« Prendre la boutique d’un autre, se disait-il, surprenant pour un nouveau départ. » Ce qui était « pratique » pour lui, c’était de récupérer une ancienne boutique d’antiquités pour en construire une nouvelle, « … et puis je suis pas si mauvais en vente ! ».
Ces mois de déprime lui avaient fait prendre conscience qu’il ne voulait pas être l’un de ces hommes un vendredi soir, qui rentraient chez eux à vingt-une heure, qui prenaient une bière après s’être assis sur leur canapé et qui espéraient recevoir un message de leurs amis, et quand enfin ils le recevaient, c’était un soulagement inattendu et surprenant qu’ils ressentaient : « Ils ne m’ont donc pas oublié ». Lui, il était donc prêt à s’en donner les moyens.
La boutique prenait peu à peu forme et les produits commencèrent à remplir les placards. Il n’y avait pas grand-chose à faire, étant donné que l’endroit avait été très bien entretenu par l’ancien propriétaire. Donc, au bout de trois jours, l’établissement était prêt à accueillir les clients. Comme dans tous les magasins d’antiquités, on ne retrouvait pas des jeunes gens très vifs ou du moins d’une vivacité modérée.
Il connaissait sa boutique par cœur, chaque recoin, chaque tâche, chaque trou sur les murs, il la connaissait. Mais une chute était venue perturber sa connaissance de ces lieux. Les plaques de planchers de la zone « meubles pour salon » étaient un peu abîmées, l’humidité de la pluie passait par le toit et faisait des gouttelettes qui pénétraient dans le sol, il avait bien mis un seau : « Mais l’eau, c’est capricieux, disait-il ». Alors, il tenta de s’excuser de toutes les manières auprès de la cliente et lui offrit une réduction sur l’objet de son choix. Le lendemain, il appela un parqueteur : « Vous gardez la boite ? Lui demanda-t-il. » Un petit oui sortit de sa bouche, mais à l’intérieur de lui, Véronique était troublée ; « une boite cachée sous le parquet de ma boutique ? Dois-je m’inquiéter ? puis c’est qu’une boite ? c’est qu’une boite ?». Seul et le parquet rétabli à l’original, il regarda la boite puis ferma sa boutique, la laissant sur le comptoir. Il ne l’ouvrit pas tout de suite : les clients passèrent, achetèrent, venèrent déposer à leurs tours des objets, et la journée était enfin finie.
Il rentra chez lui avec cette boite, la mit sur ses genoux et l’ouvrit : « Un livre très bien, une photo, une montre, un bijou, un morceau de papier déchiré… » Énumérer à haute voix l’aidait à se rassurer, il craignait pour on ne sait quelle raison le contenu de cette boite, une petite voix en lui disait de ne pas l’ouvrir, de ne pas regarder dedans et, comme dirait sa mère, de passer son chemin.
Deux jours plus tard, sa sœur Miriam, l’avait appelée ; il fut plus que surpris au départ par cet appel, « Elle prend de mes nouvelles maintenant ? » ; mais elle l’avait juste contacté pour l’inviter à dîner avec toute leur famille. « Il faut que je puisse être présentable, pensa-t-il, avec son imbécile de Roland et sa tatounette chérie, je vais plus respirer, moi hein, il leva les yeux au ciel. Que vais-je porter… Pas mon costume, il ne mérite pas que je le sors, hum… ma fameuse chemise hawaïenne et un bon vieux jean, je pense que ça ira » Sans s’en rendre compte, il avait accompagné sa chemise et son jean d’une montre un peu ancienne, celle du coffret.
Miriam était tout son contraire : sociable, débrouillarde, blonde aux longs cheveux, avec de belles formes, un sourire légèrement narquois, et des yeux qui voulaient dire « je sais, t’inquiète ». La famille Harle se réunissait à la demande de sa sœur chaque année pour faire un bilan de l’année passée. Elle y accordait beaucoup d’importance. Donc ça ne lui plaisait pas quand Véronique refusait tous les ans son invitation.
- Pourquoi tu as accepté de venir cette année ?
« Ah … beh … hum… je sais pas, je…, il fit une pause, je sais pas. » La soirée se passa sans encombre, pour la première fois il se sentait chez lui, à sa place, pour la toute première fois il riait aux blagues de Roland et aux imitations de l’oncle Philips. Même ses proches le trouvaient changé…
Cela faisait déjà cinq mois que la boutique était ouverte, et elle marchait extraordinairement bien ; si bien qu’il pensait ouvrir une filiale rénovation et entretien. Chaque soir, il observait la photo qu’il avait trouvée dans la boite : il y avait un homme, qui reposait sur un magnifique cabriolet blanc Triumph Spitfire des années 80 ; à côté de lui, il y avait une femme, « Qui est cette personne rousse aux cheveux ondulés, aux yeux clairs et au regard tendre, plein d’affection ? Si c’est sa femme… WOW ! !, rêva-t-il. « J’aimerais en trouver une aussi charmante. » À sa droite, deux vieux qui devaient être sûrement ses parents. « Cette personne devait bien s’entendre avec ses parents, cogita-t-il, son regard sur eux est plein d’amour et de tendresse. » Après avoir bien observé ses gens, il fit une longue pause et se tourna vers le mur. La famille n’avait pas été dans sa vie une priorité, une essence même ; le temps était passé et avait fait ses preuves, et donc, il en était là. Des larmes de tristesse se mirent à couler, alors des larmes de joie prirent place. « Puis j’ai encore du temps, et Sophie n’a pas aussi grandi que ça ; en plus, elle n’a que 5 ans… » Dans son utopie, il avait laissé tomber la lettre, derrière celle-ci, il lut :
Pour les meilleurs parents que la terre ait connu, et à ma chère femme, je vous aime de tout mon cœur et de tout l’amour que je peux donner. Signez J.S
Après l’ouverture de la deuxième boutique, il pensa judicieux de changer de voiture ; son gros SUV noir ne lui convenait plus. Il en voulait une qui ait du charme, un beau cuire un peu ancien mais qui ait l’odeur d’un nouveau, il fallait qu’elle soit de couleur claire et légèrement chère, son budget : on dépense sans compter.
- Vous avez fait votre choix, monsieur ? - Non pas encore, je reviendrai peut-être demain. Mais j’ai un modèle en tête : Peugeot 304 cabriolet des années 70.
- Ah oui, ça, c’est un vieux modèle ! Nous ne l’avons pas, en revanche, je peux vous conseiller un fournisseur qui revend les anciennes voitures donner, un genre d’antiquaire vous voyiez ?
- Pour dire que je vois, je vois. Merci beaucoup, à une prochaine peut-être.
Quelques jours plus tard, les hommes de la famille Harle se réunissaient dans le restaurant au bas de la rue où habitait Pascal, son cousin. La discussion tournait autour du golf, de la nourriture et des femmes.
- Oh Véronique , j’ai appris que tu cherchais une nouvelle voiture, je t’ai donc dégoté un superbe 4 X4…
- Non, non, ça ira. J’ai déjà trouvé celle qu’il me faut ; une belle Peugeot 304. Si tu vois de quoi je veux parler, en lui donnant un coup de coude.
- T’es un amateur de vieille voiture, toi maintenant !
- Je me cultive, vois-tu.
- Vois-tu ! Et ton beau SUV, tu en as fait quoi ?
- Ah ! Ce vieux joujou, je l’ai vendu.
Pascal était lui-même un amateur de vieilles voitures, il en avait même fait son métier. Quand il en parlait à Véronique, celle-ci se moquait toujours de lui : « Tu es vieux, c’est normal, tu es de la vieille école ! » en riant à grand éclat. Et il faisait comprendre à chaque fois que pour lui, c’était les SUV et pas autre chose, et si on devait lui faire un cadeau ça devait être une voiture : « Moderne, je précise bien, moderne ! »
Véronique avait insisté pour accompagner Roland qui devait retrouver sa fille à la maison. Celui-ci avait été très surpris, il ne le faisait jamais, il ne déjeunait d’ailleurs jamais ensemble.
- Salut Chérie ! Je te présente ton frère, dit Roland.
- C’est-à-dire, mon frère ?
- Il est juste derrière moi, il gare sa voiture, tu sais, il a acheté un super cabriolet blanc.
- Salut sœurette ! Elle est où, Sophie ?
- Sophie ?!
- Tu ne te rappelle pas le nom de ta fille ? !, dit Véronique avec un large sourire et l’air amusé.
- Si, si, bien sûr, mais je ne savais pas que tu allais prendre de ses nouvelles. Alors oui, elle est juste là dans sa chambre.
- Oh chérie, je ne pourrais pas l’emmener pour sa robe.
- Mais tu sais bien que je ne pourrais pas aussi être là ! On pourrait peut-être appeler la baby-sitter ?!
- Tu sais aussi, qu’elle ne pourra pas aller au spectacle sans sa robe ! Elle ne va pas y aller avec un carton sur le dos…
- … je pourrais peut-être l’accompagner, si ça vous dépanne.
Ils se tournèrent vers lui, et hochèrent tous deux lentement la tête. « OK ! Alors dans trois semaines ! dit Véronique en se dirigeant vers la chambre de la petite. « Coucou princesse… »
Il était assis au fond de la sale et essayait de trouver Sophie sur la scène. Quand il la trouvait, il lui faisait plein de grimace pour la détendre et des gestes amusants pour la faire rire. Durant la soirée, ce fut Josh qui lui proposa de venir faire du golf avec eux. « J’ai entendu que tu étais… disons… plus ouvert, donc voilà, je te propose de venir demain avec nous au golf près de chez Vanes. » Véronique accepta avec plaisir et lui demanda ce qu’il devait ramener. La représentation finie, Paul lui proposa d’aller boire un verre, mais il déclina poliment et leur dit qu’il allait ramener Sophie à sa mère et qu’ils allaient manger une glace en chemin.
- Son changement de comportement est radical, tu penses qu’il a eu un AVC ? Dit Josh.
- Tu vois, j’en doute, ma théorie, c’est qu’il a rencontré quelqu’un, dit Daniel, son demi-frère.
- Quelqu’un ! Non, il fume, c’est sûr, c’est ça ! il fume, dit Patric.
- S’il fume, je veux la même que lui, dit Philips.
- La ferme Philips !!!
Le soir, il regarda des vidéos sur le Golf et apprit les techniques les plus simples. Il fut prêt pour son premier swing.
Le terrain de golf était plutôt vaste, il y avait très peu d’arbres, mais beaucoup de « relief » si on pouvait dire.
- Les terrains de niveau expert à ta gauche, et ça, c’est le niveau débutant, tu veux commencer par quoi, Vero ?
- Par le moyen, si possible.
- Vous voulez quelque chose à boire ?
- Non merci, allons-y.
Il avait essayé d’envoyer quelques balles, mais on pouvait voir qu’il n’était pas le prochain Tiger Woods. Il fit une petite pause pour éviter toutes les moqueries qu’on lui jetait. Il était assis au bar pour reprendre ses esprits. « Je ne vais pas me ridiculiser comme ça, ce n’est pas vraiment le bon jour, et puis je pensais être meilleur que ça. » Prêt de lui, une femme s’était assise, elle lui souriait, l’air vraiment amusée.
- Vous riez à cause de ma prestation de tout à l’heure.
- Oh oui, elle se mit à rigoler, je suis désolé, mais c’était tordant !…
- Merci, mais j’ai déjà tous ces bonhommes pour me le rappeler.
- C’est vrai, mais je ne suis pas tous ces bonhommes… Elle se remit à rire, non, mais désolé, mais c’était vraiment drôle, si vous vous étiez vu !
Véronique se leva et se dirigea vers la sortie : « Non, attendez ! Je me présente, Louise, directrice de ce golf – et moi Véronique – je donne aussi des cours, même si la majorité des élèves sont des enfants de neuf à dix ans. Je peux vous prendre si vous voulez…
Véronique accepta. Il venait tous les jeudis et les mardis pour prendre des cours, puis ils allaient dans le restaurant près des collines. Les restaurants de la colline se transformèrent en restaurants de la ville, puis ceux des terrasses en petits plats maison.
Véronique habitait un deux pièces dans un tout petit immeuble, donc quand il dut s’installer avec Louise, il se mit à chercher un nouvel appartement, plus grand. « Cette couleur bleue vous convient ? demanda l’agent immobilier. »
- Oh chérie, cette couleur va aux rousses, c’est ding, dit Véronique.
- Ah, ah, et une rousse aux yeux bleus, mais sinon, pour le prix ?
Les recherches avaient duré plus longtemps qu’ils ne l’avaient imaginé, sa sœur s’y était mise aussi ; elle visitait certains appartements et elle en sélectionnait d’autres. Un ami de Roland était agent immobilier, Roland qui avait organisé un barbecue lui proposa d’en parler à cette occasion.
Lui et Louise étaient assis à la même table que sa sœur, donc le sujet était venu naturellement : « Vous avez des projets d’avenir ?
- On aurait aimé posséder une maison où on pourrait fonder une famille, dit Véronique. Et peut-être un animal de compagnie aussi, ajouta Louise. Il eut une longue pause.
- Tu veux fonder une famille ? !, demanda sa sœur.
- Je l’ai toujours voulu, ça a été l’objectif depuis, répondit-il. » Miriam avait recraché ce qu’elle buvait : « Je suis contente pour toi, en l’embrassant. »
Elle se dirigea vers Roland : « je ne sais pas si je dois avoir peur ou me contenter d’être heureuse, mais Véronique veut avoir un enfant… – Ah bon ? – Mais ce n’est pas tout, il encourage Louise à avoir un animal, un animal !! »
Ce n’était pas le seul changement que sa famille avait remarqué, mais, c’était le seul qui les avait autant marqués. Véronique avait toujours dit qu’il ne voulait pas avoir d’enfant, pour lui, c’était une perte de temps que l’on pouvait réinvestir dans d’autres projets moins couteux et plus rentables. Ce discours glaçait toujours ses proches.
Le fameux ami de Roland leur avait dégoté un superbe appartement, avec trois chambres, une salle de bain, un salon et le petit plus qu’il leur avait plus, c’était le bureau. Le propriétaire lui déposa la clé dans les mains, pour la première fois, il franchissait le seuil de la porte en tant que propriétaire : « je reprends ma vie là où je l’avais laissé. »
La lecture était agréable et l'histoire plaisante, j'ai bien apprécié globalement ! Il y a quelques phrases isolés sur lesquelles j'ai un peu trébuchée, mais rien de bien grave.
Bonne continuation dans tes projets d'écritures!