La nuit commençait à tomber et ils en étaient toujours à errer dans le marécage. Ils tombaient encore parfois sur des grenouilles, mais elles ne leur prêtaient plus aucune attention.
— C’est normal, ça ? demanda le gamin.
Cette fois-ci, il s’attaqua à Haido. La fois précédente, Leibju l’avait envoyé balader.
— Quoi exactement ?
Le sourire qu’il lui envoya sembla l’encourager à poursuivre. Leibju grogna, mais décida de ne pas intervenir. Haido avait beau être une crème, il avait aussi ses limites.
— Tout ça, là.
Leibju ne savait pas exactement ce qui l’agaçait chez ce Teo. Parce que des comme lui, il y en avait pléthore à l’académie. Et là-bas, ils ne lui avaient jamais posé souci. Mais lui… lui, il l’énervait. Peut-être parce que ce monde commençait à lui faire peur et qu’elle se disait que s’il n’avait pas été là, ils ne seraient jamais tombés dedans. Et elle savait, elle savait, que ce n’était pas de sa faute. Mais elle n’arrivait pas à faire taire la rancœur.
— Va falloir préciser, dit Haido. On va vu pas mal de choses depuis le début.
— Et…
Le gamin hésitait.
— Et certaines sont normales ?
— Hum, non. Mais certaines sont plus tordues que d’autres. Bon, dit-il en se tournant vers Leibju, on va devoir s’arrêter pour la nuit.
— Trop dangereux. On continue.
Il la rattrapa, baissa la voix.
— Il faut s’arrêter. On commence tous à fatiguer. Ça fera du bien, on est sur les nerfs.
— Il y a sûrement des trucs qui rodent.
— On fera un feu.
— Trop humide.
— On trouvera moyen.
— Mauvaise idée.
Elle savait pourtant qu’il avait raison, qu’il fallait s’arrêter. Mais la dernière fois que Teo s’était arrêté, il avait failli finir en repas pour les insectes.
— Leibju, une fois qu’il fera nuit, on ne pourra plus rien distinguer. Et on pourra très bien s’embourber dans un marécage.
— La nuit est pas encore tombée. On continue.
Haido la regarda quelques secondes, hocha la tête. Leibju savait que ce n’était pas parce qu’elle avait raison. Mais elle savait aussi que d’ici une demi-heure, la nuit serait sur eux, le deuxième soleil n’éclairait presque plus. Bien sûr, il était possible que la végétation se mette à briller comme la nuit d’avant, mais elle n’était sûre de rien.
Alors, ils continuèrent.
Un chemin serpentait entre les marécages et les guidait quelque part. Leibju espérait que ça ne finirait pas dans un cul-de-sac.
Le dernier rayon de soleil quitta le marécage et rien ne se produisit. Pas d’insectes lumineux, pas de végétation brillante. Rien. Juste le noir le plus total. Et aucun bruit.
Leibju s’arrêta. Elle sentait la peur lui parcourir l’échine. Avec Haido, ils s’étaient retrouvés dans pas mal de situations compliquées, mais celle-là, c’était la pire. Avant, ils avaient toujours eu un vortex à portée au cas où ça tournerait mal. Ici, ils étaient isolés. Et entourés de phénomènes qu’elle ne s’expliquait pas.
Elle sentit la main de son ami sur son épaule et tressaillit. Elle aurait voulu fermer les yeux et se retrouver chez elle, entourée de sa famille. Elle aurait voulu écouter son père lui parler de ses dernières plantations et sa mère tenter de lui inculquer les bonnes manières. Tout mais pas être perdue ici.
Elle se ressaisit.
— On va s’arrêter, dit-elle.
— Ici ? couina Teo.
— Ici, répondit Haido.
— Mais il fait tout sombre !
— C’est le principe de la nuit, coupa Leibju.
Elle tira une lampe-torche de son sac, Haido aussi, et ils partirent analyser le sol pour ne pas se retrouver dans un marécage. Leibju sentait Teo la talonner, mais elle n’avait même plus la force de s’en énerver.
Enfin, ils se mirent d’accord sur un coin.
Trouver du bois assez sec pour un feu fut trop utopique, ils décidèrent de rester sur les lampes.
— Je prends le premier tour, dit Leibju.
Elle était épuisée, mais elle savait qu’elle n’allait pas pouvoir dormir. Haido se contenta d’hocher la tête et le gamin n’insista plus. C’était appréciable.
Elle se cala contre un caillou, serra les doigts sur sa lampe éteinte et écouta la nuit. Elle était silencieuse, cette nuit, et désespérément vide de toute animation. Elle laissa son esprit s’égarer loin. Peut-être un peu trop. Elle se surprit à de nombreuses reprises à piquer du nez.
Elle sursauta soudain.
Un bruit de chaines s’était répercuté dans le marécage. Furtif. Très furtif.
Elle se releva brusquement, promena sa lampe tout autour d’elle, mais la lumière ne détecta aucun mouvement. Rien du tout.
Peut-être qu’elle se l’était imaginé. Peut-être qu’elle avait commencé à somnoler. Sans doute. Mais ça avait semblé si réel.
Debout dans l’obscurité, elle sentait son cœur lui tambouriner aux oreilles. Mais elle n’osait pas éteindre la lampe par peur de voir débarquer d’autres choses, d’autres bruits.
— Leibju ?
Elle sursauta tellement fort que la lampe lui échappa. Haido la ramassa et la lui tendit. Elle s’en saisit avec raideur.
— Tu devrais dormir, grogna-t-elle.
— Toi aussi.
— Non.
Elle se laissa tomber par terre, contre son caillou, et Haido la rejoignit.
— Je suis désolée, dit-elle. Je suis pas de bonne compagnie sur cette mission.
— C’est une mission un peu à part, Leibju. C’est un monde autonome.
— Oui, mais toi, tu gères la situation bien mieux. Je sais pas quoi faire ou comment nous en sortir. Si c’était un exam, je l’aurais foiré.
Haido ne répondit pas de suite et Leibju regretta d’avoir entamé la conversation. Elle n’aimait pas s’apitoyer sur son sort.
— Je fais illusion, dit-il avec un soupir. Tu crois vraiment que je suis idiot au point de ne pas comprendre que notre situation est désespérée ?
— J’ai pas dit que t’étais idiot.
— Je sais bien, dit-il et elle sentit le sourire dans sa voix. Mais on n’a pas vraiment le choix. On doit continuer et chercher des solutions.
Il fit une pause.
— Après, rien ne dit que ce n’est pas un exam.
Leibju eut presque envie de rire. Cette solution aurait été si rassurante.
— Tu crois vraiment au monde indépendant ? demanda-t-elle à la place.
— Ouais. Non. Je n’en sais rien. Mais ça se tiendrait. On n’a vu aucun vortex à part celui qui nous a crachés ici. On n’a vu personne aussi.
— On a vu des gens.
— Ce n’était pas des gens.
Leibju se crispa. Elle n’aimait pas cette pensée.
— Comment ça peut être autre chose ?
— Ca peut. Je ne vois pas vraiment d’autres explications pour les maisons à pattes de poulet ou les deux femmes qu’on a rencontrées.
— Tu parles de fantômes ? D’esprits ?
— Ou d’autre chose, soupira-t-il. Je n’en sais rien.
Il inspira l’air humide du marécage.
— Va dormir, Leibju. T’as besoin de repos.
La nuit va être longue ; je me demande ce qu’elle réserve encore à notre pauvre trio.
Coquilles et remarques :
— Il y a sûrement des trucs qui rodent [qui rôdent / « surement » en appliquant l’orthographe rectifiée, voir remarque suivante.]
— mais elle n’était sûre de rien [Si tu appliques les rectifications orthographiques de 1990 concernant les accents circonflexes, ce que tu as fait jusqu’ici, il faut écrire « sure » ; question de cohérence.]
— Juste le noir le plus total. [Pléonasme ; ce qui est total ne saurait l’être plus ou moins.]
— ils avaient toujours eu un vortex à portée [à leur portée]
— Elle tira une lampe-torche de son sac [lampe torche]
— Haido se contenta d’hocher la tête [de hocher ; c’est un « h aspiré ».]
— Elle se cala contre un caillou, serra les doigts sur sa lampe éteinte et écouta la nuit. / Elle se releva brusquement, promena sa lampe tout autour d’elle, mais la lumière ne détecta aucun mouvement. [La lampe est éteinte et tout à coup, elle éclaire, apparemment sans qu’elle l’ait allumée.]
— Haido ne répondit pas de suite et [tout de suite ; « de suite » a un autre sens]
— Tu crois vraiment au monde indépendant ? [Je dirais « aux mondes indépendants » « à ce monde indépendant ».]
— On n’a vu personne aussi. [« On n’a vu personne non plus » ou éventuellement « On n’a vu personne, aussi » (la virgule change tout).]
— Comment ça peut être autre chose ? [ça pourrait être]
— Ca peut. Je ne vois pas vraiment d’autres explications [Ça peut / d’autre explication]
— Je n’en sais rien. / T’as besoin de repos. [S’il dit « T’as besoin », il devrait plutôt dire « J’en sais rien ».]
"— Tu crois vraiment au(x) monde(s) indépendant(s) ? demanda-t-elle à la place." Enfin, le singulier marche aussi, mais je trouverais ça plus logique qu'ils pensent qu'il y a éventuellement plusieurs...
"— Comment ça peut être autre chose ?" Syntaxe cheloue...
Hé bien, c'est qu'ils ont l'air de plus en plus dans la mouise tes pauvres persos. C'est cool d'avoir aussi le point de vue des deux autres, qui eux savent à peu près ce qui est normal ou non, contrairement à Théo. J'aime bien leur personnalité aussi, on s'identifie un peu à Leibju et on admire plutôt Haido, ils font un bon duo.
Et ce bruit de chaînes m'a bien fichu les chocottes o.O
A peu près, hein xDD Gling gling, toujours avec des chaines dans la nuit :p
Plus sérieusement, je note que la situation va de mieux en mieux. Les choses s'annoncent joyeuse pour la suite. La question, c'est verront-ils la fin de la nuit ? La verront-ils sans un moment merveilleux où une charmante créature viendra pointer son nez pour leur faire coucou ?
Peut-être que la madame qui a plongé, va venir chercher Teo pour l'épouser ? Un petit mariage ça arrange tout c'est bien connu. Bon la suite elle existe ? Elle est où ? DIIIIIIIIIIIIS !
Le mariage... vraiment, ju ? xDD Tu veux en parler ? Ca semble te travailler :P
Bien évidemment que la suite existe. J'ai même vaincu ma flemme pour la recopier. Yay.
Haha, j'adore la fin de ce chapitre. Comme bien foutre la frousse à quelqu'un juste avant de lui dire d'aller dormir. Tellement sympas!