La tristesse est un virus. J'ai jamais su comment je l'avais attrapé. Ce que je crois à peu près, c'est que ni ma mère ni mon père ne me l'ont transmis. Je suis le capitaine de mon spleen. Mon père, je l'ai pas connu. Trois fois par semaine, je déjeune avec ma mère au Café Bleu, de l'autre côté de la place. Ma mère n'est pas timide, elle n'a jamais peur d'aller au-devant des gens qui se cachent derrière les gens. Elle, elle ne se cache pas, jamais. Elle est souriante ma mère, même quand le temps est maussade. On dirait qu'elle a avalé le soleil, elle rigole tout le temps, de tout, avec n'importe qui.
Quand je lui demande pourquoi moi, je n'ai pas sa joie de vivre, elle me répond que moi, je suis un fruit de l'hiver, et qu'elle, c'est un fruit de l'été et que c'est très bien ainsi. Des fois quand même, j'aimerais être une cerise plutôt qu'une clémentine. Mais c'est une mère comme les autres, elle le voit bien parfois que mes yeux sentent la pluie, et que j'ai le cœur bas. Quand il ne reste plus que des miettes dans nos assiettes, elle sort le journal. Elle adore lire les petites annonces de rencontre. Elle dit qu'elles sont belles, et c'est vrai que quand elle les lit, ça sonne beau, on dirait des petits poèmes télégraphiques. Elle dit que ce sont des cris qui attendent leur écho. Moi je lui dis que ce sont des appâts qui attendent leur poisson. Comme on est tous les deux d'accord, on se quitte bons parents, au revoir et à mardi. Et puis je retourne à ma place.
Assis sur ma main, posée sur le ciment froid, je regarde les petits soldats s'affairer, remuer la poussière, puis partir à la guerre. Souvent, je m'attarde sur ceux qui ont l'air d'être les plus féroces. Ce que j'aime par-dessus tout, c'est les imaginer avant, il y a longtemps, quand ils étaient enfants. Y en avait toujours un pour faire son malin devant les copains ou pour épater les filles de la galerie marchande. Ils ne travaillaient pas, ils étaient romantiques, ils ne cachaient pas la peur, la joie ou la tristesse pour faire comme les grands.
Voilà un joli texte dans lequel narrateur décrit sa mère et se raconte avec une certaine poésie. Comme Fy, j’aime beaucoup la phrase « On dirait qu'elle a avalé le soleil ». À l'instar d’autres lectrices, j’ai eu de la peine à comprendre le dernier paragraphe : la métaphore des petits soldats ne tombe pas sous le sens.
Mais ce petit récit est plaisant à lire.
Coquilles et remarques :
— Quand je lui demande, pourquoi moi je n'ai pas sa joie de vivre ? Elle me répond (…) [Il faut choisir entre l’interrogation indirecte « Quand je lui demande pourquoi moi, je n'ai pas sa joie de vivre, elle me répond (…) » et la citation « Quand je lui demande : « Pourquoi moi, je n'ai pas sa joie de vivre ? », elle me répond (…) »]
— Elle me répond que moi je suis un fruit de l'hiver [Virgule après « moi ».]
— Dès fois quand même, j'aimerais être une cerise [Des fois]
— Ce que j'aime par dessus tout [par-dessus tout]
A bientôt j'espère,
Sinon j'aime beaucoup tes métaphores, avaler le soleil c'est une belle image pour décrire la joie :)
Le titre est très accrocheur, comment t'es venue cette idée ?
Merci pour le partage et à bientôt !
Fy
Merci pour ton mot sympathique !
À bientôt oui !
- Y
Mais on croirait que ce récit n'est pas terminé, est-ce volontaire?
Certaines expressions sont bien trouvées "je suis le capitaine de mon spleen" mais si je puis me permettre de relever une maladresse : Elle me répond que moi je suis un fruit de l'hiver, et qu'elle, c'est un fruit de l'été et que c'est très bien ainsi. " j'aurais supprimé le moi, et à la fin, le "que", j' aurais utilisé du discours indirect libre pour donner plus de vie au dialogue :
Elle me répond que je suis un fruit de l'hiver, et elle, un fruit d'été. Mais finalement, n'est-ce pas mieux comme ça?
Evidemment, ce n'est que mon opinion, le récit reste agréable à lire.
Il s'agit d'une série dite de “contes photographiques“ où à partir d'une photo réalisée par un ami photographe, j'ai cherché à imaginer une histoire courte, et suspendue comme la vie à l'intérieure d'une photo.
Pour les remarques sur le style, c'est intentionnel, c'est la façon de s'exprimer que j'ai voulue pour ce personnage à l'humeur mi-figue mi-raisin (ou plutôt mi-clémentines mi-pamplemousse)
À bientôt j'espère,
A bientôt !
Mais c'est bien écrit et agréable à lire :)
C'est le récit intérieur d'un homme un peu las et abattu, qui est pris par une certaine mélancolie quand il observe les gens (les petits soldats) qui s'affairent autour de lui. Il aime penser que ces gens qui ont un air décidé, parfois dur, sévère ou fermé, disons concentré pour faire court (comme dans les transports en commun), ont été des enfants, et il les imaginent redevenus des enfants, étant dans l'expression spontanée plutôt que dans la retenue qu'impose la vie en société, celle des grandes personnes. Pas sur ce que ce soit plus clair ce que je te dis là. (sourire)
Salut !