L'âge mythologique

Par Tellus
Notes de l’auteur : La chronique des trois fléaux est une œuvre retraçant l'histoire des Terres du Partage, qui sont la partie du continent peuplé par les Humains. Les Géants occupent l'est de ces terres, les Dragons le nord, les Nains le sud. L'ensemble forme le Vieux Monde. Selon la mythologie commune à toutes les religions humaines, ces quatre "créatures majeures" ont été créées par le dieu Érès et ont donc une importance particulière.

La chronique est racontée par un homme de culture sakase qui vit en l'an 420 après la chute du royaume des Humains (a-crH).

Il est indispensable de se référer à la carte du Vieux Monde au cours de la lecture, sous peine de décrocher à cause des nombreuses références géographiques :
https://nsm09.casimages.com/img/2022/12/22//22122204465119386318075154.jpg

Cependant, gardez à l'esprit que cette carte est contemporaine de l'époque de l'auteur, et comprend donc des limites de royaumes inexistantes pendant une large partie du récit.

Nul ne connait les raisons qui obligèrent les premiers Humains, ancêtres des Sakases et des Nordaléens, à migrer vers les Terres du Partage. Les premiers venaient de l'est, par-delà la grande forêt des Amanites, tandis que les seconds descendaient du nord depuis la plaine d'Agash. Leur arrivée bouscula l'ordre établi, car les Dragons occupaient ces terres de longue date. Ils en avaient chassé les Nains, lesquels avaient eux-mêmes repoussé les Géants vers l'est. Chacune des quatre créatures majeures a eu un temps de présence marqué sur le vieux continent, plus ou mois durable et décisif. Mais en ces temps fabuleux qui virent mes ancêtres fouler ce sol, quelques Géants prospéraient encore dans le nord-est des Terres du Partage, et des groupes de Nains se tapissaient dans l'ombre des forêts les plus inaccessibles pour échapper aux Dragons.

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Moi, Zarqan d'Odjari de la maison Ataraxaas du clan Imagazoas, suis un descendant direct, mais lointain, de ces "pré-Sakases". Ce sont des temps obscurs, où la mémoire historique transmise de façon orale se confond avec les légendes et où les premiers héros se mélangent avec les dieux. Les récits fondateurs des Sakases et des Barbares y puisent toute leur inspiration, sans que l'on puisse distinguer le réel de la fable. Établir les faits au cours de cet âge n'est donc pas chose aisée, d'autant plus qu'à cette période reculée le temps semble s'étirer sans fin. Cependant, je vais tenter de retracer l'histoire de ma lignée depuis ces profondeurs antiques.

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Nous savons que ces Humains nouvellement arrivés sur les Terres du Partage n'étaient pas encore porteurs de civilisation. Les récits traditionnels indiquent que la cohabitation avec les Dragons fut très inégale selon les régions : parfois pacifique et empreinte d'un grand respect mutuel, parfois hostile voire en conflit ouvert. De nombreuses communautés eurent à combattre la créature ailée qui régnait sur leur terre. Des noms de héros, que je suis bien incapable de relier à ma lignée, sont parvenus jusqu'à nous et sont le témoignage de l'immense courage qui habitait les peuples premiers lors de ces siècles mystérieux.

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Itaq le Bondissant fut l'un d'entre eux. Désireux de prouver sa valeur auprès des siens, il ne se contenta pas de triompher d'un lion comme le voulait la tradition, mais préféra affronter le maître des plaines, le vieux Dragon Izurbagal aux Pattes Velues. La légende raconte qu'il se cacha trente jours et trente nuits dans une coquille d'oeuf, avant que la créature solitaire ne l'emporta sous ses ailes jusqu'à son antre. À la nuit tombée, Itaq sortit de l'habitacle et planta sa lance dans le cœur de la bête, qui pensait assister à la naissance d'un dragonneau. La plaine qui court sur toute la moitié nord et est de la mer Centrale porte le nom de ce premier héros depuis ce jour, et nous ne lui connaissons pas d'autre toponyme plus ancien.

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Les Humains qui prirent progressivement possession des Terres du Partage étaient encore nomades et ne connaissaient pas l'agriculture. Dans un premier temps, les Nordaléens s'établirent en basse montagne, dans le septentrion sauvage. À la fois chasseurs-cueilleurs et éleveurs, ils furent probablement à l'origine de la domestication des carapates, qu'ils importèrent sur le continent. Solides et rustiques, à l'image de leurs maîtres, ces créatures permirent aux Nordaléens de migrer avec femmes, enfants et ressources sans grande difficulté. Chaque génération naissante avait pour responsabilité d'investir de nouvelles terres, si bien que ce peuple ancien atteignit rapidement les voies de communication fluviale menant à la plaine d'Itaq puis se jetant en mer Centrale. C'est sur les rives du fleuve Blanc, affluent du Cyclade, qu'ils rencontrèrent pour la première fois ceux de mon peuple, pas encore civilisés ni sédentaires.

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Ceux-ci avaient traversé la forêt des Amanites, qui s'étendait alors au-delà de ses limites actuelles, sans autres moyens que leurs lances, leurs chevaux et leur hardiesse. Il est possible que ce grand exode dont les mythes sakases conservent encore la trace fut la conséquence indirecte de la migration des Géants vers l'est, poussés par les Nains sur les Terres du Partage avant que les Dragons ne viennent s'y fixer. Les pré-Sakases atteignirent les rives est de la mer Centrale et se stabilisèrent dans le bassin du Cyclade. Nomades, ils trouvèrent sur la plaine d'Itaq le lieu de pâturage parfait pour leurs troupeaux de boeufs. Les Dragons en furent très friands, cela explique probablement pourquoi leur peuple eut à combattre âprement les créatures ailées tandis que les Nordaléens, eux, entrèrent dans une relation proche de la vénération avec elles. Mais Itaq le Bondissant, Vodjaq Cœur Ailé, Madzouq Bras Vif, dont les noms parvinrent jusqu'à nous, ne craignaient rien. Accompagnés de leurs tribus, ils s'installèrent sur la plaine en lieu et place des Dragons et marchèrent sur leurs carcasses avec une audace et une hargne qu'un jeune taureau aurait pu leur envier.

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L'apparence de ces guerriers primitifs devait certainement s'approcher de celle des Doriancils, leurs plus proches descendants : une peau très sombre, des cheveux noirs coupés courts et parfois rasés, le visage et le corps ornés de peintures claniques doublées de scarifications. En lieu et place de la large robe des Doriancils, ils ne devaient porter qu'un simple pagne. Mon clan, comme bien d'autres, ne déviera de ce tableau que bien plus tard suite à l'apport génétique des hommes du nord.

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La rencontre des pré-Sakases avec les Nordaléens, guerriers pâles qui revêtaient de grandes peaux lainées et qui se couvraient le crâne avec des hures de sanglier, trancha donc nettement avec ce qu'ils avaient déjà vu. Les deux peuples n'étaient pas faits pour s'entendre et une rivalité s'installa immédiatement. Elle fut contenue pendant de nombreux siècles, avant que l'inévitable confrontation ne se produise.

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GJBlake
Posté le 03/02/2023
Hello Tellus.
Etant moi-même fan du Silmarillion, je commence ton récit. A vrai dire, ton univers me fait plus penser à celui de R. Howard que Tolkien, ce qui est aussi bien :). L'atmosphère du jeu de rôle transparaît également, et ça rappelle la jeunesse!

Pour le début, j'ai une interrogation: les Sakases et le Nordaléens ont un ancêtre commun, les Humains, mais ces deux "tribus" ne viennent pas de la même région. Agash et la forêt des Amanites ne sont pas voisines (bravo pour ta carte!). Donc on peut avoir du mal à comprendre comment ces deux tribus sont "cousines". C'est peut-être expliqué dans les chapitres ultérieurs.
Les "barbares" dans le texte sont-ils les Nordaléens?

Construire un univers mythologique est un sacré travail, j'espère que tu parviendras au bout du projet. Il n'y a que trois chapitres publiés pour l'instant, je te souhaite de publier ton récit en intégralité.
A+ au second chapitre.
Tellus
Posté le 03/02/2023
Bienvenue ici GJBlake !

A vrai dire, c'est plus la chronique qui est inspirée du Silmarillion que l'univers lui-même.

Il n'est jamais dit que les Sakases et les Nordaléens sont cousins, comment as-tu compris ça ? peut-être dès le premier paragraphe ?

Les Barbares sont en effet apparentés aux Nordaléens, mais ils apparaissent après ces derniers. Là oui, on peut dire que ce sont des peuples cousins. Les Nordaléens vont disparaître mais les Barbares vont avoir une très grande importance.

La chronique est déjà entièrement créée, depuis bien longtemps d'ailleurs. Mais le travail de rédaction est titanesque...

Merci pour ton commentaire ;)
GJBlake
Posté le 08/02/2023
Hello Tellus.
Il est mentionné ceci au début: "les premiers Humains, ancêtres des Sakases et des Nordaléens".
J'ai employé le terme de cousin par défaut; on comprend que les deux tribus descendent d'un même ancêtre (sans être véritablement cousines par le sang, je suppose). C'est bien le 1er paragraphe qui donne l'info.
Du coup, en ayant un ancêtre commun, on s'attendrait à ce qu'elles viennent plus ou moins de la même région géographique.
Je pinaille peut-être :D C'est juste pour essayer de comprendre le background de chaque peuple.
A++
Tellus
Posté le 08/02/2023
C'est sûrement mal décrit, mais en fait l'auteur met les ancêtres des nordaléens et des sakases dans le même panier et les identifie en tant qu'humains. En ces temps extrêmement lointains (on est environ 6000 ans avant l'époque contemporaine...), il ne peut pas clairement les distinguer. Mais il y a bien ceux qui viennent de l'est et ceux qui viennent du nord. Peut-être qu'à l'origine, il y a un seul ancêtre commun, mais l'auteur ne peut pas l'affirmer :)
filoutem
Posté le 27/01/2023
Bonsoir Tellus, je découvre ton récit, et alors je suis un peu perdue au premier abord parce que j'avais cru comprendre que tu écrivais dans l'univers de Tolkien mais en fait non ? les Terres du Partage, est-ce que c'est un monde que tu as inventé ? Si c'est le cas c'est vraiment trop chouette, félicitations !
Je trouve ça très agréable à lire, mais assez difficile à suivre : comme je ne connais rien de cette histoire, je pense que ça m'aiderait si les évènements étaient davantage "aérés". Par ça, j'entends un peu plus détaillés, afin que je puisse vraiment bien comprendre le déroulé de l'histoire, parce que souvent je n'ai pas le temps de saisir ce que je suis en train de lire que déjà il y a un autre gros évènement historique qui est raconté.
Je pense que c'est vraiment de l'ordre du détail, de la petite phrase à rajouter, peut-être un leader à présenter, bref, je pense que de suivre l'histoire d'une ou deux personnes plutôt que des foules aiderait à comprendre davantage.
Cela étant, c'est quand même très fluide et chouette ! Est-ce que tu écris d'abord l'Histoire de ce monde, dans l'optique d'en faire ensuite une histoire fantasy ?

à très vite !
Sy - Shadowy
Posté le 22/01/2023
Bonjour, effectivement on sent toute l'influence du Silmarillion dans la manière et la structure du texte. Le cadre du futur récit semble bien posé et maîtrisé :)
Le seul truc qui me chiffone c'est le nom d'un peuple : Nordaléen qui m'a fait systématiquement sortir de l'histoire car que me rappellant quelqu'un de pas fréquentable... nordhal lelandais ((le h ne change rien dans la sonorité du mot ) ) ... mais j'imagine que c'est purement fortuit ^^ Personnellement je modifierais un poil ce nom :) mais ça reste mon humble avis.
Tellus
Posté le 22/01/2023
Ah ! J'avoue que c'est la première fois qu'on me dit ça ! Je n'avais jamais fait le rapprochement entre les Nordaléens et ce psychopathe. On verra si d'autres font la remarque.
Merci pour ton commentaire
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