Les peuples nordiques voient le monde comme partagé entre deux éléments : le feu et la glace. C'est ainsi qu'ils en décrivent l'origine comme la fusion parfaite de ces deux composants fondamentaux. Selon leurs légendes, la vie naquît de l'amour entre deux entités suprêmes : Eyja, dieu du feu, et Io, déesse de la glace.
Au commencement, notre planète n'était que feu et glace. Çà et là s'étendaient de grands volcans flamboyant, incarnations d'Eyja, qui crachaient leurs longues coulées de lave et couvraient le ciel de leurs nuages toxiques. Plus bas dans les plaines, Io recouvrait la terre de son manteau blanc. Elle étouffait les plantes et gelait le temps dans un perpétuel hiver. Elle portait la vie en elle, mais ne la laissait point proliférer, bloquait qu'elle était par les limites de son propre corps.
Les deux divinités ne semblaient guère s'apprécier. Chacune de leur rencontre finissait par blesser l'une des deux. Quand Eyja effleurait Io, il la brulait et elle fondait sous son touché flamboyant. Quand Io rencontrait Eyja, elle le gelait et transformait son sang et sa lave en roche magmatique. Chaque jour s'engageait entre eux une lutte interminable pour le contrôle de la terre. Chaque jour l'un s'attaquait à l'autre pour s'agrandir, déployer son corps, étendre ses possessions. Et cette lutte sans merci ne faisait que les affaiblir, les poussants, l'un comme l'autre, à s'épuiser dans des assauts futiles contre un ennemie tout aussi puissant.
Le cœur de roche d'Eyja s'opposait au cœur de glace d'Io, et la lutte semblait stérile. Mais de ce conflit infini, il naquît bientôt un profond respect, suivit d'un certain intérêt. La chaleur insidieuse d'Eyja perçait le cœur de glace. La froideur d'Io intriguait l'impulsif. Chaque soir, quand la nuit amenait une paix temporaire, la reine des glaces voyait ses pensées voguer sur un océan de lave tumultueux. Le maitre du feu imaginait la douceur de la neige tempérer son être. Tous deux ne souhaitaient que reprendre au plus vite le conflit pour pouvoir retrouver son alter ego.
Un soir ou le conflit avait été particulièrement violent, l'attention d'Io fût attirée par un lointain grondement. Un râle de douleur s'élevait du cœur d'un volcan. Intriguée et curieuse, la déesse se glissa discrètement dans les terres de son ennemie. Elle gravit le volcan jusqu'à atteindre un promontoire donnant une vue plongeante sur le cratère. De là, elle aperçut l'être qui hantait ses rêves, tiraillé de douleur, se tenant le ventre tandis que la colère et le désespoir le faisait bruler de l'intérieur. Agité par ses sentiments, son feu intérieur n'avait pût être qu'attisé par ces ardeurs contraires. Il était partagé entre la volonté de vaincre, et une étrange affliction qu'il ne savait comprendre.
Alors qu'il se débattait, voyant son pouvoir devenir malédiction, il sentit soudain un léger manteau blanc le recouvrir, lui apportant douceur et tempérance. Son feu intérieur se calmait, une douce fraicheur le gagnait. Son mal s'échappait tandis qu'un bien être infini le gagnait. Jamais il ne s'était sentit aussi bien. Levant les yeux autour de lui, tentant de comprendre ce qu'il venait de se passer, il ne voyait qu'un peu de neige et de glace persistant en haut du promontoire le surplombant.
Le conflit reprit le lendemain, comme à son habitude. Néanmoins, les assauts furent bref, et les blessures bégnines. La paix les gagna plus vite que d'accoutumé, et la fin d'après-midi fut douce.
Ainsi vint une nouvelle nuit. Encore intrigué de son expérience de la veille, le dieu du feu peinait à trouver le sommeil. Au loin, il entendait le souffle grelotant de son amie. Il était saccadé, discontinu, perturbé. A son tour il se mit en marche, discrètement, en territoire gelé. Ainsi il trouva bientôt, caché dans un bois disparate, la déesse assoupie. Elle semblait aller au plus mal. Les arbres autour d'elle glaçaient, comme capturé par ses soupirs gelés.
Eyja repensa à la nuit précédente. Il savait qu'elle était venue l'aider, et elle semblait avoir besoin de son aide à son tour. Le volcan le plus proche se mis à gronder, et bientôt un lit de cendres chaudes vint recouvrir les environs. La déesse sembla bientôt s’apaiser. Soulagé, il continua son œuvre, sans prendre garde aux conséquences. Un crépitement le tira rapidement de ses douces rêveries. Il sursauta, et s'aperçut bien vite de son origine catastrophique. Etouffé sous les cendres chaudes, les conifères avaient séché, puis s'était mis à bruler. Impuissant devant son erreur, il fuit les lieux le plus vite possible, ne laissant derrière lui que cendres et flammes.
Sorti de la forêt, il entendit soudain un hurlement lointain. Partagé entre l'envie irrépressible de fuir, et un amour insurmontable, il ne savait quoi faire. Honteux de sa lâcheté, il paniquait. Avant qu'il puisse réagir, toutes les flammes s'estompèrent et un froid glacial s'installa autour de lui. Doucement, la déesse sortie du bois, saine et sauve, mais furieuse et amer.
Dès lors commença entre eu la journée la plus dévastatrice qu'ils avaient connu. Tout ne fut bientôt plus que vapeur, roche, lave et glace. Alors que se rencontrait des gerbes de lave et des vents glaciaux naissait des montagnes. Lorsque le magma furieux remonté de la terre dans les mers de glace naissait les îles. Les roches cédaient sous le poids de la glace formant des vallées. D’immenses blocs de glace projetés coupaient les montagne, formant des plateaux. Le monde se formait, mais les dieux s'épuisaient.
Lorsque le jour tomba, les deux combattants s'affrontaient encore. Recouverts de blessures, de coups, d'entailles, accablés par cette journée de combat, ils n'avaient plus aucune volonté de se battre.
Bientôt la déesse s'effondra, anéantie par le chagrin. Ses larmes gelaient et tomber au sol en doux flocons. Elle abandonnait le combat, restant à la merci de son adversaire. Son cœur se serrait, et sa tristesse proliférée.
Bientôt, elle sentit une chaleur réconfortante la gagner. Elle leva la tête pour trouver son ami l'étreindre. Elle admirait sa douceur, et sa présence rassurante. Elle sentait son cœur gelé se réchauffer, la plénitude la gagnait. A cet instant, elle ne voulait être nulle part ailleurs. Elle déposa délicatement un long baiser sur ses lèvres. Son contact, chaud et palpitant, aspirait son âme et charmait son être.
Ils restèrent ainsi, dans les bras l'un de l'autre, des jours durant. Il ne parlait pas, ne bougeait pas, ne se battait pas, ne faisait rien d'autre que se regarder longuement, s'embrasser, et s'étreindre. Autour d'eux l'environnement changeait petit à petit.
Les terres gelées, progressivement, se réchauffaient. Les conifères laissaient place à des arbres feuillus, les grandes étendues de glace devenaient des océans, les herbes, fleurs et buissons recouvraient les anciens déserts gelés. Les volcans grondèrent moins souvent, les gaz toxiques laissaient place à des cendres nourricières recouvrant les terres alentours d'une couche d'engrais salvatrice. Les coulés agrandissaient les terres au lieu de détruire les glaces. Les grandes étendues emplies d’icebergs devinrent mers et océans, çà et là renaissaient les ruisseaux. Alors que s'écoulaient les jours, semblable pour nous à des années, la Nature naissait tout autour d'eux.
Une nuit, leur étreinte devint plus torride, le feu leur gagna le bas ventre. Maintenant que leur cœur s'étaient réchauffés, ouverts à de nouveaux sentiments, de nouvelles envies les gagnaient. Les baisers étaient de plus en plus longs, les caresses de plus en plus douces et intimes. Des sensations, des frissons leur parcouraient le corps. Les volcans grondaient dans le lointain, les neiges tombaient partout. Au petit matin, tout était recouvert de neige et de cendre entremêlés.
Cette étrange association se mis à bouger, se détacher. Des formes naissaient, des corps s'agglutinaient. Bientôt, de la neige et des cendres il ne restait rien, mais sur l'herbes se tenait les hommes, les animaux, les insectes, la faune. De leur union était né la vie animale.
Mais ce ne fût pas la seule naissance ce jour-là. Se levant pour admirer ses enfants, Io remarqua son ventre arrondi, les sensations étranges parcourant son corps. Elle se sentait tout à la fois accomplie mais divisée. La plénitude la gagnait tandis qu'elle sentait son enfant vivre en elle. Eyja rejoint sa joie et bientôt naquît une nouvelle divinité, Nàa, déesse de la vie et du bonheur. Pour l'éternité elle serait l'enfant portant la joie dans les foyers des nordiques. Les enfants des dieux accueillir avec joie la naissance de leur sœur divine. Les cerfs la portaient sur leur dos lors de ses balades, les loups la protégeait lors de ses jeux, les ours la réchauffait une fois le soir venu, les hommes la nourrissaient lorsqu’ils la voyaient. Enfin, de la Terre, elle devînt rapidement la favorite de tous, à la naïveté charmeuse et au sourire réchauffant les cœurs.
Les hommes se rassemblèrent bien vite et formèrent la civilisation que nous connaissons sous la protection de leurs divinités. Ils observaient le cycle des saisons alors que les deux dieux fondateurs équilibraient la terre et renouvelaient les sols, et regardait la douce Nàa apporter la joie dans leur foyer alors que naissaient leurs enfants. Les deux anciens ennemis regardaient avec amour le résultat de leur union. Ainsi naquît le monde, ainsi naquît la vie.