Je n’étais rien, rien ni personne
Au bord d’une falaise. En face, se trouvait une mer déchainée. En haut, un ciel gris, triste, prêt à éclater en sanglot. Partout, une terre saccagée. Et au milieu de ce tableau désolé se trouvait une jeune femme dont les cheveux et l’écharpe virevoltaient aux humeurs du vent.
Où était-elle ? Quand se passait la scène ? Comment s’était-elle coincée ici ? Comment allait-elle se sortir de là ?
Mais en réalité…en réalité la bonne question à poser était plutôt « qui était-elle ? »
Malheureusement elle n’en savait rien.
Elle savait juste qu’elle était perdue.
Elle contempla le paysage qui s’emportait contre quelque chose dont elle ignorait encore le nom.
Où aller ? Que faire pour calmer la tempête ?
Derrière elle, elle remarqua un trou noir dans ce fouillis de terre et d’herbe sèche. Elle avança vers la tâche noir petit à petit. Qu’allait- elle trouver à l’intérieur ? Un monstre ? Son pire cauchemar ? Un trésor ayant une valeur inestimé ? Rien ?
Elle continua à avancer vers la grotte. A l’entrée de celle-ci, elle vit une faible lueur briller trois mètres plus bas. Elle remarqua un petit escalier en colimaçon sur sa droite et l’emprunta. Arriver en bas, elle saisit le socle d’une bougie, l’unique source de lumière, qui était posé dans un creux de la paroi de la grotte. Elle s’engagea dans le petit couloir sur sa droite. Après à peine quelque instant celui-ci déboucha sur une salle dont elle ne voyait pas le fond. Elle s’avança au centre de la pièce vers une coupole remplit d’huile suspendu au plafond par une chaine. Avec le feu de sa bougie, elle contamina l’huile et alors toute la salle, aussi immense fut-elle, fut éclairée. Prise au dépourvue, elle se perdit d’admiration devant les étagère gorgées de livres qui tapissaient trois des quatre parois de la grotte. « J’ai trouvé le Paradis ! » s’écria-t-elle pleine de joie. Aussitôt qu’elle eut illuminé la salle de son feu, elle se précipita sur l’étagère en face d’elle, puis, dû se rendre à l’évidence de la sombre réalité.
Aucun livre ne comportait de titre.
Plus étonnant encore, ou peut-être juste logiquement, ceux-ci ne possédait que des pages vierges à l’intérieur.
Pas de titre. Pas d’histoire. Pourtant, ils avaient tous le même auteur. Comme si on savait d’avance qui allait écrire l’histoire de ces livres. Quand elle se souvenu à qui correspondait le nom se fut le choc.
C’était le sien.
Ce serait elle qui écrirait l’histoire de ces livres.
Mais l’histoire de quoi ? L’histoire de qui ?
Puis, ce fut le déclic.
Un déclic, qui, une fois qu’elle l’eut, lui parut comme une évidence : son histoire.
Mais si ces livres étaient le futur, où se trouvaient ceux du passé ?
Elle leva la tête et fut prise d’un étrange vertige tant l’étagère était haute.
Non seulement le sommet était inaccessible, mais en plus il était assez illogique de ranger le passé en haut. En général, si on classait les choses par ordre chronologique, c’était de gauche à droite, tel le sens de l’écriture. Après cette réflexion, son regard se reporta sur l’étagère à gauche, celle qui tapissait un deuxième mur. Elle s’avança vers celle-ci mais constata que ces livres aussi n’avaient ni titre, ni histoire. Elle remonta peu à peu une rangée de livre vers la gauche, puis, après ce qui lui parut comme une petite éternité, elle en trouva un qui avait non seulement un titre mais en plus une histoire. Elle le prit, caressa la tranche, l’ouvris à la première page, posa sa main gauche à plat sur cette dernière, huma le papier, l’analysa, analysa sa texture, son épaisseur, son bruit, sa couleur. Elle feuilleta le livre, puis, au bout d’un moment, et à son plus grand étonnement, tomba sur des pages totalement blanches. Elle revînt quelques pages en arrière et, après avoir lu le dernier paragraphe dans sa tête, comprit quelque chose qui produisit en elle une véritable fascination pour ce lieu. Elle reposa le livre là où elle l’avait pris et recula de quelques pas. Elle remarqua soudain que là où elle se trouvait, il n’y avait qu’une très fine couche de poussière, à sa droite, celle-ci était absente et à sa gauche, il y en avait de plus en plus.
En face d’elle se trouvait son présent, à sa droite, son futur et sa gauche, son passé.
Cette bibliothèque était ce qui a était, ce qui est et ce qui n’est pas encore.
C’était le tout et le néant à la fois.
C’était elle en fait, voir même au-delà de ça.
C’était sa mémoire.
Elle se rapprocha de son « présent » et posa sa main droite sur la tranche du livre qui ne possédait pas encore de fin. Elle s’enfonça un peu plus dans son passé, caressant la reliure des livres qu’elle touchait au fur et à mesure qu’elle avançait.
Petit à petit, la poussière se fit plus dense et l’air devînt plus irrespirable.
Puis, elle arriva au bout.
A sa droite se trouvait son passé le plus enfouit et devant elle se dressait un mur d’escalade.
Ce dernier la toisait de toute sa hauteur, la mettant au défi d’arriver tout en haut.
Et, d’un regard déterminé, accepta celui-ci.
Qu’y avait-il tout en haut ? D’autres livres ? La vérité absolue ? La confession ultime ? Une prédiction du futur ?
Elle n’en savait rien mais justement, elle voulait le découvrir. Après tout, si ce mur était là ce n’était pas par hasard.
Elle retira ses lunettes et sa fidèle écharpe et s’attacha les cheveux telle une guerrière.
Malheureusement, il n’y avait rien pour assurer sa sécurité.
Si elle chutait, rien ni personne à part elle ne pourrait la rattraper.
Si elle chutait, ce serait la mort assurée.
Si elle chutait, ce serait la fin de l’histoire.
En contemplant le dévers qui surplombait le vide, elle réalisa que c’était vraiment le cas.
Elle risquait sa vie en se frottant à cette bête démesurément haute.
L’échec n’était pas une option.
Mais…allait-elle vraiment réussir ? Était-ce vraiment faisable ? Est-ce que cette ascension en valait vraiment la peine ?
Elle ne laissa pas le doute s’installer plus que ça et commença à grimper.
Les sept premiers mètres se passèrent sans trop de difficulté. Quelques sueurs froides, les avant-bras qui commençaient à travailler mais rien de notable.
Ce ne fut que lorsqu’elle arriva au pied du dévers, soit trois mètres plus haut, qu’elle ressenti de la douleur à ses avant-bras et ses doigts. A peine un mètre plus haut, les muscles de ces derniers lui semblait être en feu.
L’ascension allait être plus compliquée que prévu…
Elle tenta de les reposer en les secouant au-dessus du vide chacun leur tour mais ce n’eut pas l’effet escompter. Malgré la terrible douleur qui lui rongeait le mental, elle s’efforça de ne pas lâcher.
Centimètre après centimètre, prise après prise, elle continua de se hisser toujours un peu plus haut.
Plus que deux mètres. Plus que deux mètres dans l’enfer du dévers et ensuite ce serait deux mètres presque plat.
Il fallait qu’elle tienne bon. Elle le devait.
Puis, ce fut le choc physique à moins d’un mètre de la fin de la bête.
Elle pleurait de douleur. Son corps lui suppliait d’arrêter cette souffrance. Ses mains suaient la peur.
C’était tout ce qu’elle était face au monstre de sa vie.
Allait-elle réussir ? Allait-elle vraiment réussir ? Ne serait-ce pas plutôt la fin ?
Non ; car la question n’était pas de savoir si elle allait y arriver ou pas mais comment.
Mais alors qu’elle venait de vaincre la bête, l’unique main qui la tenait la lâcha.
Son corps entier bascula en arrière.
Un cri d’effroi total résonna dans toute la salle.
Son autre main tenta désespérément de s’accrocher à quelque chose.
La Mort l’attendait impatiemment en bas.
La Vie, elle, lui tendit une main.
Elle se cogna brutalement contre la paroi rugueuse et s’écorcha les genoux.
Une corde qui n’était pas là avant était apparu et la retenais actuellement au-dessus du vide. Rectification : une corde qu’elle n’avait pas vu avant la retenait actuellement au-dessus du vide.
Elle ne comprenait pas : comment était-ce physiquement possible ?
Elle se laissa pendouiller au bout de la corde et contempla pour la première fois la vue qui s’offrait à elle. Une vue magnifique d’ailleurs. Une vue en hauteur. Une vue d’ensemble sur toute sa vie. Non, pas très exactement. Il y avait derrière ce mur un bout qu’elle ne réussissait pas encore à voir. Elle parcourra les derniers mètres qui lui restait et s’assit sur le toit ; mais le toit de quoi ? Le toit du monstre. Mais qui était le monstre ? Elle, pensa-t-elle. S’était-elle vaincu elle-même ? Non, plutôt une partie. Mais laquelle ? Celle qu’elle s’apprêtait à surmonter une nouvelle fois, celle qui était derrière elle : son passé le plus sombre. Elle se retourna et, dans la pénombre, ne put que distinguer le manche d’une épée enfoncé dans le sol. Elle s’en approcha et réalisa que la corde était attaché à l‘épée. Qu’est-ce que cela voulait signifier ? Que signifiait l’épée ? Et la corde ? Un lien ? Une relation ! Alors qui était l’épée ? Elle posa ses deux mains sur le manche et essaya de le sortir du sol. Celui-ci bougea à peine. Elle força encore et encore mais n’en sortit que quelques millimètres. Mais qui était-ce bon sang ?! Pourquoi ne pouvait-elle pas savoir ? Pourquoi refusait-il de se montrer ? Allez ! Montre-toi ! Montre-moi qui tu es ! Montre-moi ta lame !
Puis, après un éternel effort, elle réussit. A la vue de la lame tranchante et étincelante, elle comprit que ce n’était pas une épée mais un katana. Cette différence était-elle vraiment importante ? Elle n’y prêta pas plus d’importance et l’examina. Comme elle s’y attendait il y était gravé une réponse : « un soutien, ton meilleur ami ».
Son meilleur ami ? Mais qui était son meilleur ami ?
Elle ne s’en rappelait pas.
Elle joua un moment avec la lumière que reflétait la lame d’argent contre la paroi de la grotte. Elle sourit en voyant la lumière éclairer un peu les ténèbres. C’était donc « ça » un « meilleur ami » ? Quelqu’un qui t’empêchait de mourir quand tu n’arrivais pas à surmonter un problème tout seul ? Quelqu’un qui t’éclairait dans les endroit les plus obscures ?
Un « meilleur ami » était quelqu’un de vraiment incroyable, se dit-elle.
Mais qui était ce « quelqu’un » ? Quel était son prénom ?
Et elle, qui était-elle ?
Elle ne le savait toujours pas.
Peut-être qu’elle était la meilleure amie de ce meilleur ami.
Mais… a-t-elle était une bonne meilleure amie ?
Pas sûre…
Son regard continua de suivre le reflet de la lumière sur la paroi, puis, il s’arrêta quand celle-ci eut éclairé une vielle malle couverte de poussière. Elle s’en approcha et pensa : « rectification : un coffre », il y avait un cadenas accroché. Qu’il y avait-il à l’intérieur ? Toutes les réponses à ses questions ?
Avec la lame du katana, elle tenta de l’ouvrir, forçant comme c’était pas possible. Mais même avec ce « soutien, son meilleur ami » elle n’y parvint pas. Elle devait se débrouiller seule cette fois. Elle s’assit en tailleur devant le coffre, déposa le sabre au sol et posa son regard d’automne sur celui-ci. Après un instant, elle balaya le tapis de poussière de la main droite et put lire une gravure en or : « La clef est le plus dure à admettre lors d’un jeu dangereux ».
Un jeu dangereux ? Quel jeu dangereux ? Les jeux d’argent ? Les jeux où l’on risquait sa vie ? Les jeux où on sombrait dans la folie ? Les jeux où on perdait ? Les jeux où on perdait le contrôle. Elle dit cette dernière phrase à voix haute mais à sa plus grande déception rien ne se produisit. Ce n’était pas la bonne réponse.
Qu’est ce qui était le plus dure à admettre quand on perdait le contrôle ?
Quand on allait trop loin, quand on arrivait pas à s’arrêter. C’était ça la clef pour admettre quand on arrivait pas à s’arrêter : c’était de savoir quand on allait trop loin !
Elle le redit à voix haute mais rien ne se produisit aussi. Pourquoi ? C’était pourtant la seule réponse possible, pensa-t-elle. Elle réfléchit encore un moment mais ne trouva aucune piste. Soudain il y eut comme un « dililit ! » dans sa tête. Elle n’avait pas remarquer que le cadenas avait disparu. Tous ces trucs qui apparaissaient et disparaissaient, commençaient sérieusement à lui courir sur le haricot.
Elle comprit après coup que ce n’était qu’une question d’en avoir conscience ou pas.
Elle ouvrit délicatement le coffre, comme si quelque chose allait lui sauter dessus. A l’intérieur, elle découvrit à son plus grand étonnement un grand chapeau noir et une rose fanée. Elle pris la rose et quelques pétales rouges tombèrent. Pourquoi était-elle si abîmée ? Qui avait abuser de sa douceur ? Sûrement elle. Pourquoi avait-elle fait ça ? Elle ne s’en rappelait pas. Elle était si fragile à présent, si faible. Les larmes lui montèrent aux yeux. Elle la serra contre son cœur puis la reposa dans le coffre. Elle prit le chapeau et le mit sur la tête. Il était si doux, si cajolant et si réconfortant qu’elle fut prise d’un étrange fou rire. Il lui allait parfaitement. C’était magnifique. Il était magnifique, angélique. Elle voulut l’enlever mais n’y arriva pas. Tout à coup, à la continuité du chapeau, un bandeau noir se forma sur ses yeux. Elle ne voyait plus rien. Elle ne comprenait pas. Pourquoi ? Pourquoi ! Pourquoi ne pouvait-elle plus l’enlever ? Pourquoi ne pouvait-elle plus voir ? Pourquoi ne pouvait-elle plus choisir ? Elle tenta de l’enlever coute que coute, se tortillant dans tous les sens ; vacillant, par-ci ; par-là. Elle tituba à travers la pièce, prise de panique. Elle avait trop bu, trop bu de folie. Elle ne savait plus où elle était, où elle en était. Elle avait perdu son chemin, perdu sa raison. Elle avait perdu le contrôle en allant trop loin. Sur son passage, quelque chose se brisa. Du verre ? Non, c’était trop aigu. Un miroir ? Sûrement. Mais que faisait un miroir ici ? Était-elle trop vaniteuse, narcissique et orgueilleuse ? Était-elle trop tranchante, froide et méchante ? Tant de question sans réponse. Tant de doute. Tant de flou. Pourquoi cette remise en question maintenant ? Qui était-elle ? Qui était-elle ! Dites le lui ! Criez le lui ! Vous qui la connaissez, qui connaissez son histoire, dites le lui ! Dites-lui qui elle est !
Puis, ce qui devait arriver, arriva. Elle fit un pas en arrière et bascula une nouvelle fois dans le vide. Ensuite…ensuite, elle ressentit une horrible douleur au cœur et le présent se figea. Quelque chose lui avait transpercé cet organe si précieux. Le bandeau se retira peu à peu et le temps repartit au ralenti. Elle retira le katana de son corps aussi vite que lui permettait la vitesse du temps. Le chapeau tomba petit à petit à côté d’elle. La douleur était si intense qu’elle ne la sentait même plus. Lorsqu’elle l’eu retirer elle s’agrippa à une prise du mur d’escalade de sa main gauche. Le chapeau continua sa descente comme une feuille tombait d’un arbre. Un regard horrifié le suivit dans sa chute au ralenti. Elle ne voulait pas le laisser tomber. Elle ne voulait pas l’abandonner. Pas maintenant. Pas tout de suite. Pas pour l’instant. Elle n’était pas prête à ça. Pas à un déchirement aussi profond. Pas au déchirement de son cœur.
Son cœur ? Son cœur… Son…cœur…
Qui c’était déjà soucié de son cœur ? Personne, pas même elle.
Comment était son cœur ?
Vide.
Comment allait son cœur ?
Mal.
Qu’avait son cœur ?
Rien. Plus rien.
Qui était son cœur ?
Personne.
Il était beaucoup de chose en fait.
Tellement de chose en réalité.
Trop de chose caché dans l’ombre de son sourire.
Brisé, cassé, déçut, trahit, déchiré, émietté, abusé, inconsolé ; inconsolable.
Pourquoi battait-il encore malgré tout ça ?
Pour quoi ?
Pour qui ?
Elle attrapa le chapeau avec la lame et vis une phrase brodée au fil d’or : « une obsession, ton magicien. »
Pour lui, souffla son cœur.
Son magicien ? Mais qui était son magicien ?
Elle avait oublié.
Elle avait tout oublié de toute façon. Toute son existence, tout son être, tout ce qui la concernait. Elle avait tout oublié.
Même qui elle était.
Non, elle n’avait jamais su qui elle était.
Mais …cette « obsession » ; ce « magicien », elle ne savait pas qui c’était.
Elle remarqua son sang sur la lame du katana et se rappela qu’il lui avait transpercé le cœur. Pourquoi avait-il fait ça ? Pour accomplir son devoir de meilleur ami. Pour lui montrer à quel point elle souffrait au plus profond d’elle. Pour lui montrer à quel point cette « obsession », ce « magicien » lui avait détruit le cœur.
Puis, ses doigts agrippés à la paroi lui firent comprendre qu’elle était à bout. A bout de force physiquement. Mentalement aussi en fait.
Elle n’en pouvait plus. Il fallait que cela cesse.
Par la suite, sa main droite s’abaissa et le chapeau glissa de la lame. Dans un murmure suppliant, elle souffla « Non ». Elle n’avait toujours pas fait son choix. Elle n’avait toujours pas décidé si à long terme elle l’abandonnait ou pas, mais actuellement elle ne le voulais pas. Elle ne lutta pas plus avec ses doigts et se laissa tomber. Elle tendit sa main gauche vers le bas dans l’espoir qu’elle rattrape le chapeau à temps. Lorsqu’elle l’attrapa, elle sourit. Elle le sera contre elle et, après un moment d’hésitation, lui souffla un « je t’aime mon magicien » à peine audible. Oui, elle l’aimait. Elle l’aimait plus que tout au monde, plus que sa propre vie, à la folie, à en perdre la raison. Elle était allée trop loin en perdant le contrôle. Elle ne s’en était rendu compte que maintenant mais au moins elle avait franchi le cap. Il lui en a fallu du temps.
Il ne lui restait que quelques secondes avant l’impact contre le sol. Que quelques secondes avant de mourir. Que quelques secondes avant que ce ne soit la fin de l’histoire.
Elle lâcha le chapeau, tourna le dos au sol et sera contre elle le katana. Lui ne pouvait pas mourir. Il n’avait pas le droit. Elle ne le permettrait pas. Il fallait qu’il vive. Toute la force qu’elle avait, c’était grâce à lui. Il était sa véritable raison de vivre ; voir même au-delà de ça : il était la Vie.
Elle ferma les yeux et lui dit : « je t’adore mon meilleur ami, merci pour tout ce que tu as fait pour moi ». L’instant d’après, son corps percuta le sol. Elle expira un dernier souffle, les yeux larmoyant.
Surprise.
Amour.
Désespoir.
Renaissance.
Passion.
Imprévisible.
Confusion total. Où était-elle ? Qui était-elle ?
Souvenir flou. Que c’était-il passé ? Était-elle vraiment morte ?
Doute incomblé. Qui était-elle ? Qui voulait-elle devenir ?
Un clignement d’œil, puis deux et ses yeux s’ouvrirent. La vue s’adapte, deux silhouettes apparaissent, elles lui sourient. Elles ont l’air de la connaitre ; elle croit les connaitre aussi. Elle distingue enfin leurs contours. Deux garçons. L’un est à gauche, l’autre à droite. L’un est mignon, l’autre beau. L’un est habillé de clair, l’autre de sombre. L’un est châtain, presque d’or, l’autre est brun, presque de jais. L’un est gentil, l’autre romantique. L’un est loyal, l’autre fidèle. L’un est honnête, l’autre mystérieux. L’un est le katana, l’autre la rose. L’un est l’Amitié, l’autre l’Amour. L’un est la Vie, l’autre la Mort.
Soit toi, supérieur à qui tu as été.
Mon meilleur ami s’est levé et a commencé à marcher machinalement vers la falaise.
Je l’ai suivi.
Je lui ai posé des questions mais il ne m’a pas répondu.
Il ne s’est pas retourné.
Je me suis posté devant lui mais il a continué à avancer alors j’ai commencé à reculer.
Il ne me souriait pas.
Il ne me regardait pas.
J’ai compris que je n’étais plus rien pour lui.
J’ai pleuré et tenté de le prendre dans mes bras mais je suis tombée.
Epilogue
Une légère brise. Mes cheveux se soulèvent. Je me sens plus légère. Le vent est tiède, doux, en paix. Mes cheveux se reposent sur l’herbe verte. Je me sens comme renaitre, je vis enfin.
Je me réveille en sursaut et comprends que je suis toujours en vie malgré les dernières péripétie qu’il me semble avoir vécu. Toujours allongée, je m’étonne de la bleuté du ciel. Je me lève et constate que je suis là où l’histoire a commencé.
La boucle est-elle bouclée ?
Non, le temps est passé par là ; pansant le cœur de cette terre d’une graine d’olivier.
Je lève alors les yeux vers le ciel et le Soleil m’aveugle presque.
Quand soudain, une bourrasque imprévisible vient perturber mes pensées. Qu’est-ce donc ?
Au loin, loin de moi, flottant sur la mer calme, se trouve un navire.
J’arrive à distinguer le drapeau blanc qui s’agite en haut du mat.
Serait-ce un appel ? Une demande de paix avec moi ?
Oui et oui ! et c’est ce que je veux aussi.
Une joie immense me fait poussé des ails et voilà que je m’envole, transporté par le souffle de mon cœur afin de rejoindre celui parti trop tôt de ma vie.
Ne perds jamais de vu ce qui est important pour toi : la vie pourrait te le reprendre.