Elle pesait trois tonnes de soucis. Pourtant, elle se voyait en squelette dans son miroir, la faute à la maladie. Elle s’arrachait du lit le matin, s’écroulait le soir ; au milieu, un brouillard épais, où elle pataugeait de son mieux.
Un soir, dans la chambre de sa fille, elle la borda et s’assit au bord du lit. Elle ouvrit le livre d’histoires mais piqua du nez, plongea la tête la première dans l’album illustré, chuta dans l’air froid de la nuit étoilée, à travers les nuages, les branchages, jusqu’au sol tapissé de feuilles mortes.
Assise à côté d’elle, une renarde blanche la fixait, sa queue épaisse s’enroulant autour de ses pattes.
La lune brillait dans le ciel. Des perce-neige étincelaient, tapis de perles, autour d’elles. Dans les feuilles, les musaraignes fouinaient. Un hibou poussait sa plainte monotone dans le lointain.
S’asseyant, la femme interrogea la renarde : « Où sont passés l’amour, la beauté et la douceur ? »
Un écureuil se figea, alerte. Le vent se leva, d’un froid mordant, poussant l’odeur de l’eau fraîche du ruisseau.
La renarde s’allongea sur le sol, s’étala, s’écrasa, poussant ses quatre pattes dans les feuilles qui crissèrent. Elle grossit, gonfla, grandit, enfla, comme une louve, comme une ourse, grizzly, dragonne, au-delà, puis tout à coup le silence revint. La renarde regarda la petite humaine, ses yeux étaient devenus portails vers d’autres mondes, sa chaude haleine animale repoussait le froid. L’humaine s’approcha, monta sur son épaule comme on grimpe à un arbre et se lova dans son cou. Emmitouflée dans la fourrure, elle s’endormit, bercée par les battements de cœur lents et profonds.
Lorsqu’elle se réveilla, elle était allongée dans la chambre de sa fille. Sur ses épaules, la couverture polaire pelucheuse, qui servait de tapis de jeux, posée par la petite dont le souffle léger dansait comme une musique dans la nuit.
Je trouve ce chapitre magnifique et poétique, j'aime beaucoup le passage de la métamorphose de la renarde blanche. J'ai hâte de lire la suite pour savoir de quoi il retourne.
A très vite
Claire
Très belle écriture, toute en finesse.
À travers l'imaginaire, comme des poupées russes, tout est imbriqué un dans l'autre, un très beau voyage.
Je t'en remercie