La faim pousse aux pires extrémités

Par Nascana

Elle était seule. Elle ne savait pas ce qu'elle faisait là. Pourquoi les autres étaient parti ? Pourquoi l'avaient-ils abandonné ?

Elle frissonna, elle avait tellement faim.

Ce n'était pas possible qu'ils l'aient laissé là. Non, ils n'auraient jamais fait ça. Pas sans y être obligé…

Seulement, à présent, elle n'avait plus rien. La petite silhouette se recroquevilla sur elle-même, cachant son visage entre ses bras frêle. Elle voulait sa famille ! Elle voulait ne plus être seule, dissimulé à l’abri dans un tronc d'arbre creux. S'ils l'avaient fait entrer là, c'était parce que son corps fin le lui permettait. Eux, n'avaient pas cette chance.

Ils fuyaient. Elle avait pu sentir leur peur, mais n'avait rien dit. Aussitôt son instinct l'avait poussé à chercher la sécurité, à disparaître dans les ombres. Pour elle, cela avait était plus simple que pour eux.

Tendant l'oreille, elle chercha tous les bruits qui pourraient lui annoncer que quelqu'un approchait. Elle n'en entendit aucun. Seul le vent soufflait, agitant les branches presque déjà nues des arbres.

Depuis combien de temps, était-elle là ? Elle ne savait plus. Blottit contre le bois, elle s'était endormie. Lorsqu'elle en était venue à s'éveiller, la nuit s'étendait dans le ciel.

Osant glisser un coup d'oeil par l'ouverture, cherchant ce qu'elle pouvait faire. Autour d'elle tout paraissait vide. Aucune présence de vie, ne se faisait sentir.

Que faire ?

Elle devait manger, elle avait si faim. Ici, il n'y avait aucune nourriture. Seulement, c'était toujours les autres qui lui fournissait de quoi à se sustenter. Comment faire ?

Elle secoua la tête, et se risqua dehors. De toute façon, c'était la seule chose à faire. Elle ne pouvait plus rester cachée à attendre, sans savoir. Peut-être trouverait-elle sa famille ? Elle se rappelait encore leur odeur. La chaleur du corps de sa mère qui lui manquait tant…

Posant ses pieds-nus sur l'herbe, elle fit quelque pas. Le vent fouetta son corps vivement, la faisant frissonner. Elle ne pouvait pas rester là sans rien faire. Il fallait agir et vite.

Tournant la tête d'un côté puis de l'autre, elle partit en courant, allant au grès de ses pas. Elle préférait se déplacer dans les recoins les plus sombres. Une petit silhouette progressant dans l'ombre, pour éviter de croiser qui que se soit.

Au loin, elle entendit des bruits de pas. Son corps se figea, tapie sur le sol. Des éclats de voix résonnèrent, avant de s'éloigner. On ne l'avait pas repéré. Le soulagement la gagna. Ces grands créatures bruyantes l'effrayaient. Elle avait l'impression de savoir d'instinct qu'elle risquait pour sa vie.

Continuant son chemin, elle fut attirée par une bonne odeur. De la salive inonda sur bouche, la faim qu'elle tentait de contenir, se mit à occuper tout son esprit. Elle prit le chemin que lui indiqué le délicieux fumée. Heureusement, elle ne rencontra personne sur son chemin.

Arrivée à proximité, du parfum savoureux, elle ne pu s'empêcher de frissonner. Des voix se firent entendre. Du regard, elle chercha d'où elle pouvait venir. Ne voyant personne, elle comprit que les sons qu'elle percevait devait venir du refuge que les créatures construisaient, pour y abriter leur famille. Cette vision lui serra le coeur. Les siens lui manquaient : leur présence, leur chaleur…

Elle se figea lorsque les bruits se firent plus proches. Entendant cela, elle colla son corps à l'un des morceaux de pierres qui tapissaient les lieux. Les créatures passèrent en discutant plus ou moins fort, mais aucune d'elles ne lui porta la moindre attention. Elle se détendit quelque peu.

Un grincement sinistre résonna, puis il n'y eu plus rien. Juste des sons plus faibles qui restait à l'intérieur de l'abri. Elle était libre d'agir. Poussant sur ses petites jambes, elle se guida à l'odorat pour trouver ce qu'enfin, elle cherchait.

Son corps s'arrêta devant une masse de terre fraîchement retournée. C'était de là que s'échappait le délicieux parfum ! Elle fixa un moment, le terreau, cherchant la meilleure approche pour trouver sa nourriture.

Ne voyant pas d'autres solution, elle plongea sa main dans le sol et commença à le gratter, d'abord lentement puis avec plus de force. Brusquement la douleur fusa le long de son pouce. Elle retint un hurlement, et se mit à gémir, agitant ses doigts comme pour faire disparaître le mal qui la rongeait.

Elle avait tellement envie de pleurer. Le découragement l'habitait en cet instant. Depuis toujours, elle savait qu'elle n'était pas comme les siens. Pourquoi était-elle totalement dénuée de griffes ? Un handicap qui pourrait se révéler mortel dans son cas, puisqu'elle n'arrivait pas à creuser la terre sans se blesser.

Elle se trouvait donc là, à fixer la terre sans rien pouvoir faire. L'odeur ne faisait que lui donner encore plus faim et son estomac se tordait douloureusement, réclamant toujours plus fortement sa pitance.

Le vent lui fouetta le visage, lui amenant une senteur très proche de celle qui lui faisait tant envie. Elle chercha sa provenant et ne pu s'empêcher de frissonner lorsqu'elle comprit que c'était du grand abri que cela venait. Devrait-elle vraiment y entrer malgré la présence des créatures ?

Elle savait combien c'était dangereux mais si elle ne réussissait pas à creuser le sol, il lui faudrait bien s'y résoudre. Peut-être faisait-il plus chaud dans ce refuge ?

S’aplatissant sur le sol, elle progressa lentement. La petite silhouette gagna le mur et se pressa contre lui, pour se faire la plus petite possible. Il n'y avait toujours personne dans la vaste étendue de nature devant elle, seule une voix lui parvenant de l'intérieur lui rappelait l’existence d'une de ces bêtes.

La porte étant restée ouverte, elle y risqua lentement un œil. La première chose qui la frappa se fut les volutes de chaleur qui quittaient l'endroit, pour se perdre dans la nuit noir. Devant elle, l'une des créatures se tenaient à genou face à l'un de ses semblables. Il lui serait impossible de passer sans qu'il la voit.

C'était cet être en particulier qu'elle craignait. Il lui semblait plus grand et plus fort que l'autre, qu'il plaquait contre le sol. La peur que dégageait la plus petite silhouette était perceptible et elle sentit son coeur se serrait en voyant la scène. L'autre ne plaisantait pas. Il ne ferait sûrement pas preuve de pitié envers elle.

Elle hésita. Que faire ? Attendre ? Retourner creuser ? Tenter une traversée ?

Elle regarda sa main. Elle avait encore mal. Ensuite, son regard fit à nouveau attiré par l'intérieur. La chaleur qui s'en échappait lui donné vraiment envie d'y entrer. Peut-être réussirait-elle à se cacher le temps que l'autre bête sorte ?

L'abri l'attirait. Etait-ce là, sa dernière chance ?

Sans faire de bruit, elle se glissa dans le refuge. Ses pieds rencontrèrent du bois qui tapissait le sol. Elle y posa ses mains, progressant à quatre-pattes, son regard fixait sur la créature hostile. Il bougeait de plus en plus. Sa gros voix résonnant entre les murs, lui donnant envie de fuir. Pourtant elle ne pouvait pas s'y résoudre. Elle avait tellement faim. Trop faim…

Rassemblant son courage, elle étudia la position de l'être. Ses genoux reposaient sur le sol, ainsi il paraissait plus petit qu'il ne l'était en réalité. Il paraissait presque déséquilibré, à se penchait vers l'avant. Elle s'avança lentement, prenant le plus de précaution possible pour qu'il ne l'entende pas.

Si elle pouvait le neutraliser, elle pourrait alors passer et chercher la nourriture. C'était ce qui la motivait en cet instant. Elle était seule, à présent sans sa famille. Alors il lui faudrait se débrouiller sans pouvoir compter sur personne d'autre. A moins que la petite créature, ne se rebelle et ne l'aide à s'attaquer à l'autre.

En cet instant, elle savait déjà que le plus fort ne la laisserait pas passer tranquillement et qu'il la blesserait comme sa congénère, si jamais elle venait à tomber entre ses mains. C'était lui ou elle, elle n'avait pas le choix.

Il se remit à parler :

-Ouvre-bien la bouche !

Elle le prit au mot, et dévoila ses dents pointus, qui vinrent se planter dans son cou. Elle referma sa puissante mâchoire sur sa chair. Le sang qui se déversa dans sa bouche, réveilla son appétit, et la poussa à resserrer sa prise.

Dans son esprit, une idée s'imposa : les créatures étaient de la nourriture. De la nourriture avec peu de goût, certes, mais elle pourrait apaiser sa faim déchirante, et cette constatation lui donna toute la force nécessaire pour affronter cet ennemi.  

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Zig
Posté le 03/04/2020
Releuleu.

Ce chapitre est beaucoup mieux maîtrisé que le précédent, et je l'ai beaucoup aimé ! La découverte du personnage est bien faite, on évolue tranquillement en même temps qu'elle et on retrouve cette phrase de dialogue qui reprend celle d'avant... j'aime bien.

Tout est cohérent et fluide (de mon point de vue), et j'ai apprécié !
Nascana
Posté le 04/04/2020
Merci beaucoup.

Je suis contente qu'il te plaise mieux.
Liné
Posté le 04/11/2018
Hello again !
Je suis très intriguée par ce 2e chapitre. J'ai ma propre interprétation des événements que tu décris, mais je ne suis pas sûre d'avoir raison. Au début, j'ai cru qu'on avait passé une légère ellipse et qu'on retrouvait Lynette après le viol (apeurée, désorientée, elle a faim...). Et puis je me suis dit non, ce n'est pas Lynette, mais un nouveau personnage qui s'apparente à un animal (rapport à la mention des griffes, au fait de se terrer, de creuser... Et puis, sauf erreur de ma part, tu ne nommes jamais le personnage de ce chapitre "Lynette", donc ca pourrait ne pas être elle).
Er puis sur les derniers paragraphes, je me suis dit la vache ! En fait, c'est bien Lynette, mais qui subit ce sentiment d'exteriorisation de son propre corps que les victimes de violences graves (et de viol en premier lieu) décrivent. Avec en prime Lynette qui se défend en mordant son violeur. Je me trompe ?
En tout cas, si c'est bien ça, c'est très bien pensé et tortueux à souhaits !
Bonne journée à toi :-)
Linė 
Nascana
Posté le 04/11/2018
Coucou Liné, tu es rapide ! 
J'avoue que même si la deuxième idée aurait été classe. C'est bien la première qui est la bonne, même si c'est plus décevant. C'est un autre personnage. J'espère que tu n'es pas trop déçue et que la suite te plaira. 
 A bientôt,
Nascana 
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