C’était un samedi matin, il y avait une pluie type londonienne, que l’on ne trouvait que sur les côtes de Cranstal. De là, Miss Billford arpentait les rues de cette bonne vieille Ramsey, malgré la pluie ; elle s’efforçait d’avancer, connaissant cette ville et son temps capricieux ; elle savait qu’elle ne pouvait pas s’arrêter. Elle sortit son téléphone portable pour prévenir Adèle de son absence, en lui faisant ses plus plates excuses.
Après quelques jours, la pluie n’avait toujours pas cessé, mais elle n’était plus aussi abondante. Pour éviter de se faire duper, elle appela un taxi. Adèle était une femme enjouée, pleine de vie, enthousiaste, mais surtout une très belle femme. Elle n’était pas très grande, mais elle avait de l’âme.
Aïden détestait cette vieille chose, comme il l’appelait : considérant qu’elle était parfois trop intrusive, qu’elle n’avait pas à harceler Adèle sur la paternité de l’enfant. Il se sentait particulièrement mal à l’aise en sa présence.
- Vous êtes encore là, vous, vous êtes assigné à domicile ?!
- Mais je ne suis pas un criminel !
- Trop tôt pour…
Adèle les interrompit avant qu’ils ne prononcent des mots sans retour. Cela faisait déjà sept mois qu’elle était enceinte, et Miss Billford était venue l’aider dès qu’elle avait appris la nouvelle. Puis, peu de temps après, Aïden, un ami très proche, était venu leur prêter main forte. Anne, à son habitude, lui avait apporté de délicieuses mignardises et son fameux fraisier à la fleur d’oranger. Elle fabriquait ses propres jus et n’hésitait pas, quand elle en avait l’occasion, à les lui faire gouter. Adèle n’était pas pauvre et empotée, au contraire, elle savait se débrouiller mieux que personne, mais elle ne se plaignait pas quand Miss Billford lui proposait ces gâteaux et surtout ces éclairs choco-pistaches.
Le soleil ne s’était pas encore couché qu’Aïden s’était déjà afféré au fourneau. Cela était naturel pour lui qui tenait toute une chaine de restaurants à son nom ; il n’avait pas laissé à Adèle, depuis leur rencontre, le bénéfice du doute concernant les fast-foods. La cuisine n’était pas aussi grande qu’Aïden le voulait, et pour y remédier, cuisiner chez lui vingt-quatre heures sur vingt-quatre était la meilleure solution. La rue LampHill Road ne permettait pas l’ouverture de fast-food et d’autres commerces, le bâtiment le plus imposant qu’on pouvait voir à des kilomètres, c’était Bride Church. Elle était traversée par une autoroute qu’elle utilisait rarement. Ses déplacements consistaient à aller de LampHill Rd à W Kimmeragh Rd, cela faisait une certaine distance à vélo, mais pour de longues excursions, elle prenait sa petite Clio deux places.
On ne trouvait pas près de chez elle des hôpitaux ou de bons gynécologues, elle avait eu le choix entre le gynécologue que lui conseillait Miss Billford et celui qu’Aïden lui avait recommandé. Son choix s’était porté sur Miss Llorne, celle qui avait suivi la nièce d’Aïden ; pour se faire pardonner de son insistance, il lui avait offert ses séances jusqu’à son accouchement.
C’était sa dernière séance avec Gabrielle Llorne, elle avait fait ses études en France et était revenue il y a peu de temps pour ouvrir son propre cabinet dans sa ville natale, Ramsey. Gabrielle lui avait conseillé de venir dans le centre, à Ramsey & District Cottage Hospital pour son accouchement, et de loger dans l’hôtel le plus proche. Ce qu’elle fit.
Adèle faisait son chemin habituel à vélo pour aller chez les Branone, leur maison était entourée de champs, elle se situait au nord-est de Smeale Farm. Ils avaient acheté leur terrain grâce à l‘héritage d’un oncle parenté à la mère d’Émeline, et payaient ses services grâce à l’argent que lui rapportait leur entreprise de vente de mobilier. Emeline étudiait dans une école privée ; du haut de ses 10 ans, elle voulait faire carrière dans la politique ; quand ses parents ont appris cela, ils sont donc immédiatement appelés Adèle pour lui apprendre l’art du parler et de la langue. Adèle montait ce long escalier qui menait à la mezzanine du haut, puis à l’étage où se trouvaient les chambres. Elle avait commencé à enseigner Emeline dès l’âge de six ans, et lui avait parfaitement appris à manier la langue, ce qui n’avait pas aidé les parents à manier son tempérament.
Miss Branone l’avait invité à prendre le thé pendant ces trois heures :
- Vous avez pu trouver un babysitteur ?
- Oui, une proche amie, celle qui était à la fête de fiançailles de Margaux et qui avait chanté Sunday mornin’ de Kris Kristofferson sur la table de billard… Et j'ai aussi la marraine de Jade que je connais depuis 7 ans.
- Ah oui, elle ; c’est un bon choix, mais si elles ne peuvent pas venir un jour, je vous conseille une agence de babysitting. De plus, c’est une amie, donc…
Adèle reprit la route de LampHill pour retrouver Jade et la préparer au dîner qu’Aïden avait organisé. Il était censé venir les chercher et les amener à la dégustation de son nouveau restaurant. C’était son deuxième restaurant sur cette petite île et son dixième au monde ; il voulait donc marquer le coup, le faire découvrir à sa plus grande fane, et faire gouter la grande cuisine à Jade. Anne était passée à l’improviste :
- Oh Miss Billford !
- Je sais, je sais, mais quand même. Elle vient à peine de naître, et ce n’est pas bien qu’elle fréquente ce genre d’environnement.
- Quoi comme environnement ?… Et puis tu dis ça parce que tu ne l’aime pas.
- Je dis ça pour le bien du bébé et pour ton bien.
- Tu penses qu’il va me briser le cœur… C’est une dégustation de nourriture avec Jade, moi et lui, c’est tout… Si c’est ça qui t’inquiète.
- Ce n’est pas le père de l’enfant que je sache, donc il n’a pas à s’impliquer autant dans la vie de ton bébé et la tienne !
Le ton se mit à monter :
- Vous n’êtes pas la mère de cette enfant que je sache, et ni la mienne non plus !
- Ne t’énerve pas, ma chérie, c’est pour te protéger toi et ton enfant que je dis ça, et puis…
- Je me répète, je pense m’en sortir comme une adulte.
Elle prit ces affaires et ouvrit la porte. Juste derrière celle-ci se trouvait Aïden qui les attendait : « Mises, vous nous quittez déjà ? » dit-il. » Elle lui jeta un regard exécrable et sortit de la pièce.
- Salut, toi. Il se mit à gazouiller, Jade devait surement voir en lui un compagnon de jeu et se mit à gazouiller à son tour.
- Salut Aïden !
- J’ai failli t’oublier, il l’embrassa. Tu veux que je te raconte quelque chose ?
« Il était à peu près quinze heures, et j’avais dû quitter le bureau plus tôt ; on m’avait appelé quelques heures avant la fin de la journée pour m’annoncer le décès de ma cousine. » Donc, je suis allé chez son notaire, Mrs. Grant, qui m’attendait avec ma sœur et mes deux frères. On aurait dit qu’on était à un enterrement et pas des plus joyeux, il fit une pause et se mit à ricaner. Le notaire ne voulait pas procéder au partage des biens avant que la famille ne vienne, ce que j’ai trouvé stupide, car si on apprend qu’une cousine est morte et qu’on procède au partage de ses biens, on vient à l’heure, bien enfin bref. J’en étais où… Ah oui, donc, il était près de 17 heures quand tout le monde s’est assis. Le notaire commença par les formules de politesse classiques : Bla… Bla… Bla… toutes mes condoléances… Bla… Bla… Vous, Aïden Kült, elle vous a cédé ces œuvres d’art les plus précieuses : allant d’un Donatello jusqu’à un Botticelli… Ah… Tu veux les voir ? ! »
Ils se retrouvèrent devant un tableau d’un mètre par soixante :
- Wow, il tient dans ton coffre !
- Houai, tu as vu, je t’avais dit qu’on pouvait mettre un corps là-dedans. Elle l’a acquis lors d’une vente aux enchères.
Anne était venue quelque heure en avance, un mardi qui aurait pu sembler comme les autres ; dès qu’elle mit les pieds dans la salle, un silence glacial s’installa et toutes les robes noires se retournèrent, elle s’avança lentement et déposa un doux baiser sur le cénotaphe, puis elle se dirigea vers la cuisine. La famille avait racheté leur ancien domaine où tout leur enfant et petit enfant avait vu le jour pour y enterrer l’âme même de cette famille. Anne s’était éloignée de tous ces regards désapprobateurs et s’avançait maintenant dans l’épaisse forêt qui entourait la maison. Cette forêt, elle la connaissait bien, elle y avait passé la plupart de son temps. On pouvait encore apercevoir la petite cabane qu’elle avait fait construire à cette époque, et les initiales qu’elle avait gravées avec celle-ci dans le tronc du chêne avant de partir.
« Comment osez-vous ! » L’homme repris son accent australien qu’il avait perdu depuis bien des années, Anne sursauta, elle avait reconnu cette voix pénétrante, qui avait marqué sa jeunesse et son âme.
- Vous souilliez ces lieux !
- Mister Dante…, elle réagissait comme une enfant. Je… Je… Vous présente toutes mes condoléances. Je suis venue p…
- Ne gaspillez pas votre salive, tout le monde sait ici que vous êtes là pour voir la tristesse se dessiner dans nos yeux et la dévorer en vous léchant les doigts et en buvant nos larmes.
- Comment osez-vous ! C’était ma sœur.
- C’était ma fille et rien de plus pour vous, sinon vous seriez resté jusqu’à ce qu’elle prononce ses derniers mots.
Des larmes coulèrent sur les genoux de toutes les personnes présentes, Anne partit. Elle sentait tous les regards sur son dos, mais ne pouvait rien y changer, le mal était fait. Elle savait en revanche qu’avec Adèle elle pourrait se rattraper.
Jade comme sa mère possédait une énergie débordante : elle criait, babillait, gesticulait, on aurait dit une vraie gymnaste. Mais elle se calmait à l’arrivée d’Aïden, elle aimait le voir, elle aimait ses sourires, et elle le remerciait en souriant aussi, ce qui avait étonné Adèle qui peinait à la faire rire ou sourire. Ce n’était pas un bébé difficile ou capricieux, elle était la princesse de sa mère et elle l’avait bien compris.
Anne avait fait exprès de passer à l’improviste ; elle était, un peu plus tôt dans la journée, partie acheter des ingrédients pour faire ses éclairs à la pistache et au chocolat. Elle n’avait pas omis le fameux Banoffee Pie, un de ses desserts favoris, et espérait que Jade l’apprécierait autant, seulement quand elle en aurait l’âge :
- Miss ! S’esclaffa Adèle.
- Darling, Je tiens à m’excuser pour il y a trois jours, je n’aurais pas dû, cela fait peut-être cinq ans qu’on se connait et tu connais mes réactions face à certaines choses, mais saches que je continuerai avec peut-être moins de ferveur, mais saches le.
- Tu m’emmènes quoi !
- Je vais cuisiner chez toi mes éclairs, il faut dire qu’en réalité, je voulais voir Jade.
- Vous avez de la chance. Elle vient juste de se réveiller, désolé pour le bruit, elle n’a pas crié comme ça depuis des jours.
Elle se dirigea vers la chambre du bébé : « Coucou, ma belle, comment ça va ? — Oh, ça peut aller, tu sais, elle la prit dans ses bras, elle se mit à pleurer plus fort. « Il ne faut pas troubler ta maman comme ça. » Adèle prit Jade dans ses bras : – Elle n’a pas mangé, c’est pour ça.
La chambre de Jade et de sa mère n’était pas très éloignée l’une de l’autre, les portes se trouvaient en face à face ; celle de sa fille était simple sans superflu, elle était blanche avec un papier peint ananas-mangue suffisamment coloré pour ne pas exciter la pauvre petite avant de dormir, ce qui délimitait l’espace nuit. Pour celle de sa mère, un tableau trônait au milieu, il faut dire qu’il n’allait pas très bien avec le reste de la décoration, un peu simpliste, mais c’était Aïden qu’il lui avait donné et elle l’avait beaucoup aimé. Il était très voyant, on ne pouvait pas le rater, Anne elle l’avait vue, elle l’avait même très bien vue.
Adèle avait remarqué le regard que Ms. Billford avait jeté à ce tableau : il était particulier, composé d’un cadre fait de Ziricote et d’une toile. Elle représentait un homme reposant sur des billots, paré d’un gilet de costume en coton, d’une écharpe pliée à la Mail Coach et d’un pantalon noir à rayure grise ; il y avait une femme dont il tenait fermement la main ; ils avaient une mine défaitiste, ils ne respiraient que la cruauté du sort et le malheur commun, tous deux étaient séparés par une imposante robe ornée d’or et de diamant ; celle-ci permettait à peine de distinguer le domaine.
Le temps accompagnait leurs mines désastreuses, malgré cela, on pouvait apercevoir quelques raillons de soleil. Dans la partie gauche du tableau, presque au premier plan, on y voyait des écuries. C’était le seul élément du tableau qu’on pouvait voir distinctement. La maison et les visages étaient flous comme des souvenirs oubliés d’un temps. Le tableau émanait une certaine crainte, un soupçon de malaise, de nostalgie du passé qu’on aurait peut-être pu sauver, il nous donnait une envie de se plonger en nous-mêmes, de crier à la calomnie, de se poser et de réfléchir à ce que la vie aurait pu être ; si seulement…
- Où as-tu eu ce tableau ? demanda-t-elle.
- Vous l’aimez, c’est Aïden qui me l’a offert.
- Où l’a-t-il eu ?
- À un enterrement, je crois… Désolé…
Adèle ouvrit la porte, elle se précipita dans les bras de Murielle, elles burent quelques verres. Adèle allaittant ne pouvait pas, mais elles essayèrent de convaincre Ms. Billford d’en faire autant, elles parlèrent de si de là des responsabilités qu’engendrerait la maternité, puis de leurs expériences communes. Ce n’était pas le même niveau, Adèle en avait eu un d’un coup et Murielle trois garçons, pour le bonheur de son compagnon.
Elle se connaissait depuis plus de dix ans. Lors d’une fête entre amis, Murielle avait tenté de mordre la vache du restaurant espagnol 5 Port Jack, une longue histoire que tout le monde aurait aimé oublier. Elles ont loué un appartement rue Woodbourne, elles étaient d’anciennes colocataires. Depuis l’université, Murielle aspirait à des rêves d’étoile, mais avait dû se résoudre à être comptable dans une entreprise pharmaceutique.
La mère principale des Mody’s, Haley, avait donné rendez-vous au parc Elfin Gled, plus proche de Ballure Holiday Homes. Mlle. Browler présenta le nouveau venu au jeune parent, Noah portait ses 35 ans avec fierté, l’Australien s’était marié jeune, mais Lenny était leur premier enfant. Jade se mit à pleurer.
- Je chuchote à l’oreille des bébés. Noah s’approcha d’Adèle avec un sourire presque candide aux lèvres. Je peux.
- Ah, dans un groupe de parents. Elle lui donna Jade.
Ils s’installèrent au-dessous d’un arbre. Après avoir passé les commodités de pimpant parent, Noah esquissa un sourire nostalgique.
- Elle me rappelle ma sœur, on avait neuf ans de différence.
- Toutes mes condoléances.
- Elle allait bientôt passer la trentaine.
- Vous pouvez vous dire que vous étiez là jusqu’au bout.
Il se mit à ricaner, une lueur presque animale passa dans ses yeux.
- Elle s’appelait Elizabeth Nockfire, il baissa les yeux. On l’a laissé rentrer dans notre vie… côtoyer nos enfants… Qu’est-ce que l’on a pu être stupide. Dans tous les cas, elle l’a laissé crever et elle est partie avec l’époux de ma sœur. Je me demande quel âge elle a aujourd’hui : elle doit être vieille et fripée, elle a peut-être fait sa vie avec lui. Puis je sais que l’on dit ça quand quelqu’un s’est séparé, mais je ne l’ai jamais senti ce salaud. Sa meilleure amie ! Je n’arrive pas à croire, sans vouloir vous vexer, que les femmes puissent agir comme cela. Avant de partir comme un lâche, il a pensé à nous l’enlever, avec à peine une licence sous le bras. Vous vous attendez à quel résultat. Il ria assez fort que tous les Mody’s se retournèrent.
- Vous voulez dire qu’il a tenté de la tu…
- Oui, c’est ce que je veux dire. Il n’avait que 3 mois, 3 putains de mois. C’était son premier enfant. Elle est partie au moment où ma sœur avait le plus besoin d’elle, le médecin avait découvert qu’il ne passerait pas les cinq mois, une déformation, je crois.
- Je ne sais même pas quoi dire. Je suis… Elle était enceinte…
- On a fait sa commémoration récemment, et elle a osé se présenter mardi dernier. Comment peut-on avoir autant d’antipathie ?
Adèle hocha la tête, elle n’avait pas tout déchiffré, mais elle avait compris son chagrin et compatissait. L’Australien s’excusa et fut surpris de la vitesse à laquelle il s’était confié. Il nettoya ses larmes, se leva et saisi sa poussette. Il se tourna vers Adèle et la remercia. Elle sortit bouleversée de ces confidences, elle n’imaginait pas sa vie sans Jade.
Cette nuit-là ne fut pas la plus reposante.
Murielle était venue le lendemain pour une pause boisson. « Je bois pour nous deux », avait-elle dit en s’abattant sur le divan du salon.
- Je n’en peux plus, tu vois Rob du bureau, il a osé me dire que son avorton de prématuré faisait bien toutes ses nuits… T’y crois ça ?
- Tes enfants ont près de 2 ans non… Le regard fini et disparu, Adèle se servit un verre d’eau.
- Qu’est-ce que tu as aujourd’hui ?
- Tu me trouverais folle… dit Adèle.
- Je te trouve déjà névrosée alors…
- Hier soir, j’étais sur le point de me coucher et puis je suis allé voir Jade avant de dormir, mais dans sa chambre, j’ai fait un malaise. En me réveillant, je me suis retrouvé dans une chambre, mais pas celle de Jade, une autre dans une maison avec un long couloir et des tapisseries à fleur jaune, la fenêtre donnait sur la cabane… Et… il y avait des pleurs de bébé, qui s’amplifiaient et s’amplifiaient. Un vacarme. Et puis un silence… C’était comme s’il y avait un bruit sourd, mais une perspective presque… palpable. C’est alors qu’une vieille femme s’est approchée, elle a pris le bébé et lui a murmuré : « Chute, ça va aller ». Elle a caressé l’enfant, puis une sorte de… de croûte est sortie, comme quelque chose de visqueux et sec à la fois, le bébé en était recouvert, mais il ne pleurait pas, il était comme paralysé. Elle a pris sa main et la posée sur la poitrine de l’enfant, elle s’est avancée vers lui et a dit un truc bizarre…
- QUOI ?
- « Un éternel retour »
Près de Bowring Road campait l’imposante bâtisse de Ramsey Cottage Hospital. Cela faisait de bonnes années qu’elle n’avait pas eu l’occasion de se rendre dans un hôpital, sans compter ses longues années passées auprès des pauvres enfants démunis.
- Vous êtes bien Anne Billford ? Voici vos résultats.
Adèle longeait la rue de LampHill, repensant à la conversation bien étrange qu’elle avait eue avec cet homme tout aussi curieux. La pauvre Jade avait faim et Adèle s’efforça de se dépêcher. Elle gravit les marches de deux en deux, se précipita vers la chambre de la petite, ouvrit avec sérénité et satisfaction le meuble où se trouvaient les biberons, mais en un instant elle entendit un bruit qu’il l’a déplu : le placard ne s’ouvrait pas. Comprenant d’où venait cette difficulté, elle bondit sur le tableau, l’extirpa de ce mur, mais en un geste, il se retourna, pivotant avec brutalité et enfin, tomba. Elle fut prise d’une peur profonde, le tableau s’étant retourné sur la peinture, elle espérait qu’elle n’avait pas déchiré la toile. Mais son regard fut attiré non pas par un dégât quelconque, mais la signature à son arrière : « Pour ma meilleure amie Eli, ma Lily, voici le tableau qui est dans ma famille depuis des années. »
Déjà quinze ans qu’Anne n’avait pas fait de mécanique, elle s’y était mise au lycée, quand George Muster l’avait traitée de « petite fille léthargique », une insulte qui, à cette époque, n’avait pour don que de l’agacer. Jugeant qu’elle ne travaillait pas assez. Elle se mit alors à la mécanique, sur les quatre roues. Plutôt bonne dans sa profession, elle y consacrait plusieurs jours par mois. Tentant même les compétitions, malgré les préjugés.
- Aïden ! Ça va ? J’ai appris en catastrophe la nouvelle. Comment est-ce que tu te sens ?
- Oh tout va bien, plus de peur que de mal !
- Tu as tout de même le pied, le bras et quelques côtes cassées. C’était sur Montain Road, c’est ça ?
- J’ai essayé de freiner, mais ça n’a pas marché, la police enquête… À Jade Salut ma belle !
La petite lui tendit les bras, Adèle la déposa à son côté, Jade se blottit et s’endormit près de lui.
- On dirait que l’on va faire une sieste tous les deux, dit Aïden en bayant.
Les intendantes avaient fait leurs rondes toute la nuit, apportant à certains moments des fleurs ou des cartes provenant de diverses expéditrices. Elle ne s’était pas rendu compte que le soleil s’était déjà levé, sa fille et Aïden dormaient encore. Cela faisait près d’une semaine qu’elle n’avait pas passé une nuit aussi calme ; elle ne s’était levée que deux fois dans la nuit ; on pourrait dire que cela pouvait devenir un record personnel.
- Darling ! lança Anne de sa voix nasillarde. Je ne savais pas que vous étiez ici, j’espère qu’il ne s’est rien passé… La petite ?
- Non, ne vous inquiétez pas… Mais… je ne vous ai pas averti de l’accident d’Aïden ?
- Il fallait bien que cela arrive un jour, je plaisante, ma chère, je plaisante. Je passe matinalement les vendredis pour rendre visite à un ami de longue date. Un petit silence d’incommodité envahit la pièce. Ne me dites pas que vous avez laissé la petite dormir toute une nuit dans un hôpital ? Laissez, je vais la changer.
Elle prit Jade et se dirigea vers les toilettes. Depuis les toilettes, elle lui siffla qu’elle pouvait la prendre pour le reste de la journée, ainsi elle pourrait pleinement profiter de cet instant de repos en tant que nouvelle mère. Adèle ne s’était jamais séparée d’elle depuis qu’elle l’avait vue. Alors ce fut un non bien concis. Elle tendit les bras pour saisir Jade, mais d’un geste ferme, Anne la serra plus fort. La véritable mère de cet enfant avait presque envie de lui dire : « Rendez-moi mon bébé. »
Avec un peu de vaillance et d’effarement, Miss Billford sortit, jetant un regard noir à la pièce. Le bébé en larme et agité, elle avait senti la longue compétition de regard qui s’était produite.
Celle-ci descendit la rue espérant trouver un café, mais une toux insoupçonnée l’a pris. Elle s’affala quelques minutes sur un banc à son côté gauche, ses postillons pris une couleur ambrée puis viraient vers le pourpre, elle savait qu’elle ne pourrait tenir un jour de plus.
Même si Miss Billford était légèrement possessive, elle savait qu’un hôpital n’était pas bon pour un enfant et encore moins pour un bébé. Alors Adèle retourna à LampHill pour y déposer Jade. Elle remarqua qu’elle n’avait plus de compote framboise, le préféré de son enfant. Cela faisait des mois qu’elle n’avait pas eu l’occasion de cuisiner seule, donc pour cet événement elle voulait se faire un bon plat français : une Blanquette de veau, et en garder pour Aïden qui sortait bientôt. Elle n’avait jamais eu l’occasion de lui prouver, depuis la mésaventure avec le Todd in the Hole, qu’elle pouvait être une bonne cuisinière. Par conséquent, elle descendit la rue, prit à droite et remonta jusqu’à la prochaine épicerie, un chemin d’emblée pas très long.
De retour à la maison, après peut-être trente minutes de course, elle se dirigea avec précipitation dans la chambre de Jade qui pleurait un torrent. Un cri aigu et tranchant saisi Adèle.
- Allo… Je suis au… Miss Billford…
Jade et Adèle pleurèrent tout au long du chemin jusqu’à l’hôpital. Les ambulanciers tentaient de ramener Miss. Billford tant bien que mal, mais sans succès. À l’hôpital, elle eut la chance de croiser Aïden en fauteuil roulant, qui venait de signer sa décharge. Elle se précipita vers lui paniquée.
- On l’a retrouvé là… J’étais parti faire des courses… On l’a retrouvé là… Près du lit de… Mon bébé, elle avait une main posée sur sa poitrine et elle av…
Adèle garda pour elle les fragments visqueux et secs à la fois qu’elle avait dû enlever de la peau de Jade.
- La poitrine de qui ?
- Celle de Jade, voyons ?!
- Elle va comment, Jade ! Dit-il d’un air anxieux.
- Billford est peut-être morte ! Elle lui tendit Jade qui se mit à gassouiller aussitôt.
Je passe pour te donner un petit conseil pratique ! Tes tirets ont été remplacées par des puces et je suppose que c'est parce que tu utilises ce tiret là "-" aussi appelle tiret du 6 ! Pour avoir un tiret cadratin qu'on utilise pour les dialogues, il faut faire alt+0151 (ce qui est compliqué mais qui évite le problème de la puce !). J'espère que ce conseil te sera utile !