La gourmandise est un vilain défaut. Demandez aux poissons, ils se font encore avoir. C’est quand même dingue que de générations en générations, ils n’aient pas pu se passer le mot. Qu’ils n’aient pas de messages de prévention depuis tout petit comme « l’hameçon est une prison », ou « un appât peut en cacher un autre ».
Pour autant, l’être humain n’est pas bien plus averti. Il fonce encore, coeur grand ouvert, vers le premier qui lui donne l’illusion de battre au même rythme. Il se fait pêcher puis il agonise dans un seau rempli qu’à moitié. Il finit sec, tari avec le même regard que le poisson mort sur l’étalage.
Je m’appelle Paz. Mon vrai prénom est Dolores mais j’ai voulu me donner plus de chance, prendre plus grand, plus ouvert.
Je suis une femme, c'est bien la seule chose dont je suis sûre, un handicap en moins. J’ai trente quatre ans, enfin trente cinq demain. Cela ne fait aucune différence puisque j’ai l’impression que seul mon corps a prit des cernes de croissance. C’est comme cela que l’on dit pour les arbres. Et c’est joli.
Me concernant, je n’ai pas eu de grande croissance, mais j’ai les cernes. Les valises, les poches. Comme si on pouvait choisir d’ y fourrer des souvenirs de voyage, des trésors. Moi je crois que ce sont juste des craquelures après le passage de l’eau sur une terre aride.
Oui, j'étais en train de dire que la gourmandise était une tare.