La fugue

Notes de l’auteur : Bonjour a vous lecteurs ! Chaos Eyes est mon première écrit. Je travaille dessus avec deux correcteurs, et ca me prend beaucoup de temps ! Si l'histoire vous plait, vous pouvez me suivre sur Wattpad ou je posterais plus souvent : angeXpower
J'ai également un serveur discord dédier a cet écrit. Si vous voulez le rejoindre et découvrir un peu plus l'univers de Chaos Eyes voici mon discord : angexpowa !
Bonne Lecture !

Odin, roi d'Anatora, était assis sur son trône, imposant, le regard dur. À ses côtés, sa fille, la princesse Lilly, se tenait droite, vêtue d'une robe somptueuse aux teintes d'argent et de pourpre. Son cœur battait fort contre sa poitrine, mais elle conservait un masque de calme, comme on le lui avait toujours appris.

D'une voix grave et solennelle, Odin déclara :

— Et pour cela, Princesse Lilly d'Anatora devra épouser le Prince Aslan d'Apruptys.

Lilly écarquilla légèrement les yeux. Son souffle se coupa un instant alors qu'elle tourna lentement la tête vers son père, les sourcils froncés. Un silence pesant s'installa dans la grande salle du trône.

Plus tard, retranchée dans sa chambre, Lilly était allongée sur son lit, les mains posées sur son ventre, fixant le plafond sculpté. L'écho des paroles de son père résonnait encore dans son esprit.

— Me marier au Prince Aslan... ? murmura-t-elle pour elle-même. Sa gorge se serra. Pour lier nos royaumes... Sommes-nous dans une situation si désespérée, au point d'en arriver là ?

Un coup léger retentit à la porte.

— Princesse Lilly ?

La voix douce de Prune, sa servante et confidente, s'éleva avant qu'elle n'entre, les bras chargés de linge propre.

— Vous n'êtes pas sortie depuis la conférence de ce matin... Ne voudriez-vous pas prendre un peu l'air ?

Elle s'approcha et déposa délicatement des jupons de soie sur une petite table, avant de jeter un regard soucieux à Lilly, toujours étendue sur son lit.

— Je vous ai apporté de jolies tenues.

Lilly se redressa lentement et secoua la tête.

— Non, Prune. Je n'ai pas la tête à ça... Tu as entendu ? Père veut me marier à Aslan.

Prune baissa légèrement la tête.

— Oui... Tout le palais est au courant. Mais n'est-ce pas pour le bien du royaume ? Pour mettre fin à la guerre qui dure depuis tant d'années ?

Lilly inspira profondément, puis planta son regard dans celui de sa servante.

— Prune, dis-moi sincèrement... Penses-tu vraiment que ce mariage arrêtera cette mascarade ? Sa voix se fit plus amère. À mes yeux, on ne fait que me jeter dans la gueule du loup.

Prune hésita, puis se pinça les lèvres avant de répondre d'une voix plus basse.

— Avec tout le respect que je vous dois, Princesse... Je pense exactement comme vous. Mais la volonté du roi passe avant toute autre chose.

Un silence pesant tomba entre elles. Lilly sentit ses yeux lui brûler. Une boule douloureuse se forma dans sa gorge alors que des larmes menaçaient de couler.

— Je... Je ne veux pas, chuchota-t-elle, la voix brisée. Elle serra les poings. Oh, par les Ancêtres et le Grand Dragon... J'espère de tout mon cœur que Père changera d'avis.

Un ricanement moqueur brisa soudain l'atmosphère.

— Si tu veux mon avis, Lilly, Sa Seigneurie ne changera pas d'avis.

Lilly sursauta et releva brusquement la tête. Une silhouette sombre était adossée contre un mur, à moitié dissimulée dans l'ombre.

— Tu vas te marier à ce bâtard, monter sur le trône et régner. Pas le choix.

Alaric s'avança lentement, laissant la lumière dévoiler sa carrure imposante. Ses longs cheveux blonds tombaient sur ses épaules, encadrant son visage marqué par de profondes cicatrices. Sa peau mate contrastait avec ses yeux d'un rouge perçant, empreints d'une intensité troublante.

Il s'approcha de Lilly et, sans un mot, s'assit sur le lit tout près d'elle. Sa main rugueuse se posa doucement sur sa joue.

— S'il tente quoi que ce soit contre toi... s'il te manque de respect, te fait du mal, ou ose te déshonorer... son regard se durcit. Je le tuerai sur-le-champ. Tu n'as qu'à me faire confiance.

Lilly sentit son cœur rater un battement. Les bras d'Alaric l'enlacèrent, l'attirant contre son torse chaud et puissant. Pendant un instant, elle se laissa aller, nichant son visage contre lui, trouvant un semblant de réconfort dans sa présence.

— Je n'ai jamais douté de toi, Alaric... murmura-t-elle. Mais Aslan...

Sa main glissa doucement contre son torse, descendant lentement vers son ventre.

Un frisson traversa Alaric. D'un geste fluide, il la relâcha et se leva, s'éloignant à nouveau dans la pénombre. Son ton redevint plus froid.

— Bien.

Son ombre disparut presque entièrement dans la pièce obscure.

Prune, qui avait assisté en silence à l'échange, posa délicatement une main sur le linge qu'elle avait apporté.

— J'ai fini ce que j'avais à faire ici.

Elle tourna son regard bienveillant vers Lilly.

— Princesse, sortez prendre l'air. Ne restez pas enfermée ici.

Lilly ne répondit pas.

— Prenez soin de vous.

Sur ces mots, Prune s'inclina légèrement et quitta la chambre, laissant Lilly seule avec le poids de son destin.

Le temps s'écoulait lentement, implacable. Chaque seconde rapprochait Lilly du jour fatidique où elle devrait dire « oui » devant l'autel. Pourtant, dans son esprit, une seule pensée tournait en boucle : fuir.

Son cœur battait fort contre sa poitrine, et l'angoisse enlaçait ses côtes comme des chaînes invisibles. Elle refusait d'être une marionnette. Refusait d'être vendue comme un simple pion politique.

Désormais, la nuit avait enveloppé Anatora d'un voile sombre. Les couloirs du palais étaient silencieux, les torches vacillantes projetant des ombres tremblantes sur les murs de pierre. Assise sur son lit, Lilly fixait ses mains tremblantes. Puis, prenant une profonde inspiration, elle raffermit ses doigts et releva la tête.

C'était maintenant ou jamais.

Elle se leva, le regard dur.

D'un pas rapide, elle ouvrit la fenêtre menant à son balcon. Une brise nocturne caressa immédiatement sa peau, faisant voler ses cheveux roses autour de son visage. Le parfum humide de la forêt en contrebas monta jusqu'à elle, chargé de la promesse d'un inconnu terrifiant... et libérateur. Ses yeux se perdirent un instant à l'horizon. Là-bas, au-delà des murs du palais, s'étendait la grande forêt d'Anatora un dédale de mystères et de dangers, mais aussi son seul espoir.

Elle inspira profondément, puis se détourna.

Rapidement, elle enfila une grande cape sombre, dont le tissu épais recouvrit entièrement sa silhouette. Son cœur battait furieusement dans sa poitrine.

Elle n'avait jamais quitté le palais seule. Jamais.

Mais ce soir...

Ce soir, elle briserait ses chaînes.

D'un mouvement rapide, elle enjamba la rambarde de son balcon, son souffle court. Le vide s'étendait sous elle.

Tant pis.

Elle sauta.

La chute fut plus brutale qu'elle ne l'avait imaginée. Ses pieds touchèrent violemment le sol pavé du jardin royal, et une douleur fulgurante lui traversa les jambes. Elle se mordit la lèvre pour étouffer un cri, vacillant sous l'impact.

Son souffle était saccadé, mais elle tint bon.

Lilly redressa la tête. Devant elle, au-delà des hautes grilles du palais, s'étendaient les ténèbres de la forêt.

La liberté l'attendait.

Lilly se redressa avec peine, son souffle court. Ses jambes tremblaient sous le choc de la chute, mais elle n'avait pas le temps d'hésiter.

Elle se tourna une dernière fois vers le palais illuminé, imposant, majestueux... et désormais derrière elle.

— Pardonnez-moi, Alaric... Prune... Cybel... murmura-t-elle, la gorge serrée.

Elle imaginait déjà la colère froide d'Alaric lorsqu'il découvrirait son absence, le regard inquiet de Prune, et la tristesse muette de Cybel.

Mais elle ne pouvait pas faire marche arrière.

Un dernier souffle. Un dernier regard.

Puis, sans un bruit, elle s'élança vers l'obscurité de la forêt.

La mer était calme ce soir. Seules les vagues venaient lécher la coque du navire, créant un rythme apaisant que les marins apprenaient à aimer.

Sur le pont du Léviathan, un imposant trois-mâts, deux silhouettes se tenaient dans l'ombre.

Le premier : Altair. Son corps massif dominait l'espace, sa peau brune est marquée par les stigmates de mille batailles. Avec 2m40 de muscles et de cicatrices, son aura était écrasante. Ses longs cheveux rouges ondulés glissaient sur ses épaules larges, et ses yeux hétérochromes brillaient sous la lune : l'un rouge sang, l'autre, laiteux et aveugle.

À ses côtés, Scarlett. Plus fine, mais tout aussi intimidante. Son œil jaune perçant captait le moindre mouvement, tandis que l'autre restait dissimulé sous un cache-œil noir. Son menton et son bras gauche portaient des tatouages complexes, et une longue tresse rouge clair tombait sur son épaule. Autour de son cou, son lourd collier en forme de soleil reposait contre sa peau hâlée.

Elle souffla d'un ton léger, les bras croisés :

— Alors, on y va, Altair ?

L'homme ne broncha pas. Son regard restait fixé sur l'horizon.

— Jack n'est toujours pas revenu.

Scarlett haussa un sourcil, amusée.

— Jack ? En retard ? Voilà qui n'est pas banal.

Altair ne souriait pas.

— Quelque chose se trame. Je peux le sentir.

Son instinct ne le trompait jamais. D'un mouvement fluide malgré sa carrure, il s'éloigna de l'ombre du mât et marcha lentement vers la rambarde du navire.

Il gravit les quelques marches menant à la passerelle, et, d'un geste puissant, ouvrit la grande porte menant au pont principal.

La lumière des lanternes du port l'accueillit brutalement, dessinant les traits sévères de son visage.

Son regard s'arrêta sur deux silhouettes.

Là, à quelques mètres, face au port, une jeune femme couverte d'une cape sombre.

Le vent soulevait légèrement le tissu épais, révélant une silhouette douce et pleine, aux courbes affirmées. Même de loin, il sentait sa détermination farouche.

Mais ce qui attira immédiatement l'attention d'Altair, ce fut la créature à ses côtés.

Fine, élancée, et... nue.

Son corps était caché en partie par des nuages flottants, dissimulant pudiquement ses formes. Ses cheveux cotonneux, semblables à des moutons blancs, ondulaient autour d'elle, et son regard d'un bleu extrêmement clair transperçait l'obscurité.

Dans ses mains, elle tenait un sceptre plus grand qu'elle, orné à son sommet d'une lanterne gravée. Juste entre ses seins, un tatouage semblait danser sous la lumière vacillante.

Sa peau beige était tachetée de brun, constellée comme une œuvre céleste. Et au milieu de son front, scintillant sous la lueur des astres, un cristal du même bleu que ses yeux.

Un détail qui fit tiquer Altair.

Il porta instinctivement une main à son propre front.

Sous ses doigts, il sentit la présence rassurante de ses trois cristaux, d'un violet clair. Un instant, une sensation étrange le traversa, comme un murmure oublié, un écho lointain résonnant dans ses os.

— Une native d'Anatora... murmura-t-il pour lui-même.

Scarlett, restée derrière lui, plissa les yeux.

 Voilà qui devient très intéressant...

Quelques heures plus tôt...

Lilly avançait à tâtons dans l'épaisseur de la forêt d'Anatora.

Quelle idée stupide.

L'obscurité était totale. Elle aurait dû prendre une lanterne. Une bougie. N'importe quoi.

Elle frissonna en s'arrêtant un instant, cherchant à deviner le chemin devant elle. Rien. Juste l'ombre des arbres noueux, leur présence silencieuse pesant sur ses épaules.

— Une mauvaise idée... murmura-t-elle, crispéeVoilà ce que c'est !

Son cœur battait fort. Elle avait déjà l'impression d'entendre des pas derrière elle, des murmures invisibles tapis dans l'ombre.

Non. Pas encore. Pas déjà.

Elle secoua la tête et se remit en marche, plus vite.

— Il faut que je me dépêche avant qu'Alaric ne me trouve...

Le feuillage dense cachait le ciel. Même les étoiles semblaient l'avoir abandonnée.

Et puis, soudain... une lueur.

Douce, bleutée, flottant comme un feu follet.

Lilly se figea, son souffle suspendu. Des pas. Juste derrière elle.

Elle se retourna d'un bond, ses yeux s'agrandissant sous la surprise.

Un visage féminin l'observait dans la pénombre. Impassible.

Une beauté étrange et irréelle.

— Il est tôt.

Sa voix était douce, mais dénuée d'émotion.

— Tu étais prévue bien plus tard que ça.

Lilly ne comprenait pas. Qui était cette femme ?

Avant même qu'elle puisse répondre, l'étrangère tendit une main et attrapa délicatement la sienne.

— Je te guiderai.

Sa peau était étonnamment tiède. Rassurante.

— Mon nom est Cloud. Je suis un esprit des nuages.

Lilly baissa les yeux et réalisa alors un détail étrange : elle ne portait pas de chaussures.

Non. Ce n'étaient pas des pieds humains qui effleuraient le sol moussu de la forêt.

Des sabots.

Un léger clac résonna quand elle fit un pas en avant, puis un autre. Lanterne en main, ses cheveux cotonneux flottant autour d'elle, Cloud guidait Lilly hors de la forêt de son royaume.

Le silence entre elles était presque pesant, seulement troublé par le bruissement du vent et le léger clac des sabots de Cloud sur le sol irrégulier.

Lilly serra les lèvres avant d'oser demander :

— Comment savais-tu que j'allais venir ?

Cloud, sans ralentir, répondit d'une voix douce et calme :

— Je le savais, c'est tout.

Lilly fronça les sourcils.

— Ce n'est pas une vraie réponse.

— C'est la seule que j'ai.

Lilly soupira. Les esprits étaient-ils toujours aussi énigmatiques ?

Elle laissa quelques secondes s'écouler avant de reprendre, plus doucement cette fois :

— Et... pourquoi m'aides-tu ?

Cloud tourna légèrement la tête vers elle, son visage toujours impassible, mais une étrange bienveillance flottait dans ses prunelles bleutées.

— Parce que tu es la clé.

Lilly s'arrêta net.

— La clé ? La clé de quoi ?

Cloud s'arrêta à son tour, penchant la tête légèrement sur le côté comme si elle pesait ses mots.

— De ce qui doit arriver.

Lilly sentit un frisson parcourir son dos.

— Tu es bien mystérieuse... murmura-t-elle en reprenant sa marche.

— Toi aussi.

Lilly haussa un sourcil.

— Moi ? Qu'est-ce que j'ai de mystérieux ?

Cloud ne répondit pas immédiatement. Puis, dans un murmure à peine audible, elle déclara :

— Tu es celle qui brise les chaînes.

Lilly sentit son cœur manquer un battement.

Avant qu'elle ne puisse poser la moindre question, Cloud resserra doucement sa prise sur sa main et l'entraîna plus loin dans la nuit.

Retour au moment présent...

Lilly et Cloud arrivèrent enfin au port, leurs pas résonnant doucement sur les pavés humides.

Lilly s'arrêta un instant, contemplant les navires amarrés, leurs mâts se balançant légèrement sous la brise nocturne. Son regard, caché sous sa capuche bleu nuit, brillait d'une détermination farouche.

Elle serra les poings. C'était maintenant ou jamais.

— Quand il faut y aller... il faut y aller. murmura-t-elle avant d'avancer.

À quelques mètres de là, sur le pont d'un grand navire, Altair observait son équipage.

Les hommes étaient agités, parlant à voix basse, échangeant des regards nerveux. L'inquiétude flottait dans l'air, comme un orage prêt à éclater.

Altair fronça les sourcils, l'agacement gagnant peu à peu ses traits.

— SILENCE ! tonna-t-il soudain.

L'agitation cessa aussitôt. Tous les regards se tournèrent vers lui.

D'un mouvement brusque, il se tourna vers son second.

— Jack n'est pas revenu. Je pars à sa recherche.

Il descendit du navire d'un pas déterminé, sa silhouette imposante se fondant peu à peu dans l'obscurité du port.

— Restez en alerte. ajouta-t-il avant de disparaître.

Lilly, toujours à l'entrée du quai, observa la scène sans un mot.

— Le capitaine vient de quitter son navire... souffla-t-elle à Cloud.

Elle échangea un regard avec l'esprit des nuages.

L'occasion était parfaite.

Lilly accourut vers Altair, la voix teintée d'urgence :

— Excusez-moi !

Mais l'homme ne s'arrêta pas. Il ne lui accorda même pas un regard, continuant d'avancer comme si elle n'existait pas.

Cloud, légèrement en retrait, soupira, visiblement agacée par l'attitude du pirate.

— Arrêtez-vous, bon sang ! J'aimerais vous demander une faveur !

Aucune réaction.

Elle s'obstina, élevant la voix :

— J'ai de l'argent, je peux payer !

Cette fois, Altair s'arrêta net. Un rire bref, presque moqueur, s'échappa de ses lèvres.

— Ah oui ?

D'un mouvement imperceptible, il fut soudain à genoux devant elle, relevant délicatement le rebord de sa capuche pour découvrir son visage.

Son regard intense se posa sur la jeune femme essoufflée par sa course. Un sourire étira lentement ses lèvres. Il était... charmant. Trop charmant, même.

Lilly sentit son visage s'embraser malgré elle.

— Qui te dit que je recherche de l'argent ? murmura-t-il d'une voix suave.

— Vous... êtes un pirate, non ? bafouilla-t-elle, troublée.

Cloud, derrière, leva les yeux au ciel, exaspérée.

Altair ne répondit rien, se contentant d'un sourire énigmatique. Il se redressa et, dans un geste bien trop fluide, bien trop naturel, il effleura la joue de Lilly, une caresse presque possessive.

Cloud ne lui laissa pas le temps d'aller plus loin.

D'un mouvement sec, elle frappa la main du pirate avec son sceptre, brisant l'instant avec une froideur tranchante.

Lilly cligna des yeux, revenant à la réalité.

Altair, lui, se contenta de masser sa main endolorie, un sourire amusé aux lèvres.

Il haussa un sourcil, un sourire joueur flottant sur ses lèvres.

— Bien.

Son ton était devenu plus sérieux, mais son regard pétillait d'une lueur amusée.

— Pas besoin d'argent. Un baiser suffira.

Il fixa Lilly droit dans les yeux.

Lilly sentit son cœur rater un battement. Ses joues s'enflammèrent immédiatement, et elle recula d'un pas, prise de court.

Cloud, quant à elle, roula des yeux et avança, visiblement peu impressionnée.

— Quel homme... lança-t-elle avec une pointe d'ironie. Puis, sans attendre, elle ajouta : Nous trouverons un autre équipage, alors.

Altair fronça légèrement les sourcils avant de se détendre à nouveau.

— Non.

Sa voix était calme, mais assurée.

— Pas d'argent, ni de baiser.

Son regard oscilla entre Lilly et Cloud, avant de revenir sur cette dernière.

— Juste votre aide en retour. D'accord ?

Il s'exprima d'un ton plus sérieux cette fois.

Lilly cligna des yeux, reprenant peu à peu ses esprits.

— Notre aide ? demanda-t-elle.

Altair croisa les bras avant d'expliquer :

— Mon cartographe a disparu. Aidez-moi à le retrouver.

Il tendit sa main vers elle, une invitation claire à sceller leur accord.

Lilly, sans vraiment réfléchir, posa la sienne dans celle du pirate.

Une part d'elle savait qu'elle aurait dû peser le pour et le contre... mais son attirance irrépressible pour ce bel homme fit taire sa raison.

Cloud, elle, soupira longuement, comme lassée d'avance.

— Deal, alors. On vous aide, et en échange, vous me déposez... peu importe où.

Altair rit de plus belle et serra la main de Lilly avec une énergie malicieuse.

— Deal.

Altair lâcha doucement la main de Lilly, un sourire satisfait aux lèvres.

— Parfait. Alors, suivez-moi.

Il tourna les talons et avança d'un pas assuré vers le port, ses bottes claquant sur le bois humide des quais. Lilly lui emboîta le pas sans hésiter, tandis que Cloud, après un nouveau soupir, les suivit avec moins d'enthousiasme.

La jeune princesse ne put s'empêcher de jeter des regards furtifs à l'homme qui marchait devant elle. Il était grand, imposant, et dégageait une confiance inébranlable. Chaque mouvement était précis, calculé, comme s'il appartenait à son propre univers et qu'elle venait à peine d'y entrer.

Cloud, elle, observait tout autour d'elle. Le port était agité, rempli de marins bruyants, de marchands discutant âprement et d'étrangers aux visages méfiants. Elle se tourna légèrement vers Lilly et murmura :

— Tu es consciente que nous venons de passer un marché avec un parfait inconnu ?

Lilly haussa les épaules.

— Nous n'avons pas beaucoup d'options. Et puis... il a l'air fiable.

Cloud roula des yeux.

— Bien sûr. Parce qu'un sourire charmeur est la définition même de la fiabilité.

Lilly ne répondit pas, trop occupée à essayer de masquer le rouge qui montait de nouveau à ses joues.

Arrivés devant le navire, Altair s'arrêta net et se retourna vers elles.

— Bienvenue sur le Léviathan.

Devant eux, le navire semblait vivant. Des marins allaient et venaient sur le pont, portant des tonneaux, hissant des cordages, donnant des ordres. Le drapeau noir qui flottait au sommet du mât laissait peu de doutes sur la nature de l'équipage.

Cloud croisa les bras.

— Charmant.

— C'est un vaisseau rapide, solide et... Altair s'approcha légèrement de Lilly, baissant le ton pour qu'elle seule l'entende. ... sécurisé.

Lilly déglutit, troublée. Il avait cet étrange don de rendre chaque mot plus intense qu'il ne le devait.

— Mon second va vous montrer vos quartiers. On lève l'ancre dès que possible.

Cloud fronça les sourcils.

— Pas avant d'avoir trouvé votre cartographe, non ?

Altair afficha un sourire énigmatique.

— Justement. Vous allez m'aider à le retrouver.

Lilly échangea un regard avec Cloud, puis hocha lentement la tête.

— Où l'avez-vous vu pour la dernière fois ?

Altair leva les yeux vers la ville animée qui bordait le port.

— Il était censé revenir d'une taverne en ville... mais il n'est jamais remonté à bord.

Cloud secoua la tête.

— Une taverne, hein... Eh bien, allons récupérer votre homme.

Le second d'Altair guida Lilly et Cloud à travers le navire, les conduisant à leurs quartiers. L'intérieur du Leviathan était bien différent de tout ce que Lilly avait connu. Ici, il n'y avait pas de chambres luxueuses ni de lits moelleux. Juste des hamacs accrochés dans une grande pièce où dormaient toutes les femmes de l'équipage. Les hommes, eux, dormaient séparément dans une autre section du navire. Seul Altair avait sa propre cabine, un privilège de capitaine.

Pourtant, malgré le manque de confort, Lilly ne se sentait pas mal à l'aise. Il y avait quelque chose de libérateur dans cette simplicité.

— Bienvenue chez nous, princesse.

Lilly leva les yeux vers la femme qui venait de lui adresser la parole. Grande, élancée, avec une longue chevelure noire et des lèvres peintes d'un rouge éclatant, elle dégageait une élégance sauvage.

— Je suis Meruru. Je vais m'occuper de toi.

Elle tendit à Lilly une tenue propre : un haut court, ressemblant à un maillot de bain qui dévoilait largement sa poitrine, ainsi qu'une longue jupe fendue sur le côté.

Lilly attrapa les vêtements sans la moindre hésitation et les examina.

— C'est confortable ? demanda-t-elle simplement.

Meruru eut un sourire en coin.

— Très. Et pratique pour bouger.

Lilly hocha la tête, satisfaite. Dans son royaume, être peu couvert n'était pas un problème. Les habitants d'Anatora vivaient en harmonie avec la nature et portaient des tenues légères adaptées à leur climat.

— Je vais me changer alors. déclara-t-elle avant d'enlever sa cape pour enfiler la nouvelle tenue sans gêne.

Meruru l'observa avec un air appréciateur.

— J'aime bien ton assurance. C'est rare de voir quelqu'un qui ne rougit pas en arrivant ici.

Cloud, qui était restée silencieuse jusque-là, intervint avec une pointe d'amusement.

— Les filles d'Anatora n'ont pas votre pudeur.

Meruru laissa échapper un petit rire.

— Dans ce cas, tu t'adapteras vite ici.

Lilly passa une main sur sa hanche, appréciant la coupe fluide de la jupe.

— Merci, Meruru.

— Allez, viens sur le pont quand tu es prête. Le capitaine doit déjà être en train de préparer son plan pour retrouver son cartographe.

Lilly acquiesça, prête à rejoindre l'équipage.

Sur le pont du Leviathan...

Altair et Scarlett se tenaient face à l'équipage, rassemblé sous la lueur vacillante des lanternes. L'air était chargé d'impatience et d'inquiétude. Jack, leur cartographe, n'était toujours pas revenu.

Altair fronça les sourcils, balayant du regard les visages tendus de ses hommes.

— Silence !

Le tumulte s'évanouit aussitôt. Tous savaient qu'un Altair agacé n'était pas à prendre à la légère. Il croisa les bras, dominant l'assemblée de sa stature imposante.

— Jack a disparu. Et je refuse de lever l'ancre sans lui.

Un murmure parcourut l'équipage. Certains se jetaient des regards inquiets.

Scarlett, adossée nonchalamment au bastingage, prit la parole, sa voix tranchante.

— Alors écoutez bien, bande de mouettes écervelées ! On va fouiller cette foutue ville de fond en comble. Jack n'est pas du genre à se perdre, et si quelqu'un a foutu ses sales pattes sur lui, on va le retrouver.

Un des marins, un certain Vigo, s'avança légèrement.

— Capitaine, on a déjà fouillé la taverne où il traîne d'habitude. Rien.

— Et les bordels ? lança un autre en haussant un sourcil. Jack aime bien s'égarer là-bas.

Quelques rires nerveux fusèrent, mais Altair les coupa net d'un regard.

— On va procéder par zones. déclara-t-il d'un ton tranchantÉcoutez bien : Vigo, prends trois hommes et retourne fouiller les tavernes et les tripots. Demande aux tenanciers s'ils ont vu quelque chose d'inhabituel. Pas de bagarre inutile, sinon je te balance à la flotte.

Vigo hocha la tête avant de filer avec son groupe.

— Kieran, toi et ton équipe, prenez les quais. Si Jack a été enlevé, on a peut-être tenté de l'embarquer ailleurs. Parlez aux pêcheurs, aux marchands, fouillez les entrepôts.

Kieran acquiesça, lançant un regard entendu à ses compagnons avant de disparaître dans la nuit.

Altair continua ses instructions, organisant les groupes de recherche avec une précision militaire.

Scarlett, elle, s'approcha du capitaine et murmura d'un ton plus bas, juste pour lui.

— Tu crois sérieusement qu'on va le retrouver en fouillant à l'aveugle ?

Altair ne répondit pas tout de suite. Il passa une main sur son front, effleurant inconsciemment les trois cristaux violets incrustés dans sa peau.

— Non. Il releva enfin les yeux vers ScarlettMais si on ne bouge pas, on n'aura aucune piste.

Scarlett soupira avant de dégainer un couteau qu'elle fit tourner entre ses doigts avec agilité.

— J'espère juste qu'il n'est pas déjà mort.

Altair plissa les yeux, son regard s'assombrissant.

— Il ne l'est pas. Sinon, on l'aurait déjà retrouvé.

Un silence pesant s'installa. Puis, il tourna les talons.

— On a du travail. Bouge-toi.

Scarlett esquissa un sourire en coin avant de le suivre, disparaissant à son tour dans l'obscurité de la ville.

Scarlett siffla, un sourire narquois aux lèvres.

— Retrouver ? T'as oublié que c'est une licorne ? Il est sûrement déjà vendu, ouais.

Altair s'arrêta net.

— Putain ! Le marché noir !

Dans un élan d'excitation soudaine, il saisit Scarlett par la taille et l'embrassa à pleine bouche.

— T'es un génie, quand tu le veux ! murmura-t-il contre ses lèvres avant de se reculer brusquement.

Scarlett roula des yeux, un air faussement exaspéré.

— Toujours aussi dramatique...

Mais Altair ne l'écoutait déjà plus. Il se retourna pour rameuter ses hommes, prêt à organiser une expédition vers les quartiers les plus louches du port.

Et c'est à ce moment-là que Lilly apparut devant lui, dans sa nouvelle tenue.

Le capitaine, pourtant habitué aux visions les plus extravagantes, sentit un frisson parcourir son échine. La jeune femme avançait d'un pas assuré, sa jupe fendue dévoilant ses jambes et le haut ajusté mettant en valeur ses courbes.

Un long silence plana. Altair déglutit discrètement et força son regard à rester sur son visage. Mais son corps, lui, n'eut pas la même discipline.

Merde.

Il croisa les bras pour masquer la bosse qui se formait sous son pantalon, mais Scarlett, elle, ne rata rien du spectacle. Un sourire en coin, elle se pencha vers lui et murmura :

— Besoin d'un instant, capitaine ?

Altair serra les dents.

— Ferme-la, Scarlett.

Elle éclata de rire tandis qu'il se raclait la gorge, tâchant de retrouver contenance avant de parler à Lilly.

Lilly s'arrêta devant Altair, les bras croisés sous sa poitrine, le défiant du regard.

— Alors, capitaine ? C'est quand qu'on part chercher ce Jack ?

Elle était encore essoufflée d'avoir traversé le navire pour le retrouver, mais elle ne comptait pas montrer le moindre signe de faiblesse.

Altair, toujours crispé, détourna le regard vers son équipage qui attendait ses ordres. Il prit une grande inspiration avant de répondre, le ton un peu plus sec qu'il ne l'aurait voulu :

— On y va maintenant. Toi et Cloud, vous venez avec moi. Scarlett, tu prends un autre groupe et tu fouilles le marché noir prés du port.

Scarlett, toujours amusée par la gêne d'Altair, fit une révérence exagérée.

— Bien, mon capitaine.

L'équipage se mit immédiatement en mouvement, rassemblant leurs armes et préparant la descente vers la ville. Lilly marchait aux côtés d'Altair et Cloud, ses pas se calant sur ceux du capitaine. L'animation du port, avec ses cris de marchands et le clapotis des vagues contre les coques, formait un fond sonore constant. Malgré l'agitation ambiante, une tension flottait dans l'air.

— Par où commence-t-on ? demanda Lilly, le regard tourné vers Altair.

Il ne ralentit pas, son visage fermé par une expression grave. Son ombre s'étirait sous les lanternes, projetant une silhouette imposante.

— Les docks cachent toujours des informations. Si Jack a été vendu, les courtiers sauront où il est passé.

Scarlett, marchant à leurs côtés, effleura d'un doigt le manche de l'un de ses poignards.

— S'il est encore en état de parler... ajouta-t-elle d'un ton mesuré.

Lilly sentit son estomac se nouer.

— Pourquoi dites-vous ça ?

Scarlett posa sur elle un regard plus doux, mais sérieux.

— Jack n'est pas un cartographe ordinaire. Une licorne, c'est rare. Et le marché noir adore ce qui est rare.

Cloud hocha légèrement la tête.

— Nous devrions nous hâter. Il y a une tension inhabituelle dans l'air.

Lilly serra les poings. Elle ne comprenait pas encore tout du monde dans lequel elle venait de mettre les pieds, mais elle savait une chose : elle refusait de rester spectatrice.

Altair s'arrêta brusquement à l'entrée d'une ruelle étroite. L'obscurité y était plus dense, seulement percée par la lumière vacillante des lanternes accrochées aux murs. Des ombres bougeaient lentement à l'intérieur, des murmures discrets s'élevant de petits groupes dispersés.

Il tourna légèrement la tête vers Lilly et Cloud. Son regard, perçant sous la lumière, les cloua sur place un instant.

— Vous entrez dans un endroit où les règles sont différentes. Ici, on ne montre ni peur ni hésitation.

Lilly déglutit.

— Je suis prête.

Un sourire bref, indéchiffrable, passa sur les lèvres d'Altair avant qu'il ne plonge dans l'ombre de la ruelle.

Scarlett haussa légèrement les épaules.

— Bienvenue au marché noir.

Lilly inspira profondément et lui emboîta le pas.

Soudain, Lilly s'immobilisa, son corps parcouru d'un frisson incontrôlable. Ses yeux s'écarquillèrent, fixes, comme si elle voyait quelque chose que les autres ne pouvaient percevoir. Son souffle se coupa, et son visage se tordit sous le poids d'une vision invisible aux autres.

Altair s'arrêta net, l'observant du coin de l'œil. Autour d'eux, l'équipage continua d'avancer quelques pas avant de remarquer le silence pesant qui s'installait.

Puis, d'un geste brusque, Lilly leva une main tremblante et pointa du doigt une ruelle sombre à quelques mètres d'eux.

— Ici.

Sa voix n'était qu'un souffle, fragile et empreint d'une détresse qui fit tressaillir Scarlett. Ses doigts se crispèrent sur sa jupe, son regard paniqué se posant sur Altair.

— Il est là... murmura-t-elle.

Son visage était livide, et dans ses yeux brillait une peur si brute que même Cloud la fixa avec une gravité inhabituelle.

Altair, lui, ne bougea pas immédiatement. Il scruta Lilly avec intensité, détaillant chaque tressaillement de ses lèvres, chaque frisson de ses épaules. Puis, lentement, il reporta son regard vers la ruelle.

Un long silence s'installa.

— Qu'as-tu vu ? demanda-t-il enfin, d'un ton si bas qu'il semblait résonner dans l'air.

Lilly avala difficilement sa salive, son corps encore tremblant.

— Jack... Il est là. Ligoté. Il souffre... Quelqu'un... lui fait du mal.

Ses mots s'échappaient par saccades, comme s'ils lui brûlaient la gorge.

Scarlett et Cloud échangèrent un regard, tandis que l'équipage retenait son souffle.

Altair, lui, ne détourna pas les yeux de Lilly. Son expression s'assombrit, et il serra lentement le poing.

— Alors qu'est-ce qu'on attend ?

D'un pas décidé, il s'avança vers la ruelle, ses hommes sur les talons.

Tandis qu'Altair, Scarlett et le reste de l'équipage disparaissaient dans l'ombre des ruelles, Lilly et Cloud restèrent en retrait, postées sur le quai. L'air était chargé de sel et de promesses nocturnes, mais l'atmosphère entre elles était lourde, suspendue à ce qu'elles venaient de vivre.

Cloud brisa le silence.

— Tu as des visions... Depuis quand ?

Lilly détourna les yeux, les bras croisés contre elle-même comme pour se protéger d'un frisson invisible.

— Maintenant... souffla-t-elle, le regard perdu dans le vide.

Elle serra les poings.

— Ça a déjà commencé... ajouta-t-elle dans un murmure presque résigné.

Mais avant qu'elle ne puisse dire quoi que ce soit de plus, une main ferme se referma autour de sa gorge.

Pas avec brutalité. Pas avec violence. Juste assez pour imposer sa présence.

Un souffle chaud frôla son oreille.

— Tu es bien loin de la maison... La voix était un murmure, à la fois douce et menaçante. Alaric va être fou de rage. Tu as de la chance qu'il ne soit pas seul ce soir.

Le cœur de Lilly rata un battement.

— Cybel... murmura-t-elle, figée.

Elle se retourna lentement, et la prise sur sa gorge s'effaça aussitôt. Une main chaude et calleuse effleura sa joue, avec une tendresse qui contrastait avec l'intrusion initiale.

— Princesse.

Ses yeux dorés brillaient d'un éclat perçant sous la lumière des lanternes du port. Sa peau sombre captait les reflets de la mer, et ses longues dreadlocks, attachées en une queue haute, tombaient sur son épaule. Il avait l'allure d'un mercenaire aguerri, vêtu de cuir et de métal, pourtant, dans son regard, il n'y avait rien d'hostile.

Lilly le fixa, partagée entre la surprise et une étrange familiarité.

Cybel, celui qui l'avait toujours protégée. Celui qui avait grandi dans l'ombre de la famille royale d'Anatora, et qui, d'une loyauté sans faille, avait toujours veillé sur elle.

— Que fais-tu ici ? demanda-t-elle, sa voix à peine audible.

Cybel esquissa un sourire léger, mais son regard restait grave.

— La vraie question, c'est plutôt : qu'est-ce que toi, tu fais ici ?

Lilly leva les yeux vers Cybel, la mâchoire serrée.

— Je fugue.

Il ne sembla pas surpris.

— Je l'ai vu, oui.

Elle inspira profondément, tentant de calmer son cœur affolé.

— Je ne veux pas épouser Aslan.

— Je le vois aussi.

Un silence pesa entre eux, seulement troublé par le clapotis des vagues contre le quai.

— Pars... souffla-t-elle, détournant les yeux.

Mais Cybel ne bougea pas. Au lieu de ça, il tendit une main et effleura ses lèvres du bout des doigts, un sourire presque amusé étirant sa bouche.

— Rentre, tant que c'est moi qui te le demande.

Sa voix était douce, presque caressante, mais elle sentait l'ordre sous les mots.

— Ça ne marchera pas... murmura-t-elle, reculant légèrement.

Il soupira et se pencha vers elle, sa voix se faisant murmure tout contre son oreille.

— Rentre.

Lilly secoua la tête, reculant encore.

Cybel jeta un coup d'œil au ciel avant de croiser à nouveau son regard.

— Alaric se rendra compte de ton absence dans... disons trente minutes.

Il s'approcha davantage, réduisant l'espace entre eux, jusqu'à ce que Lilly sent son souffle sur sa peau.

— Il te traquera.

Ses doigts glissèrent jusqu'au bout de son nez, le tapotant avec une légèreté presque affectueuse.

— Et il te prendra de force.

Lilly frissonna.

— Tu le connais. Il la fixa, son expression indéchiffrable. Tu es son tout.

Il se recula légèrement, comme s'il pesait une dernière fois ses mots, puis ajouta, plus bas :

— Alors fuis vite... Je ne lui dirai rien.

Lilly sentit son cœur se serrer. Dans sa voix, il n'y avait ni menace, ni supplication. Juste une vérité brute qu'elle ne pouvait pas ignorer.

— Merci, Cybel...

Lilly se pencha pour déposer un baiser sur sa joue, un geste empli de tendresse et de gratitude. Cybel en fit de même, effleurant son visage avec une douceur familière.

Cloud les observa en silence, un léger sourire adoucissant ses traits.

— Vous vous reverrez.

Sa voix était calme, empreinte d'une certitude inexplicable. Puis, après un instant, elle ajouta :

— Mais Lilly a des choses à accomplir. Nous en avons tous.

Cybel fronça légèrement les sourcils, sans tout à fait comprendre. Mais il acquiesça.

— Prenez soin d'elle. Elle peut être vraiment très bête parfois.

Il tendit la main et ébouriffa les cheveux de Lilly avec une affection taquine. Elle protesta faiblement, un sourire aux lèvres, mais son cœur se serra en sentant la distance déjà se creuser entre eux.

Sans un mot de plus, Cybel fit volte-face et s'éloigna d'un pas assuré. Il ne se retourna pas.

Lilly le suivit des yeux, incapable de détacher son regard de sa silhouette qui disparaissait peu à peu. Un poids lui tomba dans la poitrine. Son ami, son frère de cœur, s'éloignait... et elle ne savait pas quand, ni si, elle le reverrait un jour.

Une main chaude se posa sur son épaule.

Lilly sursauta légèrement et leva les yeux vers Cloud. L'esprit des nuages ne dit rien, mais son regard parlait pour elle. Un simple soutien silencieux, sans jugement ni promesses inutiles.

La ruelle indiquée par Lilly s'enfonçait dans les entrailles sombres du marché noir, un véritable labyrinthe de passages étroits et de venelles sinueuses. L'odeur de sueur, de métal et d'épices volées saturait l'air.

Du côté d'Altair...

Altair avançait en tête, ses bottes résonnant sur les pavés irréguliers. Scarlett le suivait de près, une main posée sur la garde de son sabre, tandis que quelques membres de l'équipage restaient en retrait, surveillant les alentours.

— Tu crois vraiment qu'il est ici ? murmura Scarlett en jetant un regard à droite et à gauche, méfiante.

— Si cette gamine dit vrai, alors oui. Altair plissa les yeux en scrutant la ruelle sombre.

Le marché noir était en perpétuelle effervescence, grouillant de vendeurs de chair, d'armes interdites et de créatures capturées. Des cages empilées les unes sur les autres laissaient entrevoir des formes recroquevillées, humaines et non humaines.

Altair n'aimait pas cet endroit.

Soudain, un cri étouffé se fit entendre venant de derrière une rangée de cages.

Le groupe s'arrêta net.

Altair échangea un regard avec Scarlett.

Ils contournèrent un étalage d'objets ensorcelés et tombèrent sur une scène qui fit bouillir le sang du capitaine.

Jack.

Le cartographe était là, attaché à un poteau de bois, des chaînes lui entravant les poignets et les jambes. Son torse était marqué de coupures récentes et sa corne, symbole de son espèce, avait été entaillée. Un mince filet de sang coulait sur sa tempe.

Devant lui, un marchand au ventre proéminent discutait avec un client potentiel.

— Une licorne mâle en bonne santé ! Un spécimen rare, robuste, et surtout... capable de tracer les cartes les plus précises des mers connues et inconnues ! Le marchand passa une main crasseuse sur la corne fendue de Jack. Un prix d'or pour un talent pareil !

Altair sentit sa mâchoire se crisper.

— Combien ? demanda le client, un homme aux habits de soie et à l'air suffisant.

— Cinq mille pièces d'or, pas moins ! répondit le marchand avec un sourire cupide.

— Je vous en donne trois mille.

Scarlett se pencha légèrement vers Altair.

— On intervient ? souffla-t-elle.

Altair ne répondit pas tout de suite. Son regard était rivé sur Jack, qui, malgré son état, venait de lever les yeux vers lui. Une lueur d'espoir traversa brièvement son regard fatigué.

Le capitaine fit craquer ses phalanges.

— Oui.

Il s'avança sans aucune discrétion.

— Je le prends, déclara-t-il d'une voix calme mais tranchante.

Le marchand se retourna, surpris, mais son expression changea vite en méfiance en reconnaissant Altair.

— Capitaine du Léviathan, grinça-t-il. Je n'aime pas faire affaire avec les pirates.

Altair sourit froidement.

Son visage pâlit légèrement, mais il tenta de masquer son trouble derrière un sourire mielleux.

— Capitaine du Léviathan... murmura-t-il, les doigts crispés sur son étal.

Altair, lui, restait impassible. Son regard, froid et perçant, était rivé sur Jack. Il était déjà en train d'évaluer la situation, les issues possibles, le nombre d'hommes armés autour d'eux.

Il n'avait pas besoin de parler plus fort. Ici, dans les bas-fonds, son nom circulait déjà à voix basse. Pas seulement parce qu'il était un capitaine pirate redouté. Mais parce qu'il était un Métamorphe.

Le chaos incarné.

Un silence pesant s'abattit sur le marché noir. Plusieurs marchands cessèrent aussitôt leurs affaires, reculant imperceptiblement. On ne défiait pas un Métamorphe à la légère. Ces créatures étaient des anomalies, des vestiges d'un temps plus ancien que Bareth lui-même. Ils n'étaient ni dieux, ni démons, mais leur simple existence apportait l'instabilité et la ruine.

Altair avança lentement.

— Rends-le-moi.

Sa voix était basse, presque un murmure. Mais elle vibrait d'une menace si tangible que Scarlett sentit un frisson lui remonter l'échine.

Le marchand déglutit.

— Je... J'ai payé cher pour lui.

Il tenta un sourire nerveux.

— Mais je suis un homme d'affaires, je peux toujours—

Altair fit un pas de plus, et les ombres autour de lui semblèrent vaciller.

Sa peau, un instant, vira à un noir abyssal, son corps prenant une teinte surnaturelle, comme si le monde lui-même peinait à le contenir. Ses yeux, eux, n'étaient plus que deux fentes lumineuses, brûlant d'une lueur dorée et glaciale.

Le marchand se figea, sa gorge se nouant sous l'angoisse pure et viscérale qui s'empara de lui.

— Je ne le répéterai pas.

Un courant d'air étrange parcourut la ruelle, soulevant la poussière. Autour d'eux, des murmures terrifiés s'élevèrent. Certains hommes du marché noir reculaient déjà, certains disparurent dans l'ombre, préférant ne pas assister à ce qui allait suivre.

Scarlett croisa les bras, amusée.

— Ce serait plus simple de simplement négocier, tu sais ? lança-t-elle, même si elle savait qu'Altair ne l'écoutait pas.

Le marchand hoqueta, puis leva immédiatement les mains en signe de reddition.

— Il est à toi ! Prends-le !

Sans attendre une seconde de plus, Altair s'approcha de Jack et d'un geste, brisa les chaînes d'un coup sec. Le cartographe s'effondra à genoux, trop faible pour se relever immédiatement.

Altair l'attrapa par l'épaule et le redressa sans effort.

— On rentre.

Personne ne chercha à les arrêter.

Le groupe avançait dans la ruelle, l'air pesant encore de la présence du chaos. Chaque pas d'Altair semblait aspirer la lumière, son corps d'encre absorbant l'éclat vacillant des lanternes. Ses yeux, devenus d'un blanc spectral, luisaient dans l'obscurité, fendant les ombres comme deux lunes vides.

Scarlett marchait à ses côtés, son sabre toujours à portée de main, mais son ton resta léger malgré la tension.

— Tu es nu, maintenant.

Altair ne répondit pas, continuant sa marche sans paraître gêné par la révélation.

— Tu es trop en colère... poursuivit-elleTu ne peux même pas contenir cette forme humaine.

Un silence.

Puis, sans même la regarder, il répondit d'un ton désintéressé :

— Qu'importe.

Scarlett baissa les yeux avec un petit sourire narquois.

— Je ne pense pas que la princesse ait déjà vu ça...

Altair, enfin, baissa les yeux vers son propre corps. Sa silhouette noire semblait à peine tangible, comme sculptée dans la nuit elle-même. Mais son sourire se dessina lentement lorsqu'il s'arrêta sur la vision de sa verge proéminente, qui se fondait presque dans sa peau obscure, cachée par l'ombre mouvante qui l'entourait.

L'idée de voir l'innocente princesse rougir devant sa nudité apaisa légèrement la rage sourde qui grondait en lui.

— Elle finira par s'y habituer.

Scarlett secoua la tête, amusée, mais ne fit aucun commentaire.

Le chaos continuait de vibrer autour d'eux, mais pour l'instant, Altair semblait enfin retrouver un semblant de calme.

Altair monta à bord du Leviathan en silence, son corps d'ombre toujours imprégné de chaos. Il avançait d'un pas lent mais lourd, chaque mouvement semblant faire trembler l'air autour de lui.

Cloud et Lilly, marchant d'un pas rapide en direction du navire, aperçurent la scène qui se déroulait sur le pont. Scarlett, l'air tendu et haletant, portait Jack, toujours inconscient et gravement blessé, dans ses bras. Le combat pour le sauver était terminé, mais l'atmosphère restait lourde de tension. La mission de sauvetage venait d'être accomplie, mais le poids de l'instant semblait encore peser sur tous. Sans réfléchir, Cloud s'élança vers Scarlett et, d'un geste fluide, s'empara de Jack pour l'aider à le porter. Ensemble, jusqu'à l'intérieur du navire. La tension de la bataille commençait à retomber, mais Lilly, elle, restait figée, incapable de détourner les yeux de la créature qui se tenait devant elle.

Son cœur battait bien trop fort.

— Capitaine... ?

Sa voix n'était qu'un souffle hésitant, à peine audible.

Ses yeux balayèrent Altair, détaillant chaque aspect de son apparence métamorphosée : sa peau noire comme la nuit, striée de cicatrices blanches luisantes, ses yeux lumineux, presque irréels, et les deux énormes queues qui battaient lentement derrière lui.

Il était effrayant. Et pourtant, il était magnifique.

Puis, elle vit.

Elle vit trop.

Son regard, glissant sans le vouloir, s'arrêta là où il ne fallait pas.

La chaleur lui monta aussitôt aux joues et elle détourna la tête d'un coup sec, sentant son visage brûler.

— OH ! lâcha-t-elle, terriblement embarrassée.

Altair arqua un sourcil, un sourire en coin se dessinant sur ses lèvres sombres.

Scarlett, déjà en train de se diriger vers l'infirmerie, jeta un coup d'œil en arrière et éclata d'un rire moqueur.

— Tu vois, je te l'avais dit.

Lilly n'osait plus relever la tête.

Elle déglutit difficilement, mais son regard, lui, refusait de partir.

— Ce n'est pas tous les jours... qu'on voit ça.. murmura-t-elle, la voix étrangement rauque.

Son cœur battait à tout rompre alors qu'elle essayait de détourner les yeux. Mais c'était impossible. C'était comme fixer une étoile interdite, une lumière trop brûlante pour être ignorée.

— Je vous assure, ce n'est pas la première fois que je vois un homme nu. s'empressa-t-elle d'ajouter, presque sur la défensive.

Altair arqua un sourcil, un rictus amusé flottant sur ses lèvres.

— Hmm... vraiment ?

— Mais ceux-là... sont... vraiment pas anodins.

Elle s'enfonçait. Complètement. Et elle le savait. Ses joues prirent une teinte plus rouge encore, brûlantes sous l'intensité du moment. Pourtant, malgré la panique qui la rongeait, malgré la gêne, une petite voix au fond d'elle murmurait une vérité troublante.

Elle voulait voir... encore.

Un rire grave et vibrant s'échappa de la gorge d'Altair. Il fit une pause, tourna le dos à l'infirmerie, s'éloignant lentement. Il se dirigea vers sa cabine, l'odeur salée de la mer s'échappant derrière lui, pour retrouver un peu de calme dans son espace privé, Lilly bien sur le suivi de très prêt. Altair s'empara d'une bouteille de rhum et en prit une gorgée, l'ombre d'un sourire effleurant ses lèvres. D'un mouvement lent et calculé, il alla s'asseoir dans son fauteuil, l'air aussi paresseux que prédateur.

Puis, du bout des doigts, il tapota son genou.

— Approche.

Un simple mot, et Lilly sentit son ventre se tordre. L'ordre était doux, mais il ne laissait aucune place au refus.

Elle hésita, le cœur battant si fort qu'il couvrait presque le son des vagues. Ses jambes semblaient de plomb et pourtant, elle avança, attirée comme un papillon par une flamme.

Elle ne baissa pas les yeux. Pas une seule fois. Elle refusait de céder à la tentation...

Puis elle sentit quelque chose glisser le long de sa cheville.

Un frisson violent la traversa lorsqu'une des queues massives d'Altair s'enroula autour de sa jambe, un contact étrange, chaud et possessif.

Il soupira profondément, un bruit grave et rauque qui vibra dans tout son corps.

— Mh...

Sa voix était un murmure chargé de chaleur et de promesses inavouées.

Lilly inspira brusquement, ses doigts tremblant légèrement. Son cœur battait si vite qu'elle se demanda s'il n'allait pas exploser.

Elle était prise au piège.

Et le plus effrayant... c'est qu'elle n'avait aucune envie de s'échapper.

Altair la fixa, un éclat curieux dans ses yeux blancs luminescents.

— C'est donc à ça que ressemble Lilly d'Anatora ?

Sa voix était un murmure grave, caressant comme une vague nocturne. Il la détailla, son regard traînant sur elle avec une lenteur délibérée.

— Je ne t'ai vue qu'en portrait... mais tu es bien plus belle en vrai.

Son ton était plus sérieux, presque contemplatif.

Lilly sentit son souffle se bloquer. Elle savait qu'elle serait reconnue un jour ou l'autre... mais ce n'était pas cela qui la troublait à cet instant.

C'était lui.

Sa présence. Son regard brûlant qui semblait la traverser.

Son cœur tambourinait contre sa cage thoracique, et sa gorge était sèche lorsqu'elle ouvrit la bouche, sans qu'aucun son n'en sorte.

Elle se mordilla la lèvre, cherchant une contenance. Mais la voix sensuelle d'Altair coupa court à toute tentative.

— Pourquoi cachent-ils ces courbes... que tu portes si bien ?

Le frisson qui la parcourut fut immédiat.

Une de ses queues glissa lentement contre son ventre, Lilly tressaillit, une chaleur brûlante lui remontant le long de l'échine. Le contact poursuivit sa lente descente, effleurant la courbe de sa hanche, serpentant sur sa cuisse avant de s'insinuer subtilement entre elles, comme un jeu interdit.

Sa respiration s'emballa.

Lilly serra les poings, se forçant à ne pas céder à la panique. Pourtant, son corps trahissait un trouble qu'elle ne comprenait pas complètement.

— A-Altair...

Sa voix trembla légèrement.

Il se contenta de sourire, l'ombre d'une satisfaction flottant dans son regard éclatant.

Lilly savait qu'elle aurait dû s'éloigner. Qu'elle aurait dû dire quelque chose. Mais à cet instant, elle était incapable de bouger...

Car une part d'elle... ne le voulait pas.

Altair s'appuya nonchalamment contre le dossier de son siège, visiblement fatigué, son souffle lent et maîtrisé. Son corps puissant, aux courbes sculptées par l'ombre et la lumière, imposait sa présence avec une aisance indécente.

Mais ce fut un détail bien particulier qui troubla Lilly.

La trop grande verge du capitaine reposait contre son torse, pesante et relâchée.

Elle ne pouvait détourner les yeux.

Quelque chose clochait. On lui avait toujours dit que lorsqu'un homme désirait une femme, son corps réagissait immédiatement.

Pourquoi... ?

Un léger pli barra son front tandis qu'elle remontait lentement son regard vers celui d'Altair.

Ses prunelles blanches brillaient d'un amusement silencieux. Il avait vu son trouble.

— C'est... gros. lâcha-t-elle, sans même s'en rendre compte.

Le sourire d'Altair s'agrandit.

— Et ça te fait peur ?

Elle rougit instantanément, réalisant l'absurdité de sa propre phrase.

Son corps se figea. Elle n'osait plus parler.

Altair, lui, savourait cette tension entre eux, ce jeu silencieux où il dictait le rythme, la poussant à naviguer dans des eaux inconnues.

— Je comprends. murmura-t-il d'une voix suave.

D'un geste paresseux, sa main descendit, saisissant fermement sa propre virilité. Son regard ne quittait pas celui de Lilly, traquant chaque frisson, chaque hésitation.

Le silence devint brûlant.

Lilly sentait son pouls cogner contre ses tempes.

Elle aurait dû détourner les yeux. Se lever. Trouver une excuse.

Mais elle ne bougea pas.

Altair, lui, attendait.

Comme un chasseur savourant l'instant où sa proie cessait de fuir.

Tout doucement, il se raidissait, et cette transformation éveilla en Lilly un mélange d'effroi et de fascination. Elle mordilla sa lèvre, tentant de calmer les battements affolés de son cœur. Altair était immense, sa silhouette dépassant les deux mètres, et son corps, tout en puissance brute, semblait à peine pouvoir contenir l'essence même du chaos.

Son regard dériva plus bas, glissant sur lui malgré elle. L'ombre de son désir se dessinait contre son torse, et elle sentit sa gorge s'assécher. Il était... colossal. Son souffle se coupa un instant, son ventre se contracta sous l'effet d'une chaleur sourde qui l'envahissait peu à peu.

Elle aurait dû détourner les yeux, mais son corps, lui, semblait en décider autrement. Une envie irrépressible la poussait à avancer, à tendre la main, à effleurer cette peau marquée de cicatrices luminescentes. Comme s'il percevait son trouble, la queue d'Altair se resserra autour de sa cuisse, lentement, la maintenant contre lui. Lilly frissonna, incapable d'ignorer la pression qui se faisait plus insistante, la caressant là où son corps trahissait déjà son trouble. Un soupir lui échappa, tremblant, tandis qu'un frisson remontait le long de son échine.

L'atmosphère était lourde, brûlante. Une tension invisible mais indéniable pulsait entre eux, rendant l'air presque irrespirable. Son cœur cognait, son souffle se faisait erratique. Elle n'aurait jamais dû ressentir ça. Pas avec lui. Pas aussi vite.

Mais son corps ne mentait pas.

La tension était insoutenable. Son souffle était court, son ventre noué d'un désir qu'elle ne comprenait pas entièrement, mais auquel son corps, lui, répondait sans hésitation. Lentement, d'un geste presque incertain, elle fit glisser le haut de maillot de bain qui lui servait de t-shirt, dévoilant un bout de peau tendre et frissonnant sous le regard brûlant du capitaine.

Les pupilles brillantes d'Altair restèrent rivées sur elle, suivant chaque mouvement, chaque frémissement de sa peau nue exposée à son attention avide. Ses lèvres s'entrouvrirent légèrement, son souffle se fit plus profond, et Lilly sentit son ventre se contracter sous cette tension fiévreuse.

Mais alors qu'elle s'apprêtait à céder à cette attraction inexorable, la porte s'ouvrit brusquement derrière elle, brisant l'instant suspendu. Elle sursauta, le rouge lui montant aux joues, et dans un réflexe précipité, elle rabaissa le tissu pour cacher ce qu'elle venait d'exposer.

Altair, lui, ne broncha pas. Son regard, un instant fixé sur elle, glissa lentement vers l'intrus, mais sa posture ne changea pas. Les jambes écartées, une main paresseusement posée sur son bijou de famille qu'il caressait avec une lenteur exagérée, il esquissa un sourire insolent. Loin de se troubler, il accueillit l'interruption avec une nonchalance provocante, pompant doucement contre sa paume tout en levant les yeux vers la personne qui venait d'entrer sans frapper.

Le silence fut brisé par une voix douce et posée.

— Jack va bien.

Altair tourna légèrement la tête, son regard brillant de curiosité.

— Et sa corne ? demanda-t-il d'un ton neutre.

 Rien de grave, elle est intacte.

D'un geste nonchalant, Altair relâcha son emprise sur lui-même et se redressa lentement. Il quitta sa chaise, avançant vers la silhouette qui venait de parler. Lilly se retourna à son tour, détaillant l'homme qui venait d'entrer.

Ses cheveux roses tombaient jusqu'à ses épaules, une mèche plus longue effleurant son col. Des lunettes rondes reposaient sur l'arête de son nez, masquant à peine l'éclat perçant de ses yeux. Ses longues oreilles pointues et ses canines acérées ne laissaient aucun doute sur sa nature. Un vampire. Son allure était soignée, impeccable. Un long manteau structuré, une chemise d'une propreté irréprochable, et une mallette qu'il tenait avec une élégance certaine.

S'apercevant du regard insistant de Lilly, il esquissa un sourire.

 Ruth, se présenta-t-il avec une inclinaison polieLe médecin.

Lilly hocha la tête.

 Lilly.

Elle omit volontairement son titre. Il n'avait plus de sens à ses yeux.

Ruth ne fit aucun commentaire, se contentant d'un sourire avant de se tourner pour partir. Mais Altair leva la main, l'arrêtant d'un simple geste.

— Merci. murmura-t-il en guise de gratitude.

Puis, il reporta son attention sur Lilly, l'observant avec une intensité qu'elle peina à soutenir.

— Tu peux aller te coucher... ou tu peux passer la nuit avec moi.

Sa voix était grave, traînante, empreinte d'un amusement certain. Il attrapa de nouveau sa bouteille de rhum, en bu une gorgée avant de marcher vers son lit.

— Je ne force pas. ajouta-t-il simplement, son ton plus sérieux.

Lui laisser le choix, s'assurer qu'elle comprenne que son consentement comptait.

D'un mouvement fluide, il s'allongea sur le matelas, reprenant lentement forme humaine. Ses cheveux rouge sombre retombèrent en vagues sur son torse, sa respiration était calme, sa main glissa lentement sur son bas-ventre, retrouvant sa virilité froide et molle sous ses doigts.

Lilly s'approcha, hésitante. Elle observa son visage, ses traits détendus, et sans vraiment réfléchir, elle se pencha pour déposer un baiser sur son front, juste sur les cristaux qui ornaient sa peau.

Un frisson parcourut Altair.

Il aurait pu l'empoigner à cet instant, la tirer contre lui, la faire sienne dans une fougue brute et incontrôlable. L'envie lui dévorait le ventre, lui consumait les entrailles.

Mais il se contenta de la regarder, un sourire presque imperceptible flottant sur ses lèvres.

 Bonne nuit. souffla-t-elle.

Puis elle recula, s'éloigna de lui pour rejoindre les quartiers des femmes, là où l'attendait son hamac pour la nuit.

Altair suivit sa silhouette du regard jusqu'à ce qu'elle disparaisse dans l'ombre. Un soupir échappa à ses lèvres.

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