La Peste ou le choléra

Par Draguel
Notes de l’auteur : Ce court texte a été rédigé dans le cadre d'un exercice de rédaction en cours sur le thème du "choix ultime".

Voilà trois semaines que je croupis dans cette geôle, au milieu des rats et des insectes. La pluie dégouline sur les parois rocheuses de la vieille tour, elle se mêle à la terre et aux déjections pour se confondre en une fange puante. L'odeur est si forte qu'elle me colle à la peau et les quelques courants d'air qui passent au travers des tuiles brisées, trois mètres au-dessus, ne font que raviver ce foyer pestilentiel. Cet endroit est une poubelle où l'on jette les déchets avant de s'en débarrasser définitivement. Mais je n'ai pas ma place ici. On m'a accusé d'un crime que je n'ai pas commis et pour lequel je n'ai pu m'innocenter. Je ne veux pas mourir. Maintenant je patauge dans ce marécage putride en compagnie d'un homme exécrable. Avec son sourire carnassier et ses yeux morbides, il se fond parfaitement dans le décor. Ce taré n'a pas attendu longtemps avant de m'adresser la parole pour me raconter ses « exploits », comment il avait massacré toute une famille, les uns après les autres, inventant à chacun son propre supplice. Il pensait peut-être que je lui partagerais les miens en retour - je suis sûr qu'il n'attend que de se repaître d'histoires similaires - mais je n'ai rien à lui dire, pas à un être aussi abjecte. Il me dégoûte plus encore que les rats dont il partage la ruse. Et puis, je n'ai rien fait. Je ne veux pas mourir.

Cette bête immonde a repéré une faiblesse dans la construction, une faiblesse que l'on pourrait facilement exploiter pour s'échapper. Le seul problème est qu'elle est trop haute pour un homme, mais pas pour deux. C'est bien pour ça qu'il me montre ses dents noires. Il sait que je ne veux pas croupir dans cette prison en attendant mon exécution, il sait qu'il me répugne au plus haut point et que l'idée de le voir libre m'est insupportable. Cela l'amuse de me voir regarder avec envie cette issue. Il semble si certain que je vais l'aider malgré mes états d'âme. Son sourire me fait la même sensation qu'un crachat au visage. J'aimerais l'effacer de sa sale face et le laisser crever comme un chien. Je l'imagine sans mal pendre au bout d'une corde, battant des pieds pour trouver les planches de la potence. Alors je rirais de ce spectacle et je rirais encore quand je verrais sa carcasse jetée à la place qu'il mérite, dans un charnier pourrissant. Mais je le suivrais de peu et mon cadavre rejoindrait le sien dans la fosse. Nos corps collés pour l'éternité, cette idée me fait vomir. Je dois maintenant choisir entre la peste et le choléra, m'évader avec lui ou mourir avec lui. Si je l'aide, je relâcherais une maladie sur le monde mais je vivrais. Si je ne fais rien, si j'attends, j'aurais au moins le plaisir de le voir mourir et d'épargner au monde sa présence. Quelle que soit l'issue, mon destin est lié à cette sangsue.

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