La vie, l’univers et le rien

Un univers sans vie n’aurait aucun intérêt. Strictement aucun. Avez-vous déjà regardé un caillou ? S’il est joli, on peut s’extasier devant ses couleurs, sa forme, si on est curieux, on peut chercher à connaître sa composition. Mais un caillou reste un caillou. Figé. Déterminé. Parfaitement inintéressant. Revenez dans dix ans, mille ans, le caillou sera toujours là, égal à lui-même, si ce n’est pour les intempéries. Il est donc évident que l’unique but de la vie est d’égayer l’univers. Un coup de pinceau cosmique sur une immense toile blanche. Une moisissure au fond du frigo qu’on néglige avant de partir en vacances, et qui dégueule de la porte quand on revient. Mais n’allez surtout pas croire que nous sommes les seuls : quelle vanité de croire que la Terre pourrait suffire à l’univers ! On ne range pas les couteaux avec les fourchettes : eh bien ! L’univers a fait de même avec la vie. N’allons pas nier l’existence de ce que nous ne pouvons percevoir. Avant qu’on découvre le mont Everest, le plus haut sommet de la Terre… était toujours le mont Everest. Il n’avait pas besoin qu’on le découvre pour être là. Pardonnez-moi. Depuis le début, je dis « l’univers » à tort et à travers, comme s’il pouvait tenir dans un verre, « avec votre part de gâteau nova, vous prendrez bien un jus d’univers ? » Non non, ne soyons pas univercentriques ! Nous ne valons pas mieux que nos voisins. Quant à savoir si nous valons moins… Ce n’est pas à nous d’en juger. Mais nous ne sommes déjà pas rien ! Ça, c’était avant. Ou après, peut-être. Je n’en sais rien, pour le coup. Mais rien existe. De même que notre univers. Il se trouve simplement que n’étant pas des moins-que-rien, nous ne pouvons pas exister en même temps que rien. A vrai dire, rien ne peut (et rien peut) exister avec rien. C’est plus clair ? En somme, il n’y a pas quelque chose ou rien plutôt que rien ou que quelque chose d’autre. S’il pleut, on ne se demande pas « pourquoi pleut-il plutôt que de nous laisser voir le Soleil ? », on sait que le beau temps viendra après. Ou qu’il était là avant. Ou plutôt, il est là en même temps, c’est juste qu’on ne le voit pas.

Et puis, s’il n’y avait rien, on ne pourrait pas se poser toutes ces questions. Avouez que ce serait fort dommage.