Hermaphrodite ou Tête de poisson

Notes de l’auteur : Ce court texte est un exercice de réécriture réalisé pendant mes études. Attention : en raison de la nature du mythe original d'Hermaphrodite, ce petit exercice fait mention d'abus et de traumatisme. J'en déconseille la lecture à ceux pour qui ces sujets sont sensibles. Aux autres, je souhaite une bonne plongée !

 

Lorsque je regarde dans le miroir, ce sont tes yeux que je vois. Ces mêmes yeux, ceux de l’extasiée d’hier, ceux qui fixaient le plafond.

C’est sous la douche que tu m’as sabordé, attendu que je sois dénudé. Inspirée par tes saletés à l’eau de rose. Le rideau s’efface, tu prends sa place, me voilà dans la nasse. Patte palmée sur ma poitrine. Le murmure de l’eau, et le mien qu’il étouffe : « Arrête ! ». Mais tu poursuis, et je veux sauter du pont. L’évier fuit, et pleure, il goutte à goutte.

Moi aussi.

Etrange tête de poisson, les yeux ronds la bouche ouverte, qui frotte ses répugnantes écailles moites sur mon torse. Un… deux… trois… Tiens ! Il manque un carreau au sol. Nageoires qui battent l’air, tu sembles trouver ça intense. Et ce miroir est mal lavé. Mais, poisson, quelque chose ne tourne pas rond ! J’ai le mal de mer, le mal du pays, mal aux reins. La baignoire est émaillée, est abîmée. Tu es la seule à pagayer. La peinture écaillée, le plafond est… Comme le temps paraît long ; poisson, arrête ! Je n’ai plus le temps de penser, plus rien à penser ! J’étouffe, je me noie sous tes baisers. Homme à la mer. Ferveur alvine, ton algine, tu m’abîmes, adrénaline, toxine.

Mais soudain, une bouée. Je crois que tu as terminé, et sans un mot tu m’as laissé. Je me suis relavé. Le shampoing n’a pas suffi, tu es restée. Je me suis rincé, mais toi, tu ne m’as pas quitté. Les vêtements que j’ai enfilés avaient ton odeur, vilaine haleine.

Requin… catin.

Je traîne des pieds jusqu’au couloir, éreinté, et me surprends dans la psyché. Horreur de mon reflet, ta bouche a laissé des branchies sur mon cou immaculé.  Mes doigts, fatigués d’avoir tant tenté de t’écarter, se sont palmés.  Je pensais être seul, et pourtant je te vois.

Je suis seul avec toi.

Depuis, ma peau s’est iodée, et tout m’est salé. Plus tout à fait homme à présent, je retrouve ta laideur, alevine, en me voyant. Une ombre glauque dans mon dos, tes écailles y ont poussé. Tes nageoires sont apparues, à l’endroit même où m’ont sali tes baisers.

 

Et n’est-ce pas ton regard, odieux regard, que je pose sur mon corps amoché ?

 

Quelque chose pourrit en moi, et je crois que c’est toi.

 

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