Ils sont cinq

Par Alwenah

Toutes ces voix, toutes ces voix... Je ne les comprends pas, je n’y arrive pas. Elles sont bien là, autour de moi, se moquant, s’offusquant. Je sens qu’on me tire le bras, puis l’autre, et mes deux jambes. Cinq, ils sont cinq à se jouer de moi. Mes mains obstruent mes tympans mais rien ne change, elles sont toujours là, toujours aussi fortes !

 

Le chuchotement est devenu plainte. La plainte est devenue litanie. La litanie devient cri, puis hurlement. Ordre. La voix s’égosille, oui c’est ça, elle égosille mon nom : « Arthur ! Arthur ! » répète-t-elle inlassablement. Je ne sais pas ce qu’elle me veut. Puis ces rires, ces rires, je ne les comprends pas ! Non… Non je ne suis pas fou !

 

Venez venez… Tout ici m’est inconnu, je ne reconnais rien. Tout ici… Ce n’est pas moi ! Cinq, ils sont cinq. Je les entends, mes oreilles bourdonnent, vibrent, tremblent, souffrent… Ces murs blancs, mais d’où viennent-ils ? Ils n’étaient pas si blancs avant… Quelque chose est là, je le sens, ses pas approchent… Vous les entendez vous aussi ? Indéniablement, ils arrivent… Ils vont m’engloutir de voix, de hurlements. Je vais me noyer sous tout ce son…  Déjà je sens l’air me manquer.

 

Et ces voix, qui n’en finissent pas. Et si… Et si je crie plus fort qu’elle, elles partiront ? Cinq, ils sont cinq autour de moi… Vous les voyez ? Dîtes moi si vous les voyez… Alors je crie, hurle comme elles. Et… Et ? Elles se sont tues. Elles se sont tues ! Soudainement. Leurs visages se tournent vers moi. Dérangés, amusés. Ils prennent du plaisir. Ils s’approchent. Leurs visages se déforment, les bouches s’agrandissent, elles sont… Elles sont énormes ! Leurs cris… Leurs cris reprennent mais je n’arrive pas à comprendre ce qu’ils disent, c’est trop fort, beaucoup trop fort !

 

Leurs lèvres se tordent, mes mains tremblent de… De quoi au juste ? De peur, d’incompréhension, de doute… Ma lèvre à moi… Elle frémit, mes yeux se révulsent je crois. Je ne contrôle plus mon corps, mes sens, je ne contrôle plus rien ici ! Je ne suis qu’un pantin désarticulé… L’ouïe… Il n’y a qu’elle qui daigne marcher.

 

Cinq, ils sont cinq autour de moi, à décider de mon sort. J’ai l’impression que ma gorge me fuit, qu’elle se recroqueville sur elle-même pour s’enfuir tout au fond de moi. Elle fuit, elle les fuit tous je le sais ! Mais moi… Moi je ne peux pas fuir des inconnus. Oui, quelque chose m’en empêche. Des liens enserrent mes poignets et mes chevilles, je ne comprends pas ce qu’ils font la. Ils m’ont lié à eux, m’empêchent de bouger comme je devrais…

 

Peut-être ne vont-ils pas me voir, peut-être vont-ils m’oublier… Mais leurs yeux me fixent, me toisent. Suis-je une bête de foire, une attraction ? Cinq, ils sont cinq…

 

*

 

Un homme est allongé sur un lit d’hôpital. Son regard est vitreux, hagard, exorbité. Sa lèvre inférieure tremble un peu, il semble effrayé. Il erre quelque part… Ses traits sont tirés, il est affolé. Cinq médecins le regardent, l’étudient, essayent de lui parler, mais ceci n’engendre aucune réaction de la part du patient.

 

-          Son nom ?

-          Arthur Stuningal.

-          Réactions visuelles du patient ?

-          Aucune… Il est comme aveugle.

-          Auditives ?

-          Il n’a pas l’air de nous comprendre.

-          … Ne le détachez pas.

 

Un des hommes, peut-être plus sensible que les autres, s’approche lentement, tente de comprendre. Il a l’air si perdu… Peut-être que certaines substances sont à l’origine de cet état, peut-être pas. Peut-être est-ce réversible… Peut-être pas.

 

*

 

Une masse noire, laide, s’avance vers mon visage. Celle-là ne hurle pas. Mais… Puis-je lui faire confiance ? Il y a tellement de couleurs par ici… Les murs s’approchent aussi, c’est bizarre, je ne comprends pas trop. Le monde est étrange en ce moment. Et je commence à m’habituer aux voix hurlantes. Mais il y en a toujours cinq autour de moi, je sais qu’ils me veulent du mal… Je sais qu’ils me tueront, d’abord ils me tortureront, puis ils me démembreront, et… et … Je ne sais pas ce qu’il se passe dans leur tête de dépravés, je sais que leur esprit est dérangé !

 

Je sais qu’il y a quelque chose d’anormal, sinon ils ne seraient pas là ! Mais la cacophonie de mon esprit ne veut pas me répondre, je crois qu’elle m’en veut d’être différent. Non, non, je ne suis pas comme eux ! Tous les cinq, partez, partez enfin… 

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Elka
Posté le 06/09/2010
Salut !
Dans tes nombreux textes j'avoue avoir choisi un peu au pif, et bien en tout cas je ne regrette pas :)
Le début, en particulier, est excellent. Ces phrases coupées sont presque une mélodie ou un poème. C'est une chanson desespéré qui va parfaitement avec l'image d'une danse de monstres autour du patient. J'avais deviné rapidement que c'était un type à l'hopital mais c'est pas gênant, parce qu'après on se demande ce qu'il fait là, si tu penches vers le fantastique avec une Possession, ou vers le médical avec un coma ? Et la ritournelle qui continue en fond <3
Bon après, comme j'ai adoré ce début avec ce rythme particulier, je trouve que la fin perd un peu de son énergie. En même temps je comprends parfaitement que tu ais voulu éclaircir tout ça, le passage avec le médecin me parait bien à sa place (même si, au lieu de demander le nom du patient, il e paraitrait plus cohérent qu'ils l'appelent, pour renvoyer au "Arthur, Arthur" du début ). C'est donc plutôt les deux derniers paragraphes qui gagneraient à reprendre un peu de cette énergie du début. Il parait presque redevenir sain, on est plus autant perdu qu'au départ je trouve.
 
Bon ce n'est qu'un avis personnel hein ? ;) Garde en tête que j'ai vraiment beaucoup aimé et que je lirais tes autres OS avec un plaisir certain !
Biz
Alwenah
Posté le 06/09/2010
Merci beaucoup pour ton avis !
Pour la fin, je voulais un peu relâcher la pression, en le faisant devenir plus "mou", moins alerte, plus vaporeux par rapport à ce qui l'entoure, comme s'il s'endormait. J'ai d'ailleurs enlevé une phrase, qui n'allait pas trop avec cet état d'esprit.
En tout cas je te remercie du fond du coeur d'avoir lu et aimé ! 
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