Invités

 

  La cloche du château résonna très fort. On entendit les arbres bruire, et les oiseux de la cour se mirent à chanter en chœur. La Citadelle des Beaulieux recevait des invités. Dame Lune vint saluer ses hôtes.

- Bonjour M. Arnaldo

- Bonjour Luna Signora, fit l’homme avec un accent italien très prononcé. Je vous présente Battista, mon fils.

  Andromède descendit en sourdine pour accueillir les inconnus qui s’étaient introduit tapageusement chez elle. L’homme qu’elle découvrit était grand comme une asperge, cependant, sa taille colossale ne dépassait pas celle incommensurable de Dame Lune.

  M. Arnaldo et Dame Lune s’installèrent dans le vestibule où ils tinrent un interminable conciliabule de trois heures, le tout était accompagné d’une eau-de-vie dont l’odeur était inqualifiable.

  Pendant qu’ils parlaient, Battista et Andromède, eux, baguenaudaient dans le jardin en jouant à un baccalauréat oral. C’était le tour de Battista.

- Chapeau, cuisinière, Coraline, carotte !

- Bravo ! Bravo ! s’exclama Andromède en roulant les « r » de son mieux.

  Battista rougissait, il détestait les ovations sonores et inutiles.

  Andromède l’avait déjà rencontré lors d’une sortie au cirque Euphorica , ils avaient guigné le premier rang et ri comme des baleines quand se manifestèrent de grotesques clowns et leurs macaques. Même M. Arnaldo ricanait sous son écharpe. Tous les spectateurs en sortaient hyperthymiques, c’était la magie d’Euphorica.

  La jeune fille savait très peu de choses sur lui. Elle savait qu’il avait un spicilège débordant d’entités qu’il conservait méticuleusement dans une pièce, mais c’est tout. Battista avait un esprit transcendant et une connaissance incomparable !

  Mr. Arnaldo, quant à lui, était un homme d’affaires et directeur d’une manufacture. Il avait toujours une posture très droite et faisait des mouvements parfois saccadés. Battista et lui vivait dans un châtelet immense, l’entretien de la demeure était administré par un factotum nommé Gérard. Malgré sa grande taille, sa voix sérieuse et ses cheveux raides, Mr. Arnaldo était munificent et aimable.         

  Au diner, ils mangèrent du chevreuil que Battista refusa de manger. Cette fois-ci, la cuisine sentait la bergamote. Andromède était pressée de terminer sa poésie sur les quatre saisons que Dame Lune lui avait demandé de faire : heureusement pour elle, la famille Arnaldo était elle aussi pressée et s’en alla après le repas.

  Quand Andromède termina son douzain dont elle était très fière, elle le conta à Dame Lune.

- Votre poésie est propice à de très belles songeries, j’aime beaucoup ! Mais il y a quelques corrections à faire.

- Mais ça fait trois jours que je le corrige, pourriez-vous m’aider ? demanda Andromède lasse.

- Non, répondit Dame Lune avec fermeté. Ceci est votre poésie et en corrigeant vos fautes je rajoute ma plume à la vôtre et toutes deux sont incompatibles. Les mots que l’on choisit sont personnels et j’ai tendance à en rajouter trop. J’ai peur que les vices de mon écriture rencontrent les vôtres et créent une incohérence. Les fautes que j’ai trouvées dans votre texte sont des erreurs d’étourderie… Des fautes d’orthographe et celles-ci sont faciles à corriger mon Clypéastre, affirma Dame Lune avec une douceur formatrice.

  - Dame Lune, pourrais-je connaitre la raison de tous ces efforts dont vous faîtes preuve pour embellir mon douzain ?

  - Je souhaite que vous étudiiez dans l’Académie des arts et que vous rejoigniez les élèves des galeries de la poésie et du dessin. Cette école vous offrira ce que je suis incapable de vous apprendre, révéla-t-elle.

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