant, un frisson d’effroi lui parcourt l’échine en s’apercevant de l’erreur : la silhouette est bien trop petite pour être Mike.Un objet brillant dépasse du dos du costume, la main de celui-ci le ramenant petit à petit devant lui.
Un couteau, rempli de sang.
Becca écarquille les yeux, crie aussi fort que possible et remonte les escaliers en courant.
Dans sa chambre, elle ferme la porte à clé et se rue en dessous du lit. De son téléphone, elle compose le 911. Soudain, une musique se mit en marche dans tout le manoir, celle de Ben E. King « Don’t Play That Song ».
Becca prie que la police décroche vite. Elle entend derrière la porte des pas lourds et bruyants, la personne ouvre doucement chaque porte du couloir.
- Urgence 911, j’écoute ? Réponds l’opératrice.
- Quelqu’un est entré par effraction chez moi. Dis Becca le plus doucement que possible. Il a un couteau.
- Êtes-vous seule ?
- Oui. Les parents de mon amie sont en vacances et mon amie a disparu en soirée.
Ne sait-on jamais qu’il décide de retrouver Anna plutôt que prévu.
- Ou êtes-vous en ce moment ?
- Caché dans ma chambre, sous mon lit. S’il vous plaît venez vite.
Les bruits de pas lourds sur le plancher se rapprochent de plus en plus, la personne ouvre les portes de plus en plus proche de Becca.
- Une équipe est en rou…
Becca raccroche immédiatement lorsque la porte de sa chambre s’ouvre brutalement. Comment la personne a su l’ouvrir, elle était censée être fermée à clés.
La musique retentit toujours dans le manoir.
Les grosses bottes noires marchent tout autour du lit de Becca. La personne allume et éteint la lumière de la salle de bain. Elle s’arrêta soudain net, devant le lit. Ne bougeant plus du tout. Becca eut une vision d’horreur, la personne lâcha au pied du lit, une tête de cerf, fraîchement découpée. L’animal a les yeux ouverts, la tête pleine de sang et un de ses bois lui manque.
Becca mord son bras pour ne pas faire de bruit, puis bouche son nez pour éviter toute respiration trop bruyante. Après quelques minutes, les bottes s’en vont. Becca entend la personne descendre les escaliers. Aucun signe d’Anna ni de la police.
- Je suis désolé… Dit-elle en s’adressant à la tête coupée du pauvre cerf sans vie.
Becca sort de sa cachette, tout en faisant le moins de bruit possible. Elle n’a rien pour se défendre. A chaudes larmes, les cheveux collants sur son visage, elle passe le pas de sa chambre. Elle avance, la musique toujours en fond, sur la pointe des pieds. Elle ne peut s’empêcher de pleurer. Becca n’entend plus aucun bruit, seule la mélodie de la musique retentit dans l’environnement silencieux. Elle descend les marches, mais celles-ci grincent. Elle prie néanmoins que la personne ne l’ait pas entendue. Arrivée au rez-de-chaussée, la porte d’entrée est toujours grande ouverte. Parfait pour fuir.
Mais lorsque celle-ci précipita son pas, Becca remarque quelque chose au sol. Elle décide de s’en approcher, de prendre l’objet en main. Ce sont des clés de voiture, avec le porte-clés que Becca avait offert à son amie, lorsque toutes les deux sont parties en Hollande.
- Anna… ?
Becca sentit un coup à l’arrière de sa tête, et plus rien. Le noir total.
Elle se fait réveiller par une avalanche d’eau sur elle. Sa tête est dans un brouillard immense, son corps est engourdi. Elle prend quelques secondes à reprendre ses esprits. Becca découvre avec stupeur qu’elle est attachée à une chaise, dans la grande cuisine équipée, et face à elle, l’intrus. Elle éclate en sanglots, suppliant le costume noir de ne pas lui faire de mal.
- J’en vous en supplie… je ne dirais rien à personne, laissez-moi partir…
L’intrus reste muet.
- ALLEZ VOUS FAIRE FOUTRE ! Et Becca cracha sur l’inconnu.
Celui-ci reste de marbre. L’intrus s’approche des plans de travail, ouvre un tiroir en dessous et en sort un ciseau. Becca est à présent prise d’une panique immense.
- Non… non ! NON, JE VOUS EN SUPPLIE, NE ME FAITES PAS DE MAL !
L’intrus s’arrêta à nouveau devant elle, mais ne lui fit rien. Avec la paire de ciseaux, il découpe le bas collant qui faisait disparaître son visage. Becca sentit son cœur exploser dans sa poitrine. Le masque tombe, et ce visage… ce visage n’est autre que celui de son amie.
Anna.
- An… Anna ?
- Bonjour ma Becca. Répond-t-elle malicieusement.
- Mais… Mais qu’est-ce que tu fais ?
- Tu m’as trop nié, Becca.
Le cœur de Becca s’activa, si elle pouvait, elle dirait : « Pas besoin de me tuer Anna, je vais définitivement mourir d’une crise cardiaque. ».
- C’est une blague d’Halloween, c’est ça ? Demande Becca, très peu sûre d’elle.
- Oh… ma chérie… Dit-elle en s’approchant de Becca, lui retirant une mèche de cheveux devant ses yeux verts. Tu ne comprends rien ! S’énerve-t-elle soudainement en lui arrachant sa mèche de cheveux.
Becca hurla de douleur.
- Mais qu’est-ce qui t’arrive Anna ?! QU’EST-CE QUE JE T’AI FAIT ?!
Anna s’arrêta un instant, plongeant son regard noir dans celui de son amie. Elle dévisage son amie, un regard glacial et implacable ; Elle crache les mots comme des lames :
- Depuis que l’on se connaît, tu n’as jamais prêté attention à moi, à qui j’étais réellement. Tu étais toujours occupée à parler de tes ex-copains, ou de tes PROCHAINS PLAN CULS !
Anna a crié tellement fort que Becca sursaute sur sa chaise, et des acouphènes se formèrent dans ses oreilles. Becca continue de sangloter sur sa chaise, suppliant son amie du regard.
- J’ai tout fait pour toi… Je t’ai même accueilli chez moi ! Tu aurais été où si je ne t’avais pas pris sous mon aile ? OÙ ?!
Becca ne comprend pas, elle ne comprend ni la situation, ni le pourquoi Anna est-elle si en colère.
- Mais toi… continue Anna. Tu n’as fait que me nier. Je suis une merde pour toi ?
- Mais non, pas du tout je…
- ALORS POURQUOI ?
Becca eut une illumination. Elle comprit. Elle avait des doutes, mais tout se confirma. Elle a toujours douté de l’orientation sexuelle de son amie. Parfois, Becca surprenait des regards, des caresses et certains mots, que normalement nous ne disons pas à nos meilleurs amis.
Toutes ces fois où Anna regardait Becca avec tellement d’amour et des yeux pétillants.Toutes ces fois où elle faisait allusion à un couple futur, soi-disant pour « rire ». Ce n’étaient donc pas des impressions. Anna est bel et bien amoureuse de Becca.
- Anna… Pourquoi, est-ce que tu ne m’as rien dit… ?
- Non mais… Tu as écouté ce que je t’ai dit ?! Je…
- J’AI ECOUTE ! Mais pourquoi ne m’avoir rien dit ? On est en 2024, tu sais me dire qui en a quelque chose à faire que tu aimes les filles ?!
Le regard d’Anna s’assombrit, ses iris à la base brune deviennent noires.
- Parce que tu trouves que toutes les fois où j’ai essayé d’aborder le sujet avec mes parents alors que tu étais présente, le sujet avait l’air si simple ?
Les parents d’Anna ont beau être les meilleurs, ce sont le couple typiquement américain. Homophobe et raciste sur les bords, voulant conserver le mariage religieux.
Becca a déjà été témoin de propos affreux. Elle comprend à présent, mais sa compréhension n’arrête pas ses larmes et son rythme cardiaque affolé.
- Alors pourquoi tout ça ? Pourquoi me faire peur ? Pourquoi es-tu aussi violente ? Dit Becca, presque en train de suffoquer.
- Tu n’écoutes décidément rien. Réponds Anna.
- Je t’aime !
- Mais tu ne m’aimes pas comme moi je t’aime.
Anna retourne près du plan de travail et prend le plus grand et épais couteau du bloc à couteaux. Elle s’avance vers Becca. Elle pleure, s’agite, implore. Mais les liens sont trop serrés. Anna alluma à distance le baffle, et la musique de Ben E. King retentit une deuxième fois dans toute la maison. Anna tourne autour de Becca, comme une lionne tourne autour de sa proie avant de l’attaquer. Elle se met derrière Becca, écartant ses cheveux devant son visage, pour les placer derrière elle. Becca pleure, supplie, elle ne peut rien faire de plus.Elle est sûre, elle en est certaine, elle va mourir.
Anna, commence à danser au rythme de la musique autour de Becca, l’immense couteau toujours entre ses doigts. Elle rit, et sourit à son amie, comme si tout était normal.
Anna se place derrière Becca, s’approche de son oreille, et lui chuchote :
- Il y a une chose que j’aimerais plus que tout.
- Tout ce que tu veux… réponds Becca en sanglotant.
Anna penche la tête de son amie vers l’arrière, et dépose un baiser tendre sur ses lèvres.
Les deux filles se fixèrent, jusqu’à ce que Becca demanda :
- Tu n’es pas obligé de me faire du mal…
Anna embrassa à nouveau son amie, un baiser salé à cause des larmes qui coulaient. Une main sur la joue, ensuite sur son cou pour approfondir le baiser.
- Si je ne peux pas t’avoir, alors personne ne le pourra.
Anna trancha la gorge de Becca d’un coup sec et vif. Elle tient la tête de son amie toujours vers l’arrière, du sang vint sur sa figure. Becca était prise de secousse abominable, allant avec des sons de sa gorge, comme si elle tentait de ravaler son sang.
- Je suis désolé… Dit Anna.
Le couteau est si bien aiguisé que Becca ne prit pas beaucoup de temps pour se vider de son sang. Lorsque les mouvements de Becca devinrent moins violents, et que ses yeux tournaient au blanc, elle lacha délicatement sa tête. Elle prit son téléphone pour mettre la chanson de Ben E. King en boucle.
Anna continue de danser, de rire, de pleurer sur cette musique répétitive. Elle va même dans la barre, et boire une bouteille de rhum presque entièrement. A un moment, celle-ci se fatigua. Elle enleva le chapeau de sa tête, le posa sur celle de Becca, qui est couverte de sang. Elle s’assoit en tailleur, et fixe son amie, les yeux vides.
Les nuages et le ciel changent de couleur. Le soir d’Halloween devient le jour des morts. Un jour brumeux.
Le calme dans la rue, mais au loin, dans le manoir, toujours la même musique en boucle. Anna reste assise, contemplant son amie morte. Les lumières rouge et bleue éclairent les vitres du manoir. Une voiture de police se parque sur la colline. Trois policiers entrent, arme en main, visant sur Anna.
- Code 10, Code 10, nous avons besoin de renfort.
Dit l’un des policiers à son talkie-walkie.
Les trois hommes s’avancent prudemment vers Anna, qui reste toujours figée. Ils sont hébétés par l’horreur de la scène. Une odeur métallique et âcre flotte dans l’air, mêlée à cette même chanson, encore et encore, comme une berceuse funèbre.
L’un d’eux hurla :
- Plus un geste ! A plat ventre !
Et la musique se répéta, encore, et encore.
“Don't play that song for me. It brings back memories. The days that I once knew. The days that I spent with you.”, chantonne Anna.
F I N