Celle qui se tenait à quelque centimètres d'Izia, c'était Alizée. La fille, presque femme, au dos arqué à contresens ,était surnomée "Banquise", en effet, ses expressions livides accompagnaient son visage maigrelet, jusqu'ici inexpressif. Pourtant, on ne savait rien sur elle. Du moins, "on ne savait rien sur elle" si le "on" désignait le commun des mortels. Toujours à la pointe de la perfection et de l'optimisation, elle en avait fini par enfermer sa vie dans un placard bien réglementé. Pourtant, Alizée essayait de paraître "normal", dans ces précédentes années scolaires, un rien déclenchait rires mesquins et moqueries, tout le monde se permettait de la critiquer, sans la connaître, sans être au courant ne serait-ce que d'une once de sa vie.
De toute évidence ils ne savaient pas non plus que chez elle était loin d'être le paradis, qu'elle s'efforçait de lier un bâton autour de sa chaise pour se tenir droite. Tout ça ils ne le savait pas. Ils ne savaient pas non plus que sa famille était en difficulté financière, ils ne savaient pas. C'est tout.
Mais, si seulement, si seulement la clé de son cœur, jetée dans une mer trop agitée, pouvait être déterrer entre des grains de sables, si seulement quelqu'un avait le courage de s'approcher de ce cœur qui ne demande que liberté, de casser l'armure bâti au fil de ces années, et de greffer cette clé rouillée par les forces de l'eau, dans le cœur d'Alizée.
Donner l'opportunité à cette fille, à la vraie Alizée Anréal, de déployer ses ailes, et de s'envoler.
En marchant pour la première fois sur le chemin de l'école, Izïa l'avait bien remarqué. Elle avait trouvé un autre arbre courbé, Alizée était sans doute une femme aux secrets illustrés par des montagnes russes, mais son cœur protégé d'une carapace, regorgeait de choses inimaginables, de capacités sans failles. Izïa en était certaine, si seulement c'était elle qui avait le courage d'ouvrir son cœur... Si seulement.