La plongée

Notes de l’auteur : Merci à ceux qui ont la persévérance de poursuivre :-)

Les journées à Sainte Sophie étaient rythmée comme du papier à musique. Je me levais à heure fixe, je prenais mon traitement devant un adulte, mon petit déjeuner puis nous enchaînions entre les rdv psy et les activités façon colo. Le soir, médicaments, dîner et extinction des feux à 21h.

C’était une institution pour jeunes filles, l’équipe était composée de personnels soignants, de religieuses et d’éducateurs. Je n’avais rien à faire là…Les autres jeunes filles avaient pour beaucoup tentées plusieurs fois et sciemment de mettre fin à leurs jours. J’étais malheureuse…et confuse, assurément, mais il me semblait être à des milliards d’années lumières de ce niveau de souffrance. 

Il y avait une autre Stella à mon étage. Ce n’était pas souvent que je croisais des gens qui portaient le même prénom que moi. Un soir, elle était en retard pour le dîner, aussi, sœur Jane me demanda d’aller la chercher dans sa chambre. Je toquais en l’appelant mais aucune réponse. J’ouvris doucement la porte et je la trouvais allongée dans une flaque de sang, inanimée ! Je crois que j’ai hurlé et que j’ai tourné de l’œil car je ne me souvenais de rien par la suite. Le sur-lendemain, la 2ème Stella était avec nous au dîner comme si de rien n’était. 

« Pourquoi êtes-vous ici Stella? »

« Je ne sais pas, je n’ai rien à faire ici! »

«  Vous savez que ce n’est pas vrai…quel est votre rapport au feu, Stella? »

« Je ne comprend pas votre question »

« Qu'avez-vous pensé ce jour là avant de vous jeter dans les flammes? »

« Je ne me suis pas jetée dans les flammes »

« Encore une fois, vous savez que c’est faux…vous êtes entrée dans un bâtiment en feu…à quel besoin avez-vous répondu Stella ? »

« Je ne comprend pas votre question »

« Est-ce que vous vouliez retrouver votre grand mère? »

« Ma grand mère est morte »

« …Souhaitiez-vous mourir Stella? »

« Non »

« Avez-vous entendu des voix qui vous demandaient de vous jeter dans les flammes »

« ?? Non ! »

« Alors pourquoi vous êtes-vous jetée dans les flammes ? »

«  … Je ne sais pas » 

Le soucis avec la mémoire c’est qu’elle est joueuse. Parfois un souvenir à la force d’un rêve et d’autres fois, c’est le rêve qui semble tellement réel qu’il se substitue aux souvenirs. Je ne me souvenais de rien concernant l’incendie du labo, j’avais beau essayer, je n’arrivais pas à y voir clair, tout se mélangeait dans ma tête, cela me semblait être un mauvais rêve…

En revanche, je n’arrêtais pas de penser à ce qu’il s’est passé avec Youcef. Mais était-ce au moins réel? Est-ce que j’avais encore rêvé ? J’étais perdue. Youcef avait cessé d’exister dans mon présent (et mon futur), il était heureux avec Elena. Désormais, l’espoir était de nouveau là et c’était une torture. Je pensais à lui à chaque moment du jour et de la nuit. Je me forçais à me remémorer les sensations physiques de sa bouche contre la mienne de peur de les oublier. J’étais folle, c’était certain ! Si ça c’était vraiment produit, c’était horrible ! Je devrais être à la maison pour pouvoir vivre la suite de cette histoire avec ses rebondissements, ses drames, ses joies…Mais si j’ai rêvé, si j’ai rêvé…quelle pauvre fille ! Je devait oublier tout ça absolument ! 

Toutes ses questions rendaient ma présence ici insoutenable et désespérante, bien que d’autant plus justifiée. J’avais la certitude que je n’aurais aucune réponses entre ces murs…

« Pourquoi vous êtes-vous jetée dans les flammes Stella? »

« …Parce que je suis minable…je crois... »

Je dormais mal, alors on me donnait des médicaments.

Mes pensées étaient de plus en plus confuses, alors on me donnait plus de médicaments.

Je m’effaçais de nouveau petit à petit. Mais je n’étais plus ni spectatrice du monde, ni scientifique, ni dieu…Non, j’étais en prison, dans un brouillard épais et inconsistant. Je ne savais plus, je n’étais plus...Je ne voyais plus que le fond de mes paupières et les contours du réel qui se fondaient aux pensées comme des milliards de poussières intangibles. Mes émotions étaient éteintes et c’était reposant.

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Minerve
Posté le 14/04/2025
Déjà, le style est super, dès le début j'ai bien aimé la phrase "les jours étaient rythmés comme du papier à musique" : c'est très jolie!
Après, finalement je retire ce que j'ai dis au chapitre précédent, c'était clairement pas une bonne idée de l'amener dans un lieu pareil! On ressent sa confusion grandissante dans cet environnement où les professionnels semblent limite la prendre pour une folle!
Paloma Chataig
Posté le 14/04/2025
Merci infiniment Minerve ! Je suis tellement contente que tu sois rentrée avec moi dans l’histoire de Stella ! Merci de tes remarques !
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