L'accompagnon

Par Sebours
Notes de l’auteur : Un jour, j'en ferai un roman ... peut-être ... si je trouve la force. Parce que ce n'est pas facile d'écrire avec les yeux mouillés de larmes!

Nous sommes le 22 décembre 2010, l’avant-veille de Noël. Ma belle-mère Marie-Noëlle, la gentille Mi-No me tombe dans les bras. Ou bien je tombe dans les siens. Je ne sais pas qui soutient le plus l’autre. Le verdict vient de tomber. Émilie a un cancer des ovaires.

La veille, je m’étais mis des œillères lorsque la chirurgienne, après avoir analysé les résultats m’avait déclaré « Les résultats sont positifs. ». Pour moi, positif, cela signifiait que ma femme n’avait développé qu’un gros kyste bénin. Pour le docteur, ces mots expliquaient que le cancer n’avait pas métastasé.

Ces mots, parlons-en de ces mots et de leur poids. L’ensemble du corps médical les soupesaient depuis la première échographie chez le gynécologue. Jamais le mot cancer n’avait été clairement prononcé. Deux mois auparavant, Émilie et moi filions le parfait amour. La maison était finie et nous voulions fonder notre famille, élever notre premier enfant. Et puis le premier couperet était tombé. La femme de ma vie devait faire des analyses et subir une opération compliquée. J’avais fondu en larmes devant les potes du basket après le dernier match de l’année dans l’attente du verdict. La peur face à l’inconnu, avec une épée de Damoclès nous menaçant constitue sans doute le moment le plus angoissant et éprouvant du processus. À présent, nous savons ! Émilie est une guerrière ! Ma Pitch va lutter et mettre à bas ce cancer !

Nous sommes le 23 décembre 2010, la veille du réveillon de Noël. La première opération d’Émilie dure cinq heures. La chirurgienne lui enlève ses ovaires. À son réveil, dans un état comateux, Pitch demande si on a pu conserver certains de ses ovules. Mon cœur se sert. Dans ses premiers mots, elle ne pense pas à elle et sa santé, mais à moi et mon farouche désir d’enfant. J’effectue des allers-retours du bureau à la clinique durant toutes les fêtes de fin d’année. Les infirmières sont adorables. Émilie insiste pour que je leur achète des boîtes de chocolats. Comme d’habitude, elle pense d’abord aux autres. Je ne fais que l’accompagner dans sa démarche généreuse.

Nous sommes le 5 janvier 2011. Je ramène Émilie à la maison. Chaque aspérité du bitume lui provoque une douleur violente dans sa cicatrice. Je me rends compte pour la première fois de la qualité des routes départementales et surtout du nombre de dos d’ânes entre la clinique et la maison.

La convalescence commence et occupe nos esprits. L’immense incision sur le ventre de Pitch cicatrise bien. C’est une dure au mal. Les agrafes la font souffrir, mais elle tient bon. La rééducation s’avère difficile. Elle marche à peine. Sa première balade se limite à un aller-retour jusqu’à la boîte aux lettres. Pourtant, c’est déjà une victoire. Moi, je ne sers à pas grand-chose. Je suis tout juste une canne, un bâton de pèlerin pour celle que j’aime. Je voudrais pouvoir faire plus, prendre une partie de sa douleur. Je suis son compagnon et à part l’accompagner, je ne sers à rien !

Nous sommes le 14 janvier 2011. Émilie n’a pas voulu que je l’emmène à sa première chimio. Infirmière de métier, c’est sa mère, Mi-No qui se charge de cette tache. Pour un côté pratique, Pitch dort chez ses parents, tout près de la clinique. Une routine s’installe. Je la dépose la veille. Elle passe toute la journée à la clinique pour l’injection des produits et je la récupère le lendemain soir, directement en sortant du travail.

Je reste seul trois jours et deux nuits. Enfin, pas vraiment seul. Il y a le chat. Ce chat qu’on nous a offert pour notre crémaillère alors qu’on n’en voulait pas. A la base, Émilie n’aime pas les animaux, ni les matous, ni les cabots ! Depuis sa convalescence, le chat est devenu son pote de galère. On a l’impression qu’il comprend tout de l’état de sa maîtresse. Elle pose un coussin sur son ventre meurtri et Fifi vient s’y mettre en boule pour ronronner. C’est à cause de cette bêbête qu’il faut nourrir que je dois m’exiler et pendant trois jours accepter de ne pas l’accompagner.

Nous sommes le 15 février 2011. Ma sœur nous annonce qu’elle est enceinte. Elle appréhendait de nous l’annoncer. De toute façon, Véro n’aurait pas pu nous cacher l’heureuse nouvelle encore bien longtemps. Bien sûr, cela nous fend le cœur autant que cela nous réjouit. Nous faisons néanmoins bonne figure. Ça aurait dû être notre tour, mais comme la vie est injuste, nous n’aurons jamais cette chance d’avoir un enfant !

Physiquement, Émilie va de mieux en mieux. Elle peut réaliser le tour du pâté de maisons. Le chat l’accompagne dans sa balade quotidienne. Par contre, la chimiothérapie l’affaiblit progressivement. Elle souffre de courbatures permanentes mais se refuse à prendre des médicaments à base de morphine. Encore une fois, je tente de la soutenir dans son épreuve sans pouvoir rien faire ! Je voudrais prendre sa douleur à ma charge mais c’est impossible. Je ne suis que son compagnon l’accompagnant, un « accompagnon » impuissant !

Nous somme le 3 juillet 2011. C’est mon anniversaire. J’ai trente-quatre ans. Aujourd’hui, nous nous rendons à la maternité pour visiter ma sœur qui a accouché la veille. Véro me fait l’honneur d’être le parrain de Léo. Demain, Émilie subira sa deuxième opération. La chirurgienne, après lui avoir demandé son accord, enlèvera son utérus. Définitivement nous n’aurons jamais d’enfant !

Ma Pitch est forte ! Très forte ! Plus forte que je ne le serais jamais ! La vie lui envoie des coups sans cesse plus brutaux et toujours elle se relève. Elle affronte la fatalité et s’adapte. Cette deuxième opération me paraît interminable. Elle dure plus de six heures. Une nouvelle convalescence, une nouvelle rééducation, de nouvelles micro-balades avec le chat et à nouveau moi qui ne peux rien faire à part rester près d’elle.

Émilie me dit : « Tu peux partir si tu veux ! Je comprendrais ! ». Certes, j’ai un désir d’enfants, mais c’est un désir que je voulais partager avec la femme que j’aime. Il est inconcevable que je la quitte. Je l’ai épousé pour le meilleur et pour le pire. Même si ma contribution se résume à être présent, nous affronterons cette épreuve ensemble, je l’accompagnerai jusqu’au bout.

Nous sommes le 1er septembre 2011. Émilie devrait faire sa rentrée scolaire. Elle est institutrice. Elle peine encore à se déplacer, comment pourrait-elle faire la classe ? Son quotidien se résume à la télévision, au chat et au tour de la boucle. Son unique objectif est de doubler ce petit trajet de cinq cents mètres.

Les deux grandes chambres vides pèsent sur notre conscience. J’aménage la première en salle de sport pour sa rééducation. Un peu de tapisserie, un vieux banc de musculation et un vélo d’appartement meublent un peu ce vide criant. Nous n’arrivons pas à nous résoudre à abandonner nos espérances. Pour l’instant, la deuxième chambre restera nue et fera office de grand débarras. Égoïstement, je pense déjà à l’adoption. Pourtant Émilie ne peut pas se projeter tant que le docteur ne lui annoncera pas sa rémission. Adopter pour faire un orphelin en puissance ? La belle affaire !

Nous sommes de 28 octobre 2011. Les cheveux d’Émilie repoussent. Enfin elle ose retirer son bonnet devant moi. Pour la première fois depuis un an, elle se présente en public sans son foulard lors de l’anniversaire de son oncle Jean-Mi. Son arrivée est chargée d’émotion. Tout le monde la trouve mimi avec sa coupe à la garçonne. Mi-No est bouleversée de voir sa fille ainsi. Ma femme est un phénix qui toujours renaît de ses cendres. Elle tente de résister jusqu’au bout de la nuit pour participer à la fête. Comme cela fait du bien de retrouver un peu notre vie d’avant. Lorsqu’elle n’en peut plus, je la raccompagne. Par la suite, elle dort presque deux jours durant, mais cela valait le coup.

Nous sommes le 24 décembre 2011. Il y a un an, Émilie se faisait opérer et le monde s’effondrait autour de nous. Que d’épreuves traversées en si peu de temps ! Nous passons le réveillon à Center Parc avec mes beaux-parents, mon beau-frère et sa copine. Pitch ne supportait pas l’idée de fêtes de fin d’année classiques.

C’est étrange la manière dont fonctionne l’être humain. J’ai été saisi d’une fièvre acheteuse pour me prouver que j’étais vivant. À présent, Émilie cherche à voyager pour fuir une réalité et des dates lui rappelant les évènements douloureux. Comme elle se déplace raisonnablement bien, elle cherche à s’éloigner le plus possible de notre lit où elle a passé, enduré devrais-je dire, toute sa convalescence. Moi, je suis prêt à l’accompagner jusqu’au bout du monde !

Nous sommes 27 janvier 2012. Je vais chercher Émilie à la gare de Limoges. Elle vient de se faire enlever sa chambre implantable, mais malgré l’opération, elle tenait à me rejoindre au festival de la BD d’Angoulême. À Noël, ma mère nous a offert ce séjour en ignorant alors que les dates se télescoperaient. Le voyage en train a constitué une épopée ! Pitch a attendu dans le noir, sans chauffage, les wagons bloqués sur les rails entre Châteauroux et Limoges. Elle est arrivée avec trois heures de retard. Elle a faim. Il fait un froid de canard. Pourtant, elle garde le sourire malgré la fatigue. Pour une fois, je sers à quelque chose ! Je lui amène un sandwich.

Le lendemain, nous parcourons la ville dans tous les sens. Émilie marche des kilomètres pour rejoindre les expositions et les rencontres d’auteurs. Six mois auparavant, elle était incapable de quitter son lit et se déplacer ! La bande dessinée est une de mes passions. Elle s’épuise pour me faire plaisir. Elle oublie la maladie le temps d’un week-end. Le dimanche soir, je la ramène à la maison sans avoir à faire attention aux chaos de la route.

Nous sommes le 13 juin 2012. C’est l’anniversaire d’Émilie. Elle a trente-et-un ans. Nous avons organisé une grande fête chez mes beaux-parents. Tout le monde est venu. Ses cousins, ses oncles et ses tantes ont préparé une surprise. Ils se déguisent en écoliers et lui demande de faire la classe. Elle n’avait jamais rencontré autant d’élèves turbulents réunis dans toute sa carrière ! On rigole. On s’amuse. C’est bon de rire aux éclats après ces périodes difficiles. Pour un temps, l’angoisse s’évapore.

Les deux semaines qui suivent sont plus compliquées. Émilie angoisse. Elle doit bientôt passer des examens pour analyser l’évolution de son cas. Elle s’irrite de plus en plus pour un rien à mesure que la date du rendez-vous approche. J’essaie de faire le dos rond. J’accepte sa mauvaise humeur. Je comprends son anxiété. Je la partage même un peu. Pourtant, c’est sa vie qui est dans la balance, pas la mienne. Et comme d’habitude, je suis impuissant. A part demeurer là, à ses côtés, je ne peux rien.

Nous sommes le 9 juillet 2012. Nous retrouvons Jéremy à Besançon pour assister au contre la montre du tour de France. Cela nous rappelle notre premier été ensemble. Lors du chrono dans le Beaujolais. Émilie supportait Lance Amstrong et moi tous les autres, surtout Jan Hullrich. Refaire une étape, « comme avant », représente un pas de plus dans le processus de retour à une vie normale.

Nous sommes le 1er septembre 2012. J’accompagne Émilie à sa rentrée scolaire. Elle appréhende un peu. Travailler à nouveau avec des enfants ne va-t-il pas lui briser le cœur à présent qu’elle ne peut plus en avoir ? Malgré une grande hésitation, elle a refusé de prendre un mi-temps thérapeutique. Posséder un contrôle total sur son projet pédagogique constitue une priorité pour ma Pitch. Elle ne conçoit pas de partager SA classe avec quelqu’un.

Une nouvelle routine s’installe. Le midi, Émilie s’octroie une sieste d’un quart d’heure. Le soir, elle rentre épuisée et elle s’accorde une pause. Cela me laisse le temps de préparer le souper et les repas du lendemain. Je m’occupe également de toutes les tâches ménagères malgré sa volonté de les partager comme avant. Nous dînons puis elle prépare sa journée du lendemain. Son corps ne se souvient plus d’un tel rythme et Émilie se retrouve au lit au plus tard à neuf heures et demie. Je voudrais pouvoir la soulager d’un peu de sa fatigue. Malheureusement à part me coucher auprès d’elle, je ne peux rien faire d’autre.

Nous sommes le 23 novembre 2012. Émilie supporte un peu mieux sa charge de travail. Elle prend la décision de profiter de chaque jour. Regarder la mort en face durant ces deux dernières années l’a profondément changée. À présent, il est urgent de profiter de la vie. Carpe diem !

Ma Pitch organise une surprise pour Véro, Sandrine et Yan, nos témoins de mariage. Nous les emmenons au concert « Stars 90 ». Il y a Larousso, Benny B et les World Appart ! On danse et on s’éclate comme dans notre jeunesse lorsque nous nous trémoussions en boite de nuit. Que c’est bon d’accompagner Émilie sur ces rythmes endiablés !

Des surprises et des attentions pour tout le monde, ce n’est pas ce qui manquera durant les années à venir. Au fil du temps, ma gentille organisatrice mettra en place un week-end à la montagne avec tous mes cousins pour mes trente-cinq ans, la comédie musicale « 1789, les amants de la Bastille », un voyage à Rome, une fête surprise pour son frère Alexis, des chansons pour toutes les occasions, des week-ends et des repas pour rattraper le temps perdu avec tous les proches.

Nous sommes le 5 août 2014. Nous rejoignons Alexis à Göteborg où il travaille pour une mission de six mois. Le frère d’Émilie est un sportif accompli. Pour nous taquiner, il a prétendu qu’il nous avait inscrits à la Midnattsloppet, une course de 10km de nuit dans les rues de la ville. Nous l’avons pris au mot. Après deux mois de préparation, nous voila sur la ligne de départ. Dans l’attente du coup de feu, l’émotion nous submerge. En cet instant suspendu, nous mesurons le chemin parcouru. Je prends les devants pour courir contre le chronomètre. C’est ma première course officielle et en compétiteur, je veux savoir de quoi je suis capable. Cette fois-ci, c’est Alexis qui accompagne sa sœur.

Nos retrouvailles sur la ligne d’arrivée chavirent nos cœurs dans un instant rare. Alexis nous a transmis une bonne maladie, le virus de la course à pied. À présent, nous cherchons de nouvelles épreuves pour revivre cette ambiance festive et ces émotions si puissantes.

Nous sommes le 8 avril 2018. L’adrénaline monte sur la ligne de départ de l’avenue des Champs-Élysées. Le virus de la course coule plus que jamais dans nos veines. J’ai déjà trois marathons à mon actif. Suite à un reportage sur celui de New-York, Émilie, qui a déjà terminé plusieurs semi, nous a inscrits pour les quarante-deux kilomètres de Paris. Elle voulait conserver ce projet secret le plus longtemps possible. Cela a ajouté un peu de sel à notre éprouvante préparation. Le soir, dans le froid, même sous la pluie, nous avons respecté notre programme d’entraînement à la lettre. Le point d’orgue aura certainement été l’arrivée chez mes beaux-parents après une session de trente-deux kilomètres. Hubert et Mi-No furent immensément fières de leur fille ce jour-là. Il y a sept ans, elle était incapable de marcher !

Le coup de feu retentit. D’ordinaire, je cours un à deux kilomètres plus vite qu’Émilie, mais ce coup-ci, l’important, c’est d’avancer ensemble, comme dans notre vie commune. La température de ce dimanche dépasse de presque dix degrés celle des dernières semaines. Nous entrons dans les beaux jours. Je prends un coup de chaud. Au vingtième kilomètre, je percute le fameux mur du marathon. Je subis l’épreuve jusqu’à la fin en alternant marche et course. Ce n’est qu’un long chemin de croix. Cette fois-ci, c’est Émilie qui reste auprès de moi et m’accompagne dans ma souffrance !

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Peridotite
Posté le 20/05/2024
Coucou Sébours,

Je viens de découvrir ton récit qui est très touchant. J'ose à peine imaginer ce que vous avez dû endurer tous les deux. La maladie, mais quelle merde. J'espère que vous vous êtes reconstruits aujourd'hui et que ta femme va mieux.
Sebours
Posté le 21/05/2024
Dans ma nouvelle, je voulais surtout montrer ce sentiment d'impuissance qui pèse sur une personne qui accompagne un proche dans la maladie. Je pense qu'à un moment, tout ce vécu arrivera dans une histoire plus conséquente et romancée.

Aujourd'hui, ma Pitch, elle va super bien. Après 14 ans, on la considère en rémission. (Jamais un médecin ne prononcera le mon guérie pour un cancer.)

Bien entendu, cela ne c'est pas arrêté là. Après un semi-marathon, elle a eut le cœur qui s'emballait, même pour monter un escalier. Trois ans d'examens, rien trouvé. Le cardiologue lui a dit qu'elle était guérie... mais on ne sais pas de quoi.
Comme je viens de me faire une rupture du tendon d'Achille, on reprend tranquillement la course ensemble. Ça pourrait presque faire une suite tout ça!
Comme le deuil de la paternité qui est un sujet que je maîtrise bien pour le coup. D'ailleurs, avec le recul, les hybrides, la filiation, les problèmes de reproduction sur le bouclier-monde ... inconsciemment j'ai pas mal aborder le sujet.

Peridotite
Posté le 22/05/2024
Tu montres bien ce sentiment, mais aussi ta volonté d'aider qui transparaît au travers des lignes. On comprend aussi via les dates que ça a été un processus long et on devine combien cela a été éprouvant. Ce qui fait chaud au cœur en revanche, c'est la bienveillance de ton entourage, ce qui ne va pas toujours de soi.

Je suis contente si ta femme va mieux aujourd'hui. Et j'espère que ce n'est rien de grave pour son cœur !

Pas de bol pour la rupture du talon d'Achille ! Du coup, vois le bon côté, ça te donne plus de temps pour écrire hihi !

Le deuil de la paternité, ça a dû être terrible pour vous-deux. Je parlais aussi de ça sur JE avec une écrivaine qui a fait son deuil de la maternité après des années à essayer d'avoir un enfant. Dis-toi qu'on n'est pas nés pour procréer et qu'il y a manière de s'épanouir autrement. J'ai pour ma part beaucoup hésiter à franchir le pas, surtout parce que j'avais peur d'être mise à l'écart, de perdre mon boulot et d'être forcée à faire des tâches que je n'aimerais pas. Sans la bienveillance de mon mari, je pense que je n'aurais jamais voulu avoir d'enfants. Au final, grâce à son aide, j'ai pu conserver mon boulot de chercheuse et continuer mes passions (écrire, la randonnée et voyager) et on est heureux à trois. Mais ça ne va pas de soi pour toutes.

C'est vrai que c'est un thème présent dans ton roman, même si ça ne saute pas aux yeux non plus. Après tout, la question d'avoir des enfants ne se pose pas pour tes personnages masculins (Ome, Gal ou le chambellan), seulement pour Nomrad et Épiphone. Si c'est un sujet qui te touche, tu peux presque enfoncer le clou ?
Sebours
Posté le 22/05/2024
Pour Ome, je garde ça pour la suite. (Oui je suis fou et je prévois une suite.) Il va rechercher la partenaire idéale pour poursuivre à la Lignée. En fait, au départ, j'avais créer une amourette avec Victoire, la fille d'Ugmar. Mais j'ai supprimé cet arc narratif secondaire qui ne présentait pas d'intérêt.
Après, plus que Ome, il faut considéré la Lignée. Ce sont tous les chapitres que j'ai rajouté. Ame et Dame (arrières-grands-parents), puis Innocent et Tendre (grands-parents), puis Just et Fame (parents). Sans oublié Sauveur, l'oncle de Ome. J'ai fait tout l'arbre généalogique avec une centaine de nom déjà..

Ugmar, il va y avoir des choses. On est sur la question de la fertilité. Je n'en dis pas plus.

Gal, j'ai rajouté, notamment dans les premiers chapitres le placement des ses fils les plus rouges à la tête des villages qu'il conquière. Et puis il y a la question des hybrides. Les seuls semi-orcs qui peuvent se reproduire sont ses enfants. (Indice sur la manipulation des Sept d'ailleurs cette histoire.)

Dans mes écrits, je reviens inconsciemment sur la fertilité et la filiation. Je pense qu'il y a aussi l'histoire de mon père (que je raconterai un jour) qui m'influence aussi. C'était un enfant non désiré, né en 1950. Ma grand-mère s'est marié en 1955 de force parce que une fille-mère à cette époque c'était la cata. On l'a fait correspondre avec des militaires orphelins de guerre et elle c'est comme ça qu'elle a rencontré mon grand-père ( elle était odieuse avec tout le monde). Mon père a été mal-aimé toute son enfance voir maltraité. La paternité, la filiation, la fertilité sont des thèmes qui sont ancrés au plus profond de moi.

Pour la bienveillance de l'entourage, je te rassure. La maladie fait vite le tri. On a l'impression qu'il y a des gens pour qui le cancer est contagieux. Après, on a eu tendance à se renfermé dans une bulle uniquement avec les très proches.

Allez, j'arrête de parler de moi.

Tu as eut raison de dépasser tes freins psychologiques et de faire un bébé. C'est quand on n'a pas la possibilité de devenir parent qu'on considère le mieux le sujet.

Peridotite
Posté le 22/05/2024
« Oui je suis fou et je prévois une suite »
> Haha je confirme, tu es fou !

Faut que je lise tous ces nouveaux chapitres de la lignée. J’en avais lu que deux si je me souviens bien.

« J'ai fait tout l'arbre généalogique avec une centaine de nom déjà.. »
> Oula, tu es vraiment fou haha !

« elle était odieuse avec tout le monde »
> Ta remarque m’a fait rire. Ma grand-mère est pareille. Je suppose que c’est parce qu’elles ont été malheureuses... La mienne a un parcours assez similaire à la tienne. Elle n’a jamais avoué qu’elle a dû se marier de force. Mais vu comme elle a traité mon oncle (maltraité lui-aussi), je me dis qu’il n’était sans doute pas désiré et qu’elle a reporté sur lui sa « faute » en quelque sorte. Ma grand-mère venait d’une famille aisée et s’est retrouvée avec mon grand-père, mineur dans les mines de charbon en Lorraine. Et ce n’est pas l’amour qui les liait ! Mon grand-père n’était pas méchant, mais il lui interdisait tout, elle qui était bavarde, voulait sortir, voyager, elle devait se taire et n'avait le droit de rien faire. Au final, elle a passé toute sa vie au village à prendre soin de lui. Et elle était odieuse ! Depuis la mort du grand-père, elle va mieux, mais elle a 90 ans maintenant.

« Tu as eu raison de dépasser tes freins psychologiques et de faire un bébé. C'est quand on n'a pas la possibilité de devenir parent qu'on considère le mieux le sujet. »
> Je lis sur JE les regrets des mères, le poids que le bébé fait peser sur elles, mais de manière surprenante, ce n’est pas mon cas. J’aime beaucoup ma petite famille et je n’ai aucun regret. J’ai peut-être eu de la chance avec ma fille. Elle est très joyeuse, un petit rayon de soleil. On a eu quelques craintes ces derniers temps, elle a passé deux semaines à l’hôpital, mais au final, tout va bien !
Sebours
Posté le 23/05/2024
Tant mieux si ta fille va bien! Profite de chaque instant avec elle. Les souvenirs, c'est ce qui restera au final.

Avoir un enfant, c'est un engagement très important et peut-être que certains ne le mesurent pas à sa juste valeur. Je me permets de dire cela parce que nous avons obtenu un agrément pour l'adoption après avoir suivi un processus assez conséquent. Celui-ci nous a interrogé sur l'impact qu'aura un enfant sur notre vie. Ce n'est pas forcément un sujet auquel on réfléchit lorsqu'on a un bébé de manière "naturelle".

Et j'encourage les gens dès que je peux à effectuer des visites de contrôle. Comme la plupart des femmes, Emilie n'aime pas aller chez le gynéco, mais c'est ce qui a permis de détecter rapidement son cancer.
Peridotite
Posté le 24/05/2024
Oui, c'est clair. Avec mon mari, on en avait parlé de long en large avant de se lancer, pendant presque deux ans et déjà avant, on avait abordé le sujet à plusieurs reprises (on est ensemble depuis genre 15 ans, des petits vieux hihi). J'étais toujours étonnée plus jeune que les couples n'en parlaient pas. Tous mes amis se sont casés avec leur conjoint/conjointe puis ont eu un ou des enfants quasi dans l'année (sans se connaître dans le couple !) et ils tombaient des nues après. Certains ont divorcés à cause de ça (de leur perte de leur vie d'avant et du couple qui n'était plus le même - tu m'étonnes si tu te connais depuis six mois !). D'autres sont tombés dans la dépression. Une amie s'est fait battre par son mec après la naissance et a dû gérer afin que le père reste loin d'eux. Pleins de nouvelles galères en perspective quoi, entre s'occuper du gamin et du mec. Pour ma part, j'ai beaucoup hésité, car je suis une petite batterie : j'aime bien faire pleins de trucs. Et puis se pose tout l'impact qu'on aura sur cet enfant pendant toute sa vie. Au final, ça se passe étonnamment bien, un miracle. Du coup, on fait pleins de trucs à trois !

C'est trop bien si vous pouvez adopter. En plus, ça fera un heureux. Je vous souhaite le mieux pour la suite. Tu verras, c'est pas évident la paternité, mais ça vaut le coup de tenter si tu le souhaites.
Sebours
Posté le 24/05/2024
Nous avons arrêter la procédure d'adoption. Emilie est professeur des écoles dans un quartier difficile. A cause de mon age (41 ans à l'époque), il nous était impossible d'adopter un enfant né sous X, donc cela impliquait d'adopter un enfant "grand" 5-6 ans mini avec un lourd vécu (abandon, foyer, famille d'accueil + éventuelles maltraitance). Plus elle y réfléchissait, moins ma femme se sentait apte à adopter.

Quand elle me l'a annoncer lors du renouvellement de l'agrément, j'ai pris une claque. Il m'a fallut trois à six mois pour retrouver le sourire. Il a fallut que je reconstruise mes perspectives. Mon seul moment sans tristesse, c'était les entrainements de basket. Maintenant, j'ai retrouvé un équilibre, et l'écriture y participe.
Sebours
Posté le 24/05/2024
En tout cas, profitez de tous ces moments avec votre fille. Je suis certain que c'est une petite fille épanouie avec une maman comme toi!
Peridotite
Posté le 24/05/2024
Oui, je te comprends. J'imagine qu'après toutes ces démarches, tu te réjouissais qu'elles aboutissent et peut-être d'avoir un jour un ou une compagnon de basket (je jouais au basket avec mon père. Il avait installé un anneau dans la cour devant la maison 🙂). Aussi, je comprends ta femme. C'est pas évident d'élever un enfant et encore moins un enfant adopté, avec tout son passif. Surtout après sa longue maladie et tout ce par quoi vous êtes passés. Peut-être qu'elle avait peur d'une récidive et de ne plus être là pour la petite ? Peut-être qu'elle ne sentait tout simplement plus la force après avoir enfin retrouvé un équilibre ?

Dans tous les cas, t'inquiète pas, y a de quoi être heureux sans enfant. Les couples autour de moi sans enfants sont épanouis. Ils sortent tous les weekends, voyagent, ont divers projets. C'est tout aussi cool. Et puis, ça vous évite bien des tracas. 🙂
Sebours
Posté le 24/05/2024
Nous en sommes à présent à ce stade. Mais j'ai mis un moment à surmonter le deuil de la paternité.
Albanane
Posté le 05/03/2024
Bonjour Sebours, j'ai trouvée ce récit très touchant. Les mots bavaient de tristesse puis de réjouissance et j'ai apprécié l'indication des jours au fur et à mesure du texte.
Sebours
Posté le 07/03/2024
Merci pour ton commentaire Albanane!

Effectivement, cette histoire n'a pas été facile à écrire parce que je l'ai vraiment vécu. Pour l'instant impossible de faire plus qu'une nouvelle.
La chronologie m'a vraiment servi de bâton de pèlerin pour avancer le récit. L'objectif, c'était de monter que le temps permettait de surmonter certaines épreuves très difficiles.
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