Iter Disillusion

Notes de l’auteur : Voici le deuxième chapitre de mon livre (le premier étant Iter Eternity). les deux chapitres sont bien liés entre eux. Si vous tomber sur ce chapitre par hasard, n'hésiter pas à aller lire ma première histoire.
Sinon je suis toujours preneur de vos avis pour que je puisse continuer d'améliorer mon histoire.
Merci d'avance et bonne lecture !

Cela faisait maintenant quasiment deux semaines que j’avais quitté les sommets enneigés d’Aetenor pour me rapprocher du littoral paisible d’Eudemos, ma prochaine destination. Plus je me rapprochai de la mer, plus mes nuits à la belle étoile devenaient agréables. Le vent maritime venait gentiment caresser mon visage et pouvoir me reposer aux pieds d’oliviers millénaires au cours de la journée me faisait le plus grand bien. Cependant à chaque fois que je fermais les yeux je faisais le même cauchemar. La même scène se rejouait encore et encore et encore — je voyais à chaque fois le regard rempli de désespoir de ce petit garçon. Je ne savais pas quand ces visions d’horreurs allaient cesser car j’aimerais bien être en pleine forme pour mon séjour à Eudemos.

Je n’étais plus qu’à moins d’un jour de marche de ma destination, c’était donc le moment idéal pour définir le nombre de jours que je resterais là-bas. Je pris soin de choisir l’olivier le plus feuillu pour m’y adosser et prendre quelques notes dans mon carnet. Tout d’abord, le nom de l’état : Eudemos. Cela se mariait parfaitement avec un cadre proche de la mer et ensoleillé toute l’année ; ça lui donnait une atmosphère détendue que j’appréciai tout particulièrement. Ensuite, ce territoire, contrairement à Aetenor, est très accessible par voies terrestres que ce soit à pied, en charriot ou bien en locomotive. Les terres alentours possédaient très peu de relief bien que la ville en elle-même soit construite le long d’une falaise, au cœur d’une crique. Evidemment, comme il s’agit d’un pays assez connu, je n’ai rencontré aucune contradiction dans la littérature ou dans les témoignages de voyageurs sur la cité en général. Enfin, la particularité de cette nation était aussi la raison pour laquelle je devais absolument couper par Aetenor. Il s’agissait du « Symfonia », le tournoi annuel entre Eudemos et la cité rivale Pyranthos se situant sur une île à 10 kilomètres du port d’Eudemos. Je comptais participer à ce tournoi dans l’espoir d’en tirer une somme décente et d’être plus serein lorsque je me rendais dans un nouveau pays. De plus, le Symfonia n’était pas qu’une simple démonstration de force : il décidait laquelle des deux cités allait gouverner l’autre durant l’année suivante. Je ne connaissais pas les détails concernant la mise en place de cet évènement qui fêtait son centenaire cette année, cependant, je savais qu’Eudemos et Pyranthos possédaient un passé marqué par le conflit. Je n’aimais pas spécialement me battre et encore moins utiliser mon épée et mon pistolet, mais c’était l’une de mes seules compétences que je pouvais monétiser. Je décidai donc, d’après mes critères, que j’allais pouvoir rester au moins 7 jours dans la cité-État d’Eudemos. Après avoir rangé mon carnet, je repris la route en espérant arriver avant la tombée de la nuit.

J’arrivais enfin aux portes de la ville en début de soirée et bien qu’Eudemos n’était pas entouré de murs, on n’apercevait qu’un grand temple et quelques petits bâtiments derrière le poste de douane. Comme la ville était construite dans une crique, je devais encore attendre un peu avant d’admirer la vue que l’endroit avait à m’offrir. D’autant plus qu’une queue assez conséquente s’était formée à la frontière, certainement des touristes et autres participants au Symfonia qui affluaient à quelques jours de l’évènement. J’avais passé une bonne heure à rester là dans cette file d’attente qui me semblait interminable. J’avais le poids du trajet depuis Aetenor qui me pesait sur tout le corps et je ne souhaitais que me reposer tranquillement quelque part. Lorsque cela fut enfin mon tour, un douanier me demanda immédiatement si j’étais venu ici pour le tournoi en tant que participant ou simple spectateur. Je lui répondis que je comptais m’y inscrire et il me demanda alors de régler dès maintenant les frais d’inscription à la compétition qui s’élevaient à 30 standards or. C’était quasiment autant que ce que j’avais gagné pour la construction de l’estrade à Aetenor. De plus, j’avais failli les jeter dans la nature car je les considérais comme de l’argent sale obtenu pour la construction d’un échafaud. Finalement, j’avais décidé de les conserver car malheureusement je n’aurais jamais pu éviter le massacre de ces enfants quand bien même je n’avais pas aidé à bâtir la structure. Mon choix fut donc judicieux car sans eux je n’aurais même pas pu franchir la porte de la ville. Cependant, cet impôt comprenait aussi un logement dans les dortoirs de la ville et un repas par jour jusqu’au début de la compétition. Si j’arrivais à me qualifier lors de la première journée, un appartement que j’occuperai seul me serait attribué tant que je reste en lice. J’imaginais déjà le désordre d’un dortoir rempli de guerriers venus de toute le continent… mais je n’avais pas le choix. Je m’inscrivis sous le nom d’Iter Solanus et on m’attribua la chambre 61.

Une fois sorti du bâtiment douanier je m’empressai de me rendre au bord de la falaise pour contempler Eudemos. Je ne fus pas déçu. On pouvait voir la lune se refléter sur la mer ce qui dirigea mon regard sur le port plein à craquer de navires en tout genre pour faire face au grand nombre de personnes voulant se rendre sur l’île de Pyranthos. Toutefois, le plus beau spectacle se trouvait sur la falaise sur laquelle se trouvait un nombre incalculable de bâtisses blanches illuminées par des lampadaires en marbre disposés à intervalle régulier le long de rues étroites. J’avais des étoiles plein les yeux devant la beauté de la cité qu’elle savait garder pour elle dans le creux de cette falaise. En supplément, on pouvait aussi voir Pyranthos avec une statue géante d’un guerrier reposant sur la pointe de l’île, baignée par les rayons de la lune. C’était avec ces belles images en tête que je me mis en direction des dortoirs en espérant pouvoir m’y reposer un peu.

Afin d’atteindre les dortoirs, je dus descendre quasiment toute la falaise pour me retrouver au niveau du port. Tout à fait à droite de celui-ci se trouvait une porte placée dans la roche avec aucune fenêtre autour, juste une pancarte portant l’inscription: « réservé aux combattants ». Je ne m’attendais clairement pas à du grand luxe mais rien qu’avec la devanture du bâtiment je sentais que je n’allais pas être déçu. En ouvrant la porte une forte odeur qui pouvait s’apparenter à celle d’un animal sauvage m’envahit les narines. A l’intérieur, le plafond était plutôt bas et devant moi se tenaient deux allées perpendiculaires avec des chambres de part et d’autre. Le couloir à ma droite était celui réservé aux nombres impairs donc je m’y rendis pour trouver ma chambre et enfin me reposer un peu. Malheureusement, en entrant dans la pièce 61, j’eus vite compris que mes nuits seraient assez courtes.  La salle ne devait même pas mesurer 5 mètres carrés, deux lits superposés étaient répartis à droite et à gauche de la porte, laissant qu’un petit espace pour circuler. Trois des quatre matelas étaient déjà occupés par des participants dont un qui ronflait extrêmement bruyamment. Evidemment, il ne restait plus qu’un lit au-dessus de lui. Je n’eus d’autre choix que de m’installer avec mon sac ainsi que mes armes à côté de moi et deux bouts de tissus dans les oreilles en espérant étouffer les rugissements de mon colocataire.

Le lendemain matin, je m’étais empressé de quitter ma chambre avec toutes mes affaires à la première heure malgré la fatigue encore bien présente. Je ne pouvais clairement pas bien me reposer dans ces conditions, je trouverai un endroit tranquille dans l’après-midi pour tenter de récupérer un peu. Cependant, il ne restait plus que deux jours avant le début du Symfonia, je passai alors mes journées à revoir mes postures à l’épée tout en m’entraînant à sortir mon pistolet le plus rapidement possible. Je m’étais aussi fixé quelques règles. Tout d’abord, je combattrai uniquement avec ma lame dans son fourreau et je ne la sortirai que si je me sentais en danger de mort, je ne souhaitais en aucun cas tuer mes adversaires ni leur infliger de blessure trop grave. Dans le meilleurs des cas j’aimerais terminer mes combats en les désarmant même si je sais que cela risque d’être bien compliqué quand le choix le plus simple consiste à tuer ou assommer. Cela valait aussi pour mon pistolet. J’avais eu une idée : remplacer les billes de plomb par des poches remplies de sable que j’avais ramassé en me baladant près de la mer. Ça évitera de mortellement blesser mon adversaire tout en l’aveuglant. Cependant, je me permettais tout de même de charger une vraie balle si je voyais que les combats représentaient un trop grand risque dans le but d’avoir une porte de sortie. Enfin, comme je pus quand même trouver un endroit où manger et dormir plutôt facilement, que le cadre de vie de la cité était vraiment magnifique avec le bruit des vagues qui venaient frapper les rochers ainsi que l’air marin qui me faisait le plus grand bien, je pouvais bien rester encore une semaine de plus ici. C’était sur cette décision que me rendis une dernière fois vers les dortoirs pour y prendre mon seul véritable repas de la journée puis me reposer avant le grand jour.

Je me réveillai le jour J aux premières lueurs du soleil même si je ne pouvais pas les voir depuis ma chambre sans fenêtres. Je commençai ma journée en faisant plusieurs étirements et exercices afin de bien réveiller mon corps pour le préparer à la rude journée qui l’attendait. En fin de matinée, je me rendis sur une petite place à quelques mètres en amont du port où se trouvait une petite fontaine d’eau douce. Je pris le temps de me désaltérer tout en me rafraichissant le visage avec une eau si pure que je me sentais revivre à chaque gorgée. Enfin, je me mis en route pour l’arène du Symfonia qui se trouvait à une bonne heure de marche d’ici. Il fallait que j’arrive vers midi afin de procéder à l’enregistrement et à la vérification des armes de la part des organisateurs.

Une fois sur place, on ne pouvait qu’être surpris par la taille de l’édifice. Car, en réalité, je ne le trouvais pas si impressionnant. Il mesurait bien trente mètres de haut pour cent trente de diamètre, mais je trouvais que ses représentations dans les écrits étaient exagérées. Cela restait tout de même impressionnant avec ses trois étages d’arches servant d’entrée pour les dizaines de milliers de spectateur ainsi que ses deux grandes portes aux extrémités pour faire rentrer les combattants des deux cités. Sachant que tout cela avait été construit en seulement un an, il fallait tout de même saluer la prouesse architecturale réalisée par les deux factions rivales. Dans tous les cas je devais d’abord me rendre à l’arrière de l’arène où se trouvait de grandes tentes aux couleurs d’Eudemos et Pyranthos — à savoir respectivement le bleu et le rouge — pour passer les diverses vérifications. Comme j’étais arrivé assez tôt, les contrôles furent assez rapides et je pus aller me préparer dans une sorte de vestiaire dans lequel je laissai mes affaires dans un casier fermable à clé. Je m’équipai donc de ma ceinture de duelliste avec à gauche ma rapière dans son fourreau, à droite mon pistolet dans son étui chargé et prêt à tirer, enfin, à l’arrière se trouvait une petite pochette avec de la poudre noire ainsi que des munitions de rechange. J’étais fin prêt à en découdre mais malheureusement le stress commençait à m’envahir de plus en plus. Je n’avais jamais combattu devant autant de personnes, avec autant d’enjeux et sans savoir à qui j’allais avoir à faire. C’était sûrement ce qui me faisait le plus peur, d’être surpris par un adversaire au style de combat exotique sans savoir comment le contrer. Enfin, peu avant l’épreuve, on m’apporta de quoi manger. Il s’agissait d’une salade de divers légumes surmontée d’un bout de fromage de brebis, le tout arrosé d’huile d’olive. Le repas était assez consistant et me donna l’énergie nécessaire pour entrer dans l’arène, les qualifications allaient commencer d’une minute à l’autre.

C’est alors que j’entendis des trompettes sonner, ce qui marqua l’ouverture du Symfonia. Tous les participants d’Eudemos furent invités à quitter les tentes afin de pénétrer dans l’arène. Nous devions être plus d’une centaine à vouloir tenter notre chance, malheureusement, seuls 16 d’entre nous reviendraient ici demain. Je suivis la foule vers l’épreuve. Dès que je passai la porte, je vis les gradins pleins à craquer de personnes jetant des pétales de fleurs dans les airs. Le tout était accompagné d’un orchestre somptueux qui jouait une musique digne d’un combat entre des dieux. De plus, on pouvait voir à l’autre bout du terrain les guerriers de Pyranthos. Ils sont connus pour ne jamais accepter de combattants étranger, je savais que j’allais faire face à des personnes fières de leur pays, sans doute prêtes à tout eux aussi pour remporter la finale du centenaire de l’évènement. Une fois tous les participants rentrés, la foule se tut et un présentateur prit la parole afin d’ouvrir la cérémonie. C’était au bout d’un long discours que j’avais dû écouter en plein soleil qu’il lança : « Et que le Symfonia commence ! ». Les guerriers des deux nations commencèrent alors à se rencontrer ce qui mena rapidement aux premiers duels. Pour le moment, j’avais choisi de rester un peu en retrait afin de choisir un adversaire approprié, je ne voulais pas vraiment essayer de me frotter à plus fort que moi. Tout à coup, je sentis une main posée sur mon épaule. En me retournant je vis un homme un peu plus grand que moi vêtu d’un léger plastron en cuir rouge, de jambières et d’un casque en bronze. Il portait aussi à sa ceinture une épée légèrement courbée vers l’avant mais bien plus épaisse que ma rapière.

— Toi l’étranger, je vais te faire regretter de t’être inscrit au Symfonia. m’avait-il dit d’un air extrêmement sûr de lui.

Il était clair qu’il essayait de me provoquer afin que je commette des erreurs lors de notre combat, c’était clairement un adversaire à éviter.

— Désolé mais je ne suis pas intéressé. Lui répondis-je poliment.

— Non mais je crois que t’as pas compris. Moi je suis là pour éliminer les étrangers qui viennent salir nos traditions, donc on va se battre. Répliqua-t-il en serrant un peu plus sa main sur mon épaule.

Voyant très bien que je ne pourrais pas me débarrasser de lui si facilement, je n’eus d’autre choix que d’accepter malgré ma réticence. Je le suivis donc jusqu’à un arbitre disponible afin de débuter le combat. Cette année, c’était Ephémiros qui avait été choisi pour arbitrer les jeux. Rien de mieux qu’un pays parfaitement neutre pour représenter l’impartialité lors des combats. Après avoir trouvé notre arbitre, nous nous dirigeâmes vers une des nombreuses délimitations tracées à même le sol et mesurant une cinquantaine de mètres carrés. Je me mis en position à environ 5 mètres de mon adversaire comme le demandait la règle. A présent, je sentais mon cœur battre de plus en plus vite dans ma cage thoracique. Je pensais aussi à quelles stratégies je devrais mettre en place afin de battre ce citoyen de Pyranthos trop sûr de lui. Fallait-il que je sorte directement ma lame ? Que je dégaine mon pistolet pour le surprendre ? Je ne savais pas. Si je dévoilai dès le premier combat toutes mes bottes secrètes, je risquais de ne pas faire long feu le reste de la compétition. C’était un peu perdu dans mes pensées que l’arbitre débuta le combat.

Je pris alors la décision de prendre mon épée pour me mettre en garde. Cependant j’avais bien sous-estimé mon adversaire. Dès que le duel commença, il ne sortit pas son sabre mais il se jeta sur moi en me saisissant au niveau de la cage thoracique. Je me retrouvai dans une position extrêmement désavantageuse : sur le dos avec le bras droit contre mon ventre. J’étais complètement bloqué, j’essayais de me débattre en tapant de mon poing gauche sur son dos ou sa tête mais mon adversaire ne bougeait pas d’un cil. En même temps taper à mains nues sur un casque ou un plastron en cuir n’avait jamais été d’une grande efficacité. Il fallait que je me sorte de cette situation le plus rapidement possible car il pressait si fort mon corps que je commençais à avoir du mal à respirer. Je devais donc me munir de la seule arme que je pouvais encore atteindre : mon pistolet. Ça m’embêtait vraiment de l’utiliser dès le premier combat mais je n’avais plus le choix. Je passai mon bras gauche tant bien que mal au-dessus de son dos pour tenter de récupérer mon arme. Après quelques essais je réussis enfin à le prendre dans ma main et je fis feu aussitôt. Cependant je n’ai pas directement tiré sur le combattant, je ne voulais pas qu’on découvre tout de suite que je mettais des sachets de sable à la place des billes. J’ai seulement placé mon arme contre son oreille pour le désorienter et cela n’avait pas manqué. Il me lâcha en criant de douleur tout en se roulant par terre, quant à moi je pus enfin reprendre mon souffle et me lever du sol. Cependant, quand je vis du sang couler de l’oreille du guerrier, je ne pouvais que me sentir mal. Je m’étais promis d’essayer de blesser un minimum mes adversaires et voilà que dès le premier duel je fis perdre l’audition à quelqu’un. Enfin de toute façon c’était lui ou moi, je n’avais pas vraiment le temps de réfléchir à une autre solution. Voyant qu’il était encore complètement sonné, j’avançai vers lui pour le désarmer et enfin terminer ce combat. Une fois son épée jetée au sol, l’arbitre me désigna vainqueur tandis qu’une équipe médicale était venue s’occuper du blessé.

J’avais vraiment eu chaud lors de ce combat, je ne m’attendais pas à ce que mon adversaire avait un style de combat aussi bestial. J’espérais que tous les autres combattants de Pyranthos n’allaient pas autant me surprendre comme celui-ci. Pendant que je rechargeais mon pistolet, je faisais le tour de l’arène afin de trouver un perdant déjà blessé. C’était une stratégie plutôt fourbe de ma part mais il fallait vraiment que je passe les phases de qualification. D’autant plus que je n’étais pas super en forme, j’avais mal aux côtes et chaque respiration venait amplifier cette douleur. Je devais obligatoirement trouver un adversaire qui ne me donnerait pas trop de fil à retordre. En continuant à marcher, j’étais tombé sur un combat que le combattant d’Eudemos était sur le point de remporter, le représentant de Pyranthos était vraiment bien amoché avec des égratignures sur tout le corps. Il portait le même type d’épée que mon précédent adversaire mais il n’était vêtu d’aucune armure, ce qui explique ses multiples blessures. Il n’avait pas l’air de très bien manier l’épée au vu de l’état désastreux de sa lame et le combat se termina par le désarmement du guerrier de Pyranthos. Je m’empressai alors d’aller le voir pour ne pas qui m’échappe.

— Bonjour, je vois que toi aussi tu as perdu ton premier combat. Lui disais-je d’une voix amicale. Ça te dit qu’on fasse un duel tous les deux ?

— Ceci n’était pas mon premier duel. Me répondit-il plein de rage.

— D’accord alors c’est non pour un autre combat ?

— Je ne sais pas je crois que je vais sûrement m’arrêter là, je n’ai pas ma place ici.

Voyant qu’il avait perdu toute motivation et qu’il allait me filer entre les doigts, je décidai de lui sortir un petit mensonge.

— Ne t’inquiète pas moi non plus je n’ai rien à faire là. Je ne suis qu’un simple voyageur de passage et je voulais un peu jauger ma force en combat réel. Mais on dirait qu’il y a énormément de personnes fortes ici.

— Désolé mais je crois que tu vas devoir te trouver un autre adversaire. Je jette l’éponge pour cette année.

Sur ces mots, il commença à partir. Je ne pouvais pas le laisser s’échapper comme ça, une victoire quasiment gratuite n’allait pas se représenter de la journée. J’eus alors l’idée de jouer avec ses nerfs, bien que je trouvai ce type de comportement exécrable, je n’avais pas le choix. Je déclarai alors d’un air hautain :

— Je vois que ce qu’on dit des gens comme toi dans mon pays est vrai. Les habitants de Pyranthos ne sont que des froussards bons à fuir et à rester caché sur leur île.

Je me détestais d’avoir prononcé ces mots mais en voyant qu’il venait de s’arrêter, je pensais avoir fait mouche.

— Je vais te faire fermer ta sale bouche étranger ! me cria-t-il.

— Très bien, réglons cela par un duel !

Je n’étais vraiment pas fier de moi au vu de comment j’avais obtenu ce combat mais je serais certainement encore moins fier à l’issue de celui-ci. Nous avions donc récupéré un arbitre qui nous accompagna vers une délimitation et nous nous mîmes en position. Je voyais seulement de la rage émaner des yeux de mon adversaire, il semblerait que je l’avais vraiment fâché. Remarquant que nous étions tous deux prêts, l’arbitre lança le duel.

Je reculai instantanément de quelques pas pour me mettre en sécurité et dégainer mon épée dans son fourreau. Mon adversaire se mit aussi en garde tenant son épée d’une main tremblante. Il n’était clairement plus en état de se battre, sa posture était faible avec de nombreuses ouvertures. Il semblait ne pas vouloir attaquer le premier, il restait sur la défensive. J’avançai alors prudemment vers lui, l’épée en avant, prêt à lui asséner un coup à la main pour le désarmer. Une fois quasiment à portée il lança une taillade horizontale que j’esquivai d’un pas en arrière. Ensuite je fis un autre pas rapide en avant tout en pliant le coude pour frapper son avant-bras d’un coup sec vertical. Ça n’avait pas manqué. J’avais frappé en plein dans son radius avec mon fourreau en métal ce qui lui fit lâcher son arme de douleur. L’arbitre me déclara alors vainqueur. Mon adversaire enrageait, je sentais toute sa frustration et je la comprenais mais j’avais absolument besoin de continuer le tournoi. Ce n’était clairement pas une victoire dont je pouvais me venter, elle me donnait la nausée. C’était un combat déloyal, joué d’avance et sans intérêt. Cependant elle me rapprochait un peu plus de mon but, alors je partis rapidement du terrain sans me retourner laissant à terre mon opposant.

J’étais parti pour réitérer un troisième combat « facile » et m’assurer une place pour demain quand on attrapa encore une fois mon épaule par derrière. En me retournant je vis un grand gaillard vêtu d’une tunique rouge à moitié torse nu avec une espèce d’épée courte ressemblant à un glaive à la ceinture. Il portait aussi un casque conique sur une tête remplie de balafres. Ça sentait clairement les ennuis à plein nez et j’étais sûr que j’allais devoir me battre contre lui. Néanmoins, au vu de sa carrure, mes chances de gagner étaient tout de même plus faibles, j’allais tout de même essayer de m’extirper de cette situation.

— Toi et moi on va se battre l’étranger. Me disait-il d’une voix extrêmement grave.

— Désolé mais je cherche plutôt des adversaires de ma carrure afin d’avoir un combat équitable. Lui répondis-je tout en ôtant sa main de mon épaule pour essayer de filer.

Il me rattrapa instantanément et ajouta :

— J’ai vu ton précédent combat. Tu appelles ça un combat équitable toi ? je vais te régler ton compte, étranger.

Il avait l’air vraiment en colère du fait que j’avais profité de la faiblesse d’un de ses compatriotes pour gagner un combat. Malheureusement, je ne pensais pas pouvoir lui mentir encore longtemps mais me battre contre lui serait trop risqué en phase de qualification.

—  Excuse-moi d’insister mais je ne souhaite pas me battre contre toi, peu importe ce que je considère comme équitable ou pas.

— Non, je ne peux pas laisser passer ce genre de comportement au Symfonia. En tant que citoyen de Pyranthos je me dois de t’éliminer de la compétition.

— M’éliminer…

On dirait que cette fois encore, je n’avais pas le choix d’affronter ce type. Sachant qu’il souhaitait, selon ses dires, « m’éliminer », il fallait que je prenne le maximum de précaution durant le combat. J’avais décidé de sortir directement ma lame bien que cela me fasse énormément de peine. J’aurais aimé charger une vraie balle dans mon pistolet mais je n’avais plus le temps. Nous étions déjà en position sur un terrain et mon adversaire voulait clairement me tuer ou, au minimum, me blesser grièvement. Il serait donc préférable que j’utilise tout de suite ma munition au sable pour l’aveugler dès le début du combat pour en finir rapidement. Une fois ma décision prise, l’arbitre démarra le combat.

La première chose que je fis fut de reculer de quelques pas en arrière pour dégainer ma lame sans craindre de subir un assaut immédiat. J’eus bien raison de faire ce choix car mon adversaire saisit son glaive comme un poignard au-dessus de sa tête et me fonça dessus en hurlant. Je pus esquiver son attaque assez facilement tellement elle était prévisible pour enchainer sur un coup d’estoc dans son épaule droite. Malheureusement je m’étais un peu trop précipité. Juste avant que la pointe de mon épée eût touché sa peau, il me donna un puissant coup dans le ventre avec le pommeau de son glaive. Le choc était si brutal qu’il me fit reculer de quelques centimètres, je crus vomir mes tripes. J’étais tombé en plein dans son piège, il ne voulait clairement pas me tuer tout de suite mais plutôt me faire souffrir le plus longtemps possible. Il fallait que je reste prudent maintenant que j’avais vu clair dans son jeu, je devais prendre les devants pour éviter une autre contre-attaque brutale. Je pris le temps de respirer profondément pour me calmer et je me remis en position de nouveau prêt à combattre. Mon adversaire se préparait à recevoir mon assaut, le bras gauche devant lui à l’horizontal et son épée au-dessus de sa tête. Je me mis alors à courir vers lui en changeant la position de ma rapière pour la placer sur mon côté gauche, la lame vers le bas et pointant vers le bas pour effectuer une taillade rapide au moment où il fera le moindre le mouvement. Néanmoins, j’arrivais déjà à portée de sa lame mais il ne bougeait pas, Je n’avais plus le choix : j’allais devoir frapper le premier. Même si je devais le blesser, il fallait que je fasse quelque chose. Je fis un grand mouvement vers le haut afin de trancher son torse mais je n’avais fait que l’égratigner bien que je vis un peu de sang sur son torse. En effet, il avait reculé d’un pas pour esquiver mon coup sans pour autant trop bouger. Il enchaîna juste après en pointant son épée très rapidement en direction de ma gorge. J’avais à ce moment-là ma lame en hauteur. J’effectuai un rapide mouvement vers le bas pour dévier son attaque pour continuer sur un coup d’estoc qu’il dévia à son tour. Nos lames ne faisaient que se croiser, dans une danse que je ne menais pas. Impossible de briser sa garde ou de trouver une ouverture. Malgré sa carrure, il était très rapide et il savait manier son arme à la perfection. Plus le combat durait, plus je sentais que je perdais l’avantage, il fallait que je conclue le combat pour ne pas me retrouver dépassé par ses assauts continus. Je pris alors la peine de reculer rapidement jusqu’à la limite du terrain pour prendre de l’élan. Je tenais fermement ma rapière vers mon adversaire pour feinter une dernière attaque désespérée et je me mis une nouvelle fois à courir vers lui. Mais cette fois-ci, je mis ma main gauche sur la poignée de mon pistolet, prêt à le dégainer. Je savais qu’il allait encore attendre le dernier moment pour me contrer, je sortis alors ma deuxième arme à environ un mètre de lui et je fis feu. Des milliers de grains de sable furent projetés à grande vitesse sur son visage, il était complètement aveuglé mais aussi certainement pris d’une forte douleur sur chaque centimètre de sa peau. Il se mit à bouger dans tous les sens, faisant de grands gestes avec son épée. Pour éviter de me prendre un coup mal placé, je m’étais déplacé sur le côté et j’assénai un coup rapide et précis sur le dos de sa main avec la pointe de mon épée pour lui faire lâcher son arme. Il poussa un cri de douleur en laissant tomber son arme et je fus déclaré vainqueur pour la troisième fois de la journée.

Je rangeai rapidement ma rapière dans son fourreau, je ne voulais plus voir sa lame avec laquelle j’avais blessé ce combattant. J’avais condamné sa chance de se qualifier cette année car il ne pouvait plus rien tenir dans sa main avec une telle blessure. J’aurais aimé ne pas avoir à en arriver là mais je n’avais pas le choix, c’était lui ou moi. j’espérais juste ne pas l’avoir aveuglé de manière définitive car les médecins n’arrêtaient pas de lui verser de l’eau dans les yeux sans qu’il parvienne à les ouvrir. L’arbitre me demanda ensuite de le suivre pour certifier ma qualification pour la suite du tournoi auprès de l’organisation. On me reversa directement 500 standards pour m’être qualifié dans les 10 premiers puis quelqu’un me demanda de le suivre pour me montrer là où je pourrais loger durant le reste du Symfonia. Je partis chercher mes affaires et je le rejoignis à l’extérieur de l’arène. J’avais tellement hâte de découvrir le logement, peut-être que je pourrais enfin dormir normalement cette nuit.

Je suivais alors cette personne vers une calèche joliment décorée qui me mena jusqu’aux hauteurs d’Eudemos, là où il y avait le grand temple. J’avais appris que ce bâtiment était une sorte de parlement où se regroupait les décideurs de la cité et que toutes les maisons alentour leur appartenaient. Une fois descendu de la calèche, la personne m’indiqua la maison dans laquelle j’allais pouvoir loger le temps du tournoi. C’était un assez grand bâtiment pour une seule personne, entouré d’un jardin à la composition de plantes harmonieuses. Il n’y avait qu’un seul étage mais très vaste, avec un grand salon décoré de peintures murales et de meubles assortis aux couleurs de la ville. On retrouvait aussi dans une autre pièce la chambre avec un grand bureau, un grand lit ainsi qu’un fauteuil des plus confortables. La salle de bain quant à elle, n’était pas dotée de baignoire, juste une douche avec des toilettes et un lavabo en face d’un miroir. Enfin, au bout du salon, il y avait un espace salle à manger avec une longue table en bois sur laquelle était posée une corbeille à fruits bien garnie et qui donnait sur une baie vitrée. En l’ouvrant, j’étais resté bouche bée devant la vue imprenable que j’avais sur Eudemos. On voyait toute la ville que je pouvais contempler à l’ombre d’un parasol assis sur un transat. Le lieu était magnifique, je croyais être un véritable invité de marque, je ne voulais absolument pas quitter cette splendide demeure à la fin du Symfonia. Cependant, il y avait quelques règles à respecter. Je n’avais pas le droit de sortir de la maison et mes déplacements vers l’arène seraient assurés par la calèche de tout à l’heure. J’avais tout de même un majordome à ma disposition que je pouvais appeler si j’avais faim par exemple. Un peu curieux, je lui demandai pourquoi je n’avais pas le droit de visiter la ville durant mon temps libre. Il me répondit que c’était pour éviter de croiser d’autres combattants ou que sois blessé par des habitants de Pyranthos qui voudraient avantager leurs participants. Bien que ces règles semblèrent un peu bizarres, elles étaient logiques sachant qu’on ne pourrait pas assister aux autres combats pour qu’on ne puisse pas se préparer à l’avance. Enfin, un médecin était venu m’ausculter pour voir un peu mes blessures et me donna de la pommade à appliquer sur mes côtes et là où ça faisait mal. Une fois les deux hommes partis, je pouvais enfin profiter de l’endroit que j’avais pour moi tout seul.

Je me servis un grand verre d’eau bien fraîche pour ensuite me diriger sur la terrasse. Je posai mon verre sur la table près du transat tout en regardant le soleil se coucher dans la mer. Je ne pouvais pas détourner le regard de cette scène, le paysage ressemblait à un tableau que l’on retrouvait dans les plus belles galeries d’art. Lorsque le soleil avait presque disparu, on sonna à ma porte. C’était le majordome qui souhaitait savoir si je désirais prendre le dîner. Ne sachant pas vraiment quoi choisir, je lui fis savoir que je mourais de faim, j’aimerais donc un plat qui me rassasie. Une trentaine de minutes plus tard, le majordome arriva avec un chariot dégageant une odeur agréable. Je me mis à table alors qu’il était en train de disposer divers plats devant moi. Le plat principal était une sorte de lasagne à la viande de mouton et aux aubergines recouverte d’une sauce blanche puis gratinée au four. Ceci était accompagné d’un peu de salade légèrement recouverte d’huile d’olive et pour finir il y avait de la tapenade d’olives noires à déguster sur des tranches de pains grillées. Pour sublimer les aliments, on me servit du vin blanc qui se mariait parfaitement avec l’assortiment qui se trouvait devant moi. Tout était délicieux, un véritable régal pour les papilles, je n’en perdis pas une miette malgré les portions conséquentes. Une fois le repas terminé, je pris une bonne douche avant d’aller me coucher. Le lit semblait encore plus grand une fois à l’intérieur, il était terriblement confortable. La douceur des draps me faisait me sentir extrêmement bien, je sentais que j’allais enfin pouvoir bien dormir. Malheureusement ce ne fut pas le cas. Je m’étais réveillé bien avant l’aube à cause des cauchemars d’Aetenor qui refaisaient surface. Quoique je fasse, je n’arrivais plus à me rendormir, je fixai tantôt les murs, tantôt le plafond tout en réfléchissant à la suite de la compétition. Je savais que je devrais encore blesser des gens pour continuer à avancer, même si je ne le voulais pas, j’y étais contraint. Il fallait absolument que je puisse poursuivre mon voyage en dépit des autres. Je me levai enfin quand j’entendis le majordome frapper à la porte pour m’apporter mon petit déjeuner. Après cela, je m’entraînai pour être en forme pour mon seul combat de la journée. Je l’appréhendais énormément, car maintenant, les enjeux étaient encore plus grands et seuls les meilleurs combattants avaient réussi la sélection. Je ne pouvais plus autant ruser qu’hier, j’allais devoir vraiment me battre.

Les jours passèrent et les duels aussi. Je remportai tous mes combats ce qui m’amena à l’avant dernier jour du Symfonia. J’avais réussi à ne tuer personne malgré le fait que je chargeai mon pistolet avec de vrais billes en plomb. Je prenais soin d’éviter les zones vitales si je venais à être forcé de sortir ma lame. Je me contentais seulement de désarmer, blesser ou bien assommer mes adversaires. Cela m’avait valu un surnom : « le bon Iter ».Cependant, malgré mes victoires et l’argent que j’engrangeais, je n’arrivais toujours pas à dormir la nuit. Cette semaine me semblais interminable, j’étais épuisé, je ne savais même pas comment je pouvais continuer à me battre. Lorsque je ne cauchemardai pas du massacre d’Aetenor, je revoyais le visage de mes adversaires rempli de frustration, de larmes et d’un peu de sang. Je voyais bien que les combattants de Pyranthos ne se battaient pas spécialement pour la récompense, mais plutôt pour leur pays. C’était une cause bien plus noble que la mienne, je ne faisais que profiter de l’évènement pour servir mes intérêts personnels.

Sur la route en direction de la demi-finale, j’avais décidé que je m’arrêterai là. J’avais gagné bien assez d’argent pour tenir un bon moment et je ne souhaitais absolument pas arriver en finale pour avoir le sort d’Eudemos sur les épaules. J’essaierais de discuter avec mon adversaires au début du combat pour lui expliquer ma situation. Je ne voulais pas simplement déclarer forfait aussitôt que l’arbitre aurait débuté le combat. J’avais bien compris que le Symfonia était aussi une sorte de spectacle que les habitants adoraient, d’autant plus que normalement, les combats devraient être de plus en plus impressionnants vers la fin de la compétition. Je lui proposerai alors qu’on fasse semblant de se battre dans le but de divertir le public avant de le laisser me désarmer. Mon plan me paraissait parfait à condition que mon adversaire accepte. Bien qu’il ne possédât que des avantages pour les deux parties, je craignais tout de même qu’il refuse au vu du caractère des combattants de Pyranthos. Je me tenais à présent derrière la porte menant à mon dernier combat en attendant que le présentateur crie mon nom. Lorsque que j’entendis « le bon Iter » résonner dans l’arène, la porte s’ouvrit et je pouvais m’avancer en direction de mon adversaire. Il était grand, portait un casque avec une grande plume rouge en guise d’ornement, un bouclier rond, une longue lance ainsi qu’une épée à la ceinture. Son corps était recouvert d’une armure légère en plaques qui réfléchissait les rayons du soleil. J’étais bien content de ne pas avoir à l’affronter pour de vrai. Comme les lances, boucliers et armures en plaques n’étaient plus utilisés depuis bien longtemps dans les guerres, je ne saurais même pas comment m’y prendre pour ne pas me faire empaler. Il se tenais devant moi, la pointe de sa lance vers le ciel. Il ne semblait pas être en position d’attaque, je pourrais plus facilement engager la discussion. Malheureusement, dès que l’arbitre commença le combat, il déposa toutes ses armes au sol pour abandonner le combat. Je n’avais même pas eu le temps de dire un mot que l’arbitre m’avais déjà déclaré vainqueur. j’entendais les spectateurs de Pyranthos le huer, l’insulter alors qu’il partait d’un pas lourd la tête basse sans même reprendre ses armes.

Je me retrouvai à présent pris au piège. Je n’avais plus le choix que de participer à la grande finale qui décidera du sort d’Eudemos pour l’année à suivre. D’autant plus que les organisateurs m’avaient bien confirmé que je me battrai contre un combattant de Pyranthos et qu’ils comptaient sur moi. Je ne savais plus quoi faire, à peine rentré dans mon logement, je fis les cent pas autour de la table. Je ne souhaitai pas interférer dans la politique des pays étrangers que ce soit en bien ou en mal. Je ne voulais pas avoir ce poids en plus sur mes épaules. Je ne pouvais pas immédiatement déclarer forfait car ça serait vu comme une trahison envers Eudemos, une nation où je me sentais bien. Je pourrai aussi faire semblant de perdre mais cela reviendrait au même. Si je gagnais, je ne saurais faire face à la déception des spectateurs de Pyranthos qui venait d’assister à l’abandon d’un de leur combattant la veille. Je continuai d’y penser toute la nuit, si bien que je n’avais pas fermé l’œil et que je voyais le soleil se lever. J’étais pris d’un stress intense sur lequel venait s’ajouter de la fatigue. Il était à présent temps de partir pour la finale. Je dormis durant le trajet et un peu sur un banc une fois sur place. Il ne fallait tout de même pas que je me fasse tuer lors de la dernière journée. Bien que je n’étais absolument pas prêt à combattre, je me dirigeai vers la porte, toujours en me demandant ce que je pourrai bien faire.

Je m’avançais une dernière fois vers mon adversaire mais il y avait quelque chose que je trouvais étrange. Il portait une tenue un peu semblable à la mienne avec une rapière à la taille. Il était complètement chauve et il avait une marque sur le côté de son crâne. J’avais la désagréable impression de le connaître d’autant plus qu’il me regardait d’un air suffisant, le sourire aux lèvres. Comment un étranger avait-il pu combattre sous les couleurs de Pyranthos ? De toute façon il fallait que je reste concentré pour le duel à venir, je n’avais pas le luxe de me perdre dans des questions futiles. Cette fois-ci, c’était non pas un arbitre, mais bien le présentateur qui allait lancer le combat. Il cria alors pour la dernière fois de la semaine : « que le combat entre le bon et le mauvais Iter commence ! ». J’étais encore plus confus que tout à l’heure, c’était aussi un Iter Solanus ?

— Je suis venu en finir avec toi Clément ! me lança-t-il plein de rage. Par ta faute j’ai été banni comme toi et je me retrouve avec cette affreuse marque sur le crâne !

A présent je me souvenais, je savais qui c’était. Moi qui avais pourtant essayé d’oublier là d’où je venais. Il se tenait devant moi, la raison de mon exil et de mes souffrances. La marque qu’il portait était aussi présente sur mon épée et mon pistolet :  « memento iustitia ». Il m’avait fait condamner pour un crime que je n’avais pas commis. S’il se trouvait aujourd’hui devant moi c’était que sa manigance avait éclaté au grand jour. Mais selon moi, ça ne suffisait pas. Il était la cause de toutes mes peines, j’avais subi un véritable enfer à cause de lui. Je ne pouvais le laisser s’en sortir comme. Remplis de rage, je dégainai immédiatement ma rapière et je me jetai sur lui comme un fauve. Je donnai de grands coups diagonaux qu’il pouvait bloquer sans mal. On entendait clairement nos deux lames s’entrechoquer. Mes attaques prirent fin lorsqu’il me mit un coup de pied en plein dans le ventre qui me fit reculer de plusieurs pas. encore une fois, je ne m’y attendais pas, j’était une nouvelle fois à deux doigts de vomir mes tripes mais peut importait. Je n’étais qu’animé par la colère, je ne souhaitais que sa mort. Je repris les assauts avec des coups d’estoque au niveau du haut de son corps pour avoir le plus de chance de toucher une parties vital, en vain. Il déviait facilement toutes mes attaques et me mit un coup de poing dans la figure qui me fit tomber au sol. J’avais la tête qui tournait et je n’arrivais pas à me remettre sur pied.

— Tu es pathétique Clément, comment crois-tu que de si grossières attaques peuvent faire mouche sur moi ? me disait-il en me regardant de manière hautaine. Toi qui étais pourtant bien meilleur que moi, on dirait bien que tu as tout perdu.

Je ne voulais même pas prendre la peine de répondre à ce misérable. Alors qu’il pensait que j’étais hors-jeu, il s’approcha un peu trop sereinement de moi sans vraiment prêter attention à mon épée. Je fis alors une taillade horizontale qui toucha en plein dans son tibia. Bien évidemment, la course de ma lame s’arrêta lorsqu’elle toucha son os mais j’avais tout de même pu le blesser. Il se retenait de crier mais je voyais dans son visage qu’il souffrait. Il ne pouvait plus esquiver ni se placer précisément sur le terrain avec une telle blessure, c’était ma chance de reprendre les rênes du combat. Je me relevais tant bien que mal avec les jambes encore un peu grelotantes, son coup de poing avait véritablement résonné dans ma tête et par chance je ne m’étais pas évanoui. Voyant bien que le combat allait tourner en sa défaveur, il prit une position défensive, son arme bien en avant prêt à contrer mon attaque. Je m’avançai rapidement vers lui, mon épée prête à le trancher du haut vers le bas. Mais au moment où il bougea sa rapière au-dessus de sa tête pour m’arrêter, Au dernier instant, je stoppai mon mouvement. Mon poignet pivota et la lame glissa vers le sol. Puis, d’un geste sec, je la fis remonter en arc, du bas vers le haut, visant ses côtes. Mon coup le trancha du haut du ventre jusqu’à son épaule gauche. Cette fois-ci, il ne pouvait pas retenir son cri de douleur. Bien que la coupe ne fût pas si profonde il saignait abondamment sans pour autant abandonner. Je devais rapidement en finir avant que ce pouilleux déclare forfait pour sauver sa vie. Il n’était même plus en garde et il tenait son épée comme une canne pour ne pas s’effondrer au sol. Je me dirigeai une dernière fois vers mon adversaire pour lui porter un coup fatal en plein cœur. Cependant, il se jeta au sol pour esquiver mon attaque tout en piquant ma cuisse gauche avec son arme. Son épée avait à peine transpercé ma peau tant il ne lui restait plus aucune force. Il se tenait maintenant à terre, sur le dos, le visage blanc, encore en train de saigner. J’allais désormais pouvoir l’achever. Malheureusement, comme il avait lâché son arme, je fus déclaré grand vainqueur du centenaire du Symfonia. la foule côté Eudemos était en délire après avoir vu un tel combat alors que j’étais hué par le public côté Pyranthos. Je voyais de nombreux médecins arriver de l’autre bout de l’arène vers mon adversaire, il allait être sauvé malgré tout le mal qu’il m’avait fait. Le présentateur était venu vers moi pour me dire qu’on l’avait surnommé « le mauvais Iter » car contrairement à moi, il tuait tout ses adversaires. Je ne l’écoutais qu’à moitié alors que je pris une décision radicale. Ce type n’était qu’un moins que rien je devais m’en occuper moi-même. Alors que l’équipe médicale allait le prendre en charge je lui tirai une balle dans la tête et je rangeai aussitôt mon pistolet encore fumant dans son étui. Un grand silence suivit mon coup de feu dans l’arène puis il fit place à des cris de joie des habitants de Pyranthos. je venais d’enfreindre une des règles du tournoi en exécutant un combattant après la fin d’un combat alors qu’il était désarmé. Je fus par la suite appréhendé par deux gardes qui, conformément aux règles, me jetèrent en dehors de la ville avec toutes mes affaires. Je me retrouvais aux portes de la cité blessé mais avec toutes mes affaires et pas mal d’argent dans les poches.

J’étais affalé par terre alors que je commençais à calmer la rage que je gardais en moi. Je venais de tuer l’homme responsable de mon enfer certes, mais maintenant quoi ? Le résultat restait le même, je venais de rejeter mes convictions pour assouvir une vengeance qui était vaine. Je m’étais rabaissé à son niveau et laissé aveuglé par la haine. Finalement je ne valais peut-être pas mieux que lui, je m’étais vengé dans que cela n’avait pu apaiser ni mon âme ni mon cœur. J’étais toujours banni de mon pays et je devrais certainement continuer à errer pour le reste de ma vie. Cet homme avait déjà payer pour ses crimes en ayant subis le même sort que moi, mettre fin à ses jours de mes propres mains n’était d’aucune utilité. Alors que je continuais de penser à cela, je ne pouvais pas m’empêcher de pleurer avec un bras sur les yeux pour essuyer mes larmes.

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