Impressions au Soleil Levant

Par Rachael

_____ 

Ma très chère tante,

 

Une fois de plus, je m'attelle à la tâche au dernier moment, à la dernière minute ou presque.

Enfin, en réalité, l'avion ne partira que dans trois heures...

Oui, je sais, tu vas pincer les lèvres, exprimant ton dédain envers la voyageuse anxieuse ou inexpérimentée que je suis. Pourquoi donc passer tant de temps dans un espace envahi de boutiques insignifiantes et de cafés à la mode, quand on a la chance de séjourner dans la plus belle ville du monde ?

 

N'est-ce pas que ce que tu m'as dit, d'un ton pour le moins mélodramatique ? « Je t'envoie pour être mes yeux, mes oreilles, mon nez, dans la plus belle ville que l'homme a créée sur la Terre »

Tu n'as pas eu peur que je ne l'aime pas ? Que je reste insensible à ses charmes ? Que je la juge tout autrement que toi ? Moi qui ne jure que par la nature et les montagnes ? Oui, cette fois-ci, je me suis vraiment demandé quelle lubie avait traversé ton esprit sinueux.

 

Ça a bien mal commencé : la première impression a été désastreuse. Du haut de l'immeuble surplombant la gare ultramoderne, je n'ai aperçu qu'une ville banale, un assemblage hasardeux de cubes poignardés d'antennes. Mes premiers instants au ras du sol ne furent pas mieux : j'en ai retenu les fils électriques, ligotant les moindres bâtiments, les enseignes au néon, l'air empuanti par les voitures et les bus.

Qu'étais-je donc venue faire ici ?

 

J'ai néanmoins accompli mon devoir avec méthode. J'ai loué un vélo, moi qui ne conçois l'usage de cet engin que dans les calmes sentiers de forêt. « La ville est plate et étendue, c'est donc à vélo que tu dois la visiter. - Bien, c'est ce que je ferai... »

J'ai plongé, déjà découragée, au cœur des trottoirs partagés entre les piétons et les bicyclettes. Par miracle, tout ce monde semble savoir exactement où se situe sa place, quelle ligne invisible ne pas dépasser, et surtout comment frôler sans les cogner les visiteurs qui tentent avec maladresse de s'adapter à ces règles implicites.

 

Visiteur, voilà bien le mot ! Même à vélo, me cachant sous un chapeau, je n'ai pu entretenir longtemps l'illusion que je réussirais à passer inaperçue. Les regards ici, envers l'étranger, y compris celui qui vient de la ville d'à côté, dénotent à la fois hauteur et commisération. Une forme d'envie, aussi...

Hauteur, car on ne peut, à vivre ici, qu'en concevoir une légitime fierté, et un sentiment de supériorité (est-il si légitime, celui-ci ?).

Commisération, envers tous les pauvres hères comme moi, qui n'ont pas la chance de vivre en ce lieu magique.

Envie quand même, car le visiteur a l'insigne bonheur de la découverte, de la toute première fois. Comment ne pas lui jalouser cet éblouissement du premier instant ? Ou plutôt cette illumination, progressive pour certains, soudaine pour d'autres, quand il se trouve pénétré de la beauté et de la sérénité qui règnent ici ?

 

Pour cela, il faut s'ouvrir, se vider d'abord, puis accueillir ce que la ville a à offrir, sans s'inquiéter d'une pourtant probable indigestion. C'est une expérience quasi mystique, si peu naturelle à l'incroyante que je suis. Mais tu avais raison sur ce point. Il est des lieux où tous peuvent avoir l'intuition du divin, même s'ils sont d'indécrottables athées, persuadés que l'homme a été jeté ici-bas par un monstrueux hasard.

Transcendance : ce que l'esprit humain ne peut concevoir... Il existerait des choses que l'homme ne peut ni comprendre, ni même envisager. Peut-on imaginer meilleur endroit pour faire l'expérience de cette sorte d'humilité ?

 

J'ai donc pédalé, zigzagué entre les piétons, dans le but louable d'atteindre l'illumination. Je dois avouer que la concentration nécessaire à cet exercice périlleux est tout à fait propice à un état de réceptivité de la conscience, en évacuant le superflu de nos esprits. Par ailleurs, la fatigue physique générée par la poussée rythmique des pieds sur les pédales m'a rendue plus encline à m'asseoir longuement, pour contempler sans hâte ce que j'avais gagné au prix de tant d'effort. J'ai atteint cet état où le dedans et le dehors s'équilibrent, ou le vide et le plein sont égaux. Pour tout dire, j'ai plus d'une fois failli m'endormir...

 

Je ne vais pas te décrire la ville. Je n'ai pas la vocation d'un guide touristique, et ceux-là l'ont déjà fait avec méthode. D'ailleurs, tu la connais, tu ne m'as pas envoyée ici par caprice ou par hasard.

Je sais bien, au fond, que ce n'est pas là ce que tu cherches. Ce que tu désires, c'est savoir si j'ai été illuminée, moi aussi, si j'ai ressenti cet éveil dont parlent les pèlerins et les voyageurs, et si je réussirai à le coucher sur le papier. Mes phrases précédentes, avouant mon inclination au sommeil, ne peuvent que t'en faire douter.

Pourtant, j'ai aperçu la réflexion du soleil sur les feuilles vernissées d'un camélia ; le discret frémissement de l'eau d'un bassin quand un insecte l'effleure ; l'ombre d'une lanterne sur le gravier lissé ; la silhouette vigilante d'une statue, gardant l'accès à un petit autel. D'ici à les décrire...

 

Sortiras-tu ton crayon rouge, pour souligner mes fautes et mes maladresses, en mordilleras-tu le capuchon, en t'interrogeant sur la note que mérite mon pauvre texte ?

Un zéro signifierait que je n'ai rien compris, que je reste à jamais un cas désespéré. Impossible de me sauver du scepticisme, du sentiment de la futilité de la vie...

Un dix, que je progresse, que tu me donnes le bénéfice du doute, que peut-être une infime vibration est parvenue jusqu'à moi, mais que mes talents littéraires sont et demeureront toujours insuffisants pour en retranscrire la perfection. 

Je n'ose espérer plus... sinon par pure pitié, pour récompenser des efforts vains pour m'améliorer.

 

Je réponds à ta question : si je me suis réfugiée ici, dans cet aéroport à la laideur confortable, c'est parce qu'il me faut m'éloigner, retrouver une médiocrité familière. La beauté est épuisante, peu faite pour le commun des mortels. En ce sens, oui, les habitants de cette ville nous dépassent, soit par leur capacité d'endurance hors du commun, soit par leur habileté à construire une carapace afin de ne plus voir, de ne plus sentir, de ne plus entendre, simplement pour survivre en ce lieu.

En ce dernier jour ici, je dois bien reconnaître que je ne possède pas leur force. Je n'ai qu'une envie : rentrer à la maison, plonger sur mon lit, retrouver la banalité du quotidien. Le sourire constant de mon ours en peluche.

Laisser s'apaiser la vague qui m'emporte et me remue depuis bientôt une semaine.

 

Mais avant de m'arracher du sol, rédaction : « Impressions au soleil levant »[1] (j'entame l'exercice par un titre en forme de référence un peu trop ambitieuse ; ne t'attends pas à ce que la suite soit à la hauteur du modèle !).

Allons, il me reste deux heures.

[1] Référence au tableau de Claude Monet qui donna son nom au mouvement impressionniste : Impression, Soleil Levant 

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Nascana
Posté le 16/02/2014
J'aime beaucoup la façon dont le personnage parle dans sa lettre, c'est intelligent, plein de poésie. 
J'ai eu l'impression que la ville dont tu parles c'est Paris (c'est peut-être juste mon resentie). Du coup, je suis d'accord qu'il y a plein de belles choses mais aussi que c'est fatiguant et bien éloigné de la nature.
Nascana 
Rachael
Posté le 16/02/2014
Salut Nascana, 
C'est gentil d'être passé par ici ! Ah ah, non, la ville ce n'est pas Paris, c'est Kyoto (d'où le soleil levant...), mais tu as raison, on peut y trouver les mêmes côtés positifs et négatifs.
Merci pour tes compliments :) 
vefree
Posté le 30/12/2013
Je dois avouer que je ne connaissais pas ce tableau de Monet et quand j'ai lu, je me suis projetée dans tout autre chose. Merci Google pour me montrer à quoi il ressemble.
J'ai une impression double en lisant ton histoire. D'une part, on dirait que l'auteure est fortement impressionnée par sa chère tante qui semble lui mettre une certaine pression à vouloir lui imposer à découvrir ce qu'elle n'aurait peut-être pas essayé toute seule. Grand bien lui fasse, son ouverture d'esprit lui rend la découverte de cette ville plutôt plaisante en définitive et aussi spirituelle. J'ai beaucoup aimé les descriptions que tu en as faite. "un assemblage hasardeux de cubes poignardés d'antennes." c'est beau, dit comme ça ! "Il est des lieux où tous peuvent avoir l'intuition du divin, même s'ils sont d'indécrottables athées, persuadés que l'homme a été jeté ici-bas par un monstrueux hasard." La ville lui fait de l'effet, mais je m'interroge sur la finalité de ce voyage si ce n'est d'être jugée par la tante en rentrant.
En tous cas, c'est un bel exercice de style, très agréable à lire et très spirituel. Bravo !
Biz Vef' 
Rachael
Posté le 30/12/2013
Salut Vef'
Sur la finalité du voyage, on ne le sait pas totalement à la lecture de la lettre, ca reste dans les non-dits, mais on peut imaginer certaines choses d'après ce que dit la nièce. Je vois la tante comme une sorte de mentor qui a pris la nièce sous son aile et cherche à l'ouvrir sur certaines choses qui lui sont étrangères. Elle a un côté un peu sévère, oui, elle a certaines exigences en retour. Elle oblige la nièce à s'interroger sur ce qu'elle a vu, pour lui en faire le récit. (C'est quand même pas extrême comme exigence... moi j'aurais bien aimé une tantine qui m'offre des voyages comme ça ;)
Merci Google, mais méfie-toi, selon les sites, le rendu des couleurs est complètement différent. Comme je n'ai pas vu cette toile, j'ignore quel est le bon rendu...
Merci pour ton commentaire !! 
 
Beatrix
Posté le 29/12/2013
J'ai trouvé ce texte pasionnant, je n'ai cessé de me demander où était la ligne entre fiction et réalité, si cette ville existait ou si elle était une création syncrétique de l'esprit. Si quelque part, il y avait une pointe d'autobiographie. La lecture des autres commentaires m'a éclairée (désolée si c'est "triché" ;)).  J'ai trouvé assez frappante cette idée d'être épuisé par la beauté, et étrangement (ou pas, compte tenu du fait que je travaille dans le Patrimoine) je me suis plus identifiée aux habitants d'une telle ville qu'à la narratrice sur ce passage. Il y a en effet, sans doute un phénomène à explorer, qui fait entrer le beau, l'ancien, le transcendant dans une logique du quotidien. <br />J'ai beaucoup aimé ces impressions qui se passent  de description mais qui laissent tout ouvert à l'imagination. Au final je me suis demandé ce que la narratrice avait réellement fui au final : le bouleversement de ses certitudes ? Le cadre trop superlatif ? <br />Très beau texte en tout cas ! ^^<br />
Rachael
Posté le 29/12/2013
Coucou Beatrix,
C'est fou comme ce texte génère de réflexions passionnantes, qui me font moi-même réfléchir sur ce que j'ai écrit.
Est-ce la beauté qui est épuisante ? Ou une forme de beauté qui est radicalement différente de celle que nous cotoyons dans notre culture depuis notre enfance, laquelle est rentrée d'une certaine manière dans notre quotidien ? D'où, comme tu le dis, un bouleversement de nos certitudes ou au moins de nos repères familiers... (je crois que c'est surtout cela que fuit la narratrice, mais peut-être pour mieux revenir plus tard...)
Ah, oui, c'est en partie autobiographique (côté ressenti, pas côté histoire), encore que je n'ai jamais fui, au contraire, je serais volontiers restée plus longtemps! Mais si j'ai volontairement omis de mentionner de quelle ville il s'agissait, c'est un peu par jeu, mais aussi parce qu'il me semble que chacun peut trouver un endroit qui le bouleverse et le bouscule d'une manière intense, comme pour notre narratrice.
Merci Beatrix pour ce commentaire vraiment pasionnant, lui aussi ! (-_-)
 
 
Sierra
Posté le 27/12/2013
Bonjour Rachael,
C'est une jolie ôde à la beauté que tu nous proposes ici ! Un texte plein de lumière et de philosophie, auquel on réfléchit longtemps après l'avoir lu une première fois. Je l'avais d'ailleurs lu avant Noël, mais il m'a fallu y revenir pour en saisir un peu mieux la matière. C'est émouvant comme de regarder une estampe japonaise. Je trouve à cette lettre un petit air d'ekphrasis, un peu comme si tu nous décrivait un tableau mobile et vivant.
Si je devais trouver quelque chose à redire, ce serait sur le véritable titre du tableau de Monet, qui est le suivant : Impression, Soleil levant. Je ne peux décemment pas le laisser se faire estropier, je l'aime beaucoup trop pour ça :$ Bien sûr, cette remarque est bonne à jeter si tu as toi-même modifié le titre, par pur besoin de coller un peu plus à cette "rédaction" que fait ton personnage pour sa tante :)
Bravo et merci pour cette superbe participation ! 
Rachael
Posté le 27/12/2013
Salut Sierra,
Oui en effet, tu as raison de le remarquer, j'ai pris quelques libertés avec le titre du tableau de Monet pour coller plus à mon sujet, et j'aurais dû le préciser dans la note de bas de page. (je vais rectifier ça, si j'arrive à avoir du réseau assez longtemps...). Rendons à Monet... (je ne l'ai d'ailleurs jamais vu ce tableau... maintenant il faut que je programme une visite au musée marmottan à ma prochaine visite à Paris)
Ouh là, tu m'as un peu perdue là ! Une Ekphrasis, c'est une description d'oeuvre d'art, c'est ça ? Tu veux dire que la ville serait comme une oeuvre d'art vivante ? Intéressant, comme idée...
J'espère en tout cas que le côté philosophique n'était pas trop "prise de tête" ;) 
Merci pour ton commentaire, Sierra ! 
 
 
 
Elka
Posté le 25/12/2013
On aura décidément vraiment eu de tout dans ce speedwriting, ton texte en est une nouvelle preuve pour moi ! Décrire une ville dans une lettre <3
Et c'est si bien décrit ! La sérénité, le besoin pourtant de retrouver le quotidien, l'espoir d'avoir assez bien rédigé l'ensemble. C'était vraiment très original ! Tant dans la forme que dans la conclusion en fait.
Du coup j'en ai profité pour me cultiver et regarder ce fameux tableau "Impressions au soleil levant" : superbe ! 
Bravo pour ce texte <3
Rachael
Posté le 25/12/2013
Ah, ça, ça va faire plaisir à Luciole, qui aime tant Monet ! 
Merci Elka !
 
Diogene
Posté le 25/12/2013
Coucou Rachael,
 J'ai lu hier ton texte et je me suis régalé avec ton texte. Finalement j'ai laissé en arrière plan la ville pour me concentrer sur l'aventure spirituelle de ton personnage. Je me suis laisser bercer par toute la symbolique de ton texte.
 
Bravo
Rachael
Posté le 25/12/2013
Hello, Diogène !
Je suis ravie que tu ais aimé cette aventure spirituelle dans cette ville.
Merci ! 
 
Seja Administratrice
Posté le 24/12/2013
Ah bien, que de thèmes différents pour ce speedwriting, ça force l'admiration *o*
Sous ta plume, cette ville inconnue se métamorphse. De grise et uniforme, elle se teinte soudain de mystère et d'éclat. Ya pas à dire, c'est bien fichu.
Ne reste plus qu'un mystère à éclaircir - quelle est donc cette ville ? 
Rachael
Posté le 24/12/2013
Oui, c'est sûr on ne s'ennuie pas à lire des textes aussi différents :)
Mais où qu'c'est-y cette satanée ville, non de non de crénom de non ? je l'dirai, promis, mais pas tout de suite.
Peut-être que quelqu'un va trouver... (faut bien s'amuser un peu...). Franchement, y a quand même des indices plus que subliminaux; mais bon, c'est pas totalement évident, je le concède...
Allez, un indice, cette ville, ou plutôt ses monuments historiques, sont classés au patrimoine mondial de l'UNESCO.
EryBlack
Posté le 23/12/2013
Il n'y a que des idées différentes dans ce concours, c'est vraiment génial. Ici, c'est le dernier jour d'un séjour dans la plus belle ville du monde... (Est-ce que je fais vraiment preuve de "hauteur' si je crois avoir reconnu... Paris ? La tour Montparnasse, la gare, tout ça... Non ?)
J'ai trouvé ce texte très joli. On en sait pas beaucoup sur la narratrice, au final, mais elle est très touchante dans ses hésitations, son envie de rendre compte de ce qu'elle ressent en craignant de ne pas y arriver tout à fait, son espoir de ne pas déplaire à sa tante... Mais pour ça je ne me fais pas de soucis. La phrase "Laisser s'apaiser la vague qui m'emporte et me remue depuis bientôt une semaine" devrait tranquilliser n'importe quelle tante inquiète de savoir si sa nièce est capable de s'éveiller aux beautés du monde. Rien qu'avec cette phrase, elle a tout dit, et ça me rappelle mes propres voyages.
Bravo pour ce beau texte, Rachael ! Décidément, ce concours est génial ^^
Rachael
Posté le 23/12/2013
Coucou Ery,
Nan ! C'est pas Paris (ah, ces parisiens !) :P (dommage, j'ai pas mon lapin qui montre ses fesses !)
Ok, la tour au dessus de la gare, ca aurait pu... mais ultramoderne la tour montparnasse? faut pas rire quand même... Et Paris n'est pas si moche, vue d'en haut.
Ok, on dit souvent que Paris est la plus belle ville du monde, mais le titre est contesté, et puis la tatie, elle a le droit d'en préférer une autre, non ?
Et les parisiens, de la hauteur ? non c'est pas leur genre... (bon j'arrête de persifler, là) 
eh, eh !
Je suis bien d'accord avec toi, les idées ont fusé, pour ce concours ! Je suis ravie si mon texte t'a plu (même si c'est pas Paris ? ) ^^
Luna
Posté le 23/12/2013
Décidément pour ce concours encore les plumes ont fait des merveilles ! Tu es la troisième que je lis et c'est incroyable tout ce qu'on peut faire à partir de ce thème.<br />
<br />
Ta plume est douce, délicate, on se croirait à la place de la nièce tant tu parviens à transmettre au lecteur la mélancolie de ces impressions au soleil levant. D'ailleurs ce titre est très bien choisi. En somme, c'est le soleil levant du dernier jour dans cette ville qui est figé dans l'écriture de cette lettre, comme pour en faire un souvenir impérissable. J'avais presque l'impression d'avoir une photo sous les yeux, mais toute en émotions. C'est pas très clair ce que je dis là XD bref, ce que j'essaye de dire c'est que c'était à la fois visuel et sensoriel. J'aime me faire surprendre comme ça en littérature, c'est toujours un plaisir !<br />
<br />
(Je suis curieuse de savoir quelle est cette merveilleuse ville, je n'arrive pas à trouver moi-même ; une ville européenne ? Mais laquelle ? Je regarderai les propositions des autres, je veux savoir ^^ !)
Rachael
Posté le 23/12/2013
Hello Luna,
Merci pour ce gentil commentaire. J'ai bien compris ce que tu voulais dire; mon but était en effet de faire une "photo" des émotions et non des paysages. Si c'est cela que tu as ressenti alors j'en suis ravie :) 
Pour la ville, je garde encore le mystère, je vais voir quelles sont les idées des plumes, mais promis je dirai à la fin où c'était censé se passer. 
C'est vrai que le thème était très riche, j'ai été bluffée par tous les textes superbes qui ont été écrits.  
Cricri Administratrice
Posté le 23/12/2013
Une très poétique correspondance à sens unique où la tante semble jouer le rôle d'une "initiatrice" : elle pousse sa nièce hors de sa zone de confort, veut l'éveiller à une autre sorte de beauté de celle de la nature, attend ses impressions pour éventuellement évaluer sa rédaction. Bref, tu as réussi à faire ressortir la personnalité de la tante à travers la lettre de la nièce, ça c'est fort. Le traitement du sujet est inattendu : pas de fin de monde, pas de fin de vie, non ici le dernier jour est celui d'un séjour en ville ! Quant au style, tout en finesse : la nièce s'exprime de façon très riche, cherchant à mettre des mots sur les émotions ressenties, et surtout sur leur évolution au fil de sa découverte.
J'essaie de deviner la ville dont il est question ici, mais je n'ai pas assez voyagé. Beaucoup de vélos ? Je penserais peut-être à une ville des Pays-Bas... Amsterdam ? 
Bravo pour cette très jolie participation, Rachael !
Rachael
Posté le 23/12/2013
Hello Cristal,
En effet, la tante, dont on ne sait rien a priori, joue en quelque sorte un rôle de mentor auprès de sa nièce, en cherchant à lui faire découvrir un autre monde que celui qui lui est familier, en la bousculant dans ses habitudes ou certitudes. Mentor bienveillant mais aussi exigeant...
J'imagine bien la nièce comme une étudiante en lettres ou aux beaux-arts, d'où sa référence à Monet, son écriture assez recherchée, et son ironie quand elle imagine sa tante qui noterait sa "copie" (elle pense clairement qu'elle "vaut" mieux que ça, mais sa tante doit juger qu'elle manque de modestie). Bon je ne sais pas si j'ai réussi à mettre tout ça dans le texte, mais c'est plus ou moins la façon dont je voyais les choses.
Non, pas de fin du monde ou de fin de vie, mais la fin d'une expérience marquante, comme peuvent l'être certains voyages. 
Pour la ville, non, ce n'est pas Amsterdam, il faut aller un peu plus loin, mais je ne dis rien pour le moment, on va voir si d'autres ont des idées (il y a quelques indices dans le texte). Pour moi cette ville fut une expérience marquante...
Merci pour ton commentaire Cristal !!
 
Liné
Posté le 23/12/2013
Bonjour Rachael !
 C'est un régal de découvrir ta plume d'adulte en dehors des Héritiers Célestes. J'ai été hapée par ton texte (en partie car je voue une sorte de passion et de fascination pour les grandes villes, et que j'adore en parler ou lire à leur sujet).
Tu as su nous embrigader dans un univers tout particulier, où on sent bien l'impossibilité du narrateur d'exprimer ses sentiments (ce qui au final est le cas de tout le monde, les écrivains les premiers) et de se confondre dans un milieu qu'il ne connait pas.
 Bravo à toi ! A bientôt ^^
Liné ~ 
Rachael
Posté le 23/12/2013
Hello Liné,
Merci Liné ! je me suis régalée aussi à écrire d'une autre façon.
Oui la narratrice (pour moi c'était une fille, mais ca reste flou) se sent incapable d'exprimer ses sentiments, voire de les comprendre elle-même.  N'est ce pas souvent ce que l'on ressent devant des choses nouvelles et étranges, qui nous touchent sans que l'on sache très bien pourquoi ni comment le faire partager. 
aranck
Posté le 23/12/2013
Eh bien Rachael, quel beau texte !
Ton écriture est si différente de celle d'Arthen et cependant tout aussi fluide et précise, et surtout extrêmement visuelle.
J'ai apprécié les commentaires sur la ville et le ressenti de celle qui écrit (étant moi-même incapable de vivre en ville) (ex: Par miracle, tout ce monde semble savoir exactement où se situe sa place, quelle ligne invisible ne pas dépasser, et surtout comment frôler sans les cogner les visiteurs qui tentent avec maladresse de s'adapter à ces règles implicites.), mais surtout j'ai adoré ces flashs : Pourtant, j'ai aperçu la réflexion du soleil sur les feuilles vernissées d'un camélia ; le discret frémissement de l'eau d'un bassin quand un insecte l'effleure ; l'ombre d'une lanterne sur le gravier lissé ; la silhouette vigilante d'une statue, gardant l'accès à un petit autel) et souri au "quand à les décrire")
Le sujet choisi est à la fois simple et original de par sa simplicité (chépas si je suis claire là)et par la façon dont il est traité.
Quelle tante antipathique ! Pousser quelqu'un qui aime tant la nature à visiter une grande ville relève du sadisme le plus total ! Je comprends la tristesse de l'auteure, qui malgré tout s'applique à faire ce qu'on lui demande.
Bravo Rachael, très bon texte. 
Rachael
Posté le 23/12/2013
Hello Aranck,
Oui, de temps en temps, ça fait du bien d'écrire autrement, avec un vocabulaire plus élaboré, en maniant des idées un peu plus complexes (ouais, la transcendance, dans Arthen, on peut aborder, mais pas si frontalement...). 
Non, elle n'est pas antipathique la tante, même si sa nièce peut la juger comme telle, et lui en vouloir, en arrivant dans ce lieu étranger et pas très accueillant à première vue. Sa tante cherche à lui faire partager quelque chose qu'elle a aimé, au point de considérer cette ville comme la plus belle du monde (très subjectif, je te l'accorde, tout dépend de ce qu'on entend par belle). On ne sait pas trop pourquoi elle ne vient pas avec elle dans cette découverte, on peut imaginer qu'elle ne le peut pas, ou qu'elle ne veut pas interférer avec la découverte. Ou qu'elle est malade, ou trop âgé...
Alors c'est vrai la narratrice est triste au début, ou plutôt découragée, mais on comprend par la suite (ou on devrait comprendre, mais c'est peut-être moi qui l'ai mal exprimé) qu'elle a été touchée elle aussi par ce qui se dégage de cette ville, au delà de ses aspects modernes qui la heurtent (et c'est lié en partie à la nature, comme tu l'as relevé dans les quelques expressions que tu cites).
Quant au ressenti de celle qui écrit, c'est bien le mien cette fois-ci, et l'endroit existe, je me suis demandé si je le disais à la fin, et puis je me suis dit que j'allais laisser deviner... 
 
Slyth
Posté le 23/12/2013
Voilà un texte plein de poésie ! C'est doux, c'est posé. C'est également à la fois fluide et savoureux. On suit tranquillement ton héroïne dans sa visite et ses réflexions. On s'attendrit en discernant le lien privilégié qu'elle semble avoir tissé avec sa tante.
J'avoue que je ne suis pas parvenue à deviner si tu évoquais une ville précise mais, au fond, ce n'est pas très important. J'avoue que j'aime beaucoup l'idée de "l'éblouissement du premier instant", cette première sensation unique dont on aimerait tant pouvoir se souvenir à tout jamais.
Bravo pour ta participation !
Rachael
Posté le 23/12/2013
Hello slyth,
Mhm oui, c'est une ville précise, mais on peut lire à plusieurs niveaux, juste pour l'ambiance qui se dégage du texte ou en se demandant de quelle ville il peut s'agir (il y a des indices...). 
C'est vrai, cet éblouissement de la première fois, c'est unique, et j'ai toujours cette crainte quand je dois retourner dans un endroit que j'ai beaucoup aimé la pemière fois, je me demande toujours si je ne vais pas être déçue la seconde...
Et puis il existe des endroit dont on ne se rassasie jamais (pour moi celui-ci en fait partie, je me verrais bien d'ailleurs dans le rôle de la tante, à y envoyer quelqu'un dans une sorte de voyage initiatique)
Merci pour ton commentaire :) 
Jamreo
Posté le 29/12/2013
Rachael, j'ai tout simplement adoré ton texte. Il y a tellement de phrases qui me touchent, qui font complètement mouche, qui me rappellent des choses que j'ai pu penser ou qui sont simplement très belles, paradoxales mais pourtant curieusement vraies. J'ai une préférence pour "La beauté est épuisante, peu faite pour le commun des mortels" et la description des habitants de cette ville qui s'enferment pour ne plus sentir, et pour survivre. Quant aux instants de révélation et de presque-parfait équilibre, ah lala c'était super beau de lire ça. puis l'image de la tante qui mâchonne son stylo en réfléchissant à une note est très drôle.
Désolée, je m'emballe x) mais c'est un gros coup de coeur pour cette lettre. J'aime bien Monet, mais je ne connaissais pas ce tableau. Après un petit tour sur le net, il est effectivement très joli et puisque tout est une question d'impressions et de ressentis, lui et le texte se font bien écho.
Rachael
Posté le 29/12/2013
Salut Jamreo,
Ca me fait vraiment plaisir que beaucoup de plumes aient aimé cette lettre, parce que quelles que soient ses mérites "littéraires", elle a celui d'être sincère : j'ai simplement essayé de me remémorer des choses ressenties lors de mes voyages (et surtout ceux dans cette fameuse ville... C'est Kyoto, j'ai mis des liens dans mon journal de bord).
Cette phrase sur la beauté épuisante, elle est sortie un peu sous forme d'exagération ou de boutade, mais finalement, je l'ai laissée telle quelle parce que cest quelque chose que j'ai ressenti, ce besoin de dire stop, et d'aller s'isoler pour "digérer" ce qu'on a vu et ressenti, parce qu'à certains moment, c'est juste "trop"... 
L'équilibre entre le vide et le plein, le dedans et le dehors, le trivial et le sublime, ce sont des choses très présentes dans la culture japonaise, je ne suis pas sûre de le comprendre vraiment d'ailleurs, mais c'est très important là-bas au niveau artistique.
Merci Jam pour ton appréciation !  
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