La poussière et la fleur

Par Kafka

La Poussière et la Fleur

Un jour, la poussière, la main sur la joue, s'inquiétait de sa condition. Elle avait l'impression que les humains la négligeaient. Son amie la fleur vint lui rendre visite.

La Fleur : - Bonjour, mon amie Poussière, ce n'est pas la joie ici.

La Poussière : - Bonjour, mon amie. Oh ! J'ai le sentiment que les humains ne m'apprécient pas. Je préfère mourir que de vivre ainsi ! On dit que tous les êtres vivants naissent égaux. Égaux en quoi ? En beauté ou en laideur ?

La Fleur : - Pourquoi dis-tu cela ?

La Poussière : - Regarde, chaque matin, les humains me repoussent à coups de balai. De plus, quand ils sont bien habillés, ils ont peur de moi en disant que je suis "salissante", comme si j'étais une paria. Toi, la fleur, les humains t'apprécient tous les jours, ils aiment ton parfum et t'invitent dans leurs maisons. Tu fais leur bonheur.

La Fleur : - Cela n'explique rien !

La Poussière : - Attends, ce n'est pas tout ! Tous les jours, ils crachent sur moi. Si on récoltait toutes les salives qu'ils ont jetées à terre, cela formerait un fleuve. Ils me piétinent, ils pavent leurs routes en m'étouffant sous leur revêtement.

La Fleur : - Je vois !

La Poussière : - Regarde toutes les expressions qu'ils ont inventées en mon nom :

"Avoir de la poussière dans les yeux"

"Nettoyer la poussière"

"Prendre la poussière"

"Soulever la poussière"

"Un coup de balai dans la poussière"

"Faire le ménage sans laisser de poussière"

"Mordre la poussière"


Toutes ces expressions sont pour m'attaquer, me blâmer. C'est toujours moi la coupable.

La Fleur : - Oh ! Désolée, mon amie.

La Poussière : - Dis-moi, Fleur, quel est ton secret ? Donne-moi un peu de ta beauté et de ton parfum pour que les humains m'apprécient aussi. Je veux qu'on dise : "Quelle belle poussière !". Ce qui est ironique, c'est que les humains sont aussi poussière, comme moi, mais étrangement, ils m'évitent.

La Fleur : - Je t'ai écoutée, mon amie. C'est vrai, je ne suis pas toi et je ne connais pas ce que tu endures. Tu sais, quand on est tellement apprécié, parfois on oublie que nous ne sommes rien, et on se permet de prendre des airs.

La Poussière : - Je ne comprends pas trop où tu veux en venir.

La Fleur : - Tu as dit que les humains te crachent dessus, te piétinent, te balaient chaque matin. Tu sais comment cela s'appelle ? C'est l'humilité. Le fait que tu acceptes que les humains te "piétinent", c'est ça, être humble. D'ailleurs, connais-tu l'origine du mot "humilité" ? Il vient de "humus", qui veut dire "terre", "sol". Tu es l'image même de l'humilité. Sois fière, mon amie Poussière, de posséder une qualité si précieuse.

La Poussière : - Merci, mon amie, de m'avoir "dépoussiéré les yeux". À présent, quand les humains me balayeront, me cracheront dessus ou m'éviteront parce qu'ils sont bien habillés, ou utiliseront toutes ces expressions à mon sujet, je ne me plaindrai plus. L'humilité me colle à la peau, je suis faite ainsi.

La Fleur : - Juste un dernier mot avant de nous quitter, mon amie. Quand tu verras un humain te balayer ou te cracher dessus, dis-lui ceci : "Toi, humain qui me piétines, es-tu aussi humble que moi ? Tous les jours tu me piétines, mais accepterais-tu qu'on te piétine aussi ? Si un jour l'orgueil te monte à la tête, regarde-moi." Et n'oublie pas : la vraie laideur, c'est de manquer d'humilité. Il vaut mieux être laid et avoir un cœur beau que d'être beau et d'avoir un cœur laid. Car la laideur est une beauté.

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Ardichi
Posté le 08/05/2025
Très belle sagesse venant d'une fleur qui plus est !
La poussière a aussi de quoi s'enorgueillir si elle le souhaitait, n'est-ce pas de Tout qu'elle est composée ?
Très beau texte, tu as une belle plume.
Au plaisir d'en lire d'autres :)
Kafka
Posté le 08/05/2025
Merci,c'est gentil!
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