Dans une clairière ignorée du bon sens, là où les chênes soupiraient et où les lucioles faisaient demi-tour, s’élevait la masure torsadée de Juliette.
Elle penchait, cette masure, indécise entre tomber ou danser. Les murs étaient construits à coups de malédictions paresseuses, bardés de poutres noueuses et de fenêtres mal lunées. Une cheminée tordue s’élevait du toit en spirale inquiète, prise d’un élan de fuite : elle fuyait la maisonnette dont elle ne partageait manifestement plus les choix de vie. Le toit hérissé de brindilles avait été coiffé par un vent malveillant un soir de beuverie.
D’un côté de la maisonnette, un chêne borgne, qui n’avait gardé qu’un œil dans son feuillage, la surveillait de son regard d’écorce. De l’autre, un puits qui soupire murmurait à intervalles réguliers des plaintes aqueuses, peut-être de l’eau qui se souvenait ou des échos d’anciennes princesses tombées dedans par mégarde.
On disait de Juliette qu’elle savait tordre les sorts mieux que les racines d’un vieux hêtre, et que les sortilèges qui lui résistaient finissaient souvent par se tordre d’eux-mêmes, rien que pour qu’on en finisse. Elle pliait les enchantements comme d’autres plient le linge, avec une nonchalance méthodique et une pointe de cruauté.
On répandait aussi dans les auberges, entre deux gorgées de bière tiède, que son rire rauque et flûté à la fois faisait tourner le lait des chèvres et les tripes des honnêtes gens.
On chuchotait enfin qu’elle ne buvait que des larmes de prince, recueillies dans de petites fioles, soigneusement rangées à côté des poils de licorne stressée et des ongles de marâtre jalouse.
Un enfant trop curieux, jadis, avait tenté de l’espionner. Il était revenu muet, les cheveux dressés et le cœur rempli de chansons tristes qu’il n’avait jamais apprises.
Depuis, les marmots sages évitaient la clairière, les conteurs changeaient de sujet dès qu’un volet grinçait et la lune, elle-même, hésitait à briller trop fort au-dessus de la masure. Car Juliette la Tordue préparait quelque chose. Dans l’air flottait le parfum d’une revanche aux accents de citrouille brûlée et de poussière de conte.
Ce soir-là, ou ce matin-là, difficile à dire sous son toit d’écorce et de suie, Juliette touillait une marmite de vengeance.
Le chaudron gargouillait des imprécations et l’air s’empourprait de vapeurs roses piquetées d’étoiles miniatures. Chaque bulle éclatée récitait une malédiction ancienne :
— Qu’on lui broie les pantoufles de verre !
— Qu’on l'assomme pour de bon dans un sommeil éternel !
— Qu’on retourne ses pommes dans sa gorge !
— Qu’on la réveille avec une pelle, pas un baiser !
Debout dans la pénombre moirée, Juliette respirait cet air de revanche en suspension, les narines frémissantes, la louche levée en un sceptre sacrilège. À chaque tour qu’elle donnait, le chaudron soupirait, éructait ou ricanait selon son humeur. Il était vivant d’une mauvaise vie : mille rancunes l’habitaient et s’ébattaient dans ses profondeurs brûlantes.
Il faut dire, à leur décharge, si tant est qu’une sorcière ait un jour eu droit à une défense, que l’aigreur ne leur est pas venue par caprice. Non, elle leur a été lentement distillée, génération après génération, dans les bouillons d’injustice et les potages de trahison. Car combien de fois une sorcière a-t-elle tendu la main pour qu’on la coupe ? Combien de sorts bénins, offerts en secret à des princesses acnéiques, se sont-ils mués en condamnations publiques pour pratique inappropriée de la magie cutanée ? Les contes, ces infâmes chroniqueurs à sens unique, les ont peintes ridées dès la naissance, veuves de cœur avant même d’aimer, amères par décret royal. On leur a refusé le bal, le prince et parfois même la fin du chapitre. Alors elles ont ricané, oui, mais faute de mieux. Elles ont appris à faire de la bile une encre, du fiel un arôme et du malheur une esthétique. Ce n’est pas de leur faute si les crapauds les trouvent séduisantes, les princes, eux, n’ont jamais pris le temps de regarder.
Portant en elle toute la rancœur de ses congénères présentes et d’antan, Juliette agitait sa louche d’os, embaumée d’ironie. Chaque tour de poignet ravivait un souvenir collectif : celui d’un bal interdit, d’une potence dressée trop vite, d’un bûcher qu’on allumait avant même l’enquête. Dans le clapotis du chaudron, on entendait les ricanements étouffés de celles qu’on avait oubliées, exilées dans les marges des manuscrits enluminés. Elle brassait donc, lentement, méthodiquement, le fiel de toutes, le ressentiment des soirs sans lune et des lendemains sans pardon. Sa louche, sculptée dans le tibia d’un juge trop zélé, sifflait à chaque mouvement une complainte moqueuse. Juliette souriait. Ce n’était pas la vengeance qui la faisait vivre. C’était l’anticipation du moment où les contes, pour une fois, finiraient mal.
— Ils vécurent heureux, hein ? J’en ai vu d’autres !
Devant elle, une table brinquebalante croulait sous les ingrédients mythiques, une surface tachée d’anciens sorts, gondolée par les siècles et par des larmes de basilic versées en trop grande quantité. Le bois, noirci par des potions capricieuses et creusé d’entailles où l’on devinait d’antiques alphabets maudits, protestait à chaque nouvel objet posé dessus, dans un long grincement plaintif. Quatre pieds inégaux, dont un remplacé par une patte d’autruche empaillée, luttaient pour maintenir l’équilibre de ce buffet infernal. À ses abords, les tiroirs bâillaient, pleins de dents, de plumes et d’objets qu’il valait mieux ne pas détailler à jeun.
Autour de la pièce, les murs, couverts de fioles, de grimoires et de bocaux à contenu douteux, respiraient à l’unisson du chaudron. Une chandelle s’égouttait à rebours et un miroir fendu ricanait tout seul depuis le coin. C’était un intérieur fait de bric, de broc et de souvenirs oubliés. Un sanctuaire où chaque objet avait une rancune, un secret ou une opinion sur qui méritait la poussière.
Devant elle donc, une table brinquebalante croulait sous les ingrédients mythiques : une écaille de dragon asthmatique, un soupir de fée en flacon hermétique, la dent d’un loup repenti, un bouton de manchette de prince charmant, une mèche de la vilaine de service volée dans un bal masqué et un bon de réduction périmé pour balais volants.
Or, il lui manquait l’ingrédient final, l’étincelle du sort, le trait de lumière : une dernière gorgée de lune, cueilli à la seconde exacte où l'astre sourit entre deux nuages.
Juliette patienta, les yeux fixés sur sa grande horloge sculptée dans un hibou mort de vieillesse. Elle chantonna une incantation lente, rythmée par les coups de sa cuillère :
Lune, verse ton vin d'argent,
dans mon chaudron crépitant,
verse, verse, l'heure est venue,
qu’enfin s’écroulent les élus.
Elle ouvrit son volet, le cœur gonflé d’une jubilation froide.
Mais... au lieu du reflet bleuté espéré... le ciel déversait un torrent d’or cru, éclatant et brutal.
Le soleil s’était levé. Triomphant. Insolent. Une lumière trop pure, trop honnête, éclaboussa la pièce.
— Pas de soleil !!! hurla-t-elle, figée d’effroi.
Le chaudron gronda, hoqueta puis éclata dans un feu d’artifice grotesque. Des grenouilles en perruque jaillirent, des pantoufles dansèrent toutes seules et la louche se mit à réciter des vers d’amour ridicules.
Frappée de plein fouet par la lumière, Juliette se mit à fondre. Lentement, tragiquement, petit sucre dans un thé trop clair. Sa peau de suie se délita, ses doigts griffus se dissolvèrent dans l'air. Son rire se fit flammèche et, enfin, simple murmure.
Elle glapit un dernier mot que même les moustiques se récitèrent ensuite, émus :
— Pas... de soleil...
Tout redevint silence.
Dans la clairière, seuls demeuraient un soupir de prince et le vieux chêne qui, pour la première fois depuis cent ans, décida de fleurir.
Et voilà, encore une sorcière fondue avant l’heure, victime d’une météo capricieuse et d’un instant d'entrelune mal fichu. On dira qu’elle l’a bien cherché, qu’elle n’avait qu’à lire l’almanach ou se lever plus tôt. Peut-être. Entre nous, combien de héros oublient leur épée sans que ça les condamne ? Combien de princesses éternuent à midi sans finir en flaque ? Les sorcières, elles, n’ont jamais le droit à l’erreur. Qu’un seul rayon de soleil traverse leur cuisine, et les voilà dissoutes, liquéfiées, évaporées dans un dernier soupir dramatique. C’est injuste, certes, mais les contes ont leurs quotas à respecter. Il faut bien que quelqu’un finisse mal. Alors une fois de plus, la boucle est bouclée : la sorcière a raté son coup, fondu son plan et rejoint le grand placard aux vilaines oubliées. Sur la table, entre les restes du chaudron et une pantoufle qui continuait de valser, un petit écriteau calciné se lisait encore :
Sort expérimental : ne pas exposer à la lumière directe. Surtout pas de soleil.
Message à toutes les sorcières :
Si vous tenez à votre intégrité physique, évitez de laver les vitres trop bien. Une petite crasse bien placée a sauvé plus d'une malédiction. Laissez les carreaux ternes, la Lune trouvera son chemin, le Soleil, lui, est un impoli qui entre sans frapper.
N’oubliez jamais : un rideau épais vaut mieux qu’un testament magique. Juliette la Tordue l’a appris à ses dépens. Maintenant, elle est partout... sauf là où elle voulait être.
Ah oui, j’oubliais, surtout... surtout ! Dans les chaudrons, on ne met pas de lumière du matin. On met juste un couvercle. On vous l’aura dit, redit, mais vous avez la tête en passoire. Alors je résume, en trois mots bien comptés, pas un de trop : Pas de soleil.
Merci pour ta lecture et ton commentaire. Je suis content que tu aies ressenti cet effet de "vivant" dans l'histoire. J'avais crains qu'écrire une nouvelle sur un personnage solitaire et isolé ne la rende de facto, sans vie. Mettre toute cette animation autour de Juliette, surtout dans des objets, était important pour moi et la "réussite" de la nouvelle.
Encore merci et à bientôt !
Merci pour ton message, je suis content que tu aies trouvé Juliette drôle ! C'était le but premier de cette nouvelle : lire une petite histoire cocasse et faire sourire le lecteur ! L'aigreur de Juliette ne la rend que plus touchante, je voulais, pour une fois, qu'on partage le combat de ces si vilaines sorcières !
A très vite et encore merci !
La pauvre sorcière ne serait-elle pas plutôt une sorcière vampire pour se dissoudre de la sorte ? En tout cas, elle est bien courageuse, car ce sortilège me paraît des plus risqués ! Mais du coup, tu ne dis jamais pourquoi elle le fait ? C'est pour pourir la vie à une princesse ? Que quelle histoire finisse mal ?
Elle aurait mieux dû écouter les conseils de ses consoeurs qui lui recommandaient de ne pas laver ses carreaux !
Petit bémol avec le thème : y a du soleil !
Ça me fait plaisir de te retrouver par ici après tout ce temps ! Toujours un bonheur de recevoir tes commentaires ! J'espère, avant tout, que tu te portes bien.
Je n'avais pas songé que Juliette pût être un hybride entre sorcière et vampire, mais pourquoi pas ! Le métissage est une richesse, même pour les vilaines ! Du moins, je l'espère !
C'est exact que je ne dis pas explicitement à quoi sert la potion mais je pensais que le sous-entendu était suffisant, d'ailleurs ta question suivante confirme mon propos, sa potion est en effet destinée à une princesse quelconque qui pourrit la vie de ses compatriotes dans un conte ou dans un autre !
En ce qui me concerne, j'écoute scrupuleusement les conseils de toutes les sorcières, c'est pour ça qu'à la maison, mes vitres sont sales ! J'ai une bonne excuse à sortir à chaque fois que l'on me fait la remarque.
Ah, je suis désolé de ton bémol, il y a effectivement du soleil mais la recette de la sorcière disait "Pas de soleil" ce qui reprend, mot à mot, le thème imposé. J'espère que tu as passé tout de même un bon moment de lecture ! Hâte d'avoir des nouvelles de tes projets futurs !
Ps : encore merci pour tout ton suivi sur les Pérégrinations, tes remarques m'ont toujours été précieuses.
Oui je traîne surtout sur le forum de PA qui est par ailleurs désert. J'essaie d'y passer le lundi soir pour noter mes avancées d'écriture de la semaine - ça me force à me bouger le cucul et à écrire régulièrement (car en ce moment, je suis dans les couches et le sommeil haché ! < enfin je dis ça, mais ça s'améliore un peu en ce moment).
Oui j'aurais bien aimé savoir pourquoi la sorcière risque sa vie pour pourrir celle d'une princesse. Elle doit vraiment la détester, genre quelque chose de terrible est arrivé entre elles !
Tu as bien raison de garder tes vitres sales hihi, au risque de te dissoudre toi-aussi, qui sait. :-)
Merci pour cette lecture, c'était très sympa de retrouver ta plume. :-)
Et idem pour tes yeux de faucons sur le Darrain, j'ai soigneusement intégrées tes remarques pour virer les éventuelles incohérences dans la version finale. Une bonne team au final ! On a tous les deux été au bout du projet :-)
J'ai promis des BLs, mais je viendrai lire Cléandre le Magnanime. Dans les faits, je procrastine à fond et rien n'avance ! J'aurais plaisir à lire la suite des Pérégrinations, d'autant que je me rappelle que la fin était abrupte.
Oh qu'elle est mignonne cette vilaine sorcière ! J'espérais vraiment qu'elle réussisse et là slack kaput la sorcière ! J'ai beaucoup aimé ton histoire, il y a plein d'expressions bien trouvées et derniers paragraphes sont top et m'ont beaucoup amusés ! Merci pour ce conte qui n'en est pas vraiment un et sa morale finale pour la prochaine génération de sorcières !
Bien sûr qu'elle est mignonne cette sorcière ! D'ailleurs toutes les sorcières le sont ! Quand je dis qu'on a été conditionné depuis notre plus tendre enfance à les détester, en voilà à nouveau la preuve ! Une sorcière ? Hop forcément une vilaine, on vient même à s'étonner qu'elle soit sympathique dans le fond. Le complot des princesses aux paillettes est bien ficelé, je te le dis !
J'espère que le témoignage de Juliette sera utile pour celles qui choisiront d'embrasser la profession. On ne dit jamais non à un bon avertissement et une bonne leçon.
Merci pour ta lecture et à bientôt j'espère !
Le narrateur était entièrement acquis à la cause de Juliette, tu peuxe croire, et plus largement à celle de toutes les vilaines incomprises. Mais vois-tu, un narrateur, ça narre. Même quand ça hurle intérieurement, il raconte, c’est son boulot. Avec une certaine froideur, peut-être… mais jamais sans compassion. Il aurait bien aimé une autre fin, lui aussi ! Pour les réclamations, adresse-toi plutôt à l’auteur. Ce sombre individu. Si jamais je le croise, je te jure qu’il passera un sale quart d’heure.
Concernant ce fameux puits où trébuchent les princesses… Peut-être qu’à force de fixer leur reflet dans la fontaine, elles finissent par oublier leurs propres pieds. On ne peut pas être à la fois jolie, perdue dans ses pensées et prudente.
Moi aussi j’ai un faible pour l’humour noir, surtout quand il laisse un petit goût de reviens-y. Si Juliette a su t’arracher un sourire entre deux jurons, alors sa potion est réussie !
Merci pour ta lecture et à très bientôt !
Je me suis laissée emportée par cette histoire et par la magie des mots si bien tissés entre eux (j'adore notamment la description du début !).
Et oui, "pas de soleil" dans les chaudrons, sinon ça fait tourner la potion ! ;)
Bravo pour ce texte très réussi ! :)
J'ai essayé de faire au mieux pour la description du début pour happer le lecteur dans mon histoire loufoque. Non, Juliette n'est pas loufoque, c'est juste le narrateur de l'histoire qui l'est !
Si tu as retenue la leçon pour réussir ta prochaine potion, la mission de Juliette est une réussite et son sacrifice n'a pas été vain !
Merci pour ta lecture et à très vite :)
Sinon Juliette, ce n'est pas un nom très commun pour une sorcière, c'est pour mieux cacher son jeu, je suppose? On dirait que la vengeance s'est retournée contre elle... Très nocif le soleil, ce n'est pas moi qui dirais le contraire.
Pour tout te révéler, Juliette est le prénom de ma sœur... Oui, je ne suis pas allé chercher bien loin, sachant qu'elle allait me lire, je voulais avant tout la faire sourire ! (Dans une autre histoire, c'est à une chèvre que je donne son prénom 🐐 )
Juliette ne pouvait vivre qu'entourée d'objets divers et variés qui ont leur propre conscience — sans parler de la maison. Je trouvais que ça donnait un peu de vie à cette sorcière bien isolée. L'exil contraint et forcé loin des Hommes ne doit pas la condamner à une solitude de tous les instants ! La pauvre, sa peine est déjà bien assez grande. Un peu de compagnie est la moindre des choses que je pouvais lui offrir.
Mais la louche n'a pas dit son dernier mot, ni le chaudron d'ailleurs qui en a raz la marmite ! Si Juliette n'est plus, ses acolytes de fontes et de poils à balai reprendront le flambeau des objets maléfiques dénigrés. Un jour viendra la gloire. Promis. Craché. Glaviot de sorcier.
Merci pour ta lecture et j'espère à bientôt !
Je découvre ta plume, et suis ravi de cette découverte <3 J'aime les petites touches d'absurdes qui se balladent au milieu de moment plus solennels. J'avoue que la description de la maison m'a particulièrement plu ! Les micro commentaires aussi, et la fin qui s'en retrouve donc inattendue (bah oui, cruel que tu es, de nous faire croire que tu es sympa avec elle!)
Merci pour ce chouette texte, et à bientôt !
Cruel, moi ? Allons donc ! J’essaie justement de faire naître un peu de compassion pour nos amies les sorcières. Disons que je suis moi aussi prisonnier d’un certain conditionnement… Une sorcière, ça doit mal finir. Les préjugés ont la peau dure ! Mais promis, la prochaine fois, je laisserai une vilaine triompher.
Merci pour ta lecture, et j’espère te retrouver dans une prochaine aventure !
Quelques remarques au fil de ma lecture :
« Elle penchait, cette masure, indécise entre tomber ou danser. Les murs étaient construits à coups de malédictions paresseuses, bardés de poutres noueuses et de fenêtres mal lunées. » -> oh mais j’adore cette description, c’est à la fois précis et juuuuste décalé comme il faut x)
« prise d’un élan de fuite : elle fuyait la maisonnette » -> dommage pour la répétition, parce que l’image est rigolote
« De l’autre, un puits qui soupire murmurait à intervalles réguliers des plaintes aqueuses, peut-être de l’eau qui se souvenait ou des échos d’anciennes princesses tombées dedans par mégarde. » -> ah, vraiment, je suis trop fan de tes descriptions ! entre la poésie de l’eau qui se souvient, et la pointe d’humour sur ces accidents princiers...
« le cœur rempli de chansons tristes qu’il n’avait jamais apprises » -> une malédiction bien poétique, tiens :P
« que l’aigreur ne leur est pas venue par caprice » -> « leur » ? Juliette et le chaudron ?
« Ce n’est pas de leur faute si les crapauds les trouvent séduisantes, les princes, eux, n’ont jamais pris le temps de regarder. » -> j’aurais mis un lien logique autre qu’une simple virgule entre la partie sur les crapauds et celle sur les princes... point-virgule peut-être ? hum.
« C’était l’anticipation du moment où les contes, pour une fois, finiraient mal. » -> oh oh !
« Une chandelle s’égouttait à rebours et un miroir fendu ricanait tout seul depuis le coin. » -> Je me répète, mais j’adore tous ces objets personnifiés !
« Devant elle donc, une table brinquebalante croulait sous les ingrédients mythiques : » -> hum, la répétition presque mot-pour-mot n’a pas trop fonctionné pour moi : je me suis dit que c’était une erreur / une maladresse, avant de penser que ça pouvait être un effet de style...
« cueilli(e) à la seconde exacte »
« Les sorcières, elles, n’ont jamais le droit à l’erreur. » -> et un peu de commentaire social au milieu de cette légende à demi humoristique, c’est ça qu’on aime :P
« Dans les chaudrons, on ne met pas de lumière du matin. On met juste un couvercle. » -> j’ai ri x)
Comme ça peut se lire dans les remarques ci-dessus je pense, j’ai vraiment aimé ! Ces descriptions entre absurde et poésie m’ont bien plu, j’ai ri ou souri à plusieurs moments, c’est souvent très « malin » dans les comparaisons (sans mauvais jeu de mot avec une certaine figure cornue...). Et tu nous déroules toute cette panoplie de la sorcière archétypale (parfois presque pendant un peu trop longtemps, si je cherchais un détail sur lequel chipoter...), et puis Juliette est effectivement méchante et aigrie, mais ! mais ! elle a ses raisons !!
Et elle a bien raison, à bas les élus :P
Le mélange entre l’humour fantastique et ces petites pointes d’un « message » plus profond (entre guillemets parce que, bon, on est pas non plus sur du pamphlet d’opinion), ça fonctionne très bien !
Et puis tiens... comme une petite envie d’avoir trouvé une bonne excuse pour laver mes vitres moins souvent... hihi
Merci pour ton retour détaillé, ça me fait plaisir que la mésaventure de Juliette t'aie plu.
Je vais te répondre en vrac, dans un joyeux désordre, à l’image de l’intérieur de la maison de Juliette.
J’ai vraiment voulu faire de l’environnement de Juliette un personnage à part entière, surtout la maison.
Vu le format du concours, j’ai compacté un maximum de petits détails farfelus, mignons (pour une sorcière entendons-nous bien, pas sûr que le hibou mort en guise d'horloge fasse fureur sur les rayons d'IKEA) ou absurdes dans chaque recoin de phrase, pour donner un maximum de vie et de charme à l'environnement de notre sorcière mal-aimée.
Concernant le "leur", je faisais référence aux sorcières en général, mais effectivement, c’est flou, et pas des mieux rédigé. J’ai un peu glissé sur ma plume de sorcier là-dessus.
Pour la répétition de : « Devant elle donc, une table brinquebalante croulait sous les ingrédients mythiques », c’était intentionnel effectivement. L’idée, c’était d’amplifier le chaos ambiant, en rabâchant un peu pour donner une impression de trop-plein visuel. Un effet de style fouillis, je le concède (presque assumé jusqu'à aujourd'hui !) que je n'emploierai plus de sitôt !
Quant à Juliette, je suis persuadé qu’elle n’est pas fondamentalement méchante. Elle est juste incomprise, aigrie, et probablement carencée en vitamine D. Personne ne lui a jamais tendu la main, ni même un balai propre. J’avais envie qu’on s’attache à elle, qu’on capte ses blessures, son exaspération face aux princesses trop bien coiffées.
On n’est pas encore dans le grand pamphlet, je te l’accorde, mais qui sait ? Peut-être qu’un jour, les sorcières marcheront sur les châteaux, torches en main et slogans au vent :
« Un crapaud dans chaque château ! »
« Marre des pommes bio et des robes qui brillent : vive la verrue libre ! »
Pour ce qui est de l’excuse de la vitre sale, tu peux désormais l’attribuer sans rougir au malheur de Juliette. Immunité accordée, implacable, foi de sorcier.
Merci encore pour ta lecture, à bientôt pour de nouvelles potions narratives !
J'aurais pu en sélectionner des dizaines, mais ici quelques notes :
- "Il était revenu muet, les cheveux dressés..." -> belle trouvaille
- "la louche levée en un sceptre sacrilège" -> drôle
- "Elles ont appris à faire de la bile une encre, du fiel un arôme et du malheur une esthétique. -> Magnifique. Ah, on ne peut que comprendre cette envie de revanche issues de générations d’injustices. On les a dépeintes en horribles monstres ? Accusées à tort ? Et bien soit, méchantes, elles le seront et là, ils auront une raison d’avoir peur. MOuahahah 🧙♀️
Je suis vraiment impressionnée par tes descriptions et par ton souffle narratif sur un instant où l’action est lente : elle rumine et touille dans un chaudron et pour autant c’est un ouragan de ressentiments, un tsunami d’injustices mal digérées… Ça bouge, ça remue, on ne s’ennuie pas. On est avec elle, en train de touiller, en se disant « Mais oui, c’est vrai ! Où dois-je signer cette pétition pour la réhabilitation de toutes les sorcières calomniées ! »
Bref, c’est savoureux, c’est brillant et c’est drôle. Un grand bravo à toi (et je vais maintenant laisser un peu de crasse sur mes fenêtres, juste par précaution...) 😋
Je propose qu’on monte sur-le-champ une association à but non lucratif pour la réhabilitation des sorcières, marâtres, ogresses et autres méchantes injustement calomniées. On les mettrait en cercle, un bon plaid sur les genoux, et on écouterait chacune raconter son enfance qui a mal tourné. À quel moment une petite créature douce et candide s’est-elle retrouvée à jeter des malédictions sur des nouveau-nés ? Il y a un vrai sujet à creuser. On ne devient pas méchant par plaisir. Sauf peut-être les gens qui mettent de la confiture de figue sur du fromage là, je n’ai plus d’argument. Quelle idée franchement ! (Pour tout avouer l'inspiration vient du repas de la veille, mon dernier exemple d'étonnement en date, ça aurait pu être tout autre chose !)
Je suis ravi que tu aies partagé le combat de Juliette la Tordue et à sa noble quête de revanche contre toutes les princesses en robe pastel. C’est ce que je voulais provoquer : un élan de compassion pour celles qu’on a toujours obligées à vivre isolées à parler avec des corbeaux aussi timbrés qu'elles. Il y a un complot, j’en suis certain. On nous endoctrine dès la maternelle.
Quant à la crasse sur les fenêtres, j’ai toujours tenu le même argumentaire à ma mère quand j'étais gamin : ce n’est pas parce que ces traces sont vilaines, qu'il faut les nettoyer, laissons leur à elles aussi une chance de s'exprimer. Elle me répondait que j’étais surtout allergique au ménage. Aujourd’hui, c’est ma compagne qui reprend le flambeau et me gronde à chaque trace de doigt sur la vitre. Je commence à soupçonner une société secrète menée par Monsieur Propre lui-même. Oui je vois du complot partout !
Merci pour tes autres remarques, ça me fait très plaisir. Je suis content que tu aies passé un bon moment. J’espère qu’on se recroisera très vite ! A bientôt !
Un vrai sujet d’étonnement (ça, c’est mon dernier), c’est les mouches. Oui. Pourquoi, ô grand pourquoi elles adorent tourner indéfiniment autour des lustres ?!! J’ai regardé… bon, et bien, il se trouve que c’est la danse nuptiale des mâles. Et le lustre est l’endroit le plus pratique pour faire de temps en temps, une petite pause. C’est épuisant la danse aussi. Voilà.
Revenons à nos chaudrons.
Quelle bonne idée cette association. Un petit plaid, une bonne séance de psychanalyse de groupe et ensuite, une fête tous ensemble. Parce que je suis sure que c’est avec elles qu’on doit bien s’amuser. Pas avec ces princesses aussi fades que le rose pâle.
Et puis, les traces de doigts sur la fenêtre… aaah, essaie le romantisme. Un souffle sur la vitre, un cœur dessiné du bout du doigt. On ne peut pas gronder un petit cœur.
A très vite !
Je suis complètement sous le charme de ton conte 2.0. Ta plume nous entraine de descriptions évocatrices en considérations amusantes et pleines d'esprit sur les personnages de contes et sur les sorcières (ce que j'ai préféré dans le texte), la fin vient nous surprendre par son ironie absurde mais implacable, et couronne ce conte décalé très ciselé. Contente d'avoir lu un de tes textes !
Oui, j’ai voulu rendre justice à ces pauvres sorcières qu’on adore détester depuis la nuit des temps. On les accuse, on les brûle, et tout ça pourquoi ? Parce qu’elles ont le nez crochu ? J’avais envie, pour une fois, qu’on leur accorde un peu de tendresse. Sous leur cape râpeuse bat un petit cœur tout cabossé par les injustices. Alors la prochaine fois qu’une vilaine fait sa vilaine dans un conte, pensons à son passé. Peut-être qu’elle n’a pas toujours été fan des malédictions…
Merci pour ton commentaire, je suis content de t'avoir fait passer un moment lecture agréable !
Merci pour ton commentaire, je le transmets de ce pas à Juliette, ou du moins ce qu'il en reste. Sa louche est très insistante et me souffle, balai de sorcière, de t'assurer par trois fois que la lune est bien brillante lors de ta prochaine concoction !
A très vite !
Super texte ! J'aime ta vision du thème du concours, c'était à la fois inattendu et super drôle x) Les descriptions sont au poil, visuelles et bien écrites, le personnage est tout de suite identifiable au point que je m'en souviendrai longtemps, ta plume est si drôle qu'elle en devient - oserais-je faire la vanne ?- tordante.
Merci pour cette histoire, et cet avertissement final que je note pour mes prochaines potions ! À bientôt !
C'est donc toi la (le?) survivante de la grande confrérie des sorcières qui s'esclaffent sous les rayons de Lune ! J'espère que ce rappel de la fin tragique de ta congénère Juliette te servira d'avertissement, il serait fâcheux que tu te retrouves liquéfier demain matin lorsque tu ouvriras tes volets ! (quoique avec la canicule actuelle, pas certain que beaucoup de volets se voient manipuler : là est ta chance, ta survie) Qui sera la prochaine tordue ? Je tele demande, le titre est désormais libre de droit et, disons-le nous bien, Bleiz la (le? désolé) Tordue, ça a du nez, du pif crochu et le poil qui va avec sur la verrue !
Je te souhaite bonne chance pour ta prochaine concoction, j'espère avoir un con(mp)te rendu de tes futurs exploits. Attention, à la louche, elle pourrait encore mordre — entre deux vers d'amour clamés.
A bientôt !
Ps : plus sérieusement, merci pour ton retour, heureux de t'avoir fait passer un bon moment de lecture.
Celle que je préfère reste "elle fuyait la maisonnette dont elle ne partageait manifestement plus les choix de vie". Une image qui a juste tellement bien marché pour moi et qui m'a accroché au reste de l'histoire.
Juste d'un point de vue personnel, si je fais l'analogie d'une caméra, ça m'a fait l'impression d'un zoom sur les ingrédients mythiques, puis on dézoom pour montrer le capharnaüm, et puis on rezoom sur les ingrédients mythiques. Est ce que c'est un effet voulu ?
J'ai adoré le point de vue des sorcières, "un potence dressée trop vite". Une très belle trouvaille et angle d'attaque. Et bien sur très bonne idée pour le thème du concours. D'ailleurs je crois que tu dis "Nouvelle pour le concours sur le thème "Pas de Lune"", erreur volontaire ?
Merci pour cette belle découverte de style !
Merci pour ton commentaire, il fera chaud au cœur de toutes les sorcières qui ont connu une fin tragique.
La cheminée biscornue est un vrai personnage, c’est même le premier avertissement. Si on avait un brin de bon sens, on déguerpirait sur-le-champ, mais bon… elle nous prévient depuis le début !
Pour l’effet « caméra » : non, pas prémédité ! Petite anecdote des coulisses : j’ai ajouté la description de l’intérieur (hors table) un peu plus tard, histoire de combler un léger déficit de mots. Quand je suis revenu à la table, la répétition « Devant elle donc, une table… » m’a paru rajouter au joyeux capharnaüm ambiant. Du coup, je l’ai gardée, petit clin d’œil à la pagaille magique des lieux.
Pour le fameux Pas de Lune… je crois que Juliette a piraté mon compte plume d'argent depuis l’au-delà. Tu as mis le doigt dessus : c’est une incantation cachée. Je vais faire semblant que c’est voulu et bâtir toute une légende autour. Merci d’avoir lancé l’idée !
Encore merci pour ta lecture et ton œil affûté !
A très vite !
J'ai beaucoup aimé ce petit conte et sa morale amorale.
Pauvre sorcière (certes laide et vilaine, mais pourtant solidaire de ses sœurs). Elle ne méritait pas de finir en eau-de-boudin. C'est la fonte dégueulasse. ^^
Plus globalement, j'ai trouvé les descriptions drôles, inventives et pleines de trouvaille. La plume est très agréable à lire. Et le thème est parfaitement exploité.
Bref, bravo pour cette chouette proposition.
Je suis content que cette sorcière t’ait ensorcelé ! Je l’aime bien moi, au point que je serais tenté de lui offrir une deuxième chance (si elle me jette pas un sort entre-temps). D’ailleurs, s’il y a un jour un concours sur le thème "Deuxième chance", je promets qu’elle revient balai au vent, (i)morale en rimes et comité de sorcières moches en fanfare derrière elle.
A très bientôt !
Ah ah très sympa !
On sent que tu t'es fait plaisir sur la mise en place et les descriptions et ça marche très bien : ça donne une atmosphère de contes pour enfant à prendre au deuxième (voire troisième) degré.
C'est drôle et c'est tendre. Très sympa !
Ce conte, bien qu’adapté pour les enfants, regorge de second degré et s’adresse aussi aux adultes. J’ai volontairement semé des objets décalés un peu partout pour accentuer le côté absurde et tendre de cette sorcière tellement fixée sur sa vengeance qu’elle en devient, je l'espère, attendrissante !
J’espère que la morale finale ne fait pas trop "cheveu sur la soupe" et s'inscrit bien dans le propos.
Merci de m'avoir lu !
A très vite.
Bien sûr que ce conte détourné est validé. Ton enchantement descriptif m'a captivé dès les premières lignes entre la maison bancale, victime de nombreux aléas, et notre charmante sorcière au nom de princesse.
Bien sûr que nous avons envie de l'encourager dans les coulisses dépeintes avec malice. Elle a raison de prendre les devants et de s'accorder SON chapitre. Juliette doit réussir à rétablir l'équilibre des contes de fée.
Et... pourquoi ce soleil ? On avait dit "Pas de soleil" ! Elle aurait dû réussir !
Une chute de Nouvelle qui fond ? Ça brise mon petit coeur sucré...
Je plussoie pour l'illustration. À quand le recueil de tes meilleurs jets ?
Avec ta lune ratée, tu as ensoleillé ma matinée !
Du grand art. Bravo !
Merci pour ton retour, ça m’a fait chaud au chaudron !
Je suis ravi que les mésaventures de Juliette t’aient enchanté. Entre la sorcière qui fond au soleil (note à moi-même : investir dans une bonne crème indice 3000 pour cet été) et sa future légende que j'imagine sous les ricanements feutrés des princesses sournoises… il y a de quoi faire une belle comédie dramatique. Qui sont les vraies pestes, au fond ? Les "gentils" ou la pauvre sorcière en décomposition émotionnelle ?
J'avais envie qu'on s'attache un peu à celle qu'on pointe d’habitude du doigt. Pour une fois, s'attacher à celle qu'on nous a appris à détester. Ça ne l’empêche pas de finir en compote de sorcière, hélas. Peut-être qu’un jour, une autre sorcière sortira victorieuse ? (Spoiler : j’y travaille sur un autre projet)
Quant aux illustrations, je plussoie avec panache ! Même si, pour l’instant, mon niveau de dessin flirte dangereusement avec celui d’un enfant de maternelle armé de feutres défectueux…
À très bientôt pour d’autres grimoires mal tournés ! 🧙♂️✨
Quelle histoire rafraîchissante, drôle et tendre ! J'ai beaucoup aimé les descriptions de tous les malheurs de cette sorcière si sympathique. Elle ne cesse de se débattre dans des complications, mais elle s'acharne et on voudrait l'aider ! Je suis certaine que ce conte ferait un superbe livre pour enfants, si quelqu'un l'illustrait joliment. Merci pour cette lecture !
Je suis ravi que les mésaventures de Juliette t’aient plu, la vie de sorcière est loin d’être tranquille !
Merci pour la suggestion d’illustrations, c’est une belle idée, cependant ce n’est vraiment pas mon domaine. Si jamais tu connais quelqu’un qui s’y prêterait bien, je suis preneur !
A bientôt j'espère !