Jeanne

Au moment où j'eus enfin l'occasion de parler à mes parents, le téléphone de papa sonna. 

Mais heureusement, en décrochant, il m'encouragea d'un regard à parler à maman.

Sacré papa.

 Je l'admirais beaucoup depuis toujours mais je venais de découvrir une autre facette de son caractère. Je rendis grâce d'avoir des parents aussi aimants, bons et compréhensifs.

 Je respirai un grand coup, comme avant de plonger.

Patiemment entrain de replacer sa jupe après s'être assise, maman attendait. Elle ne brusquait rien, elle attendait les confidences.

Comme Blanche.

Je me souvins qu'une fois Jeanne avait eu un soucis au collège et que maman n'avait pu lui faire expliquer ce soudain mutisme et ce regard fâché. Elle était partie en weekend avec sa patrouille avec un gros chagrin sur le cœur. Elle était partie avec Blanche.

Elle était revenue libérée de son poid mais on ne sut jamais ce qui l'avait mis dans cet état. Nous apprîmes juste que Blanche savait et allait tout arranger.

Nous nous étions contentés de cette réponse.

Jeanne raconta seulement qu'elle s'était éloignée un peu du groupe le samedi après midi, avec ses soucis et que Blanche etait venue faire la vaisselle dans le ruisseau près d'elle. 

Elle avait chanté sans un regard pour Jeanne, puis s'était assise près de sa patrouillarde en jouant avec un brin d'herbe.

Elle n'avait rien demandé, juste fait la vaisselle.

Et Jeanne s'était confiée et avait été consolée.

Le monde serait plus beau si plus de gens avaient la capacité d'écoute de Blanche et de maman.

Quoiqu'il en soit, Jeanne n'avait jamais plus eu de soucis au collège ni ailleurs.

Grâce à Blanche disait-elle. "Grâce à Dieu" répliquait sa CP.

Blanche avait transformé Jeanne. De nature timide, elle était devenue plus expansive et c'était découverte une passion pour les oiseaux. 

C'est ainsi que le dîner était devenu un instant d'études pour toute la famille.

Jeanne nous récitait tout une encyclopédie sur les oiseaux et exigeait de nous de retenir les noms latins qu'elle enumérait comme certains énumèrent une liste de course.

Jeanne, c'était aussi la seule fille de la famille : elle supportait non seulement deux frères aînés tyranniques mais également un petit frère malicieux. Et dans tout cela, aucune sœur pour se confier. Blanche était devenue sa grande sœur. Et elle avait accepté ce rôle avec joie et dévouement, elle qui avait déjà tellement de petits à écouter chez elle.

Jeanne allait avoir dix-huit ans dans trois jours. Elle était cheftaine louvette et animait un camps d'une semaine avant de nous rejoindre.

Ma petite sœur ne cessait de répéter que tout cela était grâce à Blanche.

Il y avait donc des instants familiaux qui ne tournaient déjà plus que sur ma Blanche.

Le quotidien de ma famille n'allait donc pas beaucoup changé si Blanche nous rejoignait. 

Mais le mien en revanche, serait beaucoup plus beau.

Elle serait mon modèle, et moi l'artiste qui essaye maladroitement de saisir sa beauté.

Elle serait mon île au milieu des vagues déchaînées de ce monde parfois bien noir.

La lumière de son sourire éclairerait mes jours nuageux ou brumeux.

 Elle serait Yseult et moi Tristan.

Belle et moi la Bête.

 Pénélope et moi Ulysse.

Elle serait Chimène et moi Rodrigue.

 Mais à quoi bon comparer notre amour avec des amours légendaires ?

  Elle sera ma belle Blanche et moi son Éric.

 Ces mots là sonnaient mieux à mon oreille.

 Pourquoi comparer Blanche à Pénélope, Chimène, Yseult ou Hélène ?

 Pour moi, elle les surpassait toutes.

  Mon amour faisait d'elle la plus belle femme du monde réel et du monde des légendes.

 Et cela seul comptait. Seulement cela.

Rien d'autres.

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Mayllis B
Posté le 11/11/2024
Très belles confidences entre patrouillarde et CP ! Je reconnais bien ces petites situations, vous décrivez très bien cette atmosphère d'écoute !
Je suis aussi tout attendrie devant le coeur d'Eric et les comparaisons de son amour. Les nuages semblent avoir déserté pour un temps l'existence des deux personnages !
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