Imaginaire 1

Le bus devait arriver dans 2 minutes, il faisait froid. Elle rentra sa tête dans son écharpe. Son téléphone vibra. Une notification Instagram. Elle répondit à son amie qui lui demandait ce qu’elle faisait le soir même. Puis elle scrolla. Il avait mis une story. Des vacances en Italie. Avec une fille. Sa copine sûrement. La curiosité prit le dessus. Elle cliqua sur l’identification. Romane, L3 chimie-Nice.

Elle se sentit mal, avec une envie de vomir dans le fond de sa bouche. La vérité. Plutôt que de l’apprendre à cet arrêt de bus, elle aurait préféré ne rien savoir. Le bus arriva. Elle dit bonjour au chauffeur. S’assit à la première place qu’elle vit.

Que ça lui arrive à elle, ridicule. Comment avait-elle pu être aussi stupide, de penser que tous les hommes n’étaient pas pareils ? De sombres connards.

Une famille était assise devant elle. Le père prenant sa fille dans ses bras la félicitant d’avoir fait les lacets de ses chaussures. Elle soupira, la story Instagram ne quittait pas sa tête.

Ça faisait un an qu’elle n’arrivait pas à définitivement passer à autre chose. Elle avait peur de dire adieu à une relation qui n’avait existé que dans sa tête.

Pendant un an, elle avait appris à y penser de moins en moins, à faire en sorte que les sentiments ne soient que de vagues souvenirs. Pourtant, une simple image, un simple compte sur les réseaux sociaux suffisaient à animer une colère folle. Il n’avait donc pas été honnête.

Pendant un an, elle avait refusé de penser qu’il était en faute. Il avait été clair. Il partait habiter dans une autre ville. Leur histoire ne serait donc que quelques bons moments sur deux mois. Ils s’étaient vus pour la dernière fois une semaine avant son départ. Comment pouvait-il aujourd’hui sortir avec une fille qui habitait dans la ville qu’il avait quittée ? Comment pouvait-il lui faire ça ?

Si elle osait connecter les informations entre elles, elle pouvait faire plusieurs suppositions : il voyait plusieurs personnes en même temps, il sortait avec cette fille depuis le début ?

Elle avait l’impression d’être the other woman, celle avec qui il manque l’étincelle, la passion, l’intérêt.

Un garçon passa à côté d’elle en descendant à son arrêt. Elle le suivi du regard. Il allait en direction du théâtre. Il avait la même veste que Lui. Elle détesta s’en souvenir.

La colère se dirigea soudain contre elle-même. Pourquoi ses seules expériences étaient-elles mauvaises ? Comment avait-elle pu s’attacher aussi facilement ? Pourquoi avait-il été si gentil, si compréhensif ? Quelle audace avait eu de penser qu’elle était irrésistible. Elle était vexée.

Elle qui, finalement, se trouvait mieux que toutes ces femmes qui tombaient dans le piège des Hommes. Elle était comme tout le monde. La gifle de la banalité lui faisait mal.

Non. Elle ne recommanderait pas à être méchante avec elle-même.

Le bus s’arrêta à son arrêt. Elle dit au revoir au chauffeur et descendit. Elle ressortit son téléphone pour être sûre que tout ça, elle ne l’avait pas imaginé. La biographie de cette fille resta la même : Romane, L3 chimie-Nice. Sa copine était dans la même ville qu’elle, allait à la fac à côté de chez elle. Elle l’avait peut-être déjà croisée dans la rue.

Un groupe de trois hommes marchait sur le même trottoir en contresens. Parlant fort, aucun d’eux ne se décala. L’un d’eux la bouscula. Elle lâcha un « putain » sec et continua son chemin.

Une pointe de jalousie fit surface. Ce n’était pas son départ le problème, c’était que, pour lui, elle n’était rien de plus qu’une brise : agréable mais de passage.

En passant devant la fac de sciences, elle nota l’ironie. Devant le bout de son nez depuis le début.

Elle voulait rationaliser. Penser que, sans sa version à lui, elle s’était peut-être trompée et avait mal interprété. Ce n’est peut-être qu’une amie, une cousine. Des milliers de possibilités pour lui permettre de ne pas être blessée. Jamais il n’aurait pu lui faire du mal, n’est-ce pas ?

Puis la tristesse.

Réaliser qu’il ne l’avait jamais considérée comme elle l’avait espéré lui faisait mal.

Elle laissa échapper un soupir.

Jamais elle n’oserait exprimer ce qu’elle avait découvert, par honte. Si personne ne savait, personne ne pourrait la juger.

Elle passa le portail de sa résidence. Un homme lui avait tenu la porte. D’un hochement de tête, elle le remercia et passa son chemin.

Jamais plus elle n’oserait donner sa confiance à un homme qui ne la voulait pas entièrement.

La voulait entièrement ? Est-ce quelle c’était donné entièrement à lui ?

Elle entra dans son appartement, enleva ses chaussures, souffla une énième fois. L’intensité de ce cocktail d’émotions ne faiblissait pas.

En s’allongeant sur son canapé elle observa son carnet poser sur le bord de la table basse. La veille, elle avait écrit sur son histoire avec lui. C’était comme un pressentiment que le climax approchait.

Et donc maintenant quoi ? Il fallait face à la réalité

C’est elle qui avait choisi d’ignorer ses propres sentiments. C’est elle aussi qui avait accepté cette relation à durée déterminée. Il ne lui avait pourtant fait aucune promesse. Ce qu’elle avait découvert aujourd’hui ne témoignait que des œillères qu’elle avait mises.

Est-ce qu’elle-même le voulait, lui ? Toute cette histoire n’était-elle pas un prétexte pour enfin donner son amour à quelqu’un ? Pour comprendre ce que c’était, ce fameux sentiment qui rendait les autres fous ?

Encore à cet instant, elle espérait un retournement de situation, comme dans un film. Elle aurait voulu lui envoyer un message. Avoir des explications. Passer de la haine à la passion. Finir sur un happy ending.

En serait-elle seulement heureuse ?

Peut-être devait-il disparaitre pour de bon.

Cette découverte, elle n’en aurait jamais eu conscience si elle n’avait pas continuer de s’intéresser à sa vie. En le traitant comme n’importe quelle personne de son entourage, elle mettait discrètement du bois sur le feu.

Elle soupira pour la dernière fois.

Déterminée, elle ouvrit Instagram, retourna sur son compte et cliqua sur Se désabonner.

Posa son téléphone sur la table.

Loin des yeux loin du cœur.

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