La porte

Aujourd'hui, c'est dimanche, il pleut. Je ne sais pas trop quoi faire de ma journée, je ne suis pas en service. Je suis affalé sur le canapé, à regarder défiler les chaînes TV devant mes yeux. Je m'ennuie, rien ne m'intéresse. Je préférerais être muté à Chicago ou à Detroit, parce que là où je bosse, à Denvers, il ne se passe jamais rien. Je n'ai pas choisi ce boulot pour ça, moi ; je l'ai choisi pour les courses-poursuites endiablées, les coups de feu, le danger ! Mais sûrement pas pour rester cloîtré au poste à se bourrer la gueule, ou à la frontière, à rien foutre de la journée.

Je me lève : mon café est prêt, je vais le chercher. Je traîne des pieds, las. J'entre dans la cuisine et tire les vieux rideaux, puis je me dirige vers la cafetière et verse dans une tasse poussiéreuse le café brûlant. Je porte à mes lèvres la tasse fumante. Le liquide est amer.

J'entends la sonnette retentir. Je vais ouvrir, mais n'y a personne.

– Sales gosses ! je crie à la rue.

Je grogne un peu, pour voir, mais ils ne sortent pas. Je ne reste pas longtemps sur le pas de la porte parce qu'il pleut toujours autant. Au moment où je referme la porte, je sens une présence derrière moi. Une main glacée me touche l'épaule. Je me retourne brusquement, mais il n'y a personne.

Je reviens dans la cuisine et attrape ma tasse de café. Je me dirige vers le canapé tout en buvant une gorgée. Un goût de fer m'envahit la bouche. Je recrache immédiatement le liquide chaud et poisseux qui atterrit sur mon canapé, formant une tâche rougeâtre sur celui-ci. Interdit, dégouté, je jette un coup d'œil à l'intérieur de ma tasse. Elle est remplie de sang.

Le temps que je reprenne mes esprits, j'entends à nouveau quelqu'un toquer à la porte. Cette fois, je me rends compte que ça ne vient pas de la porte d'entrée. J'essaie donc de trouver d'où vient le bruit. Je descends les escaliers qui mènent à la cave et allume la lumière, qui grésille, comme d'habitude. Les rideaux de la petite fenêtre sont fermés. J'avance vers le fond de la cave et je découvre qu'un meuble a été bougé. Quand je regarde l'endroit où il était avant, je remarque une petite porte enfoncée dans le mur. J'entends encore quelqu'un toquer et cette fois, je sais que ça vient de cette porte. Les coups continuent, sans s'arrêter. J'avance lentement vers la porte, stupéfait et j'essaie de l'ouvrir, mais je n'y arrive pas. Elle est verrouillée. 

J'entends des bruits bizarres. Je colle mon oreille contre la porte, intrigué, un peu apeuré. Surpris, je recule brutalement. J'ai entendu des battements de cœur ! Je n'ai pas le temps de me remettre que je vois une flaque de sang couler d'en-dessous de la porte jusqu'à mes pieds. Je recule encore et tombe par terre. Mon coeur bat très fort. Je suis certain d'avoir vu le bouton de la porte tourner. Lentement, elle s'ouvre dans un grincement qui m'écorche les oreilles. Je vois un visage caché dans l'ombre avec un sourire qui me fout les jetons. Poussé par mon instinct de survie, je cours vers mon téléphone, qui est dans le salon.

Mais quelque chose m'agrippe et me tire en arrière. Je crie mais ça ne sert à rien : j'ai déjà disparu.