INTRODUCTION
C’est moi, comme je suis.
Nue devant les pages blanches. Je me déshabille pour vous raconter mon histoire. Une histoire d’une personne triste, courageuse, qui porte de lourds bagages.
ENFANCE
Mes parents sont aimants. Depuis ma tendre enfance. Ils faisaient des efforts pour être là, cependant toujours absents. Je ne veux pas vous faire culpabiliser chers parents. Ce n’est pas de votre faute. Mais comprenez que c’est vous que je voulais là. Avec moi. Pas de nounous, pas de personnes étrangères. Seulement vous.
J’ai un vague souvenir que je ne communiquais pas avec mon père, je ne savais pas comment. Nous parlions deux langues différentes. J’appelais ma mère en pleurant, lui parlais dans ma langue maternelle. Mon père, à côté, impuissant. Je suis désolée papa.
MAISON
Déménager beaucoup. Qu’est-ce que cela signifie ?
Richesse. Ouverture d’esprit. Apprendre à sociabiliser rapidement. Atouts que je remercierai toujours d’avoir obtenue.
Solitude. Peur de l’abandon. Aucun lieu pour appeler « maison ». Désavantages à prix cher.
Aujourd’hui le goût de la découverte, du voyage m’emporte. La multitude de langues apprises, le nombre de rencontres faites me font sourire. Cependant, où est ma maison ? L’Espagne, pays où j’ai vraiment grandi, ne me considéra jamais comme une native. New York, ville de naissance, m’est inconnue. Les autres terres me dévisagent comme touriste. Je suis étrangère de ma propre vie. Je cherche ma place, mon lieu sûr. Si je ne peux le trouver à travers les frontières, je le cherche dans la chair de l’humanité.
En effet, ma maison devient des personnes. Des êtres que je pers, retrouve, rencontre et que je choisis de garder. Mon choix, le mien, de trouver des figures qui me font sentir sécure, qui m’aime pour qui je suis et qui me pousse vers l’avant. Je commence à peine à distinguer les radiations que dégagent l’humain. Les ondes frauduleuses me parviennent souvent et naïve comme je suis, je les accueille à bras ouverts. Je perds parfois la tête, je m’accroche à la peau de personnes qui me blessent. Mais j’embrasse la foule qui me fait danser, sourire. Ces créatures qui font que la vie en vaut la peine.
A moi seule de trébucher sur mon chemin, chemin que je construis à chaque pas. A moi seule de rencontrer les énergies qui me font du bien.
AMOUR
L’amour. Un si grand mot. Il donne le sourire, il blesse aussi.
Je suis tombée amoureuse deux fois. Face à deux jeunes garçons extraordinaires. Ils m’ont rendu la vie plus facile, ils étaient le bandage recouvrant la plaie. Mais comme pour chaque pansement, il y a un temps où il faut l’arracher de la peau. L’arracher de toi, couper le fil et le jeter à la poubelle.
Perdre Mathieu m’a créer un trou dans le corps. Un trou qu’aujourd’hui m’est toujours impossible de combler. La séparation a engendré un petit bonhomme, que j’ai commencé a bien connaître. Ce petit être qui grossit et grossit jusqu’à occuper toute la place. Il a peint mon cœur de bleu, l’a enveloppé d’une couche glaciale ; bref la dépression m’a envahi lourdement.
Il a été mon premier amour, ma première fois, mon premier tout. Il a taché ma vie de nuances ; c’est-à-dire qu’il a réussi à créer en moi la sensation lumineuse qu’est le blanc ainsi que l’absence de couleurs, le noir. J’ai longtemps vécu dans ce gouffre jusqu’à ce que ces deux nuances se rencontrent enfin. J’ai réussi à me nourrir d’une vie grise et ceci n’est point triste. Ce dernier est le résultat de moments de joie et de grande tristesse, une vie que tout être humain doit apprendre à habiter.
J’ai mis deux ans à me remettre de Mathieu. Deux ans à ne point pleurer en murmurant son nom. Ça n’a point été un chemin raide mais plutôt bouleversant. Cependant aujourd’hui j’en suis satisfaite.
Avec Isaac, ça a été la montagne russe. L’euphorie en montée puis la lourde et pesante chute. Je criais parfois de colère, je faillais aussi mais je pleurais de rire encore.
Je l’ai vu faiblir et cela m’a seulement fait l’aimer au surplus. Isaac est descendu avec moi jusqu’au fin fond du trou et a eu la force de construire de nouvelles marches. Il m’a vu saigné, tombé et prête à quitter la vie. Il était là quand je le poussais hors de mon chemin. Il m’a aimé inconditionnellement. Cependant cet amour n’était pas suffisant et tôt ou tard, je l’ai endurci. J’ai créé dans sa vision de l’amour un reflet de noir. Aujourd’hui j’ai brisé sa confiance en moi et peut-être même sa confiance en l’union de deux personnes. Et je m’excuse Isaac. Je m’excuse tellement.
J’ai aimé ces deux êtres et je les aimerai toujours, que ce soit en amitié ou en connaissance. Ils m’ont aidé tellement de fois à me redresser qu’aujourd’hui, sans eux, j’aurai été toute recroquevillé. Merci.
LES FORMES
Je me suis toujours trouvée grosse, pulpeuse, une femme avec du ventre.
J’aime manger, trop manger. Avaler de grandes quantités, sentir les saveurs se mélanger dans ma bouche. Mon bide était satisfait quand il était bien rempli, lorsqu’il allait exploser.
Cependant un jour j’ai compris qu’on pouvait aussi expulser les aliments du corps. Ma mère m’avait appris depuis petite comment vomir, en infiltrant les doigts au plus profond de la gorge. Cette technique ne devait qu’être utiliser lorsqu’on se sentait malade, avec de grandes nausées. Et je lui faisais justice car je devenais verte à me regarder, haineuse de mes formes.
Alors jour après jour, je vomissais. En cachette, dans les toilettes de l’école, de la maison, des restaurants. Je ne pouvais m’arrêter. Dès que je sentais mon ventre trop rempli, je dégueulais mes peines. Mon entourage était complètement aveugle, ne voyait pas, fermait les yeux.
Et moi, j’étais satisfaite. J’avais trouvé une solution afin d’avaler tout ce que je voulais sans prendre trop de kilos. C’était mon petit secret, à moi, que personne ne pouvait me voler.
Un an plus tard, j’ai dévoilé ma confidence à ma thérapeute et là…la panique s’est installée. Elle a appelé mes parents, toute affolée, parlant d’un gros problème.
A partir de là, j’ai approché une nutritionniste et mon poids a chuté. Je suis devenue un squelette ambulant, avec une obsession constante autour de la nourriture. Je contrôlais ce que j’avalais, ce qui sortait, la quantité, les aliments. Je ne pensais qu’à ça. Le sommeil était impossible tellement j’avais faim. Je me couchais en rêvant de ce que j’allais manger le lendemain. L’école était devenue un calvaire, je ne pouvais me concentrer en cours car mes pensées divaguaient obsessionnellement sur le prochain repas. J’ai perdu mon énergie, mes seins, mes os ressortaient de mon dos et j’en étais fière. Fière de mes nouvelles formes inexistantes, de mes joues creusent, de la disparition de toute graisse. Des jours je mangeais sans fin et tout disparaissais au fin fond de la cuvette. Alors les larmes coulaient, mon esprit s’angoissait sur le fait d’avoir gagné quelques grammes. Le jour d’après, je consommais moins et les frénésies alimentaires repartaient de plus belle. Je me suis plongée dans un cercle vicieux, une boucle sans fin.
Les médecins ne s’alarmaient pas, me conseillaient de prendre du poids et d’un revers insouciant de la main « Nous nous verrons la semaine prochaine ». Une personne grosse est mal vue, les regards se tournent sur ses grandes formes avec un jugement accru. Cependant une personne maigre sera regardée avec pitié et envie.
Un jour je me suis fatiguée. Il y a eu un déclic dans mon esprit et tout contrôle sur la nourriture est partie. J’ai pris 30 kilos en deux ans.
Aujourd’hui, je reçois des commentaires sur mon poids, sur mes formes. Mes vêtements ne me rentrent plus, mes joues et ventre se sont gonflés. Je me regarde dans la glace et je veux mourir. Je hais mon corps, tellement.
J’aimerai être une femme forte, confiante de ses formes. A la place, je me sens nulle, un échec.
Y a-t-il une sortie à cette dure maladie qu’est la boulimie ? C’est une question dont j’aimerai avoir la réponse.
En ce moment je prends de la place, et le monde alentour me dévisage avec dégoût. Mais qu’importe ? Mon corps est mon corps. C’est à moi de le regarder avec amour. Et si je rends les autres inconfortable, tant pis. Petit à petit, j’apprends que ce qui m’appartient est beau, dans toutes ses formes.
Peut-être ce que je dis est contradictoire, mais j’aimerai croire. Croire qu’il y a bien une place pour les rondeurs, les formes, les chairs humaines qui ont plusieurs kilos en trop.
Sur ce, je vais enfiler la tenue de mon choix et crier dans les rues que ma peau à sa propre poésie.
LA MORT
A 14 ans, je regardais les morts. Des corps pendant des lampadaires, inertes, le souffle inexistant. Ils étaient le fruit de mon imagination mais ces derniers si réels. Je me voyais dans ces fantômes, me demandant si ma place n’était pas là-haut, pendant au-dessus du vide.
Tous les matins, assise dans le bus, je questionnais mon suicide. De quelle manière allais-je mourir aujourd’hui ? Le couteau, le feu, la pendaison, la chute.
En cours, ce sont mes membres cassés que j’imaginais. Être balancée brusquement contre le tableau, ma nuque se brisant contre le rebord de la table. Des images perturbantes, d’une violence extrême.
Cette violence projetée par des images concrètes. De ce jour, elles me suivent toujours, dictent mes actions. Ce petit secret à moi, que je viens aujourd’hui révéler. Il est temps d’en parler, de narrer les conséquences.
A 17 ans, un matin, ces illustrations m’ont envahi avec une grande puissance. Elles me parlaient, me poussaient à finir ma vie. Et sans force cette fois-ci pour les repousser, je me suis abandonnée à elles. Je me suis noyée dans cette peinture dessiné par mon esprit.
Ma décision était prise. Ce matin serait la dernière fois que je regarderai le Soleil se lever, que je goûterai à l’amour, que je sentirai la chair des autres me bercer. Je voulais pénétrer le gouffre noir, sentir le couteau de la Mort me trancher la gorge et être accueillie par la douce lumière du monde inconnu aux vivants.
J’ai encerclé la corde du garage autour de mon cou. Mes pieds volaient au-dessus du sol. Puis rien.
Je me suis réveillée par terre, sentant un liquide chaud dégouliner sur ma peau. Il y avait du sang sur le sol, mon sang. J’ai regardé vers le haut, la corde ne pouvant supporter mon poids, s’était cassée.
J’ai sonné à la porte de ma maison et mon père m’a accueilli en criant. Son regard effrayé me hantera toujours.
Ayant laissé un message à tous mes proches avant l’acte, Isaac est arrivé juste après le cri de mon père. Ils me soignèrent tous les deux, pleurant. L’ambulance arriva et je suis partie sous le hurlement des sirènes.
Tellement de larmes furent coulées ce jour-là. J’étais la cause du flot de tristesse et je le méritais. Je méritai tout ce qui m’arriva par la suite. J’avais détruit quelque chose, une balance en moi, en ma famille, en mes amitiés.
Je ne vous raconte pas mon histoire pour vous encourager à répéter mes erreurs. Je narre mon passé afin que vous vous rendiez compte que chaque action a sa conséquence. En voulant me suicider, j’ai détruit quelque chose en mes proches et j’ai scarifié mon avenir.
LE VIOL
J’ai été violé maman. J’ai été violé.
Aujourd’hui je me sens seule. Entourée de personnes qui m’aiment, je me sens seule. Et j’ai peur. Peur à chaque fois que je tourne le coin de ma rue, peur en gravissant les escaliers. J’ai peur qu’il soit là, m’attendant devant ma porte pour me frapper, me tuer, me silencer. Mais j’ai parlé, oui j’ai appelé la police, oui ils vont l’arrêter. Peut-être que la torture commencera finalement au procès ? A la confrontation avec cet homme à l’air si timide, si gentil ?
Vous voyez, nous avons fait l’amour. Avec consentement. Avec protection. Mais il n’en avait pas assez, non, il voulait plus. Il voulait me sentir, vraiment me sentir. Alors il a attendu mon sommeil, il a attendu que je rêve pour me toucher, pour me pénétrer. J’ai senti son doigt caressant mon vagin, désespéré de trouver une entrée. Le carrosse a finalement atteint le bous du tunnel. Pour lui c’était la lumière, pour moi…c’était le début du néant.
Vous pouvez me voir rire, me voir sourire. Mais qu’en est-il vraiment ? qui voit ma colère ? Naïve j’étais, si naïve, devant le désir de l’homme. Je brûle, doucement, je m’enflamme. Ce que je donne n’est-il point assez ? J’ai offert ma pudeur, ma joie à un homme qui à écrasé mon avenir. Il me hante, il revient sans cesse comme une ombre pointant le bout de son nez en plein soleil. J’étais le Soleil, aujourd’hui je ne suis rien.
L'ANGOISSE
Rue dit que la joie se trouve dans le silence, quand ton cœur arrête de battre et tout devient calme… Cet instant où ta pensée ne divague plus, ne parcourt pas mille pensées par seconde. Je me reconnais dans cette jubilation. Une tranquillité dans ton âme. Un sourire béant sur la figure. Il est rare mais il est bien.
Clope en bouche, musique dans les oreilles, les doigts tapotant le clavier. Que vouloir de plus ? Il ne faut pas beaucoup pour obtenir le bonheur. Vous savez ce sentiment éphémère qui remplit votre poitrine d’un simple bien-être, d’une énergie invincible. Pourtant, ces dernières années j’ai remarqué que ma joie a un camarade, un petit démon qui me sourit toujours à pleine dents. Content de gâcher le moment, mon moment de béatitude.
L’Angoisse avance dans l’ombre de mon euphorie. Elle active la machine de la pensée rapide, ces dernières se parcourant à cent à l’heure. Encore, encore, encore. Ne se fatiguant jamais. Il arrive un point où aucune image ne se forme, tellement je manque d’air. Je dois me souvenir de respirer. Lorsque je monte haut, haut, l’angoisse ronge mon sang, injectant son poison. Cette drogue fait battre mon cœur vite, vif d’adrénaline. Je tremble, petit tic d’impatience. Je ne souhaite plus penser, seulement agir dans la précipitation. La masturbation devient ma petite pilule bleue, le moyen de ralentir le train. Puis, quand le wagon freine enfin, c’est la chute. Le sentiment de nullité, de ne pas s’aimer, vouloir jeter toute construction qui a mis du temps à se bâtir. Et ce petit démon continue à rire, je l’entends. Il a gagné encore une fois.
Je cherche l’amour, le confort dans la chair de l’autre. Mais qui m’aimera si je ne m’aime pas moi-même ? C’est ce que tout le monde me répète. Cette phrase retentissante qui devrait me pousser à agir, à me trouver. Pourtant, je souhaite seulement pleurer dans tes bras. Tes bras chauds, remplis d’amour. Mais en ce moment, ils sont introuvables.
J'aime beaucoup tu as scindé ton texte par thèmes, ça fait très dissertation.