Larmes et Pétale : Lylas Aurore.
« Pourrait-on dire qu’il s’agit de notre histoire ? Nous qui sommes, à leurs yeux, si impuissants.
Pourrait-on dire que notre aventure commence maintenant ? Alors que la leur débute avant la lueur du passé, l’origine ?
S’agirait-il d’une partition de musique, simplement dirigée par une seule et unique personne, mais dont l’orchestre n’est autre que la vie, Nous ?
Qu’importe, au final… Seul celui que l’on nomme « ******** ********* » connaît le futur, notre futur et celui de bien d’autres.
...Et à la fin… »
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Rouen, Automne 2024.
23h45.
- Oui, allô ?!
Dit un jeune homme à bout de souffle, comme s’il ne pouvait respirer.
L’officier de police, d’une voix rassurante, demanda. Il comprit de suite que quelque chose de grave s’était produit.
- Veuillez-vous calmer. Pour quelle raison appelez-vous ? Décrivez-nous le plus calmement possible la situation.
- Oui… Je vois onze corps dans un hangar près d’où je suis…
Le policier s’alarma et, d’une voix inquiète, questionna le jeune homme.
- Onze corps ? Où êtes-vous ? Présentez-vous ! S’il vous plaît ! Que voyez-vous exactement ?
-Je… Je suis… il y a du sang ! Beaucoup de sang ! Et même des…
*beurk*
Il comprit alors que le jeune homme assistait à une véritable scène d’horreur. Il reprit son calme et lui dit de s’installer non loin, dans un lieu sûr, mais l’appel s’arrêta avant. Heureusement, les appels vers le numéro des forces de police localisent l’émetteur automatiquement.
- Bien, tout est en place…
Le jeune homme, qui se trouvait en fait au milieu des corps dont le sang ruisselait sur le sol, se tourna vers l’un d’eux. Une femme, une jeune femme qui semblait avoir été amputée de son bras gauche et de sa jambe droite. Les coupes étaient nettes. À travers celles-ci, on pouvait distinguer la maîtrise du coup. Un coup d’une lame extrêmement affûtée et sans hésitation. Au sol, il y avait bien des armes ! Mais seulement des battes de baseball, des barres de fer et deux pistolets. Rien d’autre.
Le jeune homme s’approcha lentement de la femme qui leva les yeux vers lui, son assaillant, en hurlant de douleur. Au niveau des yeux aussi, une tranche nette…
L’homme soupira puis, d’un ton calme et paisible, lui dit :
- Tu m’as privé de certaines choses et fait souffrir ceux que j’aime. Voici ton châtiment…
La femme ricana tout en haletant :
- Châtiment ? Ne me fais pas rire. Pour qui te prends-tu, hein ? Un dieu, dieu lui-même ? TU N’ES QU’UN CHIEN, UN CHIEN QUI REMUE LA QUEUE LORSQU’ON LUI LANCE CE QU’…
La jeune femme hurla une nouvelle fois de douleur et on put ressentir une secousse.
D’un bond, l’homme plaqua la femme au sol avec son pied. Il soupira une nouvelle fois puis, tout en la regardant souffrir et se tordre de douleur, lui chuchota :
- Tu sais, ce sont parfois les chiens les plus dociles qui mordent le plus fort…
Tiens ? Il semblerait que tu sois sauvée. Les forces de l’ordre arrivent. Sur ce !
L’homme marcha lentement vers la sortie du hangar. Chaque pas résonnait tel les secondes. Une fois sorti, son ombre disparut, s’évanouissant peu à peu dans la nuit. Ne laissant ainsi retentir que les sirènes et les hurlements de cette femme meurtrie à jamais. On pouvait distinguer au loin le son des « Je te hais », possiblement. Lorsque la police arriva, la sidération prit place. Même l’horreur ne pouvait décrire la scène. Un carnage, une boucherie sans précédent…
Lorsque notre lieutenante de police arriva, elle ne put cacher sa stupéfaction, horrifiée.
- Que s’est-il passé ? Mon di… Vite, appelez des renforts et des soignants ! Y a-t-il des survivants ? Allez voir vite !
Les policiers entrèrent dans la pénombre du hangar. Les lampes torches transperçaient l’obscurité. On distinguait une vague odeur de poudre. Ils accoururent près des corps au milieu de la salle et ils crièrent :
- Ils sont en vie mais gravement blessés… Ils leur faut des soins d’urgence !
La lieutenante cria, d’un air étonné :
- Combien sont-ils ?
- Un… deux… trois… Dix, mon lieutenant ! Dix !
- Dix ? On nous a prévenu de onze corps ? Trouvez le dernier ! A-t-on aperçu un jeune homme ?
- Négatif, mon lieutenant.
- Envoyez une équipe dans les environs, il ne doit pas être loin !
Au loin, retentit un rire. Un rire macabre, mais faible. Tous les policiers présents dans le hangar dégainèrent leurs armes et pointèrent la lumière vers ce rire. Au sol, une longue traînée de sang… Leurs yeux s’écarquillaient. Leurs bouches s’ouvraient de plus en plus. On pouvait y voir une légère condensation à cause du souffle. Et ils virent une femme assise par terre, et adossée au mur.
- Tu me le paieras ! Tu… TU AS MA PAROLE !
Deux policiers accoururent près de la jeune femme qui peinait à respirer.
- Calme-toi, les secours arrivent… Arrête de parler.
Dit un policier d’une voix rassurante, puis :
- Mon lieutenant ! Nous avons une encore consciente, mais…
- Pardon ? J’arrive tout de suite.
La lieutenante s’empressa et se présenta :
- Je suis le lieutenant Lylas Aurore. Je suis en charge de l’enquête préliminaire. Tu n’as plus rien à craindre, les secours ne devraient pas tarder à arriver.
La jeune femme rit une nouvelle fois puis :
- Il se fout de moi.
La lieutenante, interloquée, dit :
- Qui ça, IL ? Excuse-moi de te demander ça, mais qui ?
- LUI ! Flor…
La jeune femme était à bout de souffle :
- Flori…
- Aurais-tu vu un garçon appelé… ?
La femme se mit à hurler :
- Décidément, vous êtes vraiment des abrutis… C’est lui qui vous a appelé, Florian !
Dans un dernier souffle, la jeune femme expira :
- C’est donc ça ton châtiment… Tu m’enlèves mon bras, ma jambe, ma vue et nous sauves de la mort. Quelle ironie du sort…
- Arrête de parler…
La lumière des ambulances était visible au loin. Une fois sur les lieux, un gros dispositif de premiers soins fut mis en place. Celles-ci repartirent dès que les onze blessés furent stabilisés. De la sidération et maintenant de l’incompréhension… Onze corps tous en vie, amputés d’au moins un membre, et privés de la vision, voilà à quoi ressemblait la scène. Mais quel est le sens de leurs survies lorsque son corps est si lacéré ?
- Ok les gars, on a du boulot. On passe le hangar au peigne fin ! Et on fait des recherches sur celui qui a appelé. Apparemment, il s’appelle Florian.
Toutes les équipes de police se mirent au travail. La policière se prit le menton et se plongea dans ses pensées.
« Châtiment ? De quoi pouvait-elle être châtiée ? Florian… Était-il seul ? Visiblement, il faut le trouver. C’est l’élément clé. Mais comment aurait-il fait face à onze assaillants ? Et surtout avec quelle arme ? Un tueur à gages, peut-être ? Pas de précipitation, Lylas, l’enquête ne fait que commencer... »
- C’est bon, mon lieutenant, nous avons fini.
- Ok, on remballe et on boucle la zone. Je veux une équipe de surveillance pour le hangar, il reste peut-être des indices. Débriefing dans 30 minutes dans la salle de réunion.
La lieutenante s’arrêta brusquement et se retourna vivement en direction d’une tour au loin, comme si on l’observait intensément.
- Un problème, lieutenant ?
- Non, j’ai juste l’impression qu’on nous regarde. Mais… Non, ça doit être mon imagination. Allez, on rentre.
En haut de la tour :
- Et donc, qu’avez-vous prévu de faire ?
- Dans l’immédiat, rien. On les laisse faire.
- Vous rendez-vous compte de ce que vous avez fait ? Na… Je veux dire Florian.
- Oui, oui…
- Que voyez-vous…
- Va savoir… Mais globalement, mets en place un dispositif de surveillance pour mes proches. Quinze unités d’infanterie devraient suffire.
- VOUS ÊTES AU COURANT QU’À CAUSE DES DEUX DÔMES DE PROTECTION !! Il nous est impossible de faire venir des unités ? Vous nous demandez toujours…
- Je ferai une brèche, ne t’inquiète pas. Occupez-vous simplement, une fois entrés, des petits qui se faufileraient. Puis mettez-vous en position.
- Avons-nous l’autorisation d’éliminer ceux qui s’approchent trop ?
- Non, ça ne devrait pas poser problème…
- Toujours à faire des cachotteries, qu’avez-vous mis en place ?
- Et donc ? Pourquoi viens-tu me voir, Mû ? Étais-tu inquiète ?
- Pas vraiment, votre simple existence pourrait ébranler les lignes d’univers… Mais comme vous précipitez les choses, je venais simplement voir si vous aviez des directives.
- Bah… Rien de surprenant jusqu’alors. Ce genre de situation ne nous est pas inconnue, et puis… L’aube d’un jour nouveau sonne ici, non ?
- Oui, vous avez raison. À votre demande, j’ai prévenu les quinze unités les plus adéquates pour cette mission, je vous avertirai de leur arrivée aux abords du dôme. Dois-je aussi contacter « Les Larmes » ?
- Pour l’instant, nul besoin. Ne me décevez pas.
- Entendu, vos souhaits se plient à vous.
Ils disparurent aux premières lueurs du soleil.
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Chapitre 1 :
Rouen, le lendemain,
9h30.
- Bien... Allons rendre visite à notre chère lieutenante...
Soupira Florian en baillant. Il se trouvait devant le poste de police. Il entra calmement et se dirigea vers l’officier d’accueil.
- Bonjour, je viens voir le lieutenant Lylas Aurore.
Le policier, surpris, lui répliqua en faisant un signe discret à un collègue :
- Je vais prendre votre nom. Avez-vous une convocation ?
- Non, je n’en ai pas, mais je m’appelle Flor...
Il n’eut pas le temps de finir que la totalité des policiers présents dans le hall d’accueil sortirent leurs armes. Une alarme retentit alors.
L’officier d’accueil bondit de sa chaise tout en dégainant son arme et cria :
- Pas un geste et à genoux ! Lentement !
On put voir une certaine peur sur son visage.
- Eh bien, je ne suis pas là pour créer un conflit. Cependant, si vous le cherchez, ça finira en effusion de sang. Le vôtre ! Assumerez-vous ?
Une aura glaciale envahit les lieux. Les policiers étaient comme tétanisés, mais tous s’interrogèrent. L’incompréhension était visible dans leurs yeux, ainsi qu’un profond sentiment de peur. La peur d’être exterminés.
Lorsque la lieutenante arriva, bien que la situation fût des plus tendues, elle cria :
- Baissez vos armes, je veux entendre ce qu’il a à dire !
- Mais lieutenant, il est peut-être...
- Non. Baissez vos armes, c’est un ordre. Et puis, je ne ressens aucune hostilité de sa part.
Florian, d’un air satisfait, se tourna vers la lieutenante.
- C’est probablement la meilleure décision, merci Lieutenant Lylas.
- Com...? Comment connais-tu mon nom ?
Dit-elle, hésitante, le regardant droit dans les yeux. Florian, qui se tenait au milieu du hall, serein, comme s’il maîtrisait la situation. Elle se rappela de ce regard intense.
- Regardais-tu le hangar d’une tour ? Réponds.
- Hmm... Va savoir. Néanmoins, votre instinct est des plus aiguisés. Vous m’en voyez ravi. Vous pouvez me passer les menottes si vous le voulez.
Florian se mit en position. Deux policiers s’empressèrent alors de l’attacher. Une fois fait, on put ressentir dans la pièce un soulagement, mais le tout était imprégné de doutes. Ils l’emmenèrent en salle d’interrogatoire avec le plus de précaution possible. L’alarme s’arrêta. Une fois dedans, un des policiers menotta Florian à la table, qui se laissa faire calmement. Ils se positionnèrent des deux côtés de la porte, attendant l’arrivée de Lylas, main sur l’étui. Lylas accourut dans la salle, en quête de réponses. Une fois installée avec un épais dossier, Florian remarqua :
- Je vois que vous avez bien enquêté, ça m’évitera de perdre du temps. Donc, que voulez-vous savoir ?
Le policier se tenant à droite de la porte répondit d’un ton agacé :
- Tu te prends pour qui ? Réponds simplement aux questions. Tu ne vas pas...
Lylas leva la main pour faire signe de se calmer et de la laisser parler.
- Es-tu Florian Marin ?
- De toute évidence, oui.
Les deux policiers montant la garde semblaient de plus en plus irrités.
- Étais-tu dans le hangar hier soir aux alentours de 23h30 ? Est-ce toi qui as appelé ?
- Oui-oui…
Le policier à gauche de la porte perdit son calme et lui rétorqua :
- Tu ne vas pas t’en tirer comme ça. Et cesse ce ton supérieur. T’es dans une sacrée merde, gamin !
Florian le regarda du coin de l’œil. Son regard, l’espace de quelques instants, changea. On y voyait de l’animosité.
- Hmm~ ! Tu veux parier ?
Le policier se retint d’exploser de rage. Florian se retourna ensuite vers Lylas, et reprit cet air calme, voire inexpressif, impassible.
- Bon, on se calme ! J’aimerais que tout le monde se calme. On sait à peu près l’histoire qu’il y a eu entre Éliane et toi. Je vais reprendre depuis le début pour que tu confirmes, veux-tu ?
- Pas besoin, ce que vous avez dans votre dossier est la stricte vérité. Restons-en à un simple règlement de comptes, voulez-vous ? Je ne suis pas venu pour ça, quoi qu’il en soit.
- Comment peux-tu connaître le contenu du dossier ?
Demanda Lylas avec stupéfaction.
- Globalement…
Un frisson parcourut Florian, qui était visiblement ailleurs. Il finit par reprendre après un soupir.
- Bref. Globalement, je suis au courant de la totalité des choses. Rien n’échappe à mon œil gauche.
- Ton œil gauche ? Que veux-tu dire ?
L’un des policiers hurla :
- Arrête tes fanfaronnades, dis-nous juste, réponds juste. Ou alors, t’as pas toute ta tête, c’est ça ?!
- Lylas, vous devriez calmer vos chiens, ou préférez-vous que je le fasse ? Quoi qu’il en soit, il ne s’en sortira pas indemne.
La situation devenant hors de contrôle, la lieutenante usa de son autorité pour faire sortir les deux policiers. Une fois dehors, un silence plana.
- Bien, reprenons. Pour quelles raisons es-tu venu si ce n’est avouer les faits ?
- Le lieu est mal choisi et votre refrain n’est pas encore joué. Mais je viens simplement vous mettre en garde.
Malgré la situation où nul ne pourrait échapper à l’incarcération, elle voulait le croire. La lueur dans ses yeux ne montrait aucun mensonge, aucune hésitation. Il savait quelque chose qu’elle ignorait. Mais quoi ? Elle voulait savoir, à tout prix. Son instinct lui disait qu’il y avait quelque chose, quelque chose de plus gros.
Florian sourit :
- Eh bien, il semblerait que j’ai attisé votre curiosité. Je vais faire court, sinon on va me taper sur les doigts.
- On ? Tu veux dire, une organisation à laquelle tu fais partie ?
Lylas ne pouvait cacher sa surprise.
- Organisation ? Oui, on peut dire ça, mais je ne suis pas venu pour parler de « moi » ou de la « cité », pas encore. La « timeline » doit être respectée.
- Cité ? Timeline ? Explique-toi.
- Je vous l’ai dit, je suis venu pour vous mettre en garde.
La lieutenante perdit son calme, se leva. C’est alors que le commandant du poste de police fit son entrée.
- Calmez-vous, lieutenante ! Moi aussi je suis des plus perdus. Écoutons-le dans un premier temps.
- À vos ordres !
Le commandant ferma la porte et s’assit à côté de Lylas. Il posa ses coudes sur le bureau et s’adressa alors à Florian.
- Bien, nous t’écoutons.
- Sage décision, M. Le commandant Erwan Elre.
- Je constate que tu connais même mon identité.
- En bref. Je vous mets en garde contre ce qui vous attend. Dans un an jour pour jour, le début de la « purge », votre extinction sonnera. Pour l’instant, votre divinité protectrice maintient un dôme de protection qui englobe la planète Terre au niveau de la stratosphère. Votre ennemie se situe aux frontières de votre univers, où se trouve un second dôme. Nous avons un accord, mais dans un an les dômes s’effriteront en « pluie de pétales », mettant ainsi fin à l’accord. L’ennemi arrivera en masse, alors soyez prêts.
Les deux hauts gradés se regardèrent, ahuris.
- Tu viens jusqu’ici pour nous prévenir d’une extinction, la « purge », dis-tu ?
- Lieutenante, enfin, vous n’allez pas le croire. Allez, j’en ai assez vu ! Emmenez-le…
- Vous voulez savoir comment j’ai fait, par exemple, pour Éliane et ses petits chiots ? Je vous montre ?...
Le commandant, qui était tourné vers la vitre d’observation, se figea. Puis il se retourna aussi vite que possible en direction de Florian. L’air devint électrique. Lylas se leva, mettant toute sa force dans ses jambes ; ses bras allaient empoigner son arme de service. Au moment où elle allait l’atteindre, elle eut à peine le temps de prendre une inspiration, que sa vision devint retournée puis à l’endroit, puis retournée. Elle ne sentait plus son corps. Tout devint alors sombre. Noir. Lorsqu’elle expira, sa vision devint à nouveau nette. Elle était debout, immobilisée par la peur. Au niveau de sa gorge, la pointe d’une lame. Un katana que tenait Florian d’une main et, de l’autre, le fourreau. Il dit alors :
- Ça vous suffit ou j’en fais plus ?
Le commandant, qui retenait son souffle, leva la main pour faire signe aux autres policiers de ne rien faire. Il reprit son calme :
- Comment as-tu caché cette arme ?
- Elle n’est pas cachée, je l’ai simplement fait apparaître, matérialisée pour être plus précis. Simple convergence de lignes énergétiques. Ou énergie magnifiée. Enfin, vous en serez vous aussi capables dans quelques années. Mais il sera trop tard.
Florian rengaina son arme.
- Simple… comment as… j’avais la tête coupée, non ?
- Rassure-toi, ce n’est pas le cas. C’était juste la vague de psion énergétique, comme une hallucination. Mais oui, j’aurais pu.
- Tu me tutoies maintenant ?
- Toi aussi. Bon, il est temps de se mettre au boulot, je vais effacer l’existence de Florian. Ce sera votre récompense pour m’avoir écouté. Tâchez de ne pas mourir !
En un instant, la pression de l’air devint si lourde qu’il était presque impossible de respirer, si épaisse qu’il était impossible de bouger. L’air devint alors de couleur bleue, comme les profondeurs de l’océan, et un tremblement de terre intense retentit.
Au même moment :
- Le maître semble s’amuser… tout ça pour une brèche… Que toutes les unités se tiennent prêtes. Engagez le combat à vue, aucun ne doit passer. Début de la mission dès que la brèche est visible.
Les quinze unités répondirent à l’unisson :
« - Entendu ! »
- Ne décevez pas le maître, Namida.
« - Compris. »
Le commandant cria avec torpeur :
- Arrêtez-le ! Mais… préparez-vous à pire !
La seconde d’après, le halo bleu rétrécit en boule de la taille d’un ballon de handball devant Florian. Il empoigna alors son katana encore rangé dans le fourreau et, d’un vif mouvement, le sortit et trancha la boule. On distinguait très clairement la coupe nette. Puis un craquement, comme si on brisait une vitre, mais rien aux alentours de tel. Enfin, une explosion visible de tous. Au moment où Lylas rouvrit les yeux, elle était suspendue par un fil presque invisible. Mais il n’y avait pas qu’elle, ses collègues aussi, ainsi que tous les résidents des alentours. Tout le monde descendait lentement vers le sol. Les fils se rejoignaient en un point : la main de Florian qui lévitait au-dessus d’eux.
Le commandant, en levant les yeux vers lui, demanda en hurlant :
- Qui es-tu ? Qu’es-tu ? Un ennemi ou un ami ? Réponds !!!
- Je m’appelle ******** Namida. Je ne suis ni votre ami, ni même votre ennemi ; pour l’instant du moins. Votre divinité protectrice m’a demandé son aide. Je ne fais que répondre à son appel. Maintenant, qu’allez-vous choisir comme voie ? Vivre ou mourir ? Quelle est votre réponse ?
Namida disparut une fois que tout le monde fut au sol, indemne.
Tout le monde observait les alentours. Personne ne pouvait comprendre ce qu’il venait de se passer. Toutes les infrastructures dans un cercle de 2 km de diamètre, et ce qu’elles contenaient, avaient disparu. Il n’y avait plus rien, mis à part les habitants. Rien, le vide total dans un cercle de 2 km.
- Vous... Vous n’avez rien, mon commandant ?
- Non, et vous, lieutenante ?
- L’extinction... Si il dit vrai... Sommes-nous de taille face à celle-ci, à lui ?
- Est-ce vraiment le moment de parler de ça ? Vous êtes trop consciencieuse. Faisons d’abord un premier bilan, il y a peut-être des blessés.
- Entendu.
En ce jour, le jour de l’apparition d’un être se faisant appeler Namida, marqua les esprits des humains.
Bilan : 2 km de terre rasée, zéro mort.
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Chapitre 2 :
Jardin des plantes, Rouen
Hiver 2025, dans l’après-midi.
« Namida... Qui est-il vraiment ? L’extinction, que peut-elle bien être ? Divinité protectrice... Deux dômes protecteurs... c’est à n'y rien comprendre. »
Lylas, songeuse, tourna le regard vers le ciel et soupira, une cigarette à la bouche :
- Si seulement tous nos dossiers ne s’étaient pas envolés avec lui... peut-être aurais-je une piste. Quatre mois, on a fait un tiers.
- Eh bien, tu as l’air déboussolée, besoin d’un coup de main ?
Dit un homme étrangement vêtu à côté d’elle. Il lisait le journal, elle ne pouvait voir son visage, mais sa voix lui paraissait légèrement familière.
- Excuse-moi, mais nous sommes-nous déjà rencontrés ?
- Ahah ! Tu cherches des réponses, je les ai très certainement. Tiens ? Il va pleuvoir.
L’homme tendit alors un parapluie ainsi qu’un bout de papier.
- Retrouve-moi ici vers 18h00, ça te va ? Nous y serons plus tranquilles.
À cet instant, elle comprit de qui il s’agissait.
- Pourquoi ? Pourquoi m’aides-tu ? Te rends-tu compte du trouble que tu as causé, de la désolation, et ce, sans faire de victime…
- Ne fais rien d’insouciant, ce n’est pas encore l’heure pour ton refrain.
Namida disparut en laissant derrière lui des pétales de fleurs d’un bleu profond.
- Pas de doute, c’est lui, il est revenu. Pour quelle raison ? Bon pas le choix. Il me reste un peu de temps avant le rendez-vous.
La pluie commença alors à tomber. Tant dis que Namida marchait dans la rue, une femme de la vingtaine, munie d’un parapluie, se mit à son niveau.
- Vous allez vraiment la laisser entrevoir ?
- Nous n’avons pas d’autre choix, globalement ils sont en plein milieu du brouillard.
- Est-ce vraiment judicieux ? Elle pourrait en mourir.
- C’est là que tu interviens, ma chère Mû !
- Soyez plus sérieux, le moindre faux pas de votre part et vous risqueriez de faire sombrer cet univers dans l’oubli... À combien de pourcentage êtes-vous pour l’opération ?
- Tu t’inquiètes de mon contrôle ?
- JAMAIS ! Pour elle surtout.
- Son instinct est remarquable. D’ailleurs, y a-t-il eu des changements ?
- Pas de l’ordre du visible hélas ou presque. Il ne leur reste que si peu de temps.
- Ils réussiront probablement, en tout cas ils en sont capables. Et puis nous n’avons pas encore Rencontré Gaïa. Déjà, menons cette opération à bien, veux-tu ?
- Si telle est votre volonté.
« Une volonté inébranlable... Un pouvoir tel que tout se plie face à lui... Même la Cité des Pleurs toute entière ne pourrait rien faire. Notre maître Namida, si seul au final... Je ne peux qu’éprouver de l’admiration pour lui. »
- Tu as l’air de divaguer, Mû. Un souci ?
Ils arrivèrent sur le lieu de rendez-vous. Un bar un peu excentré, près de la Seine. Lylas, impatiente, était déjà arrivée.
- Tu as l’air en forme, ma chère Lylas.
- Et donc, un simple rendez-vous dans un bar ? J’espère que tu as ce que je cherche. Et ne m’appelle pas "ma chère".
- Je te présente Mû, mon assistante ainsi que cheffe des communications des forces de la Cité des Pleurs, répartition des unités, gestion...
Mû soupira :
- Vous pouvez abréger, je ne suis pas sûre que "Elle" apprécierait que tu appelles cette femme : "ma chère".
- "Elle" ?
Mû passa devant.
- Bon, on entre ?
Les trois entrèrent dans le bar. C’était un bar assez simple à la lumière tamisée : deux grandes tables, des tables de quatre, quelques tonneaux avec des tabourets, deux fauteuils en cuir dans un recoin et un comptoir. Namida se dirigea vers celui-ci, derrière se tenait le barman. Les deux femmes s’installèrent à une table après l’avoir salué. Namida lui fit un signe de la main.
- Yo Léo ! Ça fait longtemps !
- Comment ça longtemps, tu étais là pour la fermeture à 2h00 du mat’ !
Ils rirent et Léo dit en souriant :
- Tu es en bonne compagnie, la même chose que d’habitude quand tu arrives ?
- Oui, s’il te plaît. Vous voulez quelque chose ?
Mû, interloquée, répondit sèchement :
- Comment ça à 2h00, non mais tu te rends compte de ta position ?! Un double café spécial.
Lylas, surprise de cet échange, demanda à son tour :
- Comme je suis de congé, la même chose que toi. Merci.
Léo se mit au travail. Namida se dirigea vers leur table.
- Pas de soucis, c’est Mû qui régale de toute façon.
- En plus, c’est moi qui paie ? Non mais vous n’avez vraiment aucune honte, déjà que vous m’exploitez ! Quant à toi, tu prends la chose que lui sans savoir, les êtres humains sont vraiment insouciants.
À côté de deux chaises libres, Namida dit alors :
- Mû, calme-toi. On est dans un lieu public.
Lylas regardait autour d’elle dans le bar, personne ne se tournait vers eux malgré les paroles de Mû. Comme s’ils n’existaient pas. Namida s’assit alors à côté de Lylas, qui le regardait d’un air surpris.
- Tu ne vas pas à côté de Mû ?
- Nope ! Pour la suite, c’est plus simple comme ça.
- La suite ? Et ne sois pas aussi familier avec moi.
- Tu verras en temps voulu. D’abord, trinquons !
Léo apporta les boissons et les présenta :
- Un double café accompagné d’une mousse au chocolat noir, une crème brûlée ainsi qu’une glace à la mangue. Ensuite, nous avons deux Hana format spécial, je fais une note ?
- Non, je vais régler tout de suite.
Répondit Mû d’un ton des plus dépités. Lylas, l’air surprise, s’adressa à Léo :
- Un Hana ? Qu’y a-t-il dedans ?
- Demandez à Monsieur, c’est sa création.
Léo partit une fois payé, d’un air joyeux. Les trois saisirent leur boisson et trinquèrent. Mû était ravie de manger. Quant à Lylas, elle regarda avec hésitation sa boisson, puis se tourna vers Namida :
- Et donc, qu’y a-t-il dans ce cocktail ?
- Goûte, tu verras.
Elle prit une gorgée et, à sa grande surprise, le trouva délicieux. Elle finit son verre cul-sec.
- Il y a de la cerise, de la pomme, du mousseux et du citron, je dirais ?
- Presque, il te manque deux ingrédients. Je t’en commande un autre ?
- Volontiers !
- Un autre, Léo, s’il te plaît !
- Entendu.
Mû, enragée, pointa du doigt Namida.
- Cette fois, c’est toi qui paies !
- Oui-oui...
Elle reprit ses mini-desserts.
- Tu as parlé d’une « suite », de quoi s’agit-il ?
- Mû, préviens-moi quand tu auras fini.
- Laissez-moi apprécier cette accalmie dans mon travail… Par pitié !...
Les trois se mirent à rire joyeusement. Une fois les mets terminés, Mû prit un regard déterminé.
- Bon, on peut y aller, ne vous foirez pas, maître.
- Oui-oui...
Namida se tourna vers Lylas, apposa son index et son majeur sur sa nuque et lui dit calmement :
- Ne t’inquiète pas, je ne vais rien te faire. Ferme simplement les yeux et respire profondément. Mû, prépare-toi !
Les deux femmes se mirent à exécution. Lylas ferma les yeux et respira profondément pendant un long moment. Une fois paisible et sereine :
- Bien, quand tu seras prête, ouvre doucement les yeux. Mû, c’est bon pour toi ?
- Vous me prenez pour qui ? Bien sûr !
Lorsque Lylas ouvrit les yeux, ceux-ci changèrent d’allure. Elle fut frappée d’un violent mal de mer. Sa bouche s’ouvrit en grand. Elle semblait frappée de surprise. On voyait dans ses yeux des éclairs. Des éclairs d’un bleu profond, partant des extrémités et se dirigeant vers le centre de ses yeux. Namida compta jusqu’à trois :
- Un… deux… trois. Ferme les yeux si tu ne veux pas y passer. Ferme-les, calmement.
Lylas le prit au mot. Les yeux fermés, le souffle coupé, elle peinait à avaler sa salive. Elle était en sueur et tremblante. Il retira ses doigts de sa nuque et posa sa main sur sa tête :
- Ça va ? Tu peux rouvrir les yeux si tu veux.
Elle ouvrit les yeux le plus doucement possible, mais à peine les premières images devinrent-elles visibles, qu’elle ne put s’empêcher de régurgiter.
- Mû ? Apporte-lui de l’eau, veux-tu ?
Mû s’empressa d’aller demander à Léo un grand verre d’eau et le tendit à Lylas.
- Qu’est-ce… qu’est-ce que c’était ?
- Disons que c’était un partage de mon œil gauche, enfin juste trois secondes. Plus, et sans l’intervention de Mû, tu serais sans doute morte en un instant.
- Considère-toi heureuse d’avoir survécu pour une simple humaine. Ça relève de l’exploit. Tu remontes dans mon estime.
- Alors, dis-moi ce que tu as vu... Ce que tu as ressenti...
Demanda calmement Namida. Lylas, recroquevillée, terrorisée, se tenait la tête en tremblant et d’une voix faible commença à expliquer :
- Tout… Tous… Les sentiments, les actions… Passé, présent… Tout semblait entremêlé. J’ai vu tous les habitants de la Terre. Et plus encore, il y avait d’autres civilisa…
Lylas vomit à nouveau ; malgré ça, elle reprenait son calme petit à petit. Namida avait posé sa main dans son dos pour l’apaiser. Un moment passa avant qu’elle se remette. Elle reprenait des couleurs. Lentement mais sûrement, dans un meilleur état physique et psychologique, Lylas regarda Namida droit dans les yeux et s'empêcha de l’interroger :
- Source primaire, rien que ça ? Tu perçois ça constamment ? Comment peux-tu vivre avec ça ?
- Ça fait beaucoup de questions d’un coup. Mais oui, globalement, c’est ça. Comment je vis avec l’œil d’omniscience, ça risquerait d’être trop long à expliquer et tu ne comprendrais probablement pas tout, enfin, pas encore.
- Nous ne pouvons rien contre toi, la source primaire... La source de l’énergie magnifiée. Mais bon, tu n’as pas l’air d’être une menace, enfin, pour le moment, si je comprends bien. Tout dépend de nous, je me trompe ?
- Exactement, comme tu as pu le voir, le maître est un observateur, un allié, ou encore un exterminateur. Tout dépend de ce qu’il voit et de la divinité protectrice de la planète ainsi que de ses habitants.
- Les forces calamiteuses ? Tu es venu nous prévenir, mais que sont-elles ?
- Je dirais qu’on pourrait les comparer à des sangsues. Elles aspirent toutes formes de vie magnifiée, ne laissant qu’une planète en ruine, sans vie, qui finira par s’effriter en poussière d’étoiles.
- C’est là que la Cité des Pleurs intervient. Je dirige les unités adéquates à toutes missions sous le commandement de maître Namida. En fonction, une « Larmes » ou des « Larmes » peuvent être déployées.
- Les « Larmes », que sont-elles ? Comment pouvons-nous faire pour maîtriser l’énergie magnifiée ?
- Nul besoin d’en dire plus, Mû. Le temps des révélations n’est pas encore venu. Cependant, un petit indice sur la marche à suivre : votre circuit nerveux, plus précisément le courant électrique qui parcourt votre corps, ainsi que le circuit d’énergie magnifiée qui lui, est en parallèle, bien que latent chez les humains. Maintenant que tu es au courant, quelle est ta réponse ?
Alors que ces deux-là s’en allaient, laissant Lylas dans la plus grande des interrogations, Léo apporta le cocktail.
- C’est la maison qui offre ! Il a l’air bien pressé d’un coup.
- Oui, il a sûrement du travail, beaucoup de travail.
Répondit Lylas d’un air complaisant. Elle but son cocktail d’une traite. Puis, elle posa son verre avec détermination. Léo en était sans voix et se mit à rire :
- Ce cocktail semble vous plaire !
- Peut-être bien, qui sait. Gin et hibiscus ?
- Tout à fait.
- Hmm… Intéressant comme mélange, merci en tout cas. Je reviendrai.
- Avec plaisir, à la prochaine alors.
Lylas sortit plus que déterminée. Ses découvertes… elle savait quoi en faire ! Elle alluma aussitôt une cigarette. Il commençait à faire nuit, et elle se mit à regarder les faibles lueurs des étoiles.
« Les larmes, la Cité en Pleurs, les forces calamiteuses. Que nous réservez-vous ? Réserves-tu même… Va savoir. Que vois-tu que nous autres ne voyons pas ? Pour l’instant, faisons un rapport, je divulguerai plus tard ce que j’ai découvert. Notre monde n’est pas prêt. Nous autres ne le sommes pas. Attendons sa prochaine apparition… Hanabira Namida ! »
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- Vous l’avez sentie, n’est-ce pas ?
- Yes ! Mais il nous reste du temps avant l’arrivée de la Calamité. Peut-être deux semaines ?
- Avez-vous déterminé le niveau de fléau ?
- Je peux m’en occuper, si c’est ta question.
Mû reprit son air enragé :
- Oui, non ça je sais, mais il nous faut combien de membres pour gérer les dégâts !
- Aucun ! Il n’y aura que peu de dégâts, inutile de faire venir des unités. D’ailleurs, tu peux informer les 15 unités de l’arrêt de la surveillance.
- Qu’est-ce que vous avez prévu encore cette fois ?
Dit-elle d’un ton exaspéré. Namida se mit à rire :
- Rien. Tu verras en temps voulu.
- Arrêtez vos cachotteries ! Quand prendrez-vous votre rôle au sérieux ?
- Tu es trop stricte, Mû. Tu devrais te détendre parfois. Aujourd’hui, rien ne sert de s’alarmer.
- Dit-il… J’ai prévenu les unités. Elles se positionneront au niveau du second dôme comme à leurs habitudes. Était-ce vraiment nécessaire ?
- Simple précaution, au cas où. Du changement ?
- Au cas où ? Ne me faites pas rire, ça a l’air si simple à vous entendre. Changement, très faible encore invisible, à qui la faute ?
- Calme-toi, as-tu apporté un katana de mon armurerie comme je te l’ai demandé ?
- Bien sûr, je suis moi-même allé le chercher, je pense que Gesshoku sera le plus adapté !
- Oh, intéressant comme choix. Tu restes implacable pour ce qui concerne l’organisation des missions. Merci pour ton travail.
- N’est-ce pas ? Mais de toute façon vous étiez déjà au courant, non ?
Namida et Mû marchaient paisiblement, et elle avait l’air contente de ce qu’il venait de dire. Tout semblait si calme autour d’eux. Mais pour combien de temps encore ? Combien de temps allait-il se cacher, à attendre tapis dans l’ombre ? Combien de temps l’espèce humaine vivra-t-elle dans la paix ? Sans peur viscérale. La peur d’être anéantie… Un seul semble posséder les réponses. Nul ne trompe son regard. Nul ne peut s’opposer à sa volonté. Quel que soit l’endroit, il ne connaît que la victoire, la réussite. Voici le début de notre histoire, où Un certain fait juste un crochet. Une simple escapade dans Son temps. Lui qui vit pour l’éternité au sommet de toute chose. Seul.
«honoreras-tu ta promesse ? »
15
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Chapitre 3 :
Rouen, fin d’hiver 2025,
13h30.
Namida marchait en direction d’une petite épicerie. Alors que la vendeuse balayait le devant de la boutique, elle l’aperçut et lui fit signe de la main avec un beau sourire. Il lui fit signe de la main en retour. Dès qu’il arriva à portée de voix, il lui demanda si son oncle était là. Elle hocha la tête en signe d'affirmation. Il entra alors dans la boutique et salua l’oncle :
- Bien le bonjour ! Je viens passer commande. Une grosse commande, car je vais m’absenter quelque temps.
- Bienvenue, comme toujours. Tu cherches quelque chose en particulier ?
- Je t’ai fait une liste, tiens.
L’oncle regarda la liste, très concentré, et la vendeuse, du nom de Lola, observait par-dessus son épaule, l’air intriguée.
- Tu penses tout avoir ? Je pars demain fin de matinée.
- Oui, ça devrait être bon. Lola, prépare déjà ce que nous avons et commande le reste pour la première livraison de demain. Tu as besoin d’autres choses ?
Alors que Lola préparait les cartons, la porte s’ouvrit brusquement : une femme aux cheveux blonds, attachés en chignon, s’approcha à toute vitesse de Namida. Elle lui tendit une malle brusquement. Namida se mit à s’étirer. L’oncle demanda :
- Tu la connais, Raphaël ?
Namida, ou Raphaël, hocha la tête pour signifier oui. La femme fit une révérence et se mit au garde-à-vous :
- Na… Raphaël ! Il a attaqué !
- Oui-oui… Bon, on a combien de temps avant que l’attaque n’arrive au second dôme ?
- 30 minutes, tout au plus…
- Ok, je règle ça dès qu’il arrive dans le domaine visible.
- Vraiment ? Dans 10 minutes ?
Les deux marchands, face à cet échange lunaire, étaient bouche bée. Namida posa la longue malle au sol. Un sceau runique apparut sur la poignée. Un léger courant d’air se fit sentir dès que celle-ci fut ouverte. Nos deux marchands en restèrent sans voix, la bouche grande ouverte. Namida sortit alors un bâton droit, d’environ 1m10. Il y avait quelques ornements dorés dessus, ainsi que des lunes de différentes phases lunaire. Le courant s’arrêta dès que le bâton fut saisi. Lola, plus que stupéfaite, s’affola :
- Qu’est-ce que… Une attaque, où ça ? Des terroristes ?!!
Elle poussa un cri de panique. Namida se tourna vers elle, la regarda avec quiétude puis sourit :
- Ne t’inquiète pas, avant la tombée de la nuit, tout sera fini. Mû, je te briefe quand on sort. Appelle les Larmes ombrales et dis-leur de se tenir au-dessus du second dôme.
Ils sortirent de la boutique. Lola et son oncle, tétanisés, reprirent leur souffle. Les deux se regardèrent longuement alors que la porte se fermait doucement. Un silence régnait.
- Mû ! Tu te sens capable d’utiliser les lignes de restauration ? Je vais, dans un premier temps, prendre appui sur le long du clocher de la cathédrale de Rouen pour aller à Paris. J’utiliserai alors la tour Eiffel comme tremplin. Vitesse Mach 20, puis je passe en déplacement supra-lumineux.
- Pardon !! Je peux restaurer, oui, mais l’onde supersonique de votre propulsion ?
- Pas le temps d’expliquer, mais je m’en occupe. Dès que tu as malaxé assez d’énergie, je me lance.
Mû ferma les yeux sept secondes. Elle les ouvrit :
- Bien, tout est prêt et tout le monde est en place. C’est quand vous le souhaitez !
« À toutes les unités, dès que le maître aura fini de lancer sa première attaque, ce sera à nous. La défaite n’est pas une option ! »
Namida serra son Shirasaya, sabre japonais sans garde. Lola et son oncle sortirent à toute allure. Elle semblait vouloir dire quelque chose à Namida, l’air inquiète :
- Je ne comprends pas ce qu’il se passe. Mais fais attention !
- Pour l’instant, reste en dehors de ça.
- Ça ? Tu vas devoir t’expliquer. En plus, tu dois payer ta commande ! À demain !
Soudain, une onde de choc frappa le sol. Lola ferma les yeux un instant, et quand elle les rouvrit, il avait disparu. Elle regarda autour d’elle, rien. Puis, un murmure venant du haut de la cathédrale se fit entendre :
« - Gesshoku, éveille-toi ! »
Au même moment, un halo de couleur violet pâle apparut autour de Mû, qui semblait des plus concentrée. On entendit le bruit d'une goutte d’eau, puis une onde de choc circulaire à la verticale apparut au niveau du clocher. Celui-ci céda net et tomba, brisé au milieu. Il y eut un cri de foule ; le halo entourant Mû s’élargit et le clocher se reconstruit peu à peu comme par magie, comme si le temps était inversé. La ville de Rouen faisait face à la plus grande des stupeurs. Tous ceux qui pouvaient voir la scène avaient leur téléphone pour filmer le clocher. À cet instant, les habitants de Rouen comprirent que ce qui était de l’imaginaire était en fait réalité et qu’ils étaient à nouveau frappés par la catastrophe : Namida. Une fois la cathédrale remise à son état d’origine, Mû disparut. Les réseaux sociaux s’enflammèrent. Toutes sortes de théories circulaient : Aliens, magie, etc.
En plein vol :
- Mû ? Tu me reçois ?
- Affirmatif.
- Dans 30 secondes, j’active Gesshoku. Une fois aux abords de Paris, je décélère afin d’éviter les dégâts inutiles. Je m’occupe des forces aériennes. Puis je saute en prenant appui sur la tour Eiffel et je tranche d’un coup. Que les unités d’infanterie se chargent des morceaux qui passent à travers le second dôme. Pas de soucis pour ceux que vous laissez passer, ils seront annihilés. Que les Larmes ombrales s’occupent de la Calamité, fléau de rang intergalactique. Retrouve-moi en dessous de la tour Eiffel une fois l’assaut terminé.
« - Tout le monde, vous avez entendu ? Allez, en place ! »
- J’arrive au sommet dans 3 minutes 17 secondes. Ne me décevez pas, on fait ça vite, dans l’ombre.
« - Compris ! »
181 secondes avant le début de l’assaut. Namida dégaina son arme aussi rapidement que l’éclair. Un halo visible de tous les Terriens surgit. 180 secondes, la Terre entière se mit à trembler d’une force sans précédent. La partie qui était censée être éclairée par le soleil fut plongée dans l’ombre ; l’ombre d’une éclipse. La population mondiale n’en revenait pas, certains même sortirent leurs lunettes de vision d’éclipse. 60 secondes plus tard, l’éclipse semblait grandir, comme si la lune allait s’écraser sur la Terre. Un mouvement de panique et des cris retentirent... 5 secondes... Un éclair bleu profond frappa soudainement à l’horizontal le para-tonnerre de la tour Eiffel, éclairant ainsi la capitale de la France. Quand, dans ce halo bleu, des petites lumières firent leur apparition, elles aussi bleues. Toutes convergeaient lentement, puis rapidement, vers un point : le sommet de la tour Eiffel ; ou plus exactement la lame de Namida. Il prit son élan, le halo et ses lumières convergèrent brutalement dans la lame, comme absorbés. En une microseconde : un second éclair frappa en direction du centre de l’astre tombant. La tour Eiffel explosa en mille morceaux ; la Terre retint son souffle. Tout allait si vite, mais l’incompréhension faisait de cet instant un instant éternel. Comme si le temps se dilatait, le bruit lointain d’un coup d’épée frappa la Terre. L’astre fut tranché en deux, net ; puis explosa, laissant place à la lumière du jour.
La Terre assista, sans rien faire, à la destruction de ce qu’il semblait être : la Lune. Tandis que la stupéfaction était palpable, on pouvait distinguer ceux qui étaient au niveau de la tour : ils étaient soit suspendus à un fil, soit protégés par un cercle runique des débris de la tour. Une pluie de météorites déchira le ciel, alors que le ciel en feu allait s’abattre sur la France et ses alentours. Une multitude d’éclairs bleus envahirent les cieux, frappant ainsi les météorites qui, une par une, disparaissaient. Puis, une fois toutes les météorites annihilées, une onde de choc frappa l’espace où se dressait autrefois la tour Eiffel.
Au centre de l’onde, il se tenait là, paisible. Une femme surgit de nulle part et se dressa à ses côtés.
- Eh bien, on peut dire que vous n’y êtes pas allé avec le dos de la cuillère. J’attends votre rapport.
- Toujours aussi méticuleuse, Mû...
Les humains, ahuris, s’avancèrent d’un pas plus que prudent vers eux, pour mieux voir. Certains filmaient, d’autres écrivaient la scène. Namida s’étira le dos et bailla :
- Aaaaaah, j’aurais tant aimé les voir, ne serait-ce que cinq petites minutes... 30 ans d’attente.
- Dois-je faire venir des unités de restauration ? Les dégâts que vous avez causés sont... Incommensurables.
- Non, ça ira…
Il soupira puis ferma les yeux un instant, prit une grande inspiration. Et dans une langue inconnue, s’adressa aux humains. La presse arriva sur place pour diffuser les images. Il parlait dans la langue ancienne de la Terre, et tous les humains semblaient comprendre :
« - Vous, enfants de la divinité protectrice, je suppose que vous vous questionnez, mais la réponse vous la connaissez déjà. Oui, je suis à l’origine des événements. Oui, j’ai détruit l’astre ainsi que les débris qui allaient frapper la Terre. Je suis aussi à l’origine du tremblement ressenti partout. Vous qui vous croyez seuls jusqu’alors, sachez que vous vous fourvoyez. Il existe plusieurs milliers de civilisations au-delà de votre univers. Il existe bien pire que nous, votre extinction, votre fin... Ce que vous appelez magie existe également, regardez attentivement... »
Namida s’éleva lentement dans le ciel. Les nuages assombrissaient le sol. La foule, la France, la Terre, choquée par de tels aveux, était frappée de sidération. Bien que difficile à avaler, tous ne pouvaient que le croire. Il regarda la foule d’en haut, il la surplombait dans les cieux. Une incompréhension totale régnait. Tous ceux qui le regardaient le montraient sur leur visage. La foule se mit à hurler de colère, d’autres commençaient à pleurer, face à la destruction d’un des symboles de la France. Il se tourna vers Mû, qui hocha la tête. Il ouvrit légèrement les bras. La tension était palpable. Soudain, la foudre frappa ses mains. Deux boules bleues, une dans chaque main.
« - Pensez-vous réellement que je vais laisser ça comme ça ? »
La foule paniqua, ce qui était tout à fait normal. Tous couraient dans tous les sens. Certains étaient bousculés et s’écroulaient sur le sol, voire écrasés. La foudre, qui devenait de plus en plus intense, frappait les deux boules bleues, toujours ce même bleu des profondeurs. Les nuages commençaient à tourner au-dessus de Namida. En réunissant les deux boules dans un claquement de mains, la lumière de celles-ci devint des plus scintillantes. Mû disparut aussi vite qu’elle était apparue.
« - Il est temps de mettre de l’ordre dans tout ça. »
Namida sourit et empoigna son katana. Une lourde pression se fit sentir, comme si la gravité augmentait. Au moment où il sortit son arme, une bulle grandissante autour de lui devint visible. Au fur et à mesure que l’arme était dégainée, le temps dans cette bulle s’arrêta brusquement et elle engloba maintenant la Terre. Dès que l’arme fut entièrement sortie, il arma son coup, puis, d’un mouvement vertical extrêmement rapide, il la dirigeât vers la boule.
Alors que la Terre et ses habitants étaient immobiles, impuissants face à ce qu’ils assistaient, une forte bourrasque frappa le visage de Namida.
« arrêtes... »
Au moment où le vent lui apportait ces mots prononcés par une femme au loin, venant des entrailles de la Terre, il stoppa son coup à quelques centimètres de la boule lumineuse. Celle-ci avait maintenant la taille d’un ballon de football. Il prit un air satisfait et sourit du coin de la bouche.
- Hmm… Ne me déçois pas, Gaïa.
Il reprit son mouvement, encore plus rapidement, trancha la boule. Et une nouvelle fois, le bruit d’une vitre éclatée résonna. Alors que celui-ci s’évanouissait dans l’abîme de ce temps figé, toutes les lumières furent aspirées dans la fente de la boule tranchée. En un instant, la lumière avait disparu. L’humanité pensa :
« - Était-ce un châtiment ? Une punition divine de notre orgueil ? »
L’instant d’après, la lumière revint sur la planète Terre et, comme par enchantement, la tour Eiffel était debout, revenue à son état d’origine. Mais pas seulement cela : tout semblait être rentré dans l’ordre. Dans l’air invisible mais audible, la voix de Namida :
« - Il vous reste six mois avant le début de la « purge », votre extinction. Vivre ou mourir ? Quelle est votre réponse ? »
Au loin, au-delà du second dôme, sept individus se tenaient devant une masse difforme immense qui flottait dans l’espace. On pouvait voir sur cette masse des marques de coups divers et variés. Elle était inerte. Les sept individus descendirent sur la planète la plus proche pour se reposer.
- Fiou ! Il nous a donné un peu de mal, celui-là.
- Eh bien, Vilgor, tu te ramollis ? Il n’a même pas pris une forme condensée.
- Parle pour toi, limite tu pionçais pendant le combat ! Franchement ! Et tu crois vraiment qu’il aurait eu le temps ?
- Calmez-vous, vous deux ! Il faut encore cristalliser son énergie !
Les six autres individus répondirent à l’unisson, d’un soupir désinvolte :
« - Oui... »
- N’empêche, le maître a fait fort, vous ne trouvez pas ?
- Toujours aussi admiratif des actions du maître, n’est-ce pas, Yrebo ?
- Tu l’es tout autant… Je me trompe ? Bien que cette fois, ça dépasse l’entendement.
Tous, d’un mouvement de tête, ne purent qu’acquiescer. Ils se regardèrent d’un air complaisant, puis se mirent à rire.
- Bon, tout le monde, on termine cette cristallisation et on le rejoint ! Al, tu peux t’en charger ?
- Je m’en occupe de suite, Plume !
D’un coup, les sept individus débordèrent d’énergie. La cristallisation effectuée, ils se mirent en route vers la Terre. Sept lumières de couleurs différentes jaillirent des pieds des sept individus, les enrobant et laissant des traces multicolores dans le ciel étoilé. Comme si des étoiles tombaient. Tous pensèrent la même chose :
« - 2,5 univers, c’est si peu et si long. J’ai hâte de te revoir, maître ! »
Lylas, plongée dans ses pensées, une cigarette à la bouche comme toujours, remarqua :
- Tiens, des étoiles qui scintillent... Et elles ont disparu ? Non, je dois me faire des idées, probablement à cause du manque de sommeil. C’est là que j’entre en jeu, c’est ça ? Hanabira Namida ?.. Je devrais aller boire un verre pour me détendre. Je me demande si... ?
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Fin mars 2025, toutes nos croyances ont été balayées en l’espace de dix minutes. Dix pauvres minutes, mais si longues pour l’humanité.
- Vous l’avez localisé ?
- Oui, bien sûr ! Ça fait un moment !
- Cessez vos cachotteries, vous voulez ? Ça nous faciliterait la tâche.
- La timeline doit être respectée. Précipiter les choses n’apporte rien de bon. Combien de temps nous reste-t-il ?
- Vous le savez mieux que personne. Vous qui percevez aussi bien la lumière du passé, que celle du présent, mais aussi celle du futur.
Mû ne put retenir sa colère face à ces mots. Namida lui mit alors une main sur l’épaule et lui dit :
- Rassure-toi, tu n’as pas à t’inquiéter, une Tragédie n’arrivera pas de suite.
- Si vous le dites, ça ne peut être que la vérité...
-Aie un peu plus confiance au nouveau moi, en nous.
Il s’étira longuement. Mû soupira :
- Si seulement vous n’étiez pas aussi insouciant.
- Quand vas-tu me tutoyer comme les Larmes ?
- Je ne peux prétendre être au même niveau que les Larmes.
- Certes, il te manque encore quelques univers, néanmoins, tu restes mon assistante et ton travail est toujours remarquable. Enfin, tu auras prochainement ton rang, toi aussi.
- Mon rang ? Que voulez-vous dire ?
- Nous sommes, avant d’être une armée, une famille. C’est comme ça que je vois la cité, notre maison. Toute la cité et ses habitants.
- Vous avez raison, j’ai hâte de finir cette mission, rentrer, et retrouver tout le monde, pas vous ?
- 30 ans déjà ? Ça passe si vite...
Mû se mit à ricaner.
- Pour quelqu’un dont le temps n’a pas d’influence, c’est assez drôle.
- C’est vrai !
Ils rirent joyeusement ensemble. La nuit tomba. Bilan : aucun dégât, zéro mort, annoncèrent les médias quelques semaines plus tard.
« - Je te l’avais bien dit que ça serait fini avant que la nuit tombe. »
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Chapitre 4 :
Rouen,
Fin du printemps 2025.
Lylas, qui se tenait devant le bar de Léo depuis quelques minutes, y entra à reculons tout en marmonnant ses pensées. Le bruit de la porte retentit. Léo se tourna vers elle en souriant et lui fit signe de la main. D’un air épuisé, Lylas le salua.
- Salut Léo…
- Ouh là, tu n’as pas l’air dans ton assiette. La même chose que d’habitude ? C’est pour moi le premier.
- Merci ! Non mais franchement, pour qui il se prend ? Se rend-il compte de toute la zizanie qu’il a mise ? Il me paiera mes heures supplémentaires !
Lylas s’assit au comptoir. Le visage surpris, Léo lui répondit :
- Qui, lui ? Celui dont tout le monde parle aux infos ?
- Bien évidemment, qui d’autre ? D’ailleurs, tu l’as revu ?
- Revu ? Comment ça ?
- Le jeune qui était avec moi quand je suis venue la première fois, tu te souviens ? J’ai même vomi.
- Tu étais seule, si ma mémoire est bonne. D’ailleurs, évite de boire trop vite comme cette fois, ou je te fais nettoyer.
- Attends ! Tu me fais une farce là, tu ne te souviens pas de [nom du jeune homme] ?
Lylas réalisa que rien, aucun son ne sortait de sa bouche. Elle fut frappée de stupeur.
- Heu… Tu es fatiguée à ce point ?
- Je… Non, rien, oublie.
Elle fronça les sourcils, les coudes sur le comptoir, les mains devant la bouche. Elle commença à réfléchir intensément :
« Que se passe-t-il ? C’est quoi ce bordel ? Il aurait oublié ? Comment ? Tout est possible, mais tout de même, il aurait effacé son existence ? Certains événements ? Impossible… »
Au fond du bar, sur une grande table, était installé un groupe d’individus qui riaient joyeusement. Ils étaient vêtus de manière atypique. Un homme se leva et vint au comptoir. Il demanda à Léo :
- Peux-tu nous resservir, s’il te plaît ?
- Oui, avec plaisir, que désirez-vous ?
L’homme, vêtu d’un manteau en laine bleu très profond, énuméra une longue liste de neuf boissons et trois pizzas.
- Tu serviras aussi la même chose à […]. Je peux régler maintenant ?
- Bien sûr, en carte ?
- Yup.
Léo approcha l’appareil. À la grande surprise de Lylas, elle vit la main de l’homme s’approcher de celui-ci. Un faible éclair bleu, à peine visible, émana de l’index de l’homme. Le règlement effectué, Léo ne pouvait cacher sa joie.
- Merci bien ! Il n’y a pas grand-monde, mais au moins vous ne prenez pas que des cafés.
Lylas se leva brutalement, saisit l’homme par le col et commença à l’interroger :
- Qu’[………………………….]
Rien. Aucun son ne sortait. Sa voix était muette. Elle ressentit un bruit sourd, un sifflement comme un acouphène. Elle percevait vaguement la voix de Léo qui criait, l’air inquiet :
- Lylas, ça va ? Tu veux de l’eau ? Tu es vraiment bizarre depuis que tu es rentrée.
Elle se recroquevilla, se tenant la tête, et marmonna :
- C’est moi ? C’est moi qui suis bizarre ? C’est un cauchemar, qu’est-ce qu’il a fait ? M’a fait ? Quelque chose cloche...
Elle commença à trembler. Quelques larmes se dessinaient sur son visage. Les yeux grands ouverts, elle tremblait de plus en plus.
- J’appelle les secours.
Léo se dirigea vers le téléphone fixe posé à côté de la caisse. Quant à l’homme, l’air impassible, il s’approcha lentement de notre chère lieutenante tétanisée. Il se mit à son niveau et, d’un geste tendre, essuya délicatement ses larmes de la joue gauche. Elle s’arrêta de trembler au premier mot de l’homme, dont la voix lui paraissait soudainement familière.
- Ton instinct est remarquable, mais désolé, c’était nécessaire...
Elle se leva brusquement, sa voix, elle la connaissait ; comme enfouie dans sa mémoire. Une fois qu’elle reconnut Namida, elle ne put s’empêcher de le gifler si violemment que le son se propagea dans tout le bar. Un court silence s’installa ensuite. Léo se tourna rapidement, prenant un air si surpris que sa mâchoire en tomberait, il fit tomber le téléphone. Au fond de la salle, sept des individus prenaient leur élan, prêts à bondir en direction de Lylas. On pouvait ressentir de la colère à travers leur regard. Namida leva aussitôt la main droite et les sept s’arrêtèrent immédiatement dans leur mouvement.
- Je l’ai méritée, celle-là !
S’esclaffa Namida en posant sa main sur la tête de Lylas, puis il marcha vers sa table. Les sept se rassirent tout en transperçant Lylas du regard :
- Eh bien, tu ne viens pas ?... Ma chère lieutenante, on sera plus tranquille.
Namida regagna sa place calmement. Après avoir réalisé qui il était, Lylas s’approcha de la table d’un pas pressé. À un mètre de celle-ci, elle ressentit un léger mal de mer. Elle cligna des yeux et vit une scène qu’elle ne pourrait oublier. Mû faisait la moue, ainsi que deux autres personnes qu’elle n’avait jamais vues. Deux autres se chamaillaient pour de la nourriture, le reste mangeait et buvait tranquillement en discutant. La scène, sous ses yeux, paraissait irréaliste, lunaire.
-Je… heu… j’hallucine ! Attends, c’est quoi ce bordel, tu m’expliques ?
Elle regarda en direction de Léo, qui essuyait des verres fraîchement sortis du lave-vaisselle, l’air de rien. Elle fusilla alors Namida du regard et commença à poser toutes les questions qui lui passaient par la tête. Il sirotait paisiblement son cocktail.
- Tu crois vraiment que je vais répondre à toutes ces questions d’un coup ? Déjà, assieds-toi et présentes-toi, c’est la moindre des choses.
- Tu te permets de me donner des ordres maintenant ?
- Qui a giflé qui ?
Demanda Namida en fermant l’œil gauche tout en la regardant. Lylas prit place entre Mû et une elfe aux cheveux bruns et aux yeux argentés. L’elfe semblait plus jeune que Lylas. Elles se regardaient toutes les deux avec une grande curiosité. Mû, exaspérée par la situation, commença à protester :
- Et donc, ça fait aussi partie de votre plan ! Comme par hasard, ce soir, la brune à lunettes débarque. Alors que nous fêtons ENFIN nos retrouvailles !
- Tu devrais montrer un peu plus de respect pour « la brune à lunettes », comme tu l’appelles. Elle a fait un très bon travail. Bien, veux-tu te présenter ?
- Je… Je m’appelle Lylas, lieutenant des forces de police.
Il y eut un long silence. Lylas prit son verre et le but d’une traite. Léo la regarda en riant bêtement et commença la préparation d’un autre. Un homme légèrement vêtu, avec des cornes bleu glace, se leva plein d’entrain :
- Moi, c’est Vilgor, chef des dragons de glace et voici…
- Ana ! Son bras droit, et fier dragon !
- À mon tour ! Je suis Ako, son bras droit et dragon aussi. En face, tu as…
- Rassure-toi, je peux me présenter seul, l’écailleux. Je me nomme Aloïsse, cheffe de la tribu des chats à sept queues et voici Eléanore, ma petite sœur. Elle n’en a pas l’air, mais elle est très douée et expérimentée en matière de mission, bien qu’elle soit très timide avec les étrangers.
- Je me présente, Plume, une des dernières elfes qui existent.
- Quant à moi, je m’appelle Yrebo. Je suis... un être normal comparé aux autres, bien que je sois le seul survivant de mon univers.
"- Nous sommes les sept Larmes ombrales, ravi de faire ta connaissance."
- Dragons ?... Chats ?... Elfes ?... Les Larmes ombrales ??
Lylas se secoua la tête de gauche à droite, elle n’en revenait pas de rencontrer enfin les fameuses Larmes. Tous se mirent à rire de Lylas. Léo apporta le second cocktail à Lylas qui se secouait encore la tête.
- Tiens, voici le second.
- Merci Léo, je vais en avoir besoin.
- Quoi, on t’a demandé en mariage ?
Il retourna derrière son comptoir tout en riant. Lylas rougit brièvement puis but la moitié de son verre. Lorsqu’elle fut réinstallée, elle remarqua le regard insistant des sept Larmes qui étaient captivées. Elle voulait se faire plus petite, mais c'était impossible ; six d’entre elles commencèrent à lui poser des tas de questions tantôt pertinentes, tantôt absurdes. Lylas ne pouvait cacher sa confusion. Plume demanda alors :
- Maître, que boit-elle ? Du jus ?
- Ce n’est pas pour toi, pas en mission, et encore moins pour notre petite Mû.
Mû aussitôt prit le verre de Lylas :
- Premièrement : qui vient ici dès qu’il est libre ? Deuxièmement : moi aussi je peux boire. Et troisièmement : je ne suis plus une enfant, j’ai eu mes 20 univers il y a peu. L’auriez-vous oublié ?
Elle but l’autre moitié cul-sec ; presque tout le monde allait l’en empêcher. Un bref instant passa. Et six des Larmes ombrales se prirent la tête d’une main, l’air exaspéré. Namida et Vilgor, quant à eux, se tordaient de rire. Tandis que Mû s’approchait de Lylas titubante, l’intensité de son regard vers elle devint électrique. Elle commença un interrogatoire des plus rigoureux. Plume soupira :
- Pourquoi fais-tu ça, maître ? Tu sais pertinemment qu’elle ne tient pas l’alcool.
- Ah ! J’ai mal au ventre. Justement, elle ne se détend jamais. Il faut bien qu’elle relâche parfois la pression ainsi que son contrôle d’énergie. Si je lui demandais, jamais elle n’accepterait. Jamais...
- Tu la connais si bien alors que c’est la dernière. Quel sera le nom du rang de Mû ? Y as-tu déjà réfléchi ?
- Oui, ce sera le Pétale en Larmes.
- Un bien beau nom.
Alors que Mû criait sur Lylas, qui était confuse et répondait tant bien que mal aux questions, le reste des Larmes ombrales écoutait attentivement chaque réponse. Namida se leva, alla chercher un verre d’eau et revint vers Mû. Une fois à côté d’elle, il lui tapa sur l’épaule avec l’index. Elle se retourna et il lui jeta le contenu du verre en pleine face. Ses yeux se fermèrent lentement, elle s’évanouit dans les bras de Lylas.
- T’es vraiment horrible, tu t’en rends compte ?
Yrebo répliqua à Lylas :
- Horrible pour ça, ça arrive à chaque fois qu’une occasion se présente. Lorsque l’on pratique un entraînement de contrôle, là on peut dire qu’il est horrible, sadique même. Heureusement, cet entraînement est effectué uniquement par les Larmes. J’imagine même pas ce que peuvent ressentir les Larmes de rang au-dessus.
- Le rang au-dessus ? Il existe d’autres Larmes ? Combien êtes-vous ? Combien de Larmes ?
- Quinze au total, il y a...
- Nul besoin d’en dire plus pour le moment, Yrebo.
- Mais maître, tu l’as laissée voir à ta perception. Elle est en droit d’en savoir plus sur nous, la cité, sur toi.
- Non, pas pour le moment.
- Savoir quoi ? Que dois-je savoir ? Dites-moi s’il vous plaît… J’en ai assez d’être ton pion.
- D’ici deux mois, au mois de septembre, ils apparaîtront. Sonnera le temps des révélations. Tu as fait du bon travail en remettant ton magnifique rapport à l’ONU.
- Donc tu me laisses sur la touche comme ça, je ne te suis donc plus d’aucune utilité !
Lylas, folle de rage, sortit du bar en courant. Alors que sa silhouette disparaissait dans la nuit, l’entièreté des Larmes ombrales dirent :
« - Là tu es horrible, aussi bien pour elle que pour toi. Tu fais toujours tout pour que l’on te déteste. »
- C’était la meilleure option, croyez-le ou non.
« - Dit-il... »
Namida soupira. Puis il afficha un sourire machiavélique en se tournant vers les Larmes ombrales, qui eurent un frisson :
- Alors comme ça je suis horrible, sadique même lors de vos entraînements ? Une heure de contrôle d’énergie par jour pendant deux mois en plus de vos missions respectives. Rassurez-vous, il y en aura pour les autres.
"- Yrebo !! Tu soules, tu pouvais la fermer ?"
- Désolé, j’ai merdé là. Je sais...
- Attendons déjà que la petite Mû se réveille, vous commencerez demain. Fêtes ce soir !
- Qui est-ce que vous appelez "la petite" ?
- Ce n’est pas très sympa pour les autres de faire semblant de dormir pour échapper à l’entraînement. Double dose pour toi !
Mû en ressentit un frisson d’effroi. S’ensuivirent des rires, et les festivités reprirent.
Au même instant, par-delà les horizons, dans un autre univers, dans la cité en pleurs. Dans une grande salle dont le ciel était sombre et le sol lumineux. Il y avait un fauteuil large au centre, autour trois fauteuils. Ils formaient un cercle si on les reliait. Un peu plus loin, il y en avait cinq, eux aussi formaient un cercle. Encore plus loin, sept fauteuils et pareil. Le centre n’était autre que le fauteuil large. Sur deux des trois fauteuils se tenaient deux femmes, l’une avait de longs cheveux blancs et des yeux rouges sang. Elle était vêtue d’un kimono blanc et d’un haori noir, elle portait un collier en forme de fleur de la même couleur que ses yeux. L’autre avait des cheveux blonds presque blancs en carré, munie d’un long manteau à fourrure blanc immaculé. Elle portait une chemise et un short noirs. Sur sa tête se dressaient des oreilles de renard blanches, dans son dos sa queue de renard blanche aussi. Pendant leurs conversations des plus sérieuses, un officier entra et annonça :
- Dame Amaryllis, maîtresse Light. Maîtresse Shadow est de retour.
Une femme aux oreilles de renard noires et aux yeux turquoises entra tout en faisant gigoter sa queue de renard. Elle avait les mêmes vêtements que Light, mais de couleurs opposées, et elle avait des cheveux noirs qui lui arrivaient jusqu’à la moitié du dos. Elle fit signe aux deux femmes assises, qui la regardaient en souriant. Soudain, les trois s’arrêtèrent, tétanisées. D’une voix tremblante, Shadow salua Amaryllis et Light d’un signe de la main inexacte :
- Salut Ama !... Yo... sœurette !
Les deux femmes assises, de la même voix et le visage crispé, lui répondirent :
- Bon retour à la maison, Shadow…
- Tu en as mis du temps, sœurette…
Toutes les trois poussèrent un cri d’horreur et se prirent la tête avec les mains. Elles se regardèrent ensuite, craintives :
- Vous pensez comme moi ? Les jumelles ?
- Pas de doute possible, Amaryllis… Ton mari, notre tendre ami…
- Ama… Light…
Les trois crièrent ensemble :
- Il veut encore nous entraîner !!!
L’officier demanda :
- Pardonnez mon impolitesse, mais tout le monde dans la cité connaît cet entraînement, mais personne, mis à part les Larmes, ne l’a pratiqué. En quoi est-il si terrifiant ?
Les trois Larmes reprirent leur calme tant bien que mal, puis regardèrent en direction d’une étoile.
- Tachons de ne pas le décevoir. Il nous a donné une part de son contrôle, c’est notre devoir.
Les trois femmes acquiescèrent et commencèrent à rire ensemble paisiblement.
Dans d’autres univers, les combats étaient intenses. Cinq individus menaient cinq escadrons de 75 membres au total. Ces cinq individus n’étaient autres que les Larmes étincelantes. À leurs ordres, un escadron de 25 membres pour chaque Larme. L’ensemble de ces 80 personnes formait le bataillon d’extermination. Les cinq Larmes étincelantes commençaient à échanger grâce à la toile de communication magnifiée.
- Franchement, il est sérieux ? Vous avez vu la tonne de boulot qu’il nous refile ?
- Calme-toi, Yu, on est en plein travail là. Concentre-toi sur ta mission, petit chaton.
- Répète un peu pour voir, Valou le toutou !
- Vous pouvez calmer ces deux-là !
Les deux crièrent :
- On t’a pas sonné, l’araignée détraquée.
- Dites-vous ?
Questionna ironiquement Hybile tout en s’esclaffant. Les deux hommes grognèrent tandis que la femme riait aux éclats.
- Ils sont vraiment incorrigibles, ces trois-là. Alors que les combats font rage…
- À qui le dis-tu, Eien…
- Où en es-tu, Scarlett ? J’ai bientôt fini, besoin d’aide ?
- Vas plutôt corriger un de ces trois-là.
- Pas faux, j’y vais dès que nous les aurons exterminés ici.
- J’irai en voir un autre d’ici 5 minutes.
Tout le bataillon reprit les combats avec ferveur. Diverses lumières étaient visibles au loin, de toutes les couleurs. Des ondes silencieuses détruisaient parfois des planètes, des systèmes...
Au loin, des combats, des ombres sans forme, gigantesques, qui se condensaient de temps à autre. Tout était aussi brutal que silencieux dans le monde supra-galactique, à la Terre, où régnait une atmosphère douce et paisible. La menace pesait sur l’univers de la Terre, encore dans le domaine non visible.
Lylas, à bout de souffle, s’arrêta et s’assit sur un banc du jardin de l’hôtel de ville de Rouen. Elle commença à chercher son portable, mais se rendit compte que, dans la précipitation, elle l’avait oublié. Une main sortie de nulle part lui tendit. Elle ricana avec tristesse :
- Tu es vraiment ignoble, d’abord tu te moques ouvertement de moi, puis tu viens me consoler ? Quelle ironie du sort…
- Hmm… désolé, je vais t’expliquer.
- Expliquer quoi ! Le fait que tu me jettes car je ne te suis plus utile !
- T’expliquer qui nous sommes, ce qu’est la cité des pleurs, les Larmes, moi. Tout. J’espère que tu es prête à faire une nuit blanche ?
Elle acquiesça joyeusement, puis plus déterminée que jamais. Il sourit tendrement en la regardant intensément dans les yeux, ferma les yeux et se tourna vers le ciel étoilé. Il commença alors son récit…
« aide-moi ! »
- Deux mois, c’est tout ce qu’il nous reste. Lorsqu’ils arriveront, viendra la décision de Gaïa, notre divinité protectrice. Sa décision, puis la nôtre, et en fonction, tu rases notre univers ou tu le sauves, si je résume.
- Oui, je te prie de m’excuser de te mettre dans la confidence, mais garde ça secret pour le moment.
- Qui me croirait de toute façon ?
Elle se mit à penser au dossier qu’elle avait classé top secret pour l’ONU. Namida lui tendit un dossier épais. Elle lui arracha des mains et le feuilleta :
- C’est ça que tu cherches ?
- De quel droit oses-tu !!
- Il reste encore des choses à y inscrire, je me trompe ?
- Oui-oui… M. Namida qui sait tout !
Les premières lueurs du jour apparurent. Elle se leva, s’étira lentement, mais elle avait l’air ravi. Ravi de reprendre sa route par sentiment de devoir envers les siens. Ils se souhaitèrent bonne chance et se quittèrent ainsi, sans hésitation.
« sauve... nous... »
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Chapitre 5 :
Stratosphère, 31 août 2025,
Avant l’aube d’un jour nouveau.
Namida était face aux sept Larmes ombrales, placées devant un régiment de 60 soldats. Mû se tenait près de lui. Il prit un air conquérant :
- Bref, vous avez tous eu un dossier résumant la situation et vos premières actions. Je répète juste au cas où. L’unité d’infanterie 15, composée d’un guérisseur, d’un reconstructeur d’urgence et de deux combattants, se positionnera aux points cités en attendant la première vague ennemie. Les Larmes ombrales, vous vous situerez entre le premier et le second dôme, occupez-vous des plus gênantes dans un premier temps, pas le temps de toutes les faire. Positionnez-vous à mon signal.
D’un ton un peu craintif, Mû demanda :
- Et moi ?
- Tu me suis comme d’habitude, je m’occuperai de la toile de communication ici.
- Pardon ?? Je vous suis jusqu’au sanctuaire ?
- Tout à fait, tu auras peut-être un rôle important à jouer. Y a-t-il eu du changement chez les humains ? Chez elle ?
- Chez les humains, non. Chez elle, oui, mais légers, très légers.
- Oh ? Voilà qui semble intéressant.
Terre, 1er septembre 2025,
À l’aube d’un nouveau jour.
Namida soupira en regardant la planète bleue. Les premières lueurs du jour commençaient à être visibles. Sur Terre, les humains semblaient prêts à toutes éventualités. Chaque pays avait passé un accord, une trêve de conflit pour ce jour. Les casques bleus furent réquisitionnés eux aussi pour la journée. Le jour se levait enfin, le plus grand plan de surveillance avait été déployé. Tous les États étaient en alerte maximale. Alors que tous retenaient leur souffle, des cris funestes se firent retentir, frappant la planète d'une longue onde sonore. Puis un silence lourd. Soudain, dans le ciel de la Terre, une ligne d’ombre scindait les cieux terriens, comme si une ligne d’horizon s’y dessinait. Un vent de panique, de terreur, frappa alors la population mondiale. Tous les avions de chasse, tous les chars d’assaut et hélicoptères reçurent l’ordre de déploiement. Voyant un tel dispositif, la population regagna un peu d’espoir. C’était le plus gros dispositif des forces armées jamais mis en service. À sa tête, le GNU : Gouvernement des Nations Unies. Au siège :
- Mais quel… Sommes-nous vraiment de taille ?
Un soldat arriva en toute hâte et cria en position de garde à vous :
- Mes gouverneurs ! Nous détectons 68 sources d’énergies inconnues. Elles seraient au niveau de la stratosphère et... quoi ? On me dit que 60 d’entre elles seraient rentrées dans l’atmosphère en disparaissant, il n’en reste plus qu’une.
Les gouvernants de la Terre ne purent que crier de stupéfaction :
- Stratosphère, vous dites ? Puis l’atmosphère si rapidement…
- Nous… nous sommes foutus, c’est la fin…
- Mes gouverneurs, on m’informe que deux objets non identifiés de taille humaine descendraient en direction de l’océan Pacifique.
- L’océan Pacifique ? Pourquoi ? Peut-on déterminer leur trajectoire ?
- Affirmatif. La fosse des Mariannes…
- Le deuxième endroit le plus profond, le premier naturel ? Pour quelle raison ?
- Nous pensons que les deux objets non identifiés voudraient frapper au plus près du centre de la Terre et la détruire en un clin d’œil.
- Peut-on l’intercepter ? Quelle est leur vitesse ?
- Nous estimons leur vitesse à trois fois celle du son… Je donne l’ordre d’interception.
Le soldat repartit et les gouvernants de la Terre se rassirent, légèrement en sueur, terrorisés. Certains commençaient à prier, d’autres à simplement fermer les yeux. On put entendre dans toutes les langues de ce monde :
"- Que Dieu nous protège..."
Juste avant les cris funestes, Namida se tourna vers les cieux infinis :
- Eh bien, pour une surprise, bande d’impatients.
- Avez-vous vu le futur, maître ?
- Bien, tout le monde, petit changement de plan : je vous téléporte, vous serez en ligne droite vers votre position sur Terre, au niveau stratosphérique. Les Larmes ici présentes seront aussi téléportées, puis vous irez à votre position et ferez ce que vous savez faire de mieux ! Une fois en position stratosphérique, activez votre forme de combat astrale, je me charge du reste. Mû, tu restes avec moi. Ne me décevez pas !
Tous se préparèrent à la téléportation. Namida claqua des doigts et, en un instant, ils étaient dispersés à distance égale les uns des autres autour de la Terre. Lorsque Namida, à travers la toile de communication, fut informé que tout le monde était en position, il ferma les yeux sept secondes. De faibles éclairs bleus jaillissaient autour de lui. Mû cria alors à travers la toile :
« - Vite, alignez-vous sur la longueur d’onde du maître ! »
67 halos énergétiques pointant dans l’espace surgirent autour de la stratosphère, tous de couleurs différentes. Une ligne de couleur bleue relia les membres dispatchés, formant ainsi une forme géométrique. Namida ouvrit les yeux rapidement, la lueur bleue des lignes s’intensifia. Les cris funestes retentirent, l’onde se propageait à la vitesse de la lumière. Dès que celle-ci toucha la forme géométrique, un flash multicolore partant de la forme bleue dissipa la quasi-totalité de l’onde et la ralentit. L’onde frappa la Terre et la ligne d’ombre apparut. Les halos se dissipèrent dans l’atmosphère, puis disparurent dans le ciel de la Terre. Namida, accompagné de Mû, entra à leur tour dans l’atmosphère de la Terre sous la forme d’une boule de feu. Une fois dans le ciel, là où l’air était à peine respirable, ils dissipèrent le feu qui les entourait. Ils étaient maintenant en chute libre, vitesse Mach 3. L’ombre derrière eux grandissait à vue d’œil.
- Ici centrale, je répète. Ici centrale. À tous les pilotes présents dans un périmètre de 100 km autour de la fosse des Mariannes. Vous avez ordre d’intercepter les deux objets non identifiés humanoïdes. Tirez à vue, je répète, tirez à vue.
15 pilotes répondirent et se dirigèrent vers le signal radar des deux objets non identifiés. Le premier pilote sur place informa tous les militaires :
- Bordel, c’est lui. Eux. Ils sont en chute libre. Je le prends en chasse. XS-0925 à centrale. Demande d’autorisation d’utiliser tout l’arsenal disponible pour interception.
- Centrale au quinze pilotes chargés de l’interception, autorisation accordée.
Les quinze avions de chasse se lancèrent en piqué à la poursuite de Namida et de son assistante Mû.
- Maître, voulez-vous que je m’en charge ?
- Non, ton énergie est précieuse.
- Et donc ! Quel est votre plan ? Nous serons bientôt à portée de tirs.
- Suis simplement le mouvement.
- Le mouvement ? Je vous demande pardon ?
Namida rit succinctement, prit une grande inspiration, puis dit dans une langue plus qu’ancienne :
« Hanabira no Namidaame »
- Attendez ! Vous n’êtes pas sérieux là !
En une fraction de seconde, un katana à la lueur bleue profonde, ineffable, apparut à sa taille. Au même moment, une onde de plasma électrique colossale, à la même lueur, craqua le ciel. Elle dispersa les nuages aux alentours, laissant apparaître le ciel bleu avec cette ligne d’horizon macabre qui grandissait à chaque seconde. L’onde mit en déroute tous les avions de chasse à leur poursuite. Les pilotes ne purent que s’éjecter. L’onde de plasma se dissipa en une pluie de pétales. Namida saisit alors la poignée de son arme de la main gauche, l’autre main tenant le fourreau. Il ferma les yeux une microseconde, puis les rouvrit. Son œil gauche avait changé, le temps du coup. Il était maintenant vide et une multitude d’éclairs partant des extrémités de son œil convergeaient vers son centre. Il fit une dégaine rapide de son sabre, laissant place à un croissant de lune d’énergie magnifiée, bleu. Celui-ci allait tout droit vers la fosse, à une vitesse inouïe. Deux lueurs suivirent le croissant de lune, une bleue, l’autre violet pâle. Le croissant, au contact de l’océan Pacifique, le trancha net. Celui-ci continua sa course vers la fosse. Un tremblement de terre titanesque.
La Terre hurla comme blessée par l’entaille du coup. Le niveau des océans et des mers diminua comme évaporé. L’eau s’enfonçait dans la tranche. Beaucoup d’installations furent détruites par le tremblement, mais à la seconde suivante, quinze auras jaillirent à des points stratégiques, réparant ainsi petit à petit toutes les installations nécessaires au bon fonctionnement terrestre. S’en suivirent quinze autres auras, les blessés étaient guéris en quelques secondes. De petites ombres parcouraient le ciel comme une nuée d’insectes. Trente nouvelles auras s’élancèrent dans le ciel et engagèrent le combat. Dans les villes, on ne distinguait que des ombres un peu partout, qui disparaissaient dans des explosions lumineuses de trente couleurs différentes. Rien ne pouvait arrêter Namida ainsi que Mû dans leur descente vers les entrailles de la Terre, rien.
- Mû, ça va aller ? Il va faire extrêmement chaud !
- Ne vous en faites pas pour moi, concentrez-vous sur la mission !
Namida acquiesça tout en la regardant, le visage impassible mais légèrement inquiet. La pression et la chaleur grimpaient en flèche plus ils approchaient. Aux abords du noyau de la Terre, ils virent une île flottant sur une mer de lave. Au centre de l’île, on pouvait distinguer un sanctuaire avec une porte immense. À une centaine de mètres, Namida s’arrêta brutalement. Mû fit de même, à bout de souffle, elle semblait avoir utilisé beaucoup de son énergie pour rester en vie.
- Maître ? Pourquoi nous arrêtons-nous ?
- On dirait que ces lieux sont protégés.
- Protégés par ? Je ne vois rien...
Soudain, sorties de nulle part, quatre créatures mythologiques tout droit sorties des récits : un dragon, un pégase, un kraken et un colosse de glace. Les quatre se dressaient devant la porte pour la protéger. Face à eux, Namida, serein, se mit à parler en langue ancienne de la Terre :
- Nous ne vous voulons aucun mal, je dois juste parler à Gaïa.
Les quatre créatures resserrèrent les rangs, mais comprenaient visiblement Namida. Il ferma l’œil gauche ; au moment où il l’ouvrit, il était redevenu comme au moment de sa précédente attaque. L’expression sur son visage avait changé et son regard était chargé de colère et de tristesse. Les entrailles de la Terre se mirent à trembler, la mer de lave qui entourait l’île devint folle. Des colonnes de lave s’élançaient vers le plafond de roche pour s’y écraser. Tout fut recouvert de son aura bleue en un instant. Namida, d’un ton agacé, s’adressa à nouveau aux créatures :
- Je dois parler à Gaïa.
Les quatre créatures, dans un premier temps, stoppèrent tout mouvement, comme perdues dans leurs pensées. Ensuite, elles prirent peur et formèrent un passage vers la porte. Voyant cela, Namida reprit son air impassible, serein.
- Allons-y, Mû ! Nous n’avons pas de temps à perdre.
- Oui. Entendu.
Ils volèrent rapidement vers la porte, qui paraissait de plus en plus immense. Ils passèrent entre les quatre créatures. Toutes s’inclinèrent devant leur passage. Ils posèrent les pieds au sol. Face à eux, la porte, de la taille de la plus grande tour de Dubaï, s’ouvrit lentement, laissant place à la lueur d’une aura verte. Tous deux s’enfoncèrent dans cette aura faible mais des plus respectueuses. Mû regardait Namida, intriguée :
- Tu as des questions, je suppose.
- Oui, qu’avez-vous utilisé pour maîtriser ces quatre créatures qui, chacune, possède plus d’énergie que moi ?
- Hmm… Le partage constant de l’œil d’omniscience ne t’a rien révélé ?
- Cessez vos mystères, par pitié.
- L’aura d’omniscience… Elle permet à quiconque se trouve dans la zone d’entrevoir une part du futur, pendant quelques secondes seulement. Cependant, je dois m’aligner sur les lignes énergétiques des cibles. J’ai misé sur ça.
- Je ne sais pas si je dois être stupéfaite ou en colère face à votre insouciance. Et donc, qu’ont-ils vu ?
- Demande-leur, tu as un peu de temps pendant que je parle à notre chère Gaïa.
- Donc vous me le laissez avec… PARDON ?!
- À plus !
S’esclaffa Namida, laissant ainsi Mû avec les quatre créatures mythologiques. Dans la lueur verte qui s’affaiblissait seconde après seconde, Mû l’entraperçut au loin. Elle maintenait, avec le peu de force et d’énergie qui lui restait, son dôme de protection. Elle était épuisée, à bout de souffle, en sueur. La porte, qui se fermait lentement, laissa, dans son dernier entrebâillement, s’échapper une brise légère, portant la voix si faible de Gaïa :
« De grâce, fais quelque chose. »
La porte se ferma, mettant fin au prélude. Elle ouvrait ainsi l’acte principal, les révélations. Mû, des plus nerveuses de sa situation, ne s’inquiétait pas pour Namida, car elle savait que quoi qu’il arrive, sa décision serait juste. Juste pour la Cité des Pleurs, pour les autres univers et leurs habitants. Juste pour lui, lui qui ne voit que la victoire à portée de main.
« - À toutes les unités d’infanterie, retirez-vous ! Le maître est entré en contact. »
Plusieurs affirmations d’ordre reçues lui parvinrent. Elle regarda ensuite en direction de la porte :
- Bien, les vraies choses commencent. Restez sur vos gardes, maître. Revenez avec une réponse. Comme lorsque vous m’avez sauvée.
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Chapitre 6 :
Cité des pleurs, Salle des sièges,
20 univers auparavant.
- J’appelle les Pluies de Larmes dans la salle des sièges.
Amaryllis, Light et Shadow apparurent sur leurs sièges.
- Donc chérie, je suppose que ce n’est pas pour nous inviter à la taverne ?
- Nam ! J’ai faim !
- Shadow, laisse-le parler.
- Tout à fait. Un univers se meurt. Les trois divinités protectrices de cet univers ne m’ont pas sollicité, formant ainsi un trio de Calamités.
- Crétin de mari, penses-tu qu’elles représenteront une menace ?
- Quel rang de fléau ?
- Chacune, rang de fléau sans nom… Elles pourraient utiliser Trinity...
- Nam, on fait un duel ?
- Bref, on y va tous les quatre, ma chérie et mes plus chers amis.
« - Compris »
« Mon univers courait à sa perte. Ce que l’on appelait « l’Ombre difforme » grignotait la chair de nos trois divinités protectrices, ne laissant derrière elle que de faibles vagues de Mana. L’Ombre difforme les cristallisa, faisant d’elles des Calamités. Elles se mirent à nous dévorer corps et âme. Nos trois civilisations était avancée, au point de pouvoir voyager de l’une à l’autre, ainsi que d’utiliser la Mana ou la magie. Mais notre impuissance face aux trois divinités corrompues était telle que le berceau de nos trois civilisations se trouvait à bord d’un immense vaisseau. Tout espoir semblait perdu quand ces trois Calamités assoiffées nous rattrapèrent. Elles attaquèrent notre vaisseau, le faisant chavirer. Les quelques rares survivants nageaient dans l’océan étoilé. Sur un débris de vaisseau où j’étais réfugiée avec ma mère, l’une des pilotes du vaisseau, je voyais au loin mes semblables se faire dévorer, déchiqueter. Nous nous cachâmes sous d’autres débris, nous faisant passer pour mortes. Seulement, l’appétence de ces trois-là était telle qu’elles sentaient nos sources d’énergie. Il ne restait plus que nous deux. Elles se dressèrent face à nous, et ma mère, désespérée, me tendit aux trois Calamités. Celles-ci sourirent. Celles que je vénérais allaient maintenant nous anéantir, me dévorer. Ma mère dit ceci :
- Prenez-la, mais par pitié… Laissez-moi la vie sauve.
Je ne pus oublier les mots de ma propre mère qui m’abandonna pour sa survie. Cependant, elle fut absorbée en premier, me laissant seule face à ces trois Calamités.
Au loin, quatre lumières éblouissaient l’espace sombre, noir. Elles étaient ineffables, comme les lumières qui font disparaître l’ombre de la nuit. Alors que la Calamité du milieu attrapait ma tête, une lumière bleue des profondeurs apparut, plus vive que la lumière, coupa le bras de celle qui me tenait.
34
L’instant d’après, j’étais dans ses bras, puis il me tendit à une femme à la chevelure blanche. Elle était si belle… Alors que je pleurais à flot, elle me consolait, me câlinait. Deux femmes-renard étaient à ses côtés. L’une dit :
- Ama… sœurette… J’ai peur ! Nam est en colère.
- Oui, il est fou de rage. Il nous faut filer vite, ou il nous emportera.
- Reviens-nous vite, chérie…
Un sceau en forme de porte runique apparut. Mes dernières images de mon univers étaient celles d’un homme : Nam, vêtu d’un manteau bleu des profondeurs, se tenant face aux trois Calamités, fou de rage. Dans une langue plus qu’ancienne, il dit ceci :
« - Hanabira no Namidaame »
L’explosion nous propulsa dans le portail. À peine étais-je passée que je pus entendre un mot, un seul :
« Mû. »
C’est ainsi qu’il me nomma. Il me prit sous son aile et m’entraîna, faisant de moi son assistante. Je lui ai, par la suite, juré Loyauté et Dévouement. Il m’a donné une nouvelle maison, des amis, une famille. Comment pourrais-je le remercier… Mon maître, Hanabira Namida. »
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Chapitre 7 :
Terre, 1 septembre 2025,
14h00 UTC+0.
Alors que les unités d’infanterie disparaissaient une après l’autre, les ombres aux formes macabres lancèrent l’assaut sur les humains. La purge commença alors. L’effroi prit place, rien ne pouvait les arrêter. Les forces militaires étaient mises en déroute et détruites en un clin d’œil ; le reste des forces armées essayaient de protéger la population mondiale tant bien que mal. Tous les humains accouraient vers les abris qui étaient eux aussi pris d’assaut. Confusion, effusion de sang, extermination des humains… En quelques instants, la fin de l’humanité était visible de tous. Les forces calamiteuses ne laissaient que des corps asséchés, fripés, sans une once de vie. Les pertes humaines étaient innombrables. L’infrastructure terrestre tombait en ruine. Les forces calamiteuses ne laissaient que la désolation. Au siège de l’GNU :
« - C’est la fin… »
Certains dirigeants se mordirent la langue afin de mettre fin à leurs jours. Dans ce mouvement de désolation, le maréchal de l’armée française arriva, confus :
- Je viens au rapport, une dénommée Lylas Aurore : Lieutenante des forces de police françaises, m’a fait parvenir un rapport. Nous avons fini de l’étudier. Je vous envoie un résumé.
Tous ceux autour de la table lisaient avec la plus grande attention. Dès que celui-ci fut lu, une brise d’espoir se fit sentir. Ils se regardèrent et tous acquiescèrent. Le président de la France prit un air satisfait et commença à donner les directives :
- Faites-la venir, Maréchal, préparez aussi la diffusion.
- À vos ordres, mon président.
Il courut vers la sortie. L’ensemble de la table dirigea son regard vers le président français et le questionna dans la plus grande confusion :
« - Êtes-vous sûr de vous, Président de la France ? »
- Je pense que c’est la meilleure des solutions et la seule même. Nous sommes face à l’inconnu, des forces inconnues, impuissants... De ce vent d’apocalypse, que nous reste-t-il… Priez, nous tuer ou ce rapport.
« - Donc l’avenir de l’humanité, de la Terre, repose désormais sur nous et ce rapport, ces deux-là. Lui et la Cité en Pleurs. Notre choix. Quelle ironie du sort... »
- Préparons-nous tout de même à l’extinction…
Affirma le président français d’un ton solennel, mais qui voyait là un tremplin à sa carrière. Lylas, dans un aéroport militaire près de la capitale parisienne, s’apprêtait à monter dans un avion de chasse. Le temps n’est plus à l’hésitation, se dit-elle. Le temps presse, le GNU se préparait à révéler le rapport de Lylas à l’humanité. Elle prendra la parole et avouera tout ce qu’elle sait. Et l’humanité devra prendre une décision. Elle qui se considérait comme un pion, était maintenant devenue : la pièce maîtresse du salut de l’humanité. Assise, prête à décoller, elle regardait au loin.
Un regard ferme, déterminé et sans hésitation. Elle connaissait la marche à suivre, mais la timeline devait être respectée.
« - Vivre ou mourir ? N’est-ce pas, mon cher Namida ? »
L’avion de Lylas décolla, suivi d’un escadron de neuf autres avions. Ils s’élancèrent dans les cieux ombragés à vive allure. Au même moment, au centre de la Terre, au milieu du sanctuaire, Namida avançait calmement vers Gaïa qui était écroulée. Un souffle pouvait l’emporter, une brise… Namida, face à elle, se tenait droit, impassible comme toujours. Elle leva les yeux vers lui, dont la lumière avait presque disparu. Ses larmes commençaient à couler à flot. La bouche tremblante, elle le supplia :
- De grâce, sauve le berceau de l’humanité… Sauve les survivants.
- Est-ce là ta réponse ?
- De grâce, oui.
- Est-ce là ce que tu souhaites ? Ce que tu désires ?
Le ton de Namida se haussait. Gaïa, qui ne cessait de pleurer, dans ses dernières forces, le supplia encore une fois :
- De grâce… Hanabira, sauve-nous. Sauve-moi, je ne veux pas finir comme eux. Je ne veux pas que nous disparaissions dans l’oubli. Aide-moi à préserver l’humanité toute entière, je t’en supplie !!
Namida la regardait maintenant avec compassion. Il posa un genou à terre et l’enlaça paisiblement. Son aura l’enlaça elle aussi :
- Félicitations, jeune Divinité. La Cité des Pleurs a entendu ta requête et nous l’acceptons. Repose-toi maintenant, nous prenons la suite. Je mènerai à bien ton souhait et en ferai une réalité.
Gaïa, qui reprenait plus de force seconde après seconde, versa une dernière larme. Elle glissait sur son visage frêle, puis tomba lentement en direction du sol.
- De grâce, merci pour tout, je sais… Je sais ce que je dois faire.
- Bien, c’est à mon tour d’entrer en scène… Mû, protège-la, c’est ton rôle !
- Excusez-moi ?
- C’est un ordre !
- Décidément, vous êtes une véritable plaie !
Gaïa se leva, une fois ses forces retrouvées. Elle prit une longue inspiration et disparut en une multitude de lucioles vertes. Elle réapparut à l’intersection de l’équateur et du méridien de Greenwich. Elle était prête pour son discours, mais attendait quelque chose. Mû arriva à ses côtés, prêt à la défendre. L’humanité restante sentait l’apparition de leur Divinité protectrice. Lylas regardait au loin, dans sa direction. Elle s’adressa alors au pilote :
- Peut-on aller plus vite ?
- Affirmatif. Préparez-vous à passer la barre du mur du son.
Au moment où la barre fut franchie, une horde d’innombrables ombres se lança à la poursuite du convoi. La formation devint incertaine, les pilotes engagèrent le combat tout en se dirigeant vers le siège du GNU.
- On arrive dans combien de temps ?
- 2 minutes 30, mon lieutenant.
Les forces calamiteuses arrivaient à portée des avions. Ils lancèrent leurs rayons obscurs vers le convoi, qui les esquivait du mieux qu’il pouvait. Au loin, un colosse apparut et, en un instant, devint de la taille d’un humain, générant une large onde de choc qui fit vaciller les avions. L’ombre humanoïde sortit une claymore, la prit à deux mains et la pointa vers les cieux obscurs. Un cône partant de la lame en direction du ciel se dressa devant eux. L’attaque de l’ombre fut lancée. À l’instant où le cône si sombre allait frapper, Lylas ne put s’empêcher de fermer les yeux. Elle entendit alors un soupir lointain, si lointain comme s’il était venu d’ailleurs. Lylas rouvrit les yeux, tout était lumineux, rouge sang. Les ombres autour d’elles s’évanouissaient, emportées par cette lumière. Lylas reprit ses esprits avec un léger sourire. Le siège du GNU devint visible. Les avions entamèrent leur descente sans encombre. Lylas put entendre alors que la lumière rouge sang disparaissait dans l’océan Atlantique, la voix d’une femme sereine, paisible :
« - Va, petite brebis égarée. Accomplis ton devoir et surtout, ne le déçois pas... »
Lylas atterrit, bondit hors de l’avion et courut de toutes ses forces vers la salle de diffusion sans regarder autour d’elle. La horde, la nuée, le brouillard d’ombres ne faisait que croître dans le ciel. Chaque ombre qui apparaissait était de plus en plus grosse. Les tourelles de défense du siège ne cessaient de tirer. Elle fonçait droit comme une flèche. Quand soudain, quatre ombres humanoïdes se dressèrent autour de Lylas. Les quatre ombres sortirent une claymore et la découpèrent en quatre morceaux. Au sol, déchiquetée, alors que les ombres allaient maintenant l’aspirer, une plume de flammes violettes se posa sur son joug. Une étrange énergie fit trembler l’air autour d’elle et l’emporta dans un lieu inconnu. Le corps reconstitué, elle flottait maintenant sur les eaux d’un lac lumineux. Elle entendit alors une voix grave résonner dans cet espace hors des combats :
« Écoute, enfant de la Terre,
De toutes les sources d’énergie magnifiées,
Seule une est la plus brillante.
Mais elle est trop loin… si loin des autres.
Totalement hors d’atteinte.
Seulement, elle ne peut que scintiller au loin, seule.
C’est seulement ainsi, que les autres pourront la voir clairement.
Seulement ainsi, qu’elle pourra les guider… »
- Qui es-tu ? Où suis-je ? Suis-je morte ?
« Le lac de finitude.
Je me nomme Aoi, chef des derniers Phoenix.
Son fier ami,
Regarde au-delà de la douleur. Au-delà du temps.
Ne l’as-tu pas déjà fait ?
N’aie crainte, mes flammes te protégeront.
Va de l’avant,
Ne regarde pas en arrière,
Il n’y a nulle part où aller.
Je sens en ton âme un devoir à accomplir. »
Soudain, dans un tourbillon de flammes violettes, le lac l’aspira dans ses profondeurs. Puis elle reprit connaissance, juste avant l’attaque des quatre ombres.
À peine avait-elle eu le temps de réaliser la situation qu’un Phoenix aux flammes violettes, immense, balaya les quatre ombres d’un battement d’aile. L’autre la protégeant :
- Va ! Continue ta course, je vois dans tes yeux qu’il te reste des choses à faire. Je protège cet endroit.
Il déploya ses ailes pour la laisser passer, elle le regarda brièvement en acquiesçant et, de sa plus forte impulsion, reprit sa course. Une fois entrée dans l’enceinte du siège, le Phoenix prit son envol et fit un cercle autour de celui-ci, une bulle violette l’entoura. Le Phoenix se posa au sommet de celle-ci. Il ouvrit grand les ailes et un rugissement surpuissant se fit entendre. Les ondes sonores balayèrent les plus petites forces calamiteuses. Des plumes enflammées apparaissaient alors à l’infini et, dans un sifflement strident, partaient dans tous les sens, tout droit vers les ombres restantes, les exterminant les unes après les autres.
- Il semblerait que ce soit mon tour, dis-moi, tout se déroule comme il le souhaite ? Toi qui partages une part de son omniscience.
- Aucune idée, je ne vois que le présent et vaguement le passé. Inutile de stresser à ce point, fais ce qu’il te semble juste.
- Tu as probablement raison, merci.
Gaïa se concentra, serra ses mains au niveau de la poitrine. Des lucioles vertes apparaissaient dans le ciel autour d’elle et se diffusaient vers les horizons, formant des cercles.
« - J’en appelle à vous, mes enfants. Nul besoin de me présenter, ma voix est enfouie au plus profond de chacun. Je vous offre ma protection à travers mes lucioles. Cette décision est irrévocable. Accepterez-vous celles-ci, mon autorité ? M’accepterez-vous ? De grâce, prenez le temps de trouver votre réponse.
Elle serra les poings aussi fort que possible et pria pour chaque humain. Les lucioles qui parcouraient la Terre entrèrent en eux, même ceux sans vie. À cet instant précis, l’humanité tout entière fut projetée dans une conscience collective. Les humains qui le pouvaient se mirent à prier, priant pour leur Divinité protectrice, acceptant ainsi sa protection, ce qui leur semblait être leur dernier espoir. Un silence régna, seuls les cris horrifiques des ombres se faisaient entendre. Quand soudain, les sirènes de chaque pays, chaque ville, retentirent. Les humains s’arrêtèrent de prier net et se regardèrent, intrigués. Une voix robotique se mit à répéter dans toutes les langues :
« - Ceci est une annonce du Gouvernement des Nations Unies, veuillez écouter. Je répète. »
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Chapitre 8 :
Siège du GNU, 1 septembre 2025,
15h30.
La voix de Lylas se fit entendre ainsi que celle des traducteurs. Elle commença son discours :
- Vivre ou mourir ? Quelle est votre réponse… Mes sœurs, mes frères. Je suis Lylas, lieutenante des forces de police de l’État français. J’ai rencontré par le passé trois fois celui qui vous semble être une menace. Celui qu’on a nommé : la catastrophe Namida. Sachez ceci, il n’est ni un ami, ni un ennemi pour le moment. Un simple observateur qui œuvre dans l’ombre. Il attend patiemment notre réponse.
Les ombres aspiraient toute forme de vie qu’elles trouvaient. Les forces militaires terriennes résistaient avec les faibles forces qu’il leur restait. La fin de l’humanité était si proche, il ne restait que peu d’humains, impuissants face à leur « purge »...
- Mais avant cela, laissez-moi vous raconter mes trois rencontres, ce que je sais de lui et de notre divinité, ce que j’ai vu, tout :
J’ai rencontré Namida pour la première fois sur mon lieu de travail, au bureau de police de Rouen ; il y a de cela un peu moins d’un an. Alors que je menais l’interrogatoire, à chaque phrase de Namida, un mystère encore plus épais sur lui-même, sa cité et ses connaissances se formait. Mais mon instinct me disait à l’époque de le croire ; croire en ses dires sur la purge qui aurait lieu dans un an, l’énergie magnifiée, notre Divinité protectrice…
Comme vous le savez, c’est aussi ce jour-là qu’il usa de sa force pour raser une partie de la ville de Rouen, et ce sans faire de victimes ; un simple avant-goût…
L’humanité se rappela alors cet événement ainsi que celui de Paris avec une profonde tristesse. L’humanité se sentit si impuissante qu’elle ne pouvait que pleurer, être en colère et stupéfaite face à un être : la catastrophe Namida.
- Ma deuxième rencontre se fit dans un parc. Il m’invita étonnamment dans un bar. Bien que cette rencontre fut des plus étranges au début, il fit le choix de partager avec moi une once de ses capacités : L’œil d’omniscience… Cet œil d’omniscience lui permet de converger la lumière du passé, du présent et du futur. Lui donnant ainsi accès à tout événement, quels qu’ils soient. J’ai vu l’ensemble du passé et du présent ; juste en ouvrant les yeux...
Il est aussi la source de l’énergie elle-même, lui conférant les propriétés nécessaires pour se développer en chacun de nous.
Les humains de la Terre, plus que surpris d’apprendre qu’un être possède l’omniscience tel un dieu, se demandèrent pourquoi ne pas les sauver maintenant ? La menace qui pesait sur eux était-elle trop grande ?
- Ma troisième rencontre eut lieu dans le même bar et fut des plus lunaires. Cette fois-ci, il était accompagné des Larmes ombrales. De valeureux compagnons d’armes, mais aussi des amis. Mû était aussi présente, son assistante ; que vous avez pu apercevoir à Paris à ses côtés. Probablement la plus fidèle. Tous baignaient dans le plus profond des respects. Pourquoi agit-il dans l’ombre, lui qui est si fort ? Pourquoi nous laisser choisir ? La réponse est simple : Il chérit la vie…
Il ne peut prétendre être un dieu, car ayant déjà anéanti des univers entiers, ce serait prétentieux. Seulement, il en a sauvé tant d’autres, plusieurs centaines de milliers !
Alors, je vous le redemande : vivre ou mourir ? Quelle est votre réponse ?
Lylas finit son récit. Un long silence plana, un silence de stupéfaction. Gaïa se mit à chanter. Le vent portait ses paroles au reste de l’humanité. Chaque humain écoutait attentivement, ahuri. Puis eux aussi se mirent à chanter à l’unisson, faiblement ; c’était la réponse de chacun. Ils décidèrent de s’en remettre à sa décision. Ils chantèrent de plus en plus fort. Pour une fois, l’humanité était d’accord sur quelque chose. Gaïa tendit alors la main vers l’horizon :
- Voici ma réponse, notre réponse. De grâce, accepteras-tu de sauver la Terre et tous ses habitants ?
Au loin, dans tous les univers, dans un grand hall de la Cité des Pleurs, toutes les unités d’infanterie avaient été convoquées. Elles faisaient face à une plateforme en hauteur, reliée par un long couloir. Dans celui-ci, on pouvait entendre faiblement des talons et trois voix de femmes. Celles-ci se rapprochèrent. Une fois sur la plateforme, toutes les unités se mirent au garde-à-vous face à elles, les trois Pluies de Larmes. Amaryllis s’avança au bord de la plateforme et s’adressa aux unités :
- Nous avons reçu l’ordre de nous tenir prêtes pour le déploiement. Les directives ne viennent que d’une seule personne. Light et Shadow vont vous faire un rapide debriefing de la situation actuelle sur la planète Terre, là où se trouve le maître. Vous devez être prêts à intervenir si on vous le demande dans les 5 minutes qui suivent. Aucune objection possible.
Light et Shadow s’avancèrent à leur tour et expliquèrent brièvement. Amaryllis reprit :
- Voilà la situation. Faisons en sorte que tout se déroule selon sa volonté. Compris ?!
Tous se firent un garde-à-vous puis sortirent du hall. Les trois Pluies de Larmes repartirent dans le couloir.
Alors que l’humanité chantait, priait, cinq longues minutes passèrent. Rien, aucune réaction de Namida. Mû, qui défendait de toutes ses forces Gaïa contre les forces ennemies, commençait à montrer quelques marques de fatigue. Gaïa serra alors les poings et serra la mâchoire :
- Hanabira Namida, de grâce…
- Mû, tu peux tenir une minute ?
- Vous en avez mis du temps à répondre, une minute mais pas plus !
- Je termine juste avec les lignes énergétiques qui parcourent la Terre. Et j’arrive !
Le noyau de la Terre se mit à gronder. Les éléments se déchaînèrent. On pouvait sentir quelque chose qui remontait à la surface. Au milieu de l’océan Atlantique jaillit une énorme colonne de lumière bleue. Une boule bleue, des profondeurs, plus scintillante que le soleil, remontait dans cette colonne, s’élevant dans les cieux. À cent mètres du niveau de la mer, elle s’arrêta. On distinguait une silhouette au milieu de la boule, les jambes croisées, assise dans le vide. La colonne s’évanouit, ne laissant que cette boule qui scintillait de plus en plus.
« - Hanabira no Namidaame »
Il apparut enfin. Dégaina son sabre lentement à l’horizontale. La boule scintillait si fort que la lumière du soleil en devenait risible. Une fois son arme sortie, il accéléra son geste, faisant ainsi exploser la boule, qui, dans son onde, annihila toutes les forces calamiteuses présentes dans le premier et le second dôme de protection, qui commençaient à s’effriter.
« - Chers humains, votre réponse a été entendue. Je ferai du souhait de votre Divinité protectrice une réalité. En guise de cadeau, une part de mon contrôle. »
Il leva son katana et dessina un cercle électrique vivement. Le cercle s’élança vers les cieux en grandissant, laissant apparaître l’espace et une planète au loin.
« - Je m’appelle Hanabira Namida, chef de la cité des Pleurs ! Venez, chers compagnons, et apportons le salut à l’humanité ! Ouvrons la voie, tel est notre devoir ! »
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Chapitre 9 :
« Pourrait-on dire qu’il s’agit de notre histoire ?… Nous qui sommes, à leurs yeux, si impuissants.
Pourrait-on dire que notre aventure commence maintenant ?… Alors que la leur débute avant la lueur du passé, l’origine ?…
S’agirait-il d’une partition de musique simplement dirigée par une seule et unique personne, mais dont l’orchestre n’est autre que la vie, nous ?…
Qu’importe, au final… Seul celui que l’on nomme Hanabira Namida connaît le futur, notre futur et celui de bien d’autres.
... Et à la fin… À l’acte final, il fera de mon souhait une réalité. »
Atlantique, 1 septembre 2025,
17h45 UTC+0.
400 gouttes d’énergie magnifiée sortirent du cercle, c’était la totalité des unités d’infanterie qui tombaient telles la pluie ; elles se placèrent derrière Namida. Elles s’inclinèrent face à leur chef. Puis 75 autres gouttes se placèrent entre l’infanterie et lui, c’étaient les cinq escadrons d’exécution. Le cercle qui laissait apparaître la planète où se trouvait la cité des pleurs se referma. À cet instant, un large sceau runique en forme de porte se dressa juste derrière Namida. En sortirent les Larmes ombrales ainsi que les Larmes étincelantes. Le sceau disparut et deux colonnes lumineuses, l’une blanche immaculée, l’autre noire plus que noire, se positionnèrent à côté de Namida. Light et Shadow en sortirent. La quasi-totalité des forces de la cité des pleurs était présente. Aux portes du second dôme, l’espace fut englouti par une ombre colossale. Elle apparaissait enfin, la Calamité, aux commandes de l’extinction de cet univers. Mû et Gaïa furent téléportées aux côtés de Light et Shadow ; Gaïa était plus que tétanisée en regardant la Calamité. Mû s’inclina :
- Maître, nous attendons vos directives.
Namida prit une longue inspiration :
- Que les unités d’infanterie se positionnent aux lieux stratégiques sur Terre, elles seront commandées par Mû, faites ce que vous avez à faire. Les Larmes ombrales, vous vous occupez des ombres condensées petites et moyennes, les Larmes étincelantes des grosses et viendrez en soutien sur les moyennes. Je me charge de la Calamité. Light et Shadow, vous défendrez Gaïa et Mû éliminez les forces à vue ; tout en malaxant votre énergie magnifiée pour lancer la Trinité. Aoi, tu rentres à la cité des pleurs pour soutenir Amaryllis au cas où. Vous avez cinq minutes pour être prêtes. À tous, autorisation d’utiliser la forme astrale. Compris ?
« - Si tel est votre volonté ! »
- Début de l’annihilation quand je m’élance. En position !
Tous prirent position. Prêts à agir. Aoi, le Phœnix violet, s’envola vers la cité des pleurs. Light et Shadow se regardèrent et sourirent :
- On t’en donne trois, Nam, va falloir mettre bouchée double !
- Calme-toi, Shadow, toujours aussi ingérable dès que tu le vois.
Namida s’esclaffa :
- On dirait que les sœurs jumelles ont atteint un nouveau sommet, l’astrale éveillée, n’est-ce pas ?
- Nam ! C’est pas juste, on peut jamais te faire de surprise !
- Comme toujours, il sait tout…
- Un petit cadeau pour vous deux, ma forme astrale éveillée pour ce combat. Concentrez-vous sur votre mission, en particulier sur la Trinité. Je m’alignerai à vos longueurs d’onde.
- Nam… t’es vraiment trop sadique…
- Shadow, faisons ce qu’il dit…
Les trois fermèrent les yeux. La Terre, le système solaire, l’univers terrestre se mirent à trembler. La pression de l’air autour d’eux ne cessait d’augmenter. Ils ouvrirent les yeux et les éléments se déchaînèrent, créant des cataclysmes partout sur Terre :
« - Éveille-toi, Ô, Lumière immaculée. »
« - Éveille-toi, Ô, Ombre gloutonne. »
« - Éveille-toi, Ô, Larmes en pluie de pétales. »
Namida, Light et Shadow passèrent en forme astrale éveillée. L’onde des trois énergies fut telle que les deux dômes de protection explosèrent en pluie de pétales, laissant passer ainsi toutes les forces calamiteuses et la Calamité. Mû cria :
- À toutes les unités, préparez-vous ! Le maître va prendre son envol !
Une fleur de cerisier bleue gigantesque apparut au-dessus de Namida. Il prit légèrement son élan et sauta en direction du centre de la fleur à toute vitesse. Puis, prit appui sur la fleur et s’envola vers la Calamité à la vitesse supra-lumineuse. L’onde de choc éclata la fleur, l’eau de l’océan en dessous se dispersa, créant ainsi un trou immense et un tsunami titanesque. Il filait plus vite que la lumière. Mû regardait les traces lumineuses qu’il laissait derrière lui.
« Vitesse supra-lumineuse… Celle du maître est quasi similaire à une téléportation. Il ajuste en fonction de la distance. En soi, c’est un déplacement instantané n’importe où il le souhaite. »
Namida arriva face à la Calamité, empoigna son katana, arma son coup et le sortit aussi vite que la lumière. Au même moment, la Calamité se condensa et les forces calamiteuses présentes dans cet univers furent aspirées par la bouche humanoïde de la Calamité. Celle-ci prit une forme énergétique supra-condensée. Dans l’une des mains de la Calamité, qui se dessinait en une forme draconique et humaine, jaillit une hallebarde. Les deux armes s’entrechoquèrent, l’onde créée emporta alors toute la matière sur son passage. À 179 secondes avant la Trinité, le combat éclair entre Namida et la Calamité débuta. Ils semblaient de force égale, aucun des deux ne prenait l’ascendant. À chaque coup, des ombres étaient créées et se dirigeaient vers la Terre. Les forces de la cité des pleurs engagèrent le combat à leur tour, annihilant les forces ennemies. Mû regarda en direction de Namida :
- On peut savoir ce que vous faites, Maître ?
- Eh bien, je l’affaiblis un peu, pourquoi ? Ça reste une calamité : niveau fléau mangeur de dieux.
- Donc vous vous amusez, en gros… Il vous reste 130 secondes, serez-vous prêt ?
- T’inquiète, 30 seront suffisantes. J’arrive dans 32 secondes. Je te laisse !
Namida soupira, toujours impassible :
- Bon. Finissons-en…
La Calamité déploya encore plus d’énergie, se téléporta derrière Namida pour lui trancher la tête. Au moment où la lame allait frapper, une bulle autour de Namida surgit et grandit jusqu’à 15 mètres autour de lui. Tout le temps s’arrêta dans cette bulle, même la Calamité et son arme. La seconde d’après, Namida donna un violent coup de pied dans l’abdomen de la Calamité, si violent que celle-ci fut projetée à une année-lumière en direction du centre d’une galaxie. Namida rangea son sabre, ferma l’œil droit. Son œil d’omniscience regardait vers le noyau de la galaxie. Il l’attrapa, celui-ci, au loin. La gravité elle-même commença à augmenter au niveau du noyau, aspirant la Calamité, prisonnière. Namida prit la poignée de son katana et se positionna pour frapper. Un tremblement des univers retentit et une colonne bleue jaillit, traversant l’espace intersidéral, ondulant. Tandis que la colonne s’effaçait, la lumière des étoiles était aspirée par le fourreau. Alors que le noir complet régnait, le scintillement bleu » » profondeurs des premiers centimètres de la lame de Namida apparut, illuminant ainsi l’Univers. Il se téléporta face à la Calamité prisonnière et fit alors 52 coups éclairs lacérant tout sur son passage, notamment le noyau qui la contenait. Chaque coup déformait l’espace-temps, qui semblait lui aussi tranché. À chaque tranche, l’on pouvait voir comme une vitre brisée. Au 53ème coup, l’assaut fut fini. Il rangea son katana et cette partie de l’univers fut aspirée par la dernière lacération, apportant ainsi la Calamité dans l’oubli.
« - Tout est voué à retourner dans le passé, au néant. Sombre dans l’oubli, Ô divinité égarée... »
Namida se tourna vers la Terre et s’élança vers celle-ci. L’onde de propulsion fut aspirée par les derniers instants de la fente, se refermant à jamais. Les étoiles scintillèrent à nouveau, illuminant l’espace. Namida fila plus vite que la lumière. Alors que les deux jumelles éliminaient les plus grosses ombres autour de la Terre :
- Light, Shadow ! Prêtes ?
- Bien évidemment, Nam, c’est plus à toi qu’il faut demander ! Vu ton attaque, en plus t’as rien malaxé !
- Calme-toi, Shadow, reste concentrée sur la mission et la Trinité.
- Dans ce cas, commencez à fusionner vos sources, je m’alignerai à vous, j’arrive dans une seconde.
Light et Shadow revinrent aussitôt sur Terre, à une centaine de mètres de distance. Elles se posèrent sur l’eau de l’océan Atlantique. L’aura qui les entourait devint une colonne colossale de lumière et d’ombre ; celles-ci fusionnèrent. Namida arriva sur l’eau, à une centaine de mètres de Shadow et Light. Ils formèrent un triangle équilatéral :
- Ok, prêtes ?
« - Hmm~ ! Évidemment ! »
Namida fit apparaître une colonne bleue de la même taille. Les trois se mêlèrent et fusionnèrent sans problème, formant ainsi une seule colonne tricolore. C’est alors que les trois levèrent leurs armes vers le ciel, faisant ainsi converger un tiers de l’énergie déployée dans chacune. Les éléments se déchaînèrent à nouveau et la Terre trembla. Les trois frappèrent vers le centre de ce triangle. Ils dirent dans la langue la plus ancienne connue :
« - Ô, Trinity envole toi ! »
L’impact des trois coups créa un flash si puissant que toutes les ombres restantes furent immédiatement volatilisées ; toutes les infrastructures qui étaient détruites furent reconstruites. Ceux dont l’énergie avait été aspirée, les 8 milliards d’êtres humains, revinrent à la vie et les blessés guéris. Tout l’univers terrestre fut restauré à l’état d’avant l’assaut des ombres, mais sans celles-ci. La lumière du soleil transperça les nuages. Gaïa... Lylas et ses semblables n’en crurent pas leurs yeux ; c’était fini, enfin fini. Les forces de la cité des pleurs se rassemblèrent derrière Namida, les jumelles et Mû. Face à eux, Gaïa, bouche bée, les regarda :
« - C’était donc là sa puissance, peut-être juste un aperçu. Tout se plie à sa volonté, nul ne peut s’y opposer... Trinity, une des magies les plus anciennes ; permettant de faire ce que l’on souhaite de la matière, de l’énergie magnifiée. En sept minutes, il fit de mon souhait une réalité, notre réalité… De grâce, merci. »
Namida dit à ses forces de regagner la cité. Il ouvrit, une nouvelle fois, le portail reliant la Terre à la planète de la cité des pleurs. Les forces de Namida s’élancèrent telles des petites étoiles pour rentrer chez elles. S’ensuivirent les Larmes ombrales, puis les Larmes étincelantes. Il ne restait que Light, Shadow, Mû et Namida. Il les regarda :
- Allez, rentrons !
Light répondit :
- Tu ne vas pas lui dire au revoir ?
- Non, nous nous reverrons probablement.
- Probablement, dit-il…
- Toujours avec vos cachotteries !
- Nam, j’ai faim !! Un duel aussi !!
- Oui-oui, allons fêter notre retour. À la maison...
Ils saluèrent Gaïa et empruntèrent à leur tour le portail. On put entendre les derniers mots d’Hanabira Namida :
« - À bientôt... Dans 10 ans à Paris, sous la tour Eiffel… »
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Épilogue :
Cité des pleurs, Salle des sièges,
Une heure après la Trinité.
Les quinze Larmes prirent place sur leurs fauteuils. Namida était assis tranquillement au milieu des Larmes. Mû se tenait debout à côté de lui :
- Beau travail à tous, comme toujours. J’attends votre rapport, y compris le vôtre. Vous allez devoir vous expliquer !
- Sur mon combat contre la Calamité ou Trinity ?
- Votre insouciance vous perdra un jour…
- Oui-oui… ahah ! Au fait, il y a eu du changement ?
- Infime, les changements devraient être visibles d’ici quelques mois.
- Intéressant. Bien, en attendant…
Mû et les quinze Larmes eurent un frisson d’effroi et le regardaient avec terreur. Namida commença à rire aux éclats :
- Allons d’abord fêter la réussite de la mission, c’est moi qui régale ce soir !
Tous se regardèrent surpris puis sourirent mélancoliquement et acquiescèrent joyeusement. Amaryllis fit la moue :
- Moi qui pensais pouvoir passer un peu de temps avec toi.
- Nous aurons tout le temps après, ce soir je rentre à la maison.
- Encore faudrait-il que Shadow te lâche un peu.
Shadow, qui était des plus excitées, ne put se retenir. Elle passa en mode astrale éveillée et attaqua subrepticement Namida. Avant d’arriver à portée de coup, alors qu’Amaryllis allait parer l’attaque, Light donna un violent coup de poing sur la tête de Shadow. Celui-ci l’envoya au sol, qui trembla sous l’impact :
- Crétine de sœur, calme-toi ! Tu auras tout le temps plus tard.
- Décidément, Shadow, tu es toujours aussi impulsive.
- Ama… Sœurette, vous n’êtes pas cool !..
Light s’assit sur sa sœur. Namida s’esclaffa, se leva et posa une main sur la tête d’Amaryllis :
- Eh bien, Sha, toujours pleine d’entrain ! Tu pensais vraiment m’avoir comme ça ?
- Chérie, ne la provoque pas non plus…
- Nam, un jour je serai à ta place ! Je te surpasserai !
- Ahah, fais donc ! Je pourrai enfin prendre ma retraite !
- Calmez-vous tous les deux.
- Sœurette ? T’as pris du poids ?
- Répète un peu ?
Alors que les jumelles commençaient à se disputer, Namida se mit à rire aux larmes. Toutes les Larmes le suivirent. Mû soupira :
- Même en 2,5 univers après votre quatrième tragédie et 30 ans après votre réincarnation ; certaines choses ne changeront jamais. Votre insouciance à vous quatre m’exaspère au plus haut point.
Namida et l’ensemble des Larmes se mirent à rire encore plus gaiement.
- Désolé, ce fut long, mais je suis enfin de retour pour honorer ma promesse. La promesse de se retrouver. D’ailleurs, accueillons le Pétale en Larmes, notre chère Mû. Comme à son habitude, son travail est remarquable. Elle a même sa forme astrale !
- Depuis quand êtes-vous au courant ?
- Quand vas-tu me tutoyer ?
- Je voulais garder ça secret…
- Penses-tu pouvoir tromper mon œil gauche ?
- D’ailleurs, j’attends également vos… tes explications quant à celui-ci.
- Allez ! Direction la taverne, il est temps de célébrer nos retrouvailles !
Tous poussèrent un cri de joie et se dirigèrent vers l’un de leurs endroits favoris de la cité des pleurs, la taverne d’Anastasia : Le jardin des pleurs. Namida regarda au loin, en direction de la Terre, et sourit. Lylas, sur un banc, une cigarette à la bouche, regardait au loin, vers la cité des pleurs, et sourit.
« On a dix ans pour te prouver notre valeur, on va avoir du boulot, mais on y arrivera, je te le promets. Toi aussi, honore ta promesse et reviens nous voir. »
Elle vit une lumière bleue des profondeurs. Celle-ci lui fit parvenir cette phrase :
« Je te l’avais dit ? Que tout serait fini avant la tombée de la nuit. »
« Pourrait-on dire qu’il s’agit de notre histoire ?.. Nous qui sommes, à leurs yeux, encore faibles.
Pourrait-on dire que notre aventure a commencé ?.. Alors que la leur avait débuté avant la lueur du passé, l’origine ?..
Il s’agit d’une partition de musique simplement dirigée par une seule et unique personne, mais dont l’orchestre n’est autre que la vie...
Qu’importe, au final... Seul celui que l’on nomme Hanabira Namida connaît le futur, notre futur et celui de bien d’autres.
...Et à la fin de l’acte final, au début d’un nouveau chapitre…
10 ans après qu’il ait fait de mon souhait une réalité. L’humanité toute entière attendait avec impatience son retour. »
Paris, 1 septembre 2036
14h00.
Un périmètre de sécurité avait été établi autour de la tour Eiffel. Gaïa et Lylas se tenaient l’une à côté de l’autre et parlaient tranquillement. Une porte runique se dessina au pied de la tour. Cinq silhouettes prirent forme. Les médias du monde entier filmaient la scène. La scène d’une promesse honorée, car oui, c’était lui, Hanabira Namida, accompagné des pluies de Larmes et du Pétale en Larmes. L’humanité chanta alors « l’hymne de la Divinité : Gaïa ».
~La suite ? Peut-être, va savoir...~
~Mon origine ? Ou bien ?~
~la fin...~