Julie

C’est l’anniversaire de Julie aujourd’hui. Je dois y amener Mathilde. Elle y passera la nuit. Je ne connais pas sa mère. Mathilde est grande à présent.
Je sais que les parents de Julie sont encore ensemble, plus ou moins. Mère de Julie vit non loin, Père de Julie en Suisse. Ils font chambre à part. Julie voit des fantômes.
Mathilde me parle. Je l’écoute. J’entends les petits bruits perturbants de Couïnie. J’écoute attentivement et réponds peu. Je suis en stress. Je vais devoir faire la conversation avec Mère de Julie.
Nous arrivons. La rue du village est assez large. Je roule encore un peu. Je prends mes repères. Je fais demi-tour et me gare à quelques mètres du numéro 5. Toujours prête à partir.
Mère de Julie est sur le pas de la porte. Avenante, trop, elle me parle, trop. Je refuse le café.
J’embrasse Mathilde et je m’enfuis.
Je roule. Je pleure. Je mets la musique à fond. Je pleure, bruyamment.
Voilà ce qu’il reste de toi. Même pas foutue d’aligner deux mots.
Je tourne à droite. Tu te perds. Tu veux prolonger ton apitoiement.

 

Je pars en quête de provisions. J’espère qu’Aldi vend de nouveau les sachets préférés du chat.
À gauche de l’entrée s’est installé un ex-punk sans chien. Il boit.
Je garde mes lunettes de soleil. Je n’ai plus envie de faire d’effort.
Il n’y a pas de musique dans ce supermarché. Peu de parfums. Je connais cet endroit. Rien ne devrait m’y perturber. Il est petit, je pourrai y errer en mode mouche.
Entre les carottes, devant, et les pommes, derrière, tu suffoques. Ton cœur s’emballe. Tu as du mal à respirer. Bas le masque. Je relativise. Ce n’est pas la première fois. Je n’ai pas de vertige cette fois. Je ne m’évanouirai pas une seconde fois. Je m’appuie sur le bien-connu caddy. C’est bon, je vais mieux.
Je crois que je n’ai rien oublié. J’ai les sachets.
Madame la Caissière / Employée à tout faire n’a pas le temps de faire la conversation. J’aime ce magasin. Je range, méthodiquement, dans chaque sac, en fonction de l’organisation éphémère de mon intérieur. Je paie. Je sors. Je charge dans le coffre. Je ramène le caddy salvateur auprès des siens. Je donne l’euro de consigne à l’ex-punk, sans punch je bafouille « Buvez pour moi ».
 

Je redémarre Couïnie. Musique à fond.
Tu t’effondres rapidement, juste un peu, tu n’en as pas le temps. Alfred est à la maison. Rentre.

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Fy_
Posté le 04/11/2021
Bonjour,

Je trouve ce texte poignant. Après avoir lu les deux autres textes que tu as publiés sur PA, je ressens dans tes mots de plus en plus cette souffrance et toute la pollution que cette histoire avec un PN t'a laissée.
J'ai trouvé étrange le fait que ce soit écrit à la fois à la première et deuxième personne du singulier, mais je trouve que ça donne à ton écrit une dimension encore plus chamboulée et marquée par l'assaut des souvenirs et des émotions.
Ici, le titre "Julie" m'a interpelée car c'est le nom que j'ai donné au personnage principal de "Jaune" qui est justement une histoire dans laquelle je parle d'une relation toxique avec un PN.

Je voulais également te laisser un message de soutien et te dire que tu n'es ni folle ni seule à avoir vécu ces violences et que tu as la force, même si tu as l'impression qu'elle t'abandonne. Et si l'écriture t'aide ou te soulage ne serais-ce qu'un peu, alors accroche toi à elle, ça fait beaucoup de bien : c'est en parlant qu'on commence à guérir, mais si les mots te brûlent les lèvres, alors écris- les !

Merci pour ce partage, en espérant que tu pourras à nouveau retrouver la paix <3
Fy
Carrrrine
Posté le 04/11/2021
Merci Fy
Je n'ai pas encore lu tes textes, juste ta présentation, je dois te lire.
Après le "tu" culpabilisant, j'introduirai le "elle" dissocié.
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